Mesdames et Messieurs les
Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Nos routes se rejoignent enfin !
Nous nous sommes souvent rencontrés, souvent croisés depuis de nombreuses
années.
Nous voilà réunis aujourd’hui par
l’improbable cours du destin et la volonté du Président de la République,
avec les Secrétaires d’État, Jean-Pierre Jouyet, Jean-Marie Bockel et Rama
Yade.
Je sais nos différences, vos
riches différences : de droite, de gauche ou d’ailleurs, Européens,
souverainistes, réalistes, westphaliens, multilatéralistes, et aussi
militants des droits de l’Homme et humanitaires. Mais je sais aussi, au-delà
de ces différences, ce qui nous rassemble et que nous devons communiquer aux
Français : le goût du monde et la fierté de la France.
La diplomatie d’aujourd’hui se
forge dans la réflexion, le talent, la culture, la tradition que vous portez
et, plus encore, dans l’action. Elle doit affronter les dossiers les plus
brûlants dans les régions les plus difficiles : c’est là que la parole de la
France doit se faire entendre. Sans se faire oublier ailleurs.
Je sais toutes les vérités, tous
les clichés que l’on véhicule à propos de l’influence réelle de notre
pays. Nous savons la prégnance de l’économie, nous savons que l’Asie est
un continent majeur, que la Chine, demain, sera l’un des deux grands. Nous
savons que nos financements, hélas, sont limités et que nous sommes une
puissance moyenne.
Mais je sais aussi que nous
restons et devons rester un acteur important sur les théâtres du monde,
membre permanent du Conseil de sécurité. De l’Amérique latine au cœur de
l’Afrique, en Europe comme en Asie, dans les situations les plus
embrouillées et les plus dangereuses, on nous appelle. Nous devons
répondre à ces exigences sans négliger les autres terrains, de routine ou
d’exception. Nous ne pouvons pas décevoir.
C’est dans la difficulté et les
souffrances des crises que nous défendons au mieux nos valeurs. Là bas, nous
serons utiles à la communauté internationale que nous souhaitons servir. Là
bas, nous serons capables d’avancer avec l’Union européenne, de convaincre,
et d’entraîner les autres. Nous avons entendu ce matin le Président de la
République détailler les grands enjeux que nous devons affronter ainsi que
ses orientations pour y répondre. Le cadre de notre action a été clairement
tracé. Je voudrais ( ), pour ouvrir nos travaux, réfléchir avec vous aux
concepts qui inspirent notre diplomatie et à la pertinence de nos
instruments.
Ne nous perdons pas dans des
grilles d’analyse trop complexes. Nous savons qu’il n’y a qu’une seule
approche qui vaille : celle du terrain, épreuve redoutable, là où se
construit la diplomatie française, là où son efficacité est sans cesse mise
à l’épreuve.
Mesdames, Messieurs les
Ambassadeurs, le terrain c’est vous, c’est votre esprit d’initiative, votre
sens politique, votre détermination, votre courage. Pour analyser les
réalités du terrain, je partirai d’une expérience récente, ma visite en
Irak, pour tenter de tirer de cette crise majeure quelques réflexions qui
résument nombre des enjeux auxquels nous sommes confrontés, dans ce pays et
ailleurs. Autant d’interrogations pour guider les débats qui suivront.
En
Irak, nous prenons des risques ( ) J’ai pu constater à Bagdad dans quelles
conditions héroïques travaillent notre Ambassadeur, ses collaborateurs et
les gendarmes qui assurent leur sécurité, hors de la zone verte.
Là, au milieu de la ville
défigurée par les murs de béton anarchiques, entre les sirènes qui résonnent
au gré des attentats et les passants au regard de peur, la France reste
présente, au plus près de la population, au cœur de l’événement. Je sais
qu’il en est de même à Beyrouth ou à Kaboul ( ), et dans bien d’autres
postes, où nos Ambassadeurs et nos agents travaillent dans des conditions
difficiles, présents là où d’autres ont déserté.
Je tiens à saluer leur dévouement
et leur courage, comme je tiens à saluer la motivation et l’enthousiasme des
jeunes de cette maison que je croise tard le soir dans les couloirs du Quai
d’Orsay, prêts à reprendre le flambeau, passionnés par la diplomatie de la
France, souhaitant que notre pays se fasse mieux entendre.
