Desinformatsia : La désinformation stratégique

L’opinion publique occidentale redoute depuis bientôt une trentaine d’années un troisième conflit mon­dial apocalyptique, du fait de l’utilisation massive d’armes nucléaires. En fait, nous vivons une guerre insidieuse, sournoise, invisible même pour la grande majorité de nos concitoyens, une guerre conduite par un ennemi uti­lisant invariablement la subversion, l’infiltration, l’es­pionnage, le terrorisme et la désinformation. Un ennemi qui a élaboré une tactique, mis au point des techniques et adapté des méthodes sans cesse affinées, dont la grande particularité  est de pouvoir pénétrer les failles de notre système démocratique pour mieux le paralyser. Dans le seul dessein de consacrer l’hégémonie mondiale d’un système to­talitaire, dont la stratégie déclarée vise, à l’échelle planétaire, à livrer une guerre psychopolitique que la terminologie marxiste appelle « la lutte des classes au niveau international ».

Conférence au Reichstag de Joël-François Dumont — Berlin, le 21 mars 1987 — © —[1]

« La guerre future sera une guerre invisible. Ce n’est qu’une fois que les récoltes auront été détruites, l’industrie paralysée, les forces armées rendues inopérantes, qu’une nation comprendra qu’elle était en guerre, et que cette guerre, elle l’a perdue ».

Cette triste prémonition a été écrite en 1947 dans la « Revue des Etoiles » par Frédéric Joliot-Curie, un des plus illustres compagnons de route du communisme international, premier président du Conseil Mondial de la Paix.

Lorsque l’on compare l’Est et l’Ouest, la première des choses est de prendre en considération la très grande asymétrie socio-politique et culturelle qui existe entre deux systèmes totalement différents.

Côté Ouest, des sociétés ouvertes, permissives

Nous avons la chance, à l’Ouest, de vivre dans une société ouverte, avec le libre accès à l’information, qui connaît la liberté d’expression, le sens critique , qui favorise la libre circulation des hommes et des idées, ce qui n’exclut pas une intervention de l’Etat. Nous vivons dans des régimes démocratiques, élus ; dans des pays où les décisions importantes, qu’elles soient de nature politique, économique, sociale, culturelle ou autre, militaire même, font nécessairement l’objet d’un débat d’idées à la recherche du « consensus » le plus large.

Joël-François Dumont - Photo © Jutta Owsianny

Nos gouvernements occidentaux sont contrôlés par des Parlements avec des partis politiques dont le pluralisme n’est pas seulement garanti par la Constitution. Aucun de ces gouvernements ne peut impunément faire fi de son opinion publique, de ses besoins bien réels voire superflus, ou des aspirations profondes de sa population.

Quelle différence avec les pays de l’Est, où nous nous trouvons dans un système hermétique, à une exception près, la Yougo-slavie, dans un système totalement isolé du reste du monde par des murs de béton, comme ici à Berlin, le « Mur de la Honte« , des barbelés aux frontières qui interdisent la libre circulation des hommes.

Joël-François Dumont — Photo © Jutta Owsianny

Un système qui monopolise la vérité officielle, où l’information est centralisée, où l’opinion publique est muselée, où un parti unique exerce sans limite un pouvoir absolu dans tous les domaines, et qui grâce à un formidable appareil d’État, s’est donné les moyens d’orienter, d’organiser et de contrôler en même temps la vie économique, sociale, culturelle et bien sûr… politique.

Après avoir analysé les faiblesses du système démocratique occidental, les régimes totalitaires ont en commun d’avoir su utiliser le langage et les mots comme des armes.

Déjà, Joseph Goebbels, dans « l’Annuaire 1941 de la langue allemande », écrivait que « le langage était une arme de notre temps » »! Pour ceux qui ne connaîtraient pas le génie déployé par Goebbels dans ce domaine, je recommanderai la lecture des « Conférences secrètes du ministre de la propagande du Reich », publiées il y a une vingtaine d’années.[2]

Une méthode que les Soviétiques avaient déjà pratiquée dés la prise de pouvoir par Lénine, et qui sous Staline et encore aujourd’hui a atteint de véritables sommets. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais encore souligner une étude de Dieter Faulheit et Gudrun Kuehn sur « le langage des travailleurs dans la lutte des classes » publié à Berlin-Est en 1974, décrivant le langage commun comme une « arme de la lutte des classes, dans le conflit idéologique qui nous sépare d’une manière irréconciliable

La propagande communiste domine toutes les actions du système soviétique et en particulier la stratégie psychopolitique de ce système, qui repose avant tout sur la propagation du Marxisme-léninisme, et dont les actions, qu’elles s’expriment en actes ou en paroles, sont avant tout, sinon exclusivement, propagande, utilisant la dialectique comme une arme.

Prenons par exemple les éditoriaux de la Pravda, on y découvre la propagande à l’état pur dans son double aspect « Information-désinformation »… En l’occurrence, le: mot « information » y prend son sens actuel le plus fort, à savoir imprimer des notions dans la cire molle du cerveau de l’adversaire, et « désinformer » qui en est le complément signifiant infléchir dans le sens voulu, l’état d’esprit de ce même adversaire.

Ce double aspect constitue en réalité le fondement d’une « Stratégie Totale » dont l’objectif permanent est d’imposer la « vérité » marxiste-léniniste par tous les moyens possibles psychopolitiques, mais aussi diplomatiques, économiques, financiers, scientifiques, technologiques et éventuellement militaires, tout en empêchant cet adversaire déclaré de recourir le premier à la force.

Une sémantique corrompue faite pour tromper

L’invasion de l’Afghanistan, comme les interventions armées en Hongrie ou en Tchécoslovaquie ont « constitué une aide fraternelle » … Que dire du soutien apporté à de soi-disant mouvements de libération? Ou de l’aide militaire apportée à des régimes d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique Centrale, qui comme des dominos sont tombés dans le camp soviétique ?

« La recherche et l’établissement de la Paix » ne signifient rien d’autre que le développement d’une guerre subversive au service de l’idéologie marxiste-léniniste. Les mots utilisés à l’Est ont perdu leurs sens et ont été sémantiquement corrompus par une dialectique contre laquelle nos concitoyens sont désarmés. Et curieusement, si l’on cherche à traduire cette « langue de bois », on constate qu’un mot après avoir été vidé de son sens, possède une signification diamétralement opposée.

