« De la poussière du Djebel, des plaines du Kosovo, de la latérite africaine, de la majesté des cèdres du Liban, des montagnes afghanes et des embruns libyens… Dans le grand livre d’Histoire du transport aérien militaire », les hélicoptéristes sont « toujours tous prêts à porter haut et fier » leur « devise : Combattre et sauver »
« Votre histoire est faite de la poussière du Djebel, des plaines du Kosovo, de la latérite africaine, de la majesté des cèdres du Liban, des montagnes afghanes et des embruns libyens… Dans le grand livre d’Histoire du transport aérien militaire », les hélicoptéristes sont « toujours tous prêts à écrire de nouvelles pages glorieuses, et à porter haut et fier » leur « devise : Combattre et sauver ».[1] « Depuis l’Indochine et le conflit algérien durant lequel ils ont acquis leurs lettres de noblesse jusqu’à nos jours, l’engagement des hélicoptères de l’armée de l’Air en général a été systématique lors des différents conflits auxquels la France a dû faire face.»[1]
Curieusement, alors que les armées françaises figurent parmi les premières du monde à s'intéresser aux hélicoptères,[2] les ouvrages de référence consacrés à l'histoire de ces fabuleuses machines aux voilures tournantes,[3] et à « leurs pères fondateurs » se comptent sur les doigts de la main. Alors que la Marine est traditionnellement peu portée vers la communication, c'est un marin qui donnera l'exemple en 1998,[4] suivi en 2003 d'un aviateur,[5] et en 2005, d'un terrien.[6] En 2007, le centenaire de l'hélicoptère sera célébré en France avec une certaine discrétion, vraisemblablement parce qu'il y avait encore en France des gens hostiles à ce type d'aéronef, comme il a pu y avoir dans le passé des gens qui avaient imaginé le train comme une menace et un frein au développement économique…
Sur le plan militaire, la guerre d'Indochine, puis la guerre d'Algérie, révèleront tout le potentiel de ces machines dont l'usage dépassait très largement le seul secours aux blessés, même si celui-ci, à lui seul, justifiait son développement. « C'est en Indochine que l'hélicoptère va trouver et démontrer son rôle opérationnel au sein des forces armées françaises. Employé par l'armée de l'Air dès 1950 sur ce théâtre d'opérations, le frêle Hiller 360 va ouvrir la voie à cette composante nouvelle. En Algérie, les hélicoptères de l'armée de l'Air vont connaître un essor sans précédent : avec plus de 350 appareils à la fin du conflit, ils sont de toutes les opérations de guerre, qui voient les premiers héliportages d'assaut et les premiers vols d'hélicoptères armés.»[7]
Les témoignages recueillis aux meilleures sources pour écrire cette "Histoire des hélicoptères de l'armée de l'Air"[8] ont permis d'apporter un éclairage sur l'apport français en la matière. Le défi relevé par le général Michel Fleurence (2s) et le colonel Bertrand Sansu aura été d'écrire l'histoire aussi complète que possible de l'utilisation de l'hélicoptère dans l'armée de l'Air de 1935 à 2010. Un projet porté et soutenu au nom des 15.000 pilotes, navigateurs, mécaniciens et commandos de l'Air que l'AHA, l'association des hélicoptères de l'armée de l'Air, entendait ainsi honorer en évoquant la mémoire, en rappelant le sens du combat qui avait été le leur et les traditions qu'ils avaient instaurées. Dans ce livre sont mises à l'honneur des unités quasi inconnues. On y apprend aussi que l'exemple français servira de modèle aux Américains qui créeront le "First Cav" déployé au Vietnam. «Sans cet ouvrage, aurait-il été possible de se rappeler que 710 appareils à voilures tournantes ont été mis en service pendant ces soixante dernières années dans l'armée de l'Air en cumulant près de deux millions d'heures de vol, au sein de plus de cinquante unités aériennes.»[7] Joël-François Dumont s'est entretenu avec les auteurs qui appartiennent à deux générations de pilotes d'hélicoptères. Leurs témoignages se complètent très utilement. Paris, le 15 août 2012.(©)
Le général de brigade aérienne (2s) Michel Fleurence devant le H-34 de la BA de Villacoublay
Général Michel Fleurence : Je suis né en 1934. Je suis entré en 1955 à l'École de l'Air après avoir fait quelques années dans une École militaire et au Prytanée militaire de la Flèche. A ma sortie de Salon, j'ai été breveté pilote avion. Je suis allé en Algérie, j'ai ensuite été breveté pilote hélico. Nous sommes en 1959. J'ai été de nouveau réaffecté en Algérie et à partir de ce moment-là, ma carrière est très simple : la première moitié s’effectue dans les unités d'hélicoptères de l'armée de l'Air en Algérie. J'ai ensuite créé et commandé une escadrille de sauvetage en Corse à Solenzara. J'ai commandé à Chambéry l'escadron « Maurienne ».[9]
H-19 de l'école de Chambéry
Ensuite, je suis allé commander la Base aérienne de Chambéry qui était la grande base des hélicos de l'armée de l'Air. Il y avait tout là-bas : il y avait l'école ainsi que l'entretien technique de toute la flotte hélicoptères qui alors était assez importante. La deuxième moitié de carrière s’est déroulée en état-major avec, quand même, une particularité : j'ai fait toutes ces années Boulevard Victor à l'État-major de l’armée de l’Air ou, boulevard Saint-Germain, à l'état-major des Armées, mais toujours dans les structures Plans-Finances. Dans l'armée de l'Air, je suis donc connu comme « l'expert » des hélicos et « l'expert » des finances de la défense. J'ai terminé ma carrière en 1988 à Aix-en-Provence comme général, Adjoint-Territorial. Depuis, j'ai pu me consacrer à ce que je n’avais jamais pu faire avant : lire et écrire.