Cette présence, ici et là-bas, mes
chers amis, c’est le premier risque que vous prenez. Prendre des risques,
c’est le premier moment de l’action. Le risque, y compris celui de l’échec,
est forcément fécond. Ne l’oublions jamais.
En
Irak, il y a d’abord des hommes qui souffrent. Je suis allé à Bagdad pour
écouter les Irakiens, pour porter au peuple et aux dirigeants un message de
solidarité. Il est difficile de savoir sur quoi débouchera cette visite.
Mais je sais que cette démarche humaine - le premier moment de la politique
- a été appréciée. Gardons à l’esprit cette nécessaire prééminence des
hommes sur les idées ou les institutions. Il y a là, peut-être, une réponse
aux interrogations sur le rôle de la France dans le monde.
Affirmer cela, ce n’est pas tracer
une diplomatie de la compassion, une conduite exclusivement humanitaire, un
lamento des droits de l’Homme réservé aux situations tragiques ; c’est
vouloir esquisser une diplomatie d’influence tournée vers les citoyens et
les sociétés.
En
Irak, nous sommes confrontés à la question de la puissance.
Autre interrogation, toujours à
Bagdad, sur la « puissance ». Face à la guerre civile et au risque de
désintégration d’un pays, la seule puissance militaire, qui fut efficace
pour faire tomber Saddam Hussein, est inopérante, incapable d’impliquer les
Irakiens dans la solution de leurs problèmes.
Elle est insuffisante à rétablir
la sécurité, clé de la confiance et de la reconstruction. Elle ne peut rien
contre les murs réels, encore moins contre ceux qui logent dans les têtes
des populations et de leurs dirigeants. Au contraire, elle les renforce.
Et elle débouche, en Irak comme
dans les Balkans ou en Afghanistan, sur ce que l’on appelle désormais des
conflits asymétriques : quelques semaines, quelques mois de campagne
classique suivis de longues années de gestion de crise. Sans parler du plus
difficile : la sortie hypothétique du chaos, la capacité à reconstruire un
pays et ses institutions.
Que l’on me comprenne bien : je ne
dis pas que la puissance militaire n’est plus nécessaire, qu’elle n’est plus
un enjeu, pas plus que je ne suggère une inefficacité a priori de l’usage de
la force. Je sais que les armées sont en rapport étroit avec les
diplomaties.
Je souligne simplement les dangers
auxquels conduit l’insuffisante intégration de la force dans une stratégie
politique. Nombre de développements récents l’ont confirmé : en Irak, les
États-Unis s’enlisent ; en Afghanistan, l’OTAN est rudement mise à
l’épreuve.
La primauté doit toujours rester à
la politique, à une politique humaine, respectueuse de l’autre, de celui qui
ne nous ressemble pas. Et la politique, mesdames et messieurs, c’est vous.
C’est votre capacité d’analyse, de compréhension, de projection,
d’anticipation.
Alors que le monde dans lequel
nous évoluons est de plus en plus incertain, cette alchimie diplomatique est
chaque jour plus précieuse. Nous assistons à l’affaiblissement des États,
nous voyons se multiplier les acteurs avec lesquels il faut compter,
réseaux, diasporas, médias, Internet, ONG, acteurs non étatiques divers,
intellectuels aussi : autant d’interlocuteurs qui remettent en cause notre
pratique fondée sur la souveraineté et les rapports entre États.
Cela ne veut pas dire pour autant
qu’il faille par principe refuser le rapport de forces traditionnel. C’est
là je crois l’une des grandes interrogations posées à l’Union européenne. Il
est indispensable de développer une culture commune de sécurité et de
défense propre aux Européens, ce qui exige un corps de doctrine commun. Le
Président de la République a évoqué ce matin le prolongement de la Stratégie
européenne de sécurité de 2003, qui suppose la détermination à renforcer nos
capacités et la volonté d’intervenir avec légitimité. Autant de paramètres
essentiels au développement de la Politique européenne de Sécurité et de
Défense et plus généralement de l’action extérieure de l’Union. Mais nous
devons parallèlement investir les réseaux, les cercles de pensée, peser dans
la bataille des idées, renforcer notre appui aux organismes de recherche,
aider à l’émergence de think-tanks, bref, conduire une véritable diplomatie
d’influence adaptée à ces enjeux nouveaux.