« La sacralisation de la parole à des fins stratégiques, la politique linguistique, l’élaboration de mots à vocation normative sous le contrôle du parti », comme le note Michel Makinsky « obligent l’observateur à se doter d’outils spécifiques pour le décoder ».[3]

Si les Soviétiques dans ce domaine n’ont pas inventé la guerre psychopolitique, ils ont par contre développé des techniques modernes très adaptées à la pénétration de notre système, une tactique capable de le ralentir sinon de le paralyser, enfin des méthodes qui, en trente ans, ont fait passer une vingtaine de pays dans le camp communiste avec seulement des conflits armés, géographiquement limités.

De loin, le maître prestigieux en la matière, le grand précurseur, cinq siècles avant notre ère, fut incontestablement le stratège chinois Sun Tzu qui avait découvert les interactions entre, d’une part la guerre et la stratégie et, d’autre part, entre la politique et la psychologie.

Dans son œuvre, Ping-Fa (l’Art de la Guerre), il écrit notamment :

« l’Art sublime consiste dans la victoire sur l’ennemi sans s’être rendu sur le champ de bataille. La méthode directe de guerre n’est nécessaire que sur le champ de bataille, mais seule la méthode indirecte peut apporter une victoire authentique et de longue durée.

Subvertissez tout ce qui est bon dans le pays de l’ennemi… Embrouillez les membres des classes dirigeantes dans des entreprises néfastes ; employez toute autre sorte de moyen de saper leur position.et leur situation ; exposez-les à la honte publique aux yeux de leurs camarades.

Utilisez toute sorte de moyens pour interrompre le travail du gouvernement ! Développez la discorde et les dissensions chez les citoyens du pays ennemi ! N’épargnez aucun moyen pour détruire l’équipement, la logistique et la discipline des troupes ennemies ! Foulez aux pieds les vieilles habitudes et les Dieux Soyez généreux en promesses et en cadeaux pour glaner l’information et des complices ! Déployez vos espions partout où vous le pourrez » .

Des idées que Lénine, dès 1917 reprenait à son compte, déclarant que « les communistes doivent être prêts à nier et à dissimuler la vérité, pour mieux disloquer les rangs de l’adversaire, le détruire et balayer ses structures de la surface du globe.»

Distinguer le vrai du faux en se méfiant du plausible

Dans une étude récente,[4] le Général Jacques Laurent qui fut Attaché militaire en Union Soviétique a écrit que « l’adversaire s’efforce de donner une image déformée de son état réel, en maniant de façon systématique les deux leviers de la déception : le secret et le mensonge, la dissimulation et la simulation »… Il faut donc, à chaque instant distinguer le vrai du faux, en se méfiant du plausible, du vraisemblable et en se basant, dans la mesure du possible sur les faits eux-mêmes et non sur des interprétations qui nous sont généralement communiquées.

Si la propagande souvent grossière s’adresse à la masse, la désinformation, elle, vise plus particulièrement à atteindre l’élite dirigeante, les intellectuels, les responsables de façon a créer des effets inhibants sur ceux-là même qui détiennent le pouvoir de décision.

Le terme même de « Dezinformatsia » est apparu dès 1917. Dans le petit dictionnaire politique de 1978, la désinformation est définie comme une « information provocatrice, mensongère, présentée comme une vérité dans le but d’induire l’opinion publique en erreur. Elle est largement utilisée par la presse bourgeoise, la radio et la télévision et les autres mass-média dont elle est l’arme privilégiée pour les campagnes anti-communistes et les calomnies à l’encontre des pays socialistes ».

En 1980, un rapport présenté au Congrès des États-Unis [5] citait le passage suivant, extrait d’un manuel à l’usage des agents du K.G.B. « la désinformation stratégique est un instrument utile dans l’exécution des missions au service de l’État, et a pour but de tromper l’ennemi sur les opinions fondamentales de politique nationale, la conjoncture économique et militaire et les réalisations techniques et scientifiques de l’U.R.S.S., la politique conduite par certains Etats impérialistes dans le cadre de leurs relations mutuelles ou à l’égard d’autres pays tiers ; les activités spécifiques de contre-espionnage des organes de sécurité de l’État ».

Depuis le début des années 30, les services spéciaux soviétiques ont repris à leur compte les missions dévolues au Komintern à savoir : espionnage, contre-espionnage, ingérence, désinformation, infiltration, terrorisme et subversion. Parmi ces missions, certains experts pensent que la désinformation pourrait être plus importante que les autres. Le terrorisme, contrairement à ce que prétendent certains, joue un rôle finalement secondaire. La subversion est une œuvre à long terme, alors que la désinformation a des effets immédiats. C’est elle qui trouble les esprits, atténue l’odieux de l’espionnage, exploite les effets du terrorisme et fait oublier les dangers de la subversion.

Le passage à l’Ouest d’anciens responsables des services tchèques et soviétiques a permis il y a quelques années de comprendre l’articulation de techniques et de moyens clandestins utilisés par l’U.R.S.S. dans une guerre insidieuse. Deux experts de politique internationale dont les recherches font autorité ont écrit le premier et jusqu’ici le seul ouvrage consacré à la désinformation stratégique et aux « mesures actives », deux américains, le Professeur Richard H. Shultz et Roy Godson.[6]

Ces spécialistes renommés décrivent aujourd’hui la désinformation clandestine par opposition à la propagande officielle comme « une forme de communication écrite ou orale, dont l’origine est, soit inconnue, soit faussement attribuée à un tiers ; elle contient des informations intentionnellement inexactes, tronquées ou fallacieuses (souvent mêlées à des éléments authentiques), dont le but est de tromper, de mystifier ou d’égarer la cible » … « La désinformation clandestine fait généralement l’objet d’un emploi sélectif sur des cibles soigneusement choisies. A cet égard, cette technique peut être mise en œuvre par la diffusion de fausses rumeurs ou la mise en circulation de documents falsifiés, par des manœuvres de manipulation politique ou par l’emploi d’agents d’influence, d’organisations de masse ou de tout autre moyen. L’objectif de la désinformation est d’amener la cible à croire en la véracité des informations qui lui sont présentées, afin de la pousser à agir dans un sens favorable à la nation qui conduit l’opération »« Les experts, une fois n’est pas coutume, semblent unanimes pour considérer, que même si le contenu de certains thèmes de propagande a pu être modifié, pour des raisons pratiques d’adaptation aux circonstances, les objectifs privilégiés, permanents de la propagande officielle et de la désinformation clandestine soviétiques sont invariablement les mêmes