Joël-François Dumont : Vous avez écrit, mon général, trois tomes de l'Histoire des hélicoptères de l’armée de l’Air en Indochine… [5]
Général Michel Fleurence : Au début, je n'avais pas eu l'idée de faire cela. A l'époque, j'avais commencé à vouloir écrire une histoire globale des hélicoptères de l'armée de l'Air. Au Service Historique à Vincennes – à l'époque on y allait tous les jours – je rencontrais mon grand ancien, le général Yves Sagot, aujourd'hui décédé. Lui écrivait une histoire des unités d'hélicoptères en Algérie. Il avait été longtemps le patron d'une escadre de l'époque et me disait : « tu devrais faire la même chose pour l'Indochine »… Finalement, je me suis lancé sur l'Indochine ! Mais j'étais quand même un peu handicapé au début, parce que je n'y étais jamais allé : trop jeune, pas de ma faute ! J'ai quand même eu la chance de connaître quelques uns des protagonistes dont j'ai parlé dans mes livres, mais pas tous ! Autre handicap : la méconnaissance précise de la carte géographique et de la langue vietnamienne indochinoise, ce qui fait qu'au début, j'ai perdu beaucoup de temps à vouloir orthographier de façon rigoureuse… J'ai eu la chance quand j'ai commencé ces ouvrages, tout au moins pour le premier, car le colonel Santini qui, lui, avait créé l'hélicoptère en Indochine, m'a beaucoup aidé en me remettant ses archives personnelles. J’ai donc pu boucler cette histoire d'Indochine estimant, là aussi, que c'était une page qui n'avait jamais été écrite et qu'on ne connaissait pas. Elle présentait de plus la particularité de s’achever quatre années après le cessez-le-feu de 1954, après que les équipages aient accompli des missions de transport des commissions internationales de contrôle, parfois dans des conditions très difficiles. Il y a eu des morts, des blessés et des appareils abattus…
Les deux premiers Hiller acquis par la France l'ont été grâce à un médecin-militaire !
Voilà pourquoi, j'ai voulu écrire ces pages. Cela m'a fait découvrir des tas de choses nouvelles que je connaissais grosso modo, mais il a quand même fallu se plonger dans les archives et c'est quelque chose qui a été apprécié.
Le colonel Bertrand Sansu, commandant la BA 107 de Villacoublay
Colonel Bertrand Sansu : Je suis le colonel Bertrand Sansu. Je suis actuellement le commandant de la BA 107 de Villacoublay. J'ai commencé ma carrière dans l'armée de l'Air en intégrant la promotion 1986 de l'école de l'Air. Très rapidement, j'ai bifurqué sur les hélicoptères parce que, dès 1990, j'étais stagiaire au Centre d'instruction des équipages d'hélicoptères à Toulouse.
Pégase La panthère noire
Insignes du 3/67 « Parisis » et du CIEH 00.341 « Maurienne » (Ancienne 2e Escadre en Algérie)
J'ai essentiellement œuvré sur appareil léger, type Écureuil, Fennec, Alouette III au sein de l’Escadron d’hélicoptères 3.67 « Parisis » et du Centre d'instruction de Toulouse.
Alouette III du « Parisis », retirée de l'unité en 2004, photographiée à Villacoublay lors du 20ème anniversaire du jumelage de l'escadron avec Issy-les-Moulineaux.
J'ai un parcours relativement traditionnel qui m'a amené à l'Inspection de l'armée de l'Air ou à l'État-major des Armées, si ce n'est que j'ai été aussi « conseiller hélicoptères » du major général de l'armée de l'Air pendant presque deux années, dans le cadre des travaux interarmées qui se sont conduits de 2007 à 2009.
Joël-François Dumont : En lisant votre livre, j'ai trouvé cette motivation inattendue. Alors que vous étiez à Toulouse et que vous faisiez visiter vos hélicos à des civils, vous vous êtes rendu compte qu'il n'avait pas la moindre plaquette de présentation disponible. La nature et votre commandant de base partageant cette même horreur du vide, vous avez été amené à combler cette lacune, document qui, au fil des mois, est devenu un vrai document de présentation… De quoi vous donner envie plus tard d'écrire pour parler de ces fabuleuse machines à voilure tournante ?
Colonel Bertrand Sansu : L'étincelle initiale, je la dois au colonel Philippe Gasnot, à l'époque où il commandait la BA de Toulouse. Il m'avait pris en défaut sur mes connaissances historiques alors que j'étais commandant en second du Centre d'instruction des équipages hélicoptères. Il m'avait un peu piqué au vif, ce qui m'avait permis de m'intéresser un peu plus à l'histoire. Quelques temps après, j'avais exhumé une histoire succincte des formations des personnels et des grands personnages des hélicoptères de l'armée de l'Air que j'avais présentée au général Fleurence. Le général, voyant que j'étais attiré par l'histoire (un peu intéressé) en septembre 2008, m'avait posé la question très officiellement : alors, on s'y met à ce bouquin ou pas ? Je lui alors répondu : on y va ! Voilà la genèse du livre qui vient de paraître…
Affiche faite pour la souscription par l'AHA
Joël-François Dumont : Ce livre est un magnifique succès, très attendu, puisqu'une souscription avait été lancée une fois que le projet était arrivé à son terme pour le faire publier à compte d'auteur. Un succès que partagent également tous ceux qui participent à cette filière aéronautique. C'est aussi le résultat d'un travail de recherche minutieux. A qui destinez-vous cet ouvrage, au-delà de tous ceux, pilotes, mécaniciens, constructeurs et de spécialistes aéronautiques qui appartiennent à ce petit monde de l'hélicoptère, ou visez-vous également un public plus large ?