Je reviens en Irak. Au cours de
mon séjour à Bagdad, j’ai pu à nouveau constater l’influence considérable
des chaînes de télévisions arabes et américaines. Faute d’un audiovisuel
extérieur français puissant ( ), on ne nous entend pas assez. L’éclatement
de notre système audiovisuel extérieur, son manque de cohérence, de moyens
et de visibilité méritent une réflexion globale. Je souhaite que, d’ici la
fin de l’année, nous ayons abouti à une proposition concertée d’architecture
qui rapproche les opérateurs -TV5, France 24, RFI- et les mobilise vers de
nouveaux objectifs, tels qu’un grand portail internet commun.
Bagdad, à nouveau. Je m’y suis
rendu à l’occasion de l’anniversaire de l’attentat du 19 août 2003 contre le
siège de l’ONU, qui a coûté la vie à 22 personnes dont mon ami Sergio Vieira
de Mello et mes proches collaborateurs du Kosovo Nadia Younès, Fiona Watson
et Jean-Sélim Kanaan. Là aussi, au-delà du douloureux symbole, comment ne
pas voir dans cet attentat une interrogation sur le rôle de l’ONU et,
au-delà, sur l’approche multilatérale des crises ?
L’attentat du 19 août 2003
témoignait de ce que les Nations Unies, seul représentant légitime de toute
la communauté internationale, sont désormais une cible parmi d’autres.
L’action renforcée de l’ONU en Irak, que le Conseil de sécurité a enfin
appelée de ses vœux le 10 août, et que nous sommes décidés à conforter,
demeure tributaire des conditions de sécurité, et n’a rien d’une solution
miracle. L’impuissance de l’ONU, c’est notre impuissance. Les succès de
l’ONU ce sont nos succès.
Comment dans ce contexte mettre en
pratique un multilatéralisme efficace couplé avec une politique européenne
plus forte et plus cohérente ? Comment prendre à vingt-sept des décisions
sur de tels sujets difficiles et comment les mettre en œuvre ? Nous devons
répondre à ces questions.
L’Irak a été aussi révélateur de
cela, de cette difficulté européenne à assumer une politique extérieure
d’une seule voix, déterminée et audacieuse. Et Javier Solana, ici, n’est pas
en cause, bien au contraire. Nous vérifions cette difficulté sur l’un des
enjeux majeurs qui se pose aujourd’hui en Europe, celui du Kosovo. Prenons
garde sur ce dossier emblématique et difficile à la désunion des Européens.
Au-delà, je suis convaincu que le
nouveau traité européen représente une avancée très importante.
Je reviens à l’Irak : l’exemple
illustre aussi la modification de l’espace dans lequel nous agissons
traditionnellement. La diplomatie reposait sur la distinction fondamentale
entre les sphères nationale et internationale. Mais il est aujourd’hui banal
de constater que la mondialisation a largement remis en cause la notion de
frontière, notamment à travers le défi du terrorisme. Ainsi le paysage
moyen-oriental est-il marqué par une extension de l’arc de crise. Autrefois
relativement déconnectées, les crises se sont retrouvées liées :
Afghanistan, Iran, Irak, Israël et Palestine, Liban... nous savons que les
conflits se nourrissent les uns des autres et que leurs solutions seront
liées.
Au Liban, en Irak, en Afghanistan,
où les tensions entre communautés effacent peu à peu la nécessaire
conscience de l’unité nationale, par quels moyens serons-nous capables de
faire survivre cette évidence face à la barbarie quotidienne ? Peut-on
forcer les gens à cohabiter ? Comment aider à retisser le lien entre ceux
qui ne veulent plus vivre ensemble ?