Richard H. Shultz et Roy Godson distinguent les six objectifs suivants :[6]

  • 1) Agir sur l’opinion publique des États-Unis, des pays d’ Europe et du reste du monde, afin d’accréditer l’idée que les activités politiques et militaires américaines constituent la cause essentielle des conflits et de la crise internationale
  • 2) démontrer le caractère agressif, militariste et impérialiste des États-Unis ;
  • 3) isoler les États-Unis de leurs amis et alliés (tout particulièrement les États membres de l’OTAN) et dénigrer les pays qui coopèrent avec eux;
  • 4) discréditer les organismes militaires et de sécurité des États-Unis et de l’OTAN ;
  • 5) démontrer que la politique et les objectifs des États-Unis sont incompatibles avec ceux des pays en voie de développement ;
  • 6) tromper l’opinion mondiale sur la vraie nature des ambitions internationales de l’Union Soviétique en créant un climat favorable à ses options de politique étrangère ».

L’Union Soviétique peut donc — en toute impunité — travestir, voire dissimuler la nature et la finalité de sa politique étrangère.

Ce qui est grave, c’est que les techniques dites de « mesures actives » utilisées permettent de susciter des adhésions tout en démobilisant du même coup les forces d’opposition ou de résistance organisées.

Grave encore, cette désinformation permet d’abuser l’opinion publique des pays occidentaux en influençant les milieux dirigeants et en court-circuitant les centres décisionnels, tout en jetant à l’occasion le discrédit sur des hommes ou sur des organisations dont les activités sont jugées « nuisibles » à la cause de l’U.R.S.S. Le drame dans tout cela est que la désinformation ne peut être identifiée qu’après-coup, ce qui rend les parades peu ou pas efficaces.

Comment s’effectue la mise-en-œuvre de cette « Dezinformatsia »? Une fois les grands objectifs énoncés, la désinformation est mise-en-œuvre de la manière suivante :

La source (généralement le K.G.B.) transmet par des canaux des informations vers une cible par des vecteurs humains le plus souvent sélectionnes à l’avance. Les matériaux utilisés consistent généralement en des documents le plus souvent falsifiés mais qui conservent l’apparence de l’authenticité.

Cette action insidieuse vise à déclencher des réactions émotionnelles sur des thèmes qui ne laissent personne indifférent afin d’obtenir par une pression populaire, une modification de la politique du pays visé dans le sens recherché.

L’Organisation de la Dezinformatsia

On pourrait diviser en trois catégories les activités qui sont menées contre le monde occidental:

  • 1) Les opérations « blanches », c’est à dire la propagande directe.
  • 2) Les opérations « grises » ou semi secrètes.
  • 3) Les opérations « noires », ultra-secrètes.

L’organisation est centralisée à Moscou, où le Bureau Politique du PCUS décide de l’action à mener. « Le communisme », pour reprendre la formule de Lénine, « c’est l’organisation plus l’idéologie » … J’ajouterai volontiers le secret et le mensonge !

Le Secrétariat du Comité Central est divisé en 22 « départements » qui couvrent toutes les activités « intérieures » et « extérieures » du système, tous innervés par le Département de la Propagande.

22 départements auxquels il convient de rajouter la « direction politique principale des Forces Armées », dirigée jusqu’à sa mort récente par le Général d’Armée Yepichev, direction qui supervise le ministère de la Défense et l’outil militaire du système, jouant le rôle d’un état-major de guerre psychopolitique.

Général Aleksej Yepichev — Photo Archives soviétiques

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Le Secrétariat du Comité Central est divisé en 22 « départements » qui couvrent toutes les activités « intérieures » et « extérieures » du système, tous innervés par le Département de la Propagande. 22 départements auxquels il convient de rajouter la « direction politique principale des Forces Armées », dirigée jusqu’à sa mort récente par le Général d’Armée Yepichev, direction qui supervise le ministère de la Défense et l’outil militaire du système, jouant le rôle d’un état-major de guerre psychopolitique.

Ces départements disposent de 10 « Instituts » spécialisés d’études et d’analyses, tels que celui du « Marxisme-Léninisme », des « sciences sociales », des « relations internationales » le célèbre IMEMO, ou bien s’appliquant à des aires géographiques : Amérique du Nord-Canada, Europe, Asie, Inde, Chine, Japon etc…

L’opération, une fois décidée est montée par des spécialistes de 2 des 22 départements du Comité Central du PCUS, celui des « Affaires Internationales » et celui des « Informations Internationales » (l’ancien KOMINFORM), qui supervisent en fait toute la « diplomatie » soviétique, officielle ou secrète. La conception une fois réalisée, l’opération en cours est alors transmise pour exécution au Service A du 1er Directorat Principal du K.G.B., chargé notamment de la conduite des opérations de désinformation et de terrorisme. A l’étranger, des « diplomates » officiels, des « compagnons de route », des « agents d’influence » ou encore des « clandestins » sont chargés d’exécuter les ordres.

Parmi les grands thèmes faisant appel à la conscience universelle et en même temps à la responsabilité personnelle, on pourrait citer « la paix », « le désarmement », « la sécurité », « le tiers-monde », « l’arme à neutrons », « les euromissiles » et bien sûr aujourd’hui « l’initiative de défense stratégique » du Président Reagan.