Général Michel Fleurence : Je crois que l'objectif que nous avons retenu était justement de ne pas se limiter à la petite "chapelle" des équipages d'hélicoptère de l'armée de l'Air. Nous avons voulu faire un travail d'historien, de façon à ce que les autres armées, les civils, les étrangers, puissent découvrir une facette de l'histoire de l'armée de l'Air. Notre objectif était donc de faire un travail très général, le plus rigoureux possible, de façon à avoir des points de repère indiscutables. Cela a conduit à ce livre. Nous avons veillé aussi à respecter une autre contrainte en offrant une certaine iconographie pour ne pas rester livresque comme une thèse en Sorbonne. Cela a donné cet ouvrage où l’on trouve un mélange de textes issus des archives, de témoignages par recoupements et de photos, souvent inédites, avec un point supplémentaire, du fait du colonel Sansu, qui voulait que les tous les insignes des unités ou formations y figurent.[10]
Joël-François Dumont : Mon général, sans remonter à Léonard de Vinci qui en avait déjà fait l'ébauche sur certains de ses croquis en formulant l'idée de l’aile hélicoïdale permettant l’essor vertical,[11] ou encore à Jules Vernes,[12] on trouve de nombreux Français parmi les premiers pionniers qui ont inventé l'hélicoptère.[13] Dans le domaine militaire, nos compatriotes ont également été des précurseurs en matière d'emploi. Quels sont donc ces principaux « pionniers de l'armée de l'Air », qui ont réussi, et souvent avec beaucoup de difficultés, à faire prendre conscience des atouts et des avantages de ce nouvel outil en matière de défense ?
Général Michel Fleurence : Vous trouvez dans notre livre, sous forme d'encadré nominatif, les pionniers ou les grandes figures en matière d'hélicoptère de l'armée de l'Air. J'ouvre une petite parenthèse pour dire que je ne souhaitais pas que l'on mette des noms dans l'ouvrage. Je voulais que l'on reste au niveau « organisation/ description », mais pas de nom afin de ne pas attiser certaines jalousies. Nous avons donc décidé de présenter une quinzaine d’encarts des grands personnages de l'histoire des hélicoptères de l'armée de l'Air, mais également de publier la liste complète des commandants d’unités hélicoptères.
Cela commence chronologiquement par l'Indochine, avec le lieutenant Alexis Santini:[14] c'est lui qui a créé l'Arme, même au niveau interarmées, parce qu'en 1950, ni l'armée de Terre, ni la Marine, ne voulaient d'hélicoptères. La Marine, elle, commençait à s'y intéresser. Mais l'armée de Terre, pas encore. C’est Santini qui a créé les premières formations, les premières règles d'emplois. Il a eu à ses côtés le capitaine Valérie André,[15] qui par la suite est devenue son épouse, voilà déjà deux figures qui marquent l'Indochine.
Trois pionniers de l'hélicoptère : le capitaine Santini, le médecin-capitaine André et l'adjudant-chef Bartier devant le hangar de Gia Lâm en 1952 et l'adjudant Fayolle en cours d'inspection de la transmission rotor du Hiller 360. A droite : Libellule frappée de deux petites croix rouges : Insigne de l'EH 1/65 en Indochine.
La troisième figure étant à l'époque le lieutenant Henri Bartier, qui était un pilote extraordinaire et un officier d'une grandeur incroyable. A Diên Biên Phu, au cours d'une évacuation sanitaire, il a été frappé par un obus vietminh, il est allé au tapis, l'appareil a brulé : il a perdu une jambe, mais comme il disait : « sauver un blessé pour une jambe, cela vaut le coup »… J'ai retrouvé Bartier quand j'ai fait mon école à Chambéry en 1958 : il était moniteur. Il avait continué à voler malgré sa prothèse de jambe.
Pour nous, Santini, c'était une très grande figure. Je me souviens des prises d'armes tous les samedi matin au Bourget du Lac : les stagiaires étaient rassemblés en attendant la venue du colonel… On savait que le colonel n'allait pas tarder quand on entendait un bruit métallique : c'était le lieutenant Bartier avec sa croix de guerre comportant une quinzaine de palmes et ses nombreuses autres décorations qui s’entrechoquaient…
Le médecin-capitaine Valérie André devant son Hiller 360 avec lequel elle a sauvé de nombreux blessés en Indochine
En Algérie, la grande figure a été le colonel Félix Brunet, un ancien chasseur, qui avait découvert l'intérêt de l'hélicoptère armé. Il s'est porté volontaire pour quitter la chasse pour « faire les hélicos ». C'est lui, en Algérie qui a construit, lui-même avec ses mécanos, l'hélicoptère armé et qui a inventé l'héliportage de combat avec l'appui-feu et l'appui-sol.[16]
Joël-François Dumont : Ses idées lui ont valu à l'époque quelques problèmes avec l'armée de l'Air…
Général Michel Fleurence : En effet. Initialement l'armée de l'Air ne voulait pas trop entendre parler de l’armement des hélicoptères. Il faudra un jour creuser les archives pour qu'on en connaisse les raisons exactes, mais c'est vrai, en ce temps-là, que l'armée de l'Air ne s'y intéressait pas encore beaucoup… Encore qu’il faille reconnaître que pendant cette guerre d'Algérie, les chefs d'états-majors ont accordé une très grande priorité à l'hélicoptère puisque nous avons eu 350 appareils "Air" pendant les sept années que dura la guerre d'Algérie.
