Annulation par l’Australie du contrat de sous-marins

Le Sénat dénonce « une décision grave aux conséquences lourdes ». Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense estime que « toutes les conséquences de ce grave échec français doivent être tirées ».

Les conséquences de cette décision seront nombreuses et graves :

  • pour Naval Group et ses sous-traitants, qui s’étaient pleinement engagés dans la réalisation de ce grand contrat, en y apportant leur savoir-faire au meilleur niveau mondial, mais aussi leurs investissements. Il conviendra d’examiner avec soin les compensations qui devront leur revenir. Sur le plan de l’emploi en France, l’impact sera très lourd, avec la perte de centaines d’emplois;
  • pour l’image de la France, qui essuie un camouflet brutal qui témoigne de la considération que lui porte le Gouvernement australien actuel ;
  • pour la stratégie indopacifique de la France, qui reposait notamment sur ce partenariat stratégique ;
  • pour la cohésion entre alliés occidentaux. Après la décision soudaine de la Suisse d’acheter des avions F35, il s’agit cette fois de l’annulation d’un contrat signé avec la France au profit d’une alliance américano-britannique. Après le retrait américain d’Afghanistan décidé et organisé sans aucune concertation avec les alliés de l’OTAN, cet événement doit conduire à évaluer la nature exacte de la relation actuelle entre la France et son allié historique ;
  • pour le partenariat avec l’Australie, dont il convient de se demander s’il a encore une consistance;
  • Sur l’architecture globale de sécurité et la non-proliférationLa vente à un pays non doté de l’arme nucléaire de sous-marins nucléaires d’attaque n’a pas de précédent. Avec le nouveau projet envisagé, les Etats-Unis et le Royaume-Uni changent les règles du jeu. Les conséquences globales en ont-elles été bien mesurées ?
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Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense – Photo © M. Boicaro

« Je suis profondément choqué par cette nouvelle, mais aussi par les conditions dans lesquelles nous l’apprenons » a déclaré le président Christian Cambon. « Cela remet en cause bien des certitudes. Il va nous falloir examiner toutes les conséquences de cette décision, et je pense d’abord aux salariés de Naval Group. Plus généralement, nous allons devoir nous interroger sur l’attitude récurrente de certains de nos alliés, qui se comportent plus comme des adversaires que comme des concurrents loyaux. Ces dernières années, pour faire avancer les projets, nous avons accepté beaucoup de compromis, nous avons beaucoup tendu la main. Peut-être avons-nous été un peu innocents dans un monde qui ne l’est guère, et qui le sera encore moins demain. Cet événement doit marquer le début d’une prise de conscience pour la défense résolue de nos intérêts« .

Source : Service de Presse du Sénat

Communiqué de presse conjoint de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et de Florence Parly, ministre des Armées – Paris, le 16 septembre 2021

La France prend acte de la décision qui vient d’être annoncée par le gouvernement australien de l’arrêt du programme de sous-marins de classe océanique « Future Submarine Program » et du lancement d’une coopération avec les Etats-Unis portant sur des sous-marins à propulsion nucléaire.

C’est une décision contraire à la lettre et à l’esprit de la coopération qui prévalait entre la France et l’Australie, fondée sur une relation de confiance politique comme sur le développement d’une base industrielle et technologique de défense de très haut niveau en Australie.

Le choix américain qui conduit à écarter un allié et un partenaire européen comme la France d’un partenariat structurant avec l’Australie, au moment où nous faisons face à des défis sans précédent dans la région Indopacifique, que ce soit sur nos valeurs ou sur le respect d’un multilatéralisme fondé sur la règle de droit, marque une absence de cohérence que la France ne peut que constater et regretter.

Alors qu’est publiée aujourd’hui même la communication conjointe sur la stratégie européenne pour la coopération dans la région Indopacifique, la France confirme sa volonté d’une action très ambitieuse dans cette région visant à préserver la « liberté de la souveraineté » de chacun. Seule nation européenne présente en Indopacifique avec près de deux millions de ses ressortissants et plus de 7000 militaires, la France est un partenaire fiable qui continuera à y tenir ses engagements, comme elle l’a toujours fait. La décision regrettable qui vient d’être annoncée sur le programme FSP ne fait que renforcer la nécessité de porter haut et fort la question de l’autonomie stratégique européenne. Il n’y a pas d’autre voie crédible pour défendre nos intérêts et nos valeurs dans le monde, y compris dans l’Indopacifique.