Les « Organisations de front »

Il me parait important de nous arrêter un instant sur ces « organisations du front » que le Département International est chargé de financer, de coordonner, d’encadrer parfois une bonne douzaine d’organisations internationales de masse, ostensiblement non-gouvernementales. Ces « organisations de front » sont destinées à la mise-en-œuvre des « mesures actives », visant « des groupes cibles spécifiques » ou exploitant un thème donné

Les plus connues sont :

  • 1) Le « Conseil Mondial de la Paix » qui depuis 1949 a créé dans 142 pays des sections, inégales entre elles ;
  • 2) La « Fédération Mondiale des Syndicats » (1945) visant à « promouvoir l’unité entre les syndicats » …
  • 3) « L’Organisation de la Solidarité des peuples afro-asiatiques », chargée de la pénétration soviétique dans le Tiers-Monde (1957).
  • 4) « La Fédération Mondiale de la Jeunesse démocratique » (1945) « WUFDY » chargée des festivals mondiaux : 270 sections dans 123 pays.
  • 5) « L’Union Internationale des Étudiants » (1946).
  • 6) « L’Institut International de la Paix » (1958), installé à Vienne (Autriche) : il dirige le « forum pour le dialogue entre scientifiques de l’Est et de l’Ouest »…
  • 7)  » L’Organisation Internationale des Journalistes » (1952), chargée de toutes les grandes campagnes pacifistes ou « droits de l’homme »…
  • 8) « La Conférence Chrétienne pour la Paix » (1958) dont la fonction principale est de mettre au point une doctrine fondée sur l’argumentation chrétienne et théologique, susceptible de « soutenir la politique de paix de l’U.R.S.S. »..
  • 9) « La Fédération Démocratique Internationale des Femmes » ( 1945)
  • 10)  » L’Association Internationale des Juristes démocrates » (1946).

Pour bien faire, il faut adjoindre à cette liste une dizaine d’organisations dites « à vocation humanitaire » comme La « Ligue Internationale des Droits de l’Homme, « Amnesty International », « Le Conseil Œcuménique des Églises », « Pax Christi », « Le Comité catholique contre la faim et pour le développement », qui vient de perdre un procès avec le Figaro Magasine… Enfin les « Commissions nationales Justice et Paix »…

Les organisations « relais »

Troisième et dernière catégorie, et non la moindre, il ne faudrait pas oublier comme organisations-relais de la désinformation soviétique, les Partis Communistes nationaux dont les actions sont coordonnées et financées par le « département des Relations avec les partis communistes des pays non-communistes »…

Le « Département International » : L’équipe Gorbatchev…

En mars 1985, dès son entrée en fonction, Gorbatchev a procédé à des changements significatifs dans les deux plus importantes Institutions du Système soviétique, le Département International, l’ancien KOMINTERN, et le Département International de l’Information, l’ancien KOMINFORM.

Des hommes nouveaux, plus jeunes, ayant une expérience internationale succédaient à une équipe qui avait très largement fait son temps.

Pendant le 27e Congrès du PCUS, Anatoli Dobrynin a été nommé à la place de Boris Ponomarev, qui jusqu’à cette date avait dirigé de main de maitre le Département International. Ancien chargé de Mission du KOMINTERN, Secrétaire du Comité Central, Membre suppléant du Comité Central, et Président de la Commission des Affaires étrangères du Soviet Suprême. Il n’empêche que malgré ses 81 ans, Boris Ponomarev est resté le grand théoricien de l’Internationalisme prolétarien et a joué un rôle aussi important que le Ministre des Affaires étrangères en titre.

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Son successeur, Dobrynin est un diplomate de carrière, « engagé », qui pendant plus de 24 ans a représenté l’Union Soviétique dans les postes les plus divers aux États-Unis.

Un homme qui possède une grande expérience de la scène internationale, qui connaît très précisément les mécanismes de décision américains. Il est de loin le meilleur expert soviétique des U.S.A.

Anatoli F. Dobrynin — Archives soviétiques

Il s’est choisi comme adjoint Georgi Konienko, l’ancien premier Vice-Ministre des Affaires Etrangères, et s’est entouré de plusieurs de ses anciens collaborateurs aux États-Unis, des hommes comme Yuli Vorontsov, nommé fin 1986 premier Vice-Ministre des Affaires étrangères et qui dirige aujourd’hui la délégation soviétique à Genève, ou encore comme Alexandre Bessmertnykh ou Vadim Loginov.[7]

Autre nomination très importante à la tête du Département International de l’Information, l’ancien KOMINFORM : ce fameux « département », s’il n’est pas chargé d’élaborer les thèmes des campagnes est par contre le garant de l’efficacité des programmes de « mesures actives ».

Il est en outre celui qui supervise les agences comme TASS ou Novosti. Nomination, donc à la place de Leonid Samiatin, qui fut à la fois l’éminence grise et le porte-parole du Kremlin sous quatre Secrétaires Généraux et qui a été nommé Ambassadeur d’U.R.S.S. à Londres, une semi disgrâce.

Son successeur, Alexandre Yakovlev a été Ambassadeur au Canada, de 1973 à 1983, puis directeur de l’Institut des Relations Internationales, le célèbre IMEMO. Un homme réputé pour sa brutalité et pour son anti-américanisme primaire.

Alexandre Yakovlev — Photo Nick Parfjonov
Alexandre Nikolaïevitch Yakovlev — Photo Nick Parfjonov

On va les priver d’un ennemi (« We will deprive them from an enemy ») : déclaration de Yakovlev en quittant son poste d’ambassadeur au Canada…

Yakovlev a été promu Secrétaire du Parti et chargé de la « restructuration » du département de la propagande, l’ancien agit-prop. A ce titre, il est responsable de la propagande aussi bien à son usage interne qu’externe, et a été désigné à ce poste pour mettre en œuvre de nouvelles « mesures actives ».