Le colonel Félix Brunet — A droite avec le colonel Marcel Bigeard
Il y a quand même eu un effort formidable en matière de choix. Le général Challe, bien avant le putsch, qui avait été le commandant en chef interarmes — pour la première fois, c'était un aviateur qui commandait l'ensemble des forces en Algérie –, faisait des opérations de la frontière oranaise à la frontière tunisienne, la plus grosse en Kabylie. A son PC, il avait reçu un jour des journalistes en disant : « en matière de guerre aérienne, en Algérie, ce sont les Skyraiders de la Marine, les Piper de l'ALAT et les hélicoptères de l'armée de l'Air ». Brunet reste la grande figure qui a inventé l'hélicoptère armé, devenu aujourd'hui l'hélicoptère de combat !
Les généraux De Gaulle, Salan, Duval et le colonel Brunet (2ème à droite)
Il y a eu ensuite d'autres grands chefs, mais moins emblématiques parce que l'histoire principale était déjà faite. Ils ont été des chefs remarquables en tant que commandants d'escadres. On parlait tout à l'heure du général Sagot. Tous les commandants d'escadre en Algérie ont été de grands messieurs. Tous. Je citerai également le lieutenant-colonel Georges Canépa qui est mort à la tête de son flight au cours d'un héliportage dans un djebel constantinois.
Après les années d'Algérie, on est entré dans des années… je n'ose pas dire de disgrâce, mais enfin presque, et au moins pendant trente ans, c'est à dire de 1960 à 1990. De cette période, personne ne pouvait émerger d'une façon rigoureuse. En revanche, l'armée de l'Air s'est de nouveau intéressée à l'hélicoptère d'une façon prenante, à partir des années 90, parce qu'on venait de découvrir de nouvelles missions qui auraient pu lui être propres : le sauvetage de combat, la défense aérienne, et là, on a vu apparaître de jeunes officiers qui ont réussi à "émerger du lot". Dans notre livre, nous avons mis par exemple en exergue le général Jean Raingeard, que j'avais eu sous mes ordres comme capitaine quand je commandais la base de Chambéry et qui a terminé général de corps aérien…
Joël-François Dumont : Avant de parler de cette renaissance de l'hélicoptère en France avec un « jeune », donc, qui l'a vécue, le colonel Sansu, pour être plus complet sur la première grande période, on se doit de parler de l'emploi massif d'hélicoptères armés américains au Vietnam avec la création d'une "cavalerie aéroportée" le "First Cav"…
En 1953 en Corée les Américains ont utilisé le H-19 Sikorski S-55 « Chickasaw » : ici des Marines transportent des munitions au front pendant les sept jours que dura l'opération Haylift. L'armée française sera la première à l'expérimenter sous le feu ennemi pour le transport tactique.
Général Michel Fleurence : Je crois qu'au niveau mondial de l'histoire de l'hélicoptère, les États-Unis ont toujours été, eux-aussi, à l'origine et à la pointe, ne serait-ce que par l'ampleur de leurs moyens financiers et industriels. Cependant, en matière d'emploi, nous les avons précédés. Je dis bien : nous les avons précédés.
Charge du 1er Régiment de cavalerie (Fort Hood, Texas, 12.12.2008)
En Indochine, toutes proportions gardées, nous avons obtenu un bilan plus important que les Américains pendant la guerre de Corée. Je parle surtout au niveau de l'évacuation sanitaire, parce qu'à cette époque, c'était pratiquement la seule mission. Les chiffres sont trompeurs parce que le volume des flottes n'est pas le même, donc on ne peut les pas comparer tels quels sans se tromper. Mais au point de vue emploi, l'Indochine a été un point de départ au niveau mondial.
1st team du 1st Cav déployée au Vietnam — La "first team" du régiment sera la première à entrer au Vietnam et la dernière à en sortir. De retour aux États-Unis, elle prendra ses quartiers à Fort Hood au Texas. A droite : Écusson d'épaule du « 1st Cav ».
Quant à l'Algérie, c'est la même chose, cela a été un point de départ mondial. Les Américains sont venus s'instruire en France pour savoir ce que l'on avait développé en Algérie. Par exemple, ils sont venus à l'état-major de l'armée de l'Air à Paris ; ils sont venus également sur la base aérienne de Chambéry pour voir comment nous formions les personnels. C'est à l'issue de ces enseignements qu'ils ont aussi réorganisé leurs écoles, leur type de formation, leur emploi. Encore une fois, les dollars étant ce qu'ils sont, ils ont pu produire des flottes énormes qui ont été utilisées pendant la guerre du Vietnam au cours de laquelle on a assisté à des missions de plus en plus nombreuses et importantes et où ils ont eu aussi beaucoup de pertes. Énormément de pertes. Je n'ai pas les chiffres exacts en tête, il faudrait vérifier, mais je dirai plusieurs milliers d'appareils !
Joël-François Dumont : Donc, côté français, l'Algérie a été en matière d'emploi de l'hélicoptère une période faste. Par la suite, il y a eu un grand moment – près de trente ans – avant que l'on assiste à une véritable renaissance de cet « outil Air », incomparable pourtant. Alors que l'armée de Terre, elle, a su mettre à profit ces années en créant l'ALAT, véritable exception française en la matière, la plupart des pays ayant tous leurs moyens aériens employés par l'armée de l'Air. Cette « renaissance », mon colonel, vous l'avez vécue. C'est votre génération qui peut en témoigner.