Dépasser les frontières est certes
parfois salutaire, quand la solidarité et les droits de l’Homme transcendent
les Etats. L’ingérence, invention française, est désormais codifiée et
acceptée par les Nations unies qui l’ont rebaptisée « responsabilité de
protéger ». Comment, aujourd’hui, faire vivre ce concept ? D’autres
interrogations concernent la démocratie et les droits de l’Homme. Pour les
communautés irakiennes libérées du joug de Saddam Hussein, le chaos actuel
est-il l’aboutissement d’une politique fondée sur les droits des peuples ?
Respecter les hommes, se battre pour leurs droits, est-ce compatible avec
une politique efficace ? Hélas, le risque c’est que les droits de l’Homme et
le pluralisme politique soient assimilées par certains à une croisade de
l’Occident. Une politique soucieuse des droits de l’Homme est forcément plus
exigeante et complexe. Nous en discuterons lors de la séance plénière de
demain après-midi avec Rama Yade.
Je ne voudrais pourtant pas
conclure ces réflexions ( ) par une impression de résignation et
d’impuissance face aux tourbillons du monde. Nous, Français et Européens,
avons de formidables atouts, culturels, économiques, technologiques,
militaires.
C’est pourquoi, je souhaite en
venir à une deuxième série de questions sur notre appareil diplomatique, sa
pertinence et ses moyens d’intervention. Là aussi, pas de grille d’analyse
complexe pour tourner autour du pot. Il ne faut pas hésiter à partir de la
question la plus dérangeante, celle que vous vous posez chaque jour :
« avons-nous les moyens de nos ambitions ? » Je parle d’abord du budget de
notre Ministère, mais aussi plus généralement de notre capacité d’influence.
Bien sûr, comme d’autres l’ont dit
avant moi, je ferai tout pour maintenir et si possible augmenter nos moyens.
Bien sûr, je me suis battu pour conserver notre périmètre quand s’est posée
la question des attributions ministérielles au sein de ce nouveau
Gouvernement. Mais, à l’heure où nous rivalisons d’ambition pour construire
une diplomatie plus rayonnante, plus active, plus efficace, je ne veux ni
cacher, ni minimiser cet enjeu. C’est un problème lourd qui nous oblige à
faire preuve d’imagination.
Je pense évidemment ici à l’aide
au développement qui constitue une dimension essentielle de cette diplomatie
tournée vers l’homme. Avec Jean-Marie Bockel, nous entendons renouveler
l’engagement de la France aux côtés de nos partenaires, notamment Africains,
en appuyant leurs efforts de bonne gouvernance, de développement économique
et de cohésion sociale. Je souhaite bien sûr, et vous le comprendrez, que
notre pays reste à la pointe de l’action pour l’amélioration de la santé en
Afrique, en prenant de nouvelles initiatives en faveur du développement de
l’assurance maladie. Soyons convaincus de la réalité de ce « besoin
d’Afrique » pour la France, aussi fort que le besoin de solidarité de nos
partenaires en développement.
Nous ne nous en sortirons donc que
par le haut, en repensant globalement nos missions, nos priorités, en
convainquant nos interlocuteurs de leur utilité. A l’heure où chacun se
vante d’ambitions et d’actions internationales, il est fondamental de faire
apparaître et reconnaître les compétences uniques de notre ministère, sa
forte valeur ajoutée. Ce sera l’objet du Livre blanc sur la politique
étrangère et européenne de la France que le Président de la République et le
Premier Ministre m’ont demandé de préparer. Ce Livre blanc, je veux que nous
le rédigions ensemble, car ce travail doit marquer une date importante de
l’histoire de notre maison et préparer son avenir. Sur notre réseau, nous
devrons être déterminés. On ne comprend pas la complexité du monde seulement
depuis Paris. Notre présence doit demeurer universelle, mais différemment.
Il nous faut inventer de nouveaux modes de présence, en finir avec le modèle
unique. A diplomatie en mouvement, ministère en mouvement. Ni les postes ni
les missions ne se ressemblent. Il faut mettre de vrais moyens là où les
enjeux le justifient, dans les grands pays émergents d’Asie, d’Afrique et
d’Amérique latine ; être capables ailleurs de trouver des formes de présence
allégées ou partagées, par exemple avec des plateformes de service
régionales. Il faut aussi que les ambassades soient davantage en rapport les
unes avec les autres.