Son adjoint, Yuli Sklyarov a été rappelé de Prague où il était rédacteur en chef du Magazine International du Marxisme son rôle est d’être le maitre d’ oeuvre de la « désinformation au jour le jour »…

De très nombreuses autres nominations sont intervenues dans l’appareil de propagande du parti. Parmi les plus importantes, signalons à la tête de l’Agence Nowosti, Valentin Fallin qui, de 1971 à 1978, s’est trouvé simultanément être Ambassadeur en République Fédérale d’Allemagne en poste à Bonn et directeur adjoint du Département International. Président du Comité d’Etat pour la radio et la télévision, Gosteleradyo : Alexandre Aksenov, ancien directeur adjoint du K.G.B. en Biélorussie, qui, de 1983 à 1985 fut ambassadeur en Pologne. Président du Comité d’État pour l’imprimerie et l’édition, Goskomizdat, Mihail Nenashev…

De très nombreux autres changements tout aussi significatifs se sont produits, comme le relève la Revue « Counterpoint » [8] à la tête des principaux journaux et revues, qu’il s’agisse de « Kommunist », de « Politicheskoe Samoobrazovanie », « Krokodil », « Krasnaya Zvezda », « Ekonomitcheskaya Gazeta », « Trud », « Sovietskaya Kultura », et « Sovietskaya Rossia ».

Les 23 et 24 Mai 1986, ce fut au tour des principaux ambassadeurs dans les principaux pays du monde d’être convoqués à Moscou, et entretenus de ces « modifications » par Gennadi Gerassimov, ancien « observateur politique » de l’Agence gouvernementale Novosti et aujourd’hui promu porte-parole du Ministère soviétique des Affaires étrangères, le M.I.D.[9]

Certains verront dans tous ces changements d’homme un affaiblissement et un réajustement de la « désinformation défensive », alors qu’il s’agit en réalité d’un renforcement de la « désinformation offensive », distinction opérée par le Préfet Jean Rochet, ancien directeur de la Surveillance du Territoire :[10] il s’agit, écrit-il, « par tous les moyens de déséquilibrer les États occidentaux, de tromper leurs opinions publiques, de culpabiliser volontairement les responsables politiques, sans pour autant négliger d’aider leurs adversaires, ce qui peut aller jusqu’à la subversion »…

D’après des estimations de l’ancien directeur-adjoint de la C.I.A., John Mac Mahon qui a comparu le 6 février 1980 devant la « Commission permanente d’enquête parlementaire sur les actions des services secrets soviétiques », les coûts de la propagande et des « mesures actives » clandestines à l’étranger dépasseraient les 3 milliards de dollars par an, compte non-tenu des partis communistes occidentaux.

D’après les chiffres avancés par John Mac Mahon, les coûts se répartiraient de la manière suivante :

  • PCUS : Département International de l’Information : 50 M$
  • TASS : (Agence soviétique) : 550 M$
  • Novosti : (Agence gouvernementale soviétique) : 500 M$
  • Pravda : 250 M$
  • Isvestiya : 200 M$
  • Temps Nouveaux et autres revues ou magazines : 200 M$
  • Radio Moscou, Service International : 700
  • Service de Presse dans les Ambassades : 50 M$
  • Émetteurs clandestins : 100 M$
  • Organisations communistes internationales « de masse » : 63 M$
  • Financements des partis communistes étrangers : 50 M$
  • K.G.B. « Département A » : M$
  • Opérations de renseignement des résidents à l’étranger : 100 M$
  • Soutien des organisations de fronts de libération nationale : 200 M$
  • Campagnes spéciales en 1979, y compris anti-OTAN : 200 M$

Soit un total de 3 363 millions de dollars.

Dans ans plus tard distingue les deux schémas suivants, présentés deux ans plus tard devant la même Commission d’Enquête, on distingue les structures organisationnelles soviétiques structures organisationnelles soviétiques (schéma n°1) et l’Appareil soviétique aux U.S.A. (schéma n°2).

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Structure organisationnelle des mesures actives soviétiques
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Appareil soviétique aux États-Unis chargé de la mise en œuvre des mesures actives
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Organigramme de l’appareil chargé des mesures actives soviétiques

Les Services Spéciaux chargés des « Mesures Actives »

A) L’Union Soviétique

1) Le K.G.B. (Komitet Gosudarstwennoy Besopasnosti) = Le Comité de la Sécurité d’État.

Il est impossible de comprendre le système soviétique, sans connaitre les tâches et les missions du K.G.B.

S’il n’était pas indispensable de s’assurer de la loyauté des travailleurs, une telle Institution n’aurait pas lieu d’exister… Depuis la création du service de sécurité bolchevique et de l’appareil d’Etat secret de la Tcheka (Wse-rossiskaya Tschreswitschaj-naja Kommissia Po Borbe S Kontrrevolizei I Sabotaschem), la Direction Principale de Petrograd s’est installée dans l’ancien bâtiment de la Société d’Assurance de toutes les Russies, à Moscou. Son premier chef a été jusqu’à sa mort en 1926, l’aristocrate polonais Felix Edmundowitch Dserzinski. Dès le début de 1918, la Tcheka s’est transformée en organisation terroriste rouge, dont la tâche consistait à venir à bout des difficultés dues à la période de transition entre la Révolution et la guerre civile.

Felix Dzerzhinsky — Photo Archives

Felix Dzerzinsky

Par décret en date du 6 Février 1922, la Tcheka a été remplacée par le Guepeou (et l’O.G.P.U.). Un an après la mort de Staline, le 13 Mars 1954 une réorganisation des appareils de la police d’État et de la sécurité donnait naissance au Comité de la Sécurité d’État, le K.G.B. Déjà, dès la création de la Tcheka, il y avait un « Bureau de la désinformation »…

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La Lubianka — Siège du KGB à Moscou — Photo Marco-Rubino

Par décret en date du 6 Février 1922, la Tcheka a été remplacée par le Guepeou (et l’O.G.P.U.). Un an après la mort de Staline, le 13 Mars 1954 une réorganisation des appareils de la police d’État et de la sécurité donnait naissance au Comité de la Sécurité d’État, le K.G.B. Déjà, dès la création de la Tcheka, il y avait un « Bureau de la désinformation »…

Le K.G.B. est officiellement à la fois « l’épée et le bouclier du P.C.U.S. » Responsable de la sécurité intérieure de l’État, des missions de contre-espionnage, de la surveillance des étrangers, le K.G.B. est chargé de la conduite des opérations clandestines à l’étranger et de l’espionnage offensif conjointement avec le G.R.U.