Colonel Bertrand Sansu : C'est vrai que je suis arrivé dans le monde des hélicoptères en 1990, quasiment au moment de la « renaissance » de l’Arme. Si on veut dater celle-ci de manière objective, c'est 1989 avec les épisodes du « baron noir » et la nécessité pour l'armée de l'Air de trouver une parade aux aéronefs lents qui volent à basse altitude sur Paris. 89-90, c'est vraiment la période de création de la « police du ciel ». C'est à ce moment-là que j'arrive. Je vais donc vivre cette période où l'on va redécouvrir un instrument majeur qu'on avait un peu mis de côté, ou en tout cas que l’on cantonnait à des missions subalternes, de transport logistique, essentiellement.
Protection d'Ariane pendant que la fusée se dirige vers son pas de tir
Pour ma part, emblématiquement, je date cette « renaissance » au 14 juillet 1992,[17] un symbole en terme de reconnaissance par l'institution. Pourquoi ? Parce que c'est la première fois depuis 29 ans que l'on fait revoler les hélicoptères de l’armée de l’air au-dessus des Champs-Élysées. Très clairement, on voit qu'un virage se créée au début des années 90, au moment où j'arrive sur hélicoptère, même si, pour être très franc, je n’ai aucune connaissance de ce contexte particulier à l’époque. J'arrive de plus au moment où les premiers AS-555 Fennec sont livrés à l'armée de l'Air. A cette époque, le Super-Puma est une machine quasi-neuve ; les Puma sont en bon état… Donc pour moi, tout est beau, tout est rose ! Il va d'ailleurs me falloir plusieurs années pour me rendre compte que j'arrive pile au moment où l’Arme « hélicoptère » repart !
Joël-François Dumont : Alors quelle sont ces nouvelles missions attribuées aux hélicoptères de l'armée de l'Air ?
Colonel Bertrand Sansu : Il y a vraiment deux grands volets de missions.
Interception d'un avion de tourisme par 2 Ecureuil de l'EH 3/67 « Parisis ». Tandis que l'appareil au premier plan est en configuration « canon de 20 mm », l'appareil au second plan est lui en configuration « tireur d'élite ».
La police du ciel que l'on appelle les « MASA »[18] ou Mesures actives de sûreté aérienne, qui va partir très vite et très fort au début des années 1990, parce que la plupart des unités métropolitaines vont effectuer des missions MASA : Metz, Istres, Apt…
Présentation à Reims des MASA
On met en place une dynamique qui va continuer jusqu'à ce jour. Au passage je vous fais remarquer que très rapidement, en l'espace d'un an, on passe de rien à tout : c'est à dire qu'on passe d’une absence de compétence à une capacité d’interception de nuit en ayant installé une caméra thermique sur Alouette III. C’est assez remarquable.
Exercice de sauvetage pour un Puma en version RESCo de l'EH 1/44, reconnaissable à ses antennes de détection de départ-missile en pointe avant et sous les ballonnets.
Le deuxième volet, c'est bien sûr le sauvetage de combat. Au début cela s'appelle SAR-Guerre, aujourd'hui, c'est RESCo (Recherche Sauvetage au Combat). Il s’agit de récupérer nos équipages éjectés en zone ennemie. La guerre du Golfe de 1991 va mettre en évidence ce besoin.
En synthèse, je dirai qu’au début des années 90, la menace aérienne sur Paris et l’intervention extérieure majeure qu’a été la guerre du Golfe font prendre conscience à l’armée de l’Air qu'elle a besoin de ses hélicoptères pour faire autre chose que du transport logistique.
Joël-François Dumont : Sur les ponts d'envol du porte-avions Charles de Gaulle ou de nos BPC en opérations ou en manœuvre, on voit toujours un Caracal de l'armée de l'Air pour faire face à ce genre de missions. On suppose qu'il est là « au cas où » ?
Puma de l'EH1/67 « Pyrénées » en alerte RESCo sur le BPC Mistral en Méditerranée
Colonel Bertrand Sansu : On a eu aussi un virage, pas un virage historique, mais un virage d'emploi, au début des années 2000, lorsque la mission de recherche sauvetage au combat a été donnée officiellement à l'armée de l'Air à l'exclusion des autres armées. A ce moment-là, la Marine qui était d'ailleurs d'accord sur ce principe, me semble t-il, a tout de suite ouvert ses bâtiments aux appareils de l'armée de l'Air de manière à ce que les équipages de l'armée de l'Air assurent à la fois la RESCo et parfois aussi des sauvetages en mer en tant que de besoin.
Nous avons ainsi à Cazaux un escadron [19] qui assure cette mission pleine et entière depuis l'an 2000, de manière officielle, à l'exclusion des autres formations des autres armées.
Joël-François Dumont : Profitons de cet instant où deux aviateurs, pilotes d'hélicoptères, appartenant à deux générations différentes qui ont en commun d'avoir vécu des heures fastes pour l'emploi des hélico, à deux époques où l'hélicoptère a été reconnu à sa juste valeur pour ses capacités, pour évoquer avec eux les matériels qu'ils ont servis. Pour vous, mon général, je suppose que vos souvenirs vous lient en particulier au H-34 ?
A gauche : H-34 déposant des troupes sous le feu durant une opération à Bou Saada en 1960. A droite : L'insigne de l'EH2/67 conserve celui de la 3ème escadre : un cheval de Troie à quatre pattes, équipé d'un bouclier timbré d'une croix rouge, avec un poignard sur fond bleu. Fini donc le même cheval à trois pattes qui avait connu au retour en métropole une existence éphémère.