Ministère des Affaires
européennes, nous devons surtout être les premiers, sous l’impulsion de
Jean-Pierre Jouyet, à montrer l’exemple d’une mutualisation européenne de
nos réseaux diplomatiques, consulaires - j’insiste - et culturels qui soit
pertinente et efficace. La création du Service Diplomatique Européen, par
exemple, sera l’un des chantiers importants de la présidence française. ( )
Autre enjeu important de notre
organisation : notre capacité à répondre aux nouveaux défis des réseaux
d’influence et des réalités transnationales. Le traitement des « affaires
globales » dont on parle depuis si longtemps doit faire l’objet de décisions
rapides.
La question des moyens de notre
diplomatie est aussi celle de ses ressources humaines. Là non plus, je ne
voudrais pas céder au pessimisme. Nous devons et nous pouvons mieux utiliser
les ressources dont nous disposons. La gestion des carrières, par exemple,
doit être réformée. Elle doit nous permettre de nous exporter et
d’accueillir des talents variés. Et la mobilité à l’extérieur du Département
pour l’ensemble de nos agents d’encadrement doit être généralisée. Quant à
la mobilité interne, à l’appel rapide et à la réaction immédiate d’experts,
sachant nous inspirer de nos grands partenaires européens.
A mon arrivée, j’ai constaté que
le moral de cette maison n’était pas au plus haut. La contribution de
chacun, l’écoute, le dialogue social sont plus que jamais nécessaires.
J’aurai bientôt à mes cotés un « médiateur social ». Et, pour accroître la
transparence des nominations, je viens de créer, vous le savez, un Conseil
de Sélection chargé de proposer les candidats les plus aptes aux fonctions
d’ambassadeur. Cette procédure plus transparente sera étendue aux postes de
directeurs. Je travaille aussi à améliorer vos possibilités d’audition
devant les Commissions parlementaires.
Celles-ci, c’est une évidence,
doivent s’organiser au maximum autour des technologies de l’information.
C’est un impératif aussi bien en termes de coûts que d’efficacité et de
réactivité. Je veux créer pour vous, pour nous, un outil informatique qui
nous permettra de correspondre plus facilement, en temps réel, pour qu’au
delà des télégrammes diplomatiques, nous puissions bénéficier d’un vrai
courrier des ambassades, sécurisé bien sûr.
Pour les mêmes raisons, il nous
faut être davantage capable de travailler en équipes, avec, selon les
besoins et les missions, des acteurs publics, des collectivités
territoriales, des institutions, des grandes fondations, des ONG, des
entreprises, des universités et des chercheurs. Tous évidemment accompagnés
par le Département. Et travailler surtout avec les autres Ministères en
profitant de leur expertise, sans redouter leur concurrence. Le Ministère
des Affaires étrangères n’a pas vocation à savoir tout faire mieux que tout
le monde. Il n’en a pas non plus les moyens : c’est par le recours à des
talents extérieurs que nous serons plus efficaces, inventifs et réactifs.
Pour la formation des élites étrangères, travaillons avec les grandes
entreprises et les universités ! Pour l’aide à la démocratisation,
travaillons avec nos collectivités locales ! Nous n’y perdrons ni en
qualité, ni en efficacité, ni en élégance, au contraire. Et que nos
Ambassades, là où elles le peuvent, jouent pleinement un rôle de Cabinet
Conseil de la France.
Autre enjeu essentiel d’une
diplomatie moderne et efficace : notre dispositif de veille et de réaction
aux crises doit être amélioré. J’ai créé la première cellule d’urgence de
cette maison il y a bientôt vingt ans lorsque j’étais Secrétaire d’État
auprès de Roland Dumas. Elle ne s’est pas développée comme je l’espérais. La
signature de notre pays et son aide face aux malheurs des autres en ont
pourtant été plus visibles, plus lisibles, plus efficaces. ( )
Je suis persuadé que la France,
comme ses principaux partenaires, mérite un outil performant et réactif.
Nous le construisons actuellement pour mieux assurer la coordination de nos
capacités de veille, d’anticipation, de planification et de réaction,
qu’elles soient de nature politico-sécuritaire, consulaire ou humanitaire,
et plus encore lorsqu’elles mêlent ces différents niveaux. Ces quelques
dossiers ( ) que j’évoque brièvement, nous aurons l’occasion d’en parler
plus précisément mercredi en compagnie du Ministre des Comptes publics, Eric
Woerth.