Avec ses 3 à 400.000 gardes-frontières, le K.G.B. est également « le garant de l’inviolabilité des frontières de l’U.R.S.S. » sans oublier sa vocation particulière qui consiste à soutenir et à entrainer des groupes terroristes ou des mouvements insurrectionnels, rôle dévolu au Service A du 1er Directorat Principal, A comme « Action Directe ». A tous ceux d’entre vous qui souhaiteraient étudier en profondeur ce Service « pas comme les autres », je recommande vivement la lecture des deux ouvrages de John Barron [6] qui explique, dans le détail, le rôle et les attributions de chaque département et de chaque service… Ainsi le Premier Directorat Principal est de fait chargé des opérations d’espionnage et de déstabilisation « par la destruction de l’ordre social »

Le 4e Département s’occupe de la R.F.A.

Les sections spécialisées des différents services tant soviétiques que tchèques (StB), qu’est-allemands (MFS), que bulgares (DS), cubains (DGI devenue D.G.R.E.) chargées des « mesures actives » sont coordonnées sous la Premier Directeur Général, Ivan Ivanovitch Agajanz.

Comme l’a fait remarquer Friederich-Wilhelm Schlomann dans un livre très documenté : « République Fédérale territoire opérationnel »[9] le Service « A » a été placé sous la direction du major Général Vladimir Petrovitch Ivanov, qui 20 ans plus tôt était le chef du Bureau de l’Agence TASS à Vienne. Ce service très spécial réunit quelque 200 collaborateurs « de haut niveau », dont une cinquantaine se trouvent en permanence dans l’Agence de presse étrangère soviétique, Novosti. Une équipe spéciale de 20 personnes, officiers de renseignements se trouve, près de Berlin-Est.

2) Le G.R.U. ( Glawnoje Raswediwatelnoje Uprawlenije) signifie : Administration Principale de Renseignement de l’État-Major général.

Tandis que le K.G.B. ne dépend que de la direction politique, l’Organisation d’Espionnage qu’est le G.R.U. se veut de la même façon « la pointe de l’épée des forces laborieuses soviétiques ». Fondé sur ordre personnel de Lénine le 21 Octobre 1918 sous le nom « d’Administration des Travailleurs et Paysans de l’Armée Rouge », le G.R.U. est avant tout un service de renseignement extérieur, qui depuis avril 1921 est d’abord passé sous les ordres de l’adjoint le plus compétent de Félix E. Dserzinski, le commissaire d’Armée Jan Karlovitch Bersin (Peteris Kjusis, de son vrai nom), qui dirigeait auparavant le Département de la Recherche Militaire…

Le G.R.U. est encore connu sous le nom « d’Unité 44388 » … Son chef est directement placé sous les ordres du chef de l’état-major général et de son adjoint. Il possède le rang d’un Général d’Armée.

En ce qui concerne le personnel et les informateurs du G.R.U., ils sont tous placés sous contrôle absolu du K.G.B. et ont la responsabilité de l’espionnage à l’étranger, de la recherche et du noyautage des armées étrangères, des acquisitions technologiques illégales, mais aussi de l’infiltration, du sabotage et de la désinformation

Le chef du G.R.U. est assisté d’un premier adjoint, et de sept autres adjoints. L’un d’entre eux, particulièrement actif en république Fédérale d’Allemagne et à Berlin, est le Directeur-adjoint chargé de la Désinformation, le Lieutenant-Général Mosche Milstein, auparavant chef du Service d’honneur, l’un des plus secrets. Si l’on en croit un ancien transfuge du G.R.U. le Colonel Victor Souvorov, passé à l’Ouest, « le G.R.U., la pointe de l’épée », est « à l’origine de dégâts considérables au sein de l’Alliance Occidentale ». [10] 

Malgré le fait que le G.R.U. soit le principal rival du K.G.B., les deux services de renseignements travaillent souvent en harmonie à l’étranger, et tout particulièrement lorsque les relations entre les deux chefs de poste sont bonnes…

B) Le Bloc de l’Est

1) La R.D.A. : La Direction principale de la Recherche (Hauptverwaltung Aufklärung, H.V.A.) est la troisième Direction Principale du Ministère de l’Intérieur. La 10e section est responsable à Berlin-Est de la désinformation, créée en 1968 après avoir existé au sein d’un autre service pendant trois ans.

Cette « section spéciale » collabore très étroitement avec l’Institut de Politique et d’économie International ainsi qu’avec l’agence de presse étrangère « Panorama DDR »…

La première mission de cette Direction Principale de la Recherche est de diffamer la République Fédérale d’Allemagne , en tant que « système de domination impérialiste » et qu’État « nazi malfaisant », de même son rôle est de diffamer tous les courants politiques qui refusent le communisme et le système de la R.D.A.

En ce qui concerne les « affaires mouillées » (nasse Sachen), les enlèvements et les assassinats politiques, c’est le M.f.S., le Ministère de la Sécurité d’Etat (Ministerium für Staatssicherheit) qui en est chargé, en particulier la 21e Section.

Entre 1945 et aujourd’hui, un millier de personnes de RFA et de Berlin-Ouest ont été enlevées et emmenées de force en Allemagne de l’Est. La plupart des victimes étaient des personnes renommées qui s’étaient évadées ou des responsables d’organisations anti-communistes, voire nationalistes « engagées ». Citons le cas qui fit beaucoup de bruit, de Karl-Wilhelm Fricke…

Dans le livre qu’il publia sur « la Sécurité d’État »,[11] il décrit admirablement avec force détails l’organisation même du Service d’État de la République Démocratique Allemande, et son analyse montre l’étroitesse de relations qui existent entre la Sécurité d’Etat et la direction du Parti, ainsi que l’organisation du parti à l’intérieur même du MfS.

Ce qui est certain, c’est que toutes les missions sont conduites sous l’autorité directe du Bureau Politique du Comité Central du SED…

2) La Tchécoslovaquie : A Prague, le Service 8 est particulièrement chargé de la désinformation et des  »mesures actives ». Ce service dépend du Ministère de l’Intérieur. En ce qui concerne les « opérations mouillées », elles sont conduites par la Division B/3 du Spravodajka Sluzba General Miho Stabu, service calqué sur le G.R.U. dépendant de l’Etat-Major Général.