Général Michel Fleurence : Arrivant sur hélico à la fin des années 50, l'appareil emblématique en ce temps là, c'était l'appareil américain Sikorski « H-34 » ou « S-58 » selon la terminologie américaine. Il faut d'ailleurs préciser que c'est en 1955, à la fin de la guerre d'Indochine, après le cessez-le-feu, que le capitaine Santini va revenir en France. A son retour, l'état-major de l'armée de l'Air l’envoie en mission aux États-Unis pour savoir quel type d'appareil on allait acheter pour faire la guerre d'Algérie. On ne savait pas : les deux armées Terre et Air divergeaient. Il y avait deux appareils qui étaient en concurrence entre guillemets. Nous, armée de l'Air, souhaitions le Sikorski H-34 ; l'armée de Terre était plutôt branchée sur un autre type d'appareils, le VERTOL H-21. Santini lors de son périple aux États-Unis visite toutes les firmes industrielles hélicoptère et dans son rapport au chef d'État-major suggère que l'armée de l'Air se dote du H-34. C'est donc l'appareil qui a été acheté et la plus grande série qui a été commandée de toute notre histoire.
Premier Sikorski H-34 rentré d'Algérie exposé à Cazaux
Rappelons que les appareils de cette époque n'avaient rien à voir avec ceux d'aujourd'hui. Je m'explique : c'étaient des appareils monomoteurs, moteurs à piston. Ce n’était donc pas des turbines, ni des bi- ni des tri-turbines. On ne rencontrait donc pas les mêmes soucis qu’aujourd’hui. En cas de panne sur un monomoteur, il faut se poser rapidement en autorotation. Le moteur du H-34 était vulnérable. Pas au début, mais il l'est devenu parce qu'il avait été utilisé de manière trop intense en Algérie. Pour exécuter des missions sur des pitons, des fonds de vallées, des remontées au sommet des djebels, il fallait appliquer des variations de puissance très importantes qui se retransmettaient d'ailleurs sur le rotor anticouple… Le corollaire de cela est que les moteurs ont beaucoup travaillé, donc, se sont beaucoup usés. Et en finale, ils étaient très vulnérables en particulier – ils l'ont toujours été – au sable. Le sable est l'ennemi mortel des moteurs.
Un des premier H-34 armé « Mammouth » du colonel Brunet — Photo © Collection M. Fleurence
Quand il a pris son commandement d'escadre et au moment où il venait de créer son hélicoptère de combat "Mammouth",[20] le colonel Brunet a lancé une opération dans le grand erg saharien avec Bigeard, une zone où l'on avait perdu de nombreux moteurs, sans faire de dégâts par ailleurs.
H-19 embarquant des commandos de chasse (Avril 1956)
3e BCCP (Béret amarante) — 2e Escadre : (Oran la Senia) — 3e Escadre : (Boufarik)
L'effet de surprise tactique : Bigeard, commandant du 3ème RPC, comprendra très vite l'intérêt des hélicoptères pour poser ses paras en sauts de puce sur tous les itinéraires de décrochage de l'ennemi. L'adversaire pris de vitesse et par surprise voit ainsi son moral tomber, en perdant hommes et matériel. Au cours d'une opération le 8 mars 1956, le colonel Bigeard fait poser 150 paras dont il dirige la manœuvre depuis son Bell de Commandement. « En deux heures tout est plié. 126 morts ennemis, 14 déserteurs repris, plus d'une centaine d'armes récupérées, pour un mort du coté du 3ème RPC.» Source : Les hélicoptères pendant la guerre d'Algérie.
Pour vous donner un exemple plus personnel, plus de dix ans après, en 1969, je commandais à l'époque le « Maurienne » à Chambéry. La France avait porté secours aux Tunisiens qui venaient de subir de très graves inondations avec des centaines, pour ne pas dire des milliers de morts. Nous nous étions donc portés à leur secours. Je m'y suis rendu avec mon escadron de quatre Sikorski. En travaillant dans le sud de la Tunisie j'ai eu aussi un moteur qui a lâché à cause du sable. Le premier paramètre, c'était que le moteur à piston était moins fiable que la turbine.
Joël-François Dumont : Quel est le dernier hélicoptère sur lequel vous avez volé mon général ?
Général Michel Fleurence : J'ai fait mon dernier vol sur une Alouette III en Corse, la veille de mon départ en deuxième section à Solenzara. C'est là que j'avais créé une escadrille de sauvetage et l'insigne de cette unité : un plongeur sur un dauphin… J'avais été affecté en Corse à mes débuts comme jeune lieutenant dans une escadrille. Quand j'étais en état-major à Paris, je revenais voler, tous les six mois au moins, en Corse.
H-34 « SAR » de l'Escadron de liaisons aériennes et sauvetage 44 « Solenzara »
L'Alouette III était un appareil à turbine sans problème. Son grand avantage était sa triplace avant avec sa bulle plexiglas. On avait une vision périphérique intense. Sa turbine ne posait aucun problème. C'était un très bon appareil. Il était léger, donc limité à faire des EVASAN ou à effectuer des liaisons… Mais pour être franc, cela ne valait pas mon H-34 sur lequel j'ai effectué plus de deux mille heures de vol !
Joël-François Dumont : Et vous mon colonel, quel a été votre premier hélicoptère et quel est l'appareil qui vous a le plus marqué ?
Colonel Bertrand Sansu : J'ai effectué mon premier vol sur Alouette II, j'ai eu cette chance mais cela n'a pas duré longtemps. L'Alouette II a été retirée de l’armée de l’Air peu après. L'appareil qui m'a le plus marqué, car c'est celui à bord duquel j'ai le plus volé, c'est le Fennec.