Et bien entendu, l’action de notre
ministère ne saurait se résumer à la gestion des crises. Je suis très
attaché au travail de fond qui doit être fait pour promouvoir nos intérêts
économiques et notre rayonnement culturel. Très attaché aussi à
l’accompagnement par notre réseau de tous nos compatriotes qui oeuvrent dans
le même sens, de tous les Français de l’étranger qui jouent un rôle de plus
en plus important au sein de notre collectivité nationale. Nous en
reparlerons mercredi.
Mesdames, Messieurs les
Ambassadeurs, nous sommes inspirés par une même conviction profonde : le
rôle de la France sur la scène internationale, le rang qu’elle doit y tenir,
son ambition pour l’Europe, les valeurs universelles qu’elle porte. Ce sont
des atouts formidables pour notre pays. C’est pourquoi, et cela aussi sera
l’objet du Livre blanc, il est essentiel de définir et de mieux prendre en
compte nos intérêts nationaux. L’objectif de notre politique étrangère
demeure la défense et la promotion des intérêts de la France, la garantie de
sa sécurité intérieure et extérieure et sa prospérité au sens large. Mais
l’appréciation de nos intérêts ne s’applique pas seulement à ces ambitions
objectives. Elle touche aussi à l’image que nous avons de nous-mêmes, à la
fidélité à nos valeurs, notre vocation.
Les affaires internationales sont
aussi des affaires intérieures et elles concernent tous les Français. ( ) Il
faut rapprocher notre diplomatie des citoyens. C’est l’un des enseignements
du sondage que nous avons demandé à TNS Sofrès et que Brice Teinturier
commentera dans un instant. Avant de lui céder la parole, permettez-moi de
vous remercier sincèrement de votre participation active à une Conférence
que j’ai voulue un peu plus ouverte qu’à l’habitude.
Ouverte à vos réflexions bien sûr.
C’est le sens des débats qui suivront aujourd’hui et dans les prochains
jours, avec les Secrétaires d’Etat, Rama Yade, Jean-Pierre Jouyet,
Jean-Marie Bockel et moi-même. Ouverte aussi à la société française, par ces
visites que vous allez faire sur tout le territoire pour partager votre
expérience du monde avec nos concitoyens. Je vous remercie d’avoir accepté
de relever ce défi. Nous allons ainsi amorcer une nouvelle phase, plus
active, dans les relations entre la société française et sa diplomatie. Nous
entamons l’indispensable pédagogie de notre pratique.
Ouverte enfin à nos partenaires
européens, deux mois après le Conseil européen de juin dernier qui a marqué
le retour de la France en Europe. La présence ici de mes homologues
portugais et slovène, moins d’un an avant la prochaine présidence française
de l’Union européenne me semble à cet égard un beau témoignage de la volonté
de cohérence entre trois présidences successives.
Mercredi soir, à la suite des
tables rondes et après vous avoir entendus, je reviendrai m’adresser à vous
pour tracer une sorte de synthèse et non de conclusion. ( ) Nous parlerons
de la mondialisation, des angoisses irrationnelles ou légitimes qu’elle
suscite chez nos concitoyens. Nous parlerons des intellectuels, de leurs
difficultés à expliquer le monde actuel, et plus encore de leur embarras à
penser sa pratique, votre pratique, des raisons pour lesquelles l’Occident a
perdu le monopole du récit, ce qui n’est pas en soi seulement négatif. Nous
parlerons de nos missions, de nos idées, de notre capacité d’initiative.
Nous parlerons d’une France ambitieuse sans être arrogante, exaltante sans
être utopiste. Nous parlerons du mandat que nous ont confié les Français :
celui de rendre la mondialisation positive, pour eux et pour les autres.
Nous parlerons donc de cette maison et de la manière dont nous la
transformerons en Ministère de la mondialisation.
Mesdames, Messieurs les
Ambassadeurs, c’est maintenant à vous de vous exprimer. Faites-le s’il vous
plaît librement, sincèrement, en nous faisant profiter généreusement de
votre expérience !