3) La Roumanie : A Bucarest, la « Securitate » est chargée de la désinformation, des mesures actives et des opérations mouillées »…

4) La Yougoslavie : Le S.D.B yougoslave (Sluzba Dazavne Beznzdnosti) possède à Belgrade une section spéciale pour la désinformation, et une autre chargée des « pas techniques », traduction yougoslave des « opérations mouillées »… De 1965 au printemps 1983, au moins 35 yougoslaves en exil sont tombés sous les coups du S.D.B.

5) La Pologne : Le Service de la Sécurité d’Etat est responsable des deux « activités », mais plus peut-être que les autres services, il est « encadré » par les Officiers de liaison soviétiques basés à Varsovie…

6) La Hongrie : A Budapest, une section spéciale est chargée de la mise en œuvre de la désinformation et des « mesures actives »… Elle dépend du AVH hongrois, renommé pour son efficacité.

7) Cuba : La D.G.R.E., Direction Générale des Relations Extérieures, l’ancienne D.G.I., joue souvent un rôle essentiel dans la mise-en-œuvre de certaines « Mesures Actives ».

Des preuves irréfutables en ont été données dans une publication officielle du Département de la Défense et du Département d’État des États-Unis, rassemblant un grand nombre de documents secrets, qui ont fait l’objet d’une analyse rigoureuse de deux experts américains qui font autorité : Michael Ledean et Herbert Romerstein…

C’est ainsi que l’on découvre le rôle joué dans cette affaire par l’Internationale Socialiste et le zèle particulier de certains membres les plus éminents pour faire basculer la Grenade dans l’orbite de Cuba… Les minutes de certains entretiens conduits par un colonel cubain, curieusement Chef du Service « Mesures Actives » de la D.G.I. sont édifiantes !

Les « Opérations mouillées »

Les « Mesures Actives débutent ou s’achèvent parfois par une « opération mouillée », en Russe, « Mokrie Diéla », c’est-à-dire par ce que l’on appelle une « opération homo », que les guébistes définissent comme une mission « où le sang coule ou peut couler ». Les instructions sont transmises par le Bureau Politique du P.C.U.S. aux Services « A » et « V » du Premier Directorat du K.G.B. qui réalisent l’opération ou la font « traiter » par un service allié, souvent bulgare ou tchèque.

Les services spécialisés des pays alliés de l’U.R.S.S. sont toujours « contrôlés » par le K.G.B., tout particulièrement quand il s’agit de « Mesures Actives », une expression souvent méconnue à l’Ouest, même par les spécialistes.

Il faut préciser que les services de l’Ouest sont loin d’être calqués sur ceux de l’Est. Du coté occidental, les services sont avant tout guidés par l’intérêt national.

Ils sont plus ou moins contrôlés par des Parlements, et la population les tolère comme « un mal nécessaire »… Tandis qu’à l’Est, les services ne manquent ni de moyens en hommes ni en matériel. Ils fonctionnent en divisant le travail, mais Moscou tire seul les ficelles. Leurs collaborateurs jouissent à l’intérieur de tous les avantages de la Nomenklatura, et à l’étranger profitent des avantages et des privilèges accordés aux diplomates.

Les « Mesures actives »

Les Soviétiques définissent ces « mesures actives (en russe) Aktivnye Meropryatiya) comme des « mesures axées sur toute une série de techniques relevant du jeu d’influence et d’intimidation », infiltration des Institutions, pénétration des associations, des syndicats, des partis politiques occidentaux. Le terme est apparu dans les années cinquante, et désigne un certain nombre de moyens officiels ou clandestins, mis en œuvre « dans l’intention d’agir sur le cours des événements, les comportements et les options politiques dans des pays étrangers »… (5) « Ces mesures actives peuvent être exécutées ouvertement par l’intermédiaire de la propagande officielle ou dans le cadre des relations diplomatiques.

Les mesures actives secrètes comprennent la propagande clandestine, la désinformation écrite ou orale, les activités des agents d’influence, les émissions clandestines de radio et les organisations internationales de masse.

Bien que ces « mesures » soient essentiellement de caractère politique, elles peuvent parfois revêtir l’aspect de manœuvres militaires ou d’aide apportée à des rebelles ou à des mouvements « terroristes ».

Les « agents d’influence »

Richard H. Shultz et Roy Godson [6] définissent un agent d’influence comme un « individu qui, tirant parti de sa position personnelle, de l’influence ou de l’autorité qu’il exerce, ou de la confiance qu’il inspire, en profite pour aider, dans des conditions illégales, une puissance étrangère dans la poursuite de ses objectifs »…

Il existe plusieurs catégories d’agents d’influence, depuis le personnage manipulé et agissant à son insu, jusqu’au spécialiste de l’action secrète en passant par l’agent de confiance.

Parmi les facteurs de motivation des « agents d’influence », on trouve bien sûr l’affinité idéologique, politique, l’argent, mais aussi le chantage pour ne citer que les principaux. Parmi les agents qui ont fait l’objet d’une condamnation ces dernières années, on trouve un journaliste communiste français Pierre-Charles Pathé, condamné pour espionnage au profit de l’Union Soviétique en 1979, et grâcié en 1981, et un diplomate norvégien, Arne Treholt, condamné pour les mêmes raisons en 1985.

Les « Faux »

Ils constituent l’un des multiples moyens utilisés dans le cadre des opérations de « désinformation ». Il s’agit « généralement de l’usage de documents falsifiés ou fabriqués de toutes pièces et présentant un caractère d’authenticité ».

Dans la période 1945-1975, trois à 4 faux ont été détectés chaque année en moyenne. Depuis 1976, ce nombre a plus que doublé. Depuis le début des années 1980, leur production s’est largement accrue.

Ces « faux » sont efficaces au moins de trois manières. Nous distinguerons les faux silencieux, certainement les plus dangereux. En effet, même quand ils ne sont pas publiés par les Media, ils laissent planer un doute, d’autant plus difficile à lever, que la victime ne le saura peut-être jamais.

Quand ils sont publiés, ils forcent le gouvernement ciblé à réfuter le document falsifié…

Enfin, le vieil adage, selon lequel « il n’y a pas de fumée sans feu »… Bien sauvant un « faux » reconnu comme tel refait parfois surface dans certains journaux favorables à l’U.R.S.S. et entretiennent ainsi cette « fumée ».