Deux AS-555 Fennec d'alerte MASA de l'Escadron de transport mixte « Moselle » de Metz
Le Fennec est arrivé en 1989 dans l'armée de l'Air, comme je vous l'ai dit je suis arrivé en 1990 sur hélicoptère, c'est une machine que j'ai donc connue depuis son entrée en service. Aujourd'hui je suis content de voir qu’un rétrofit majeur est en cours sur cet appareil.
Pour ma part, je n'ai pas eu la chance de faire de l'hélicoptère lourd, je le regrette, j'aurais bien aimé. Mais, ainsi va la vie…
Joël-François Dumont : Mon colonel, les missions des hélicoptères peuvent varier aujourd'hui au cours d'un même vol, du fait de leur « versatilité ». Phénomène que l'on ne connaissait pas à l'époque du H-19 ou du H-34 !
Colonel Bertrand Sansu : On ne connaissait pas, quoi que… j'ai envie de dire que s'il existe un appareil volant qui est polyvalent et versatile, c'est quand même bien l'hélicoptère, sans doute plus que l'avion. Sur ce, il est vrai que ce qui fait la richesse d'un hélicoptère tient à la capacité de passer d'une mission à une autre dans la même heure de vol. La richesse du type de missions ou de compétences à acquérir sur hélicoptère est tellement variée que cela en fait incontestablement l’intérêt majeur : vous ne faites pas la même chose lorsque vous effectuez un treuil ou une mission de navigation nocturne… De même quand vous faites une mission « police du ciel », quand vous faites une recherche SAR, quand vous faîtes un appontage sur un bateau… Toutes ces aptitudes, toutes ces « sous-missions » à une mission principale font la richesse extraordinaire de l'appareil. La versatilité de l'appareil, oui, elle existe. J'en veux pour preuve qu'ici, sur Villacoublay, vous avez un équipage d'alerte « police du ciel » qui peut partir faire une mission de recherche et sauvetage si besoin était.
Puma de l'EH1/67 « Pyrénées » survolant la forêt landaise
Et que dire des appareils les plus modernes de l'armée de l'Air, je pense à nos EC-725 Caracal. C'est un appareil qui possède le système d'arme le plus performant possible, en tout cas en Europe, pour faire la mission la plus complexe qui est la recherche des équipages éjectés en zone ennemie.
Caracal et Puma de l'EH1/67 « Pyrénées » à l'entraînement avec les commandos de l'Air
Dès lors qu’il sait faire cela, il sait faire tout le reste. C'est à dire qu'il peut faire des missions de transport sanitaire, de recherche-sauvetage, des missions de soutien logistique de tout type, des missions d'aéroportage, des missions d'appui, des missions de reconnaissance, comme ils en font aujourd'hui en Afghanistan.
Joël-François Dumont : Comment ne pas retrouver chez vous deux, anciens pilotes de chasse, cette même passion pour l'hélicoptère. Mon colonel, quelle différence faites-vous entre la passion que vous avez ressentie pour la chasse et celle que vous avez ressentie pour l'hélicoptère en ayant bifurqué ? Comment l'expliquer ?
Le colonel Bertrand Sansu et le GBA Michel Fleurence devant le H-34 de la BA de Villacoublay
Colonel Bertrand Sansu : J’ai volontairement choisi les hélicoptères après une courte période sur avion à réaction. Le sort a voulu, qu'ayant découvert l'hélico in situ, je m'y suis particulièrement plu. C'est l'appareil qui me correspondait sans doute le mieux dans l'armée de l'Air. Il vous procure un sentiment de liberté que j’estime plus important que sur avion. En revanche, vous y perdez le sentiment de « puissance » – la vitesse, les accélérations- qui n’existent quasiment pas sur voilures tournantes.
La grosse différence, en tout cas initialement, c'est le pilotage pur. Je ne veux pas dire que l'avion ne se pilote pas, loin s'en faut, mais sur hélicoptère, rien que pour commencer à décoller, il faut déjà se mettre en stationnaire, puis faire quelques centaines de mètres. Rien que cela c'est déjà un challenge de tous les instants. Le pilotage accapare donc beaucoup de facteurs cognitifs. Quelques années après, on a mis en place dans l'armée de l'Air une sélection spécifique pour recruter les pilotes d'hélico parce qu'on s'est rendu compte que les aptitudes psychologiques et les aptitudes de pilotage pur n'étaient pas les mêmes que sur avion. Pour faire très court, et je prie les spécialistes de m’en excuser, je dirais qu’en terme de pilotage pur on recherche chez un pilote d’hélicoptère une réaction fine mais pas forcément rapide, alors que c’est l’inverse sur avion à réaction. On recherche également des aptitudes « sociales » plutôt fortes chez le pilote d’hélicoptères car les détachements longue durée à l’autre bout du monde – Afrique, Kerguelen – en équipe très réduite nécessite certaines qualités relationnelles…
Joël-François Dumont : Cette passion, mon général, vous la partagez ? Vous aussi, vous avez quitté la chasse pour les hélicos.
Général Michel Fleurence : Comme je vous l'ai dit, j'ai été volontaire désigné d'office… pour voler sur hélico alors que j'étais sur avion en Algérie. Découvrant la machine, d'abord en école et ensuite en opération en Algérie, j'avais découvert effectivement les immenses possibilités et les joies que l'on éprouvait intérieurement. Il n'y a pas deux missions … Même au cours d'une mission quand on faisait des rotations d'héliportage ce n’était jamais dans les mêmes conditions. Cela créait une ambiance presque féérique, à telle enseigne que je n'ai plus jamais voulu retourner sur avion ! Je continuais à voler de temps en temps, quand même, mais pour moi, l'hélico a été une machine, un instrument époustouflant parce que, comme le disait le colonel Sansu, il y avait cette liberté… je crois effectivement que c'est cela. Parmi les deux paramètres qu'il nous a cités, je dirai que la puissance est moins importante que la liberté. La liberté est extraordinaire : on a le sentiment de pouvoir faire n'importe quoi, pas tout à fait quand même ! Un bon pilote qui a vraiment été très bien formé, rigoureux et tout, peut faire des choses fantastiques.