Prenons deux exemples de faux.

Le premier est une lettre adressée au Ministre autrichien de la Défense, Friedhelm Frischenschlager par l’ambassadeur des États-Unis à Vienne, Madame Hélène von Damm qui proposerait l’intégration du système radar de défense aérienne autrichien dans un système plus large, celui de l’OTAN, ce qui constituerait une violation de neutralité autrichienne… Il est intéressant, car il est l’un des rares faux qui ne soit pas une photocopie, mais un  »original » tapé sur du papier à en-tête de l’ambassade des États-Unis. Le but de ce faux était d’altérer les relations entre les deux pays, à la veille d’une visite officielle aux États-Unis du Président de la République autrichienne.

« Jamaïque, Attention Sida »

Autre exemple de « faux » : au printemps 1985, un pamphlet intitulé : « Jamaïque, Attention Sida » a fait son apparition dans plusieurs aéroports internationaux et a été distribué à Kingston.

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Desinformatsia : La désinformation stratégique 1

Émanant d’une soi-disant « section allemande de la majorité morale », qui, bien sûr, n’a jamais existé… Ce pamphlet rédigé en français par la Résidentura du K.G.B. de New-York visait à dissuader les jeunes de se rendre à la Conférence de la Jeunesse démocratique qui se tenait à cette époque et soutenue par l’Occident.

Ce faux document a également été distribué dans les aéroports de Paris, et coïncidait avec une campagne de propagande soviétique contre le festival de la Jeunesse de la Jamaïque, considéré comme un rival du festival de la jeunesse de Moscou qui devait se tenir au même moment!

Lettre de Mme Von Damm

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Traduction du « faux » destiné au Ministre fédéral autrichien de la Défense, le Dr. Friedhelm Frischenschlager.

Monsieur le Ministre Fédéral,

Permettez-moi de vous exprimer ma plus profonde sympathie. J’ai l’honneur de vous assurer que je continue d’être intéressée par une large coopération.

Comme vous le savez également, les pays d’Europe occidentale doivent s’attendre à des mesures de rétorsion de la part de la Russie à la suite du déploiement de missiles américains modernes à moyenne portée. Les Soviétiques ont non seulement annoncé leur intention d’installer des missiles nucléaires en Tchécoslovaquie et en Allemagne de l’Est, mais les travaux dans ce sens sont déjà à un stade avancé. Cette situation comporte de grands risques non seulement pour les pays de l’OTAN, mais aussi pour toutes les démocraties neutres.

Afin de réduire un tel risque, je voudrais vous demander, au nom du gouvernement des États-Unis, d’examiner de quelle manière la République d’Autriche pourrait soutenir l’Occident en cas d’attaque nucléaire soviétique. En particulier, il convient d’envisager qu’une intégration efficace de votre système de surveillance de l’espace aérien dans celui de l’OTAN présente des avantages évidents pour la défense commune. Le système italien que vous utilisez est compatible et se prête parfaitement à une intégration dans le réseau sud-allemand ou nord-italien ; le cas échéant, le gouvernement des États-Unis est prêt à fournir les moyens techniques et financiers nécessaires.

Je peux vous informer qu’une suggestion similaire de notre part a été approuvée par les milieux gouvernementaux compétents d’un autre pays neutre.

Permettez-moi, Monsieur le Ministre fédéral, de saisir cette occasion pour vous assurer de ma plus haute considération.

Signé : Helene von Damm

A Monsieur le Ministre fédéral de la Défense

Dr. Friedhelm Frischenschlager

Vienne

Notes

[1] « Sommes-nous sur la bonne voie pour surmonter la division de notre pays »? Cette question a fait l’objet d’une grande conférence au Reichstag sur le thème « Quel avenir pour l’Allemagne » (Deutschland unsere Zukunft). Ce texte — diffusé fin mars 1987 à Paris dans le premier « Cahier » de l’Institut d’études de la Désinformation — est la reprise en français de l’intervention à Berlin de Joël-François Dumont, le 21 mars 1987, lors de la conférence que le chancelier Helmut Kohl, six années de suite, avait organisé au Reichstag pour préparer les Allemands à la réunification.

[2] Kriegspropaganda 1939-1941 : geheime Ministerkonferenzen im Reichspropagandaministerium : Willi A. Boelke (dva).

[3] Revue de Défense Nationale, Paris (Mars 1985).

[4] Revue de Défense Nationale, Paris (Mars 1985).

[5] Soviet Covert Action (the forgery offensive) Hearings before the subcommittee on oversight of the Permanent select committee on Intelligence, House of Representatives, Ninety-sixth Congress, second session ( February 6, 19, 1980), U.S. Government Printing Office, Washington (1980).

[6] « Dezinformatsia : Active Measure in Soviet Strategy », Richard H. Shultz and Roy Godson, Pergamon-Brassey’s, Washington (1982) et « Dezinformatsia : Mesures actives de la stratégie soviétique », Éditions Anthropos, (1985).

[7] Counterpoint, Newsletter (1985).

[8] Counterpoint, Newsletter (1986).

[9] K.G.B. : The Secret Work of Soviet Secret Agents by John Barron (1974), The reader’s Digest Association, Inc.

[10] K.G.B. : Le travail occulte des agents secrets soviétiques, Editions Elsevier Séquoia, Bruxelles (1975) & K.G.B. Today, The Hidden Hand , Hodder & Stoughton, Londres ( 1984).

[11] Enquête sur le K.G.B. de John Barron, Librairie Arthème Fayard, Paris (Mai 1984).

[12] « Operationsgebiet Bundesrepublik », Spionage, Sabitage, Subversion, von Friedrich-Wilhelm Schlomann, Universitas Verlag, Berlin (1984) et Counterpoint, Service A, page 1 Service A, page 1 (Avril 1985).

[13] « G.R.U., die Speerspitze », de Viktor SUVOROV, Scherz Verlag, Münich ( 1985).

[14] « D.D.R. Die Staatssicherheit » de Karl-Wilhelm Fricke, Verlag Wissenschaft und Politik, Cologne (1984).

Articles repris de Désinformation Hebdo :