Joël-François Dumont : L'armée de l'Air peut maintenant dire, grâce à vous deux, à ce livre magnifique, à tous ces témoignages, ces archives inédites, qu'elle a, enfin, une histoire de ses hélicoptères, ce « formidable outil … mis en œuvre et employé par des femmes et des hommes d’exception qui se sont appropriés cette machine, qui défie les lois de la mécanique du vol.»[1] Autant de documents, de photos qui témoignent de l'apport de cette machine dont avaient rêvé Jules Verne et avant lui Léonard de Vinci.[21] Le général, avec sa trilogie sur les hélicos en Indochine publiée par le Service Historique de la défense, avait de l'entraînement.[5] Mais, comme on ne s'improvise pas historien du jour au lendemain, mon colonel , pour publier 667 pages, il a fallu relever un défi…
Colonel Bertrand Sansu : Cela a été un travail énorme, je ne peux pas le cacher, mais cela a surtout été un réel plaisir. Au fur et à mesure que je rédigeais, je découvrais des pans entiers de mon histoire, c’était une jubilation. En particulier, lorsqu’au dernier moment nous découvrions des unités quasi-inconnues, ayant eu une histoire et des traditions. Je pense aux escadrons 1.24 et 3.87 d’Algérie qui étaient oubliés, presque fantômes. Quand vous arrivez à mettre la main sur les archives et à écrire deux trois pages sur de telles unités, vous avez le sentiment de boucler la boucle et d'avoir fait le tour de ce qui a existé dans l'armée de l'Air, c'est une vraie satisfaction.
Joël-François Dumont : Parmi ces découvertes, vous avez été amené à vous pencher sur une page d'histoire peu connue, celle de l'autogire, digne ancêtre de l'hélicoptère ?
Autogyre Leo C30 de l'armée de l'Air
Colonel Bertrand Sansu : C'est surtout le général qui a travaillé cette question. J'avoue que je ne connaissais presque rien sur l'autogire.[22] Je pense que beaucoup de lecteurs, y compris des aviateurs, découvriront qu'on a exploité des autogires dans l'armée de l'Air… C'est fabuleux !
Joël-François Dumont : On s'en est bien servi en 1940…
Général Michel Fleurence : En 1940, effectivement on avait des unités d'autogires. L'autogire n'avait pas les mêmes possibilités de manœuvre que l'hélicoptère, en particulier, l'autogire ne peut pas faire de stationnaire. C'était quand même un appareil à voilure tournante. L'armée de l'Air avait une cinquantaine d'autogires. La Marine avait également une flotte de 10-15 autogires. Malheureusement, et ce n'est pas propre aux autogires, les doctrines d'emploi et les rivalités à l'époque étaient telles, entre la Terre et l'Air, que l'armée de Terre aurait voulu des autogires qu'elle n'avait pas, alors que l'armée de l'Air avait, elle, des autogires qu'elle ne voulait pas ! Résultat, les appareils sont restés pratiquement inutilisés au niveau de l'armée de l'Air…
Le lieutenant (R) Guy Orsel sur son O C.30
Il y a quand même eu des missions de reconnaissance en 1940, mais très ponctuelles. On les compte sur les doigts d'une main. Au cours du reflux des armées du nord vers le sud, poursuivis par les blindés allemands et par la Luftwaffe, il y a eu donc des péripéties. On a eu une grande partie de notre flotte qui a été détruite à Poitiers. Un autogire qui se cachait a été attaqué par trois chasseurs allemands. Pour revenir à votre question, les appareils n'ont pas été utilisés, alors qu'à la même époque, la Marine avec ses autogires les avait mieux exploités, en particulier dans la surveillance des côtes de la mer du Nord et de la Manche, la protection des convois, la recherche des mines. La Marine, elle, avait une doctrine d'emploi de ce type d'appareils que nous, armée de l'Air, n'avions pas !
Joël-François Dumont : Assurément, aujourd'hui, nous vivons à une autre époque, celle de la mutualisation et celle de l'interarmisation. Deux domaines dans lesquelles l'armée de l'Air s'est investie en prenant des initiatives importantes. Citons la création de la SIMMAD [24] ou de l'EATC,[23] ce qui laisse penser que l'outil Air aujourd'hui est vu avec un autre regard que par le passé ?
Colonel Bertrand Sansu : Par rapport aux périodes passées, comme l'Algérie, oui. Très clairement nous sommes entrés aujourd'hui dans une phase d'interarmisation, voire d'inter-ministérialisation du soutien des appareils et nous sommes entré dans une phase très claire aussi d'interarmisation de l'emploi. Le Commandement interarmées des hélicoptères (CIH) a été créé en 2009.[25] Même si cela reste un embryon de commandement, on voit bien la direction vers laquelle on se dirige. On va vers une rationalisation des moyens, qu'ils soient techniques ou qu'il s'agisse des moyens de soutien, des moyens humains ou des moyens de formation. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'une seule école de formation ab-initio de pilotes d'hélicoptères au sein du ministère, elle est à Dax. C'est l'école de l'ALAT.[26]
Je pense que demain, on ira sans doute un petit peu plus loin. La démarche est celle-ci pour des raisons élémentaires de coûts et de maîtrise de dépenses du ministère. Alors, faut-il s'en plaindre ? Sans doute non, parce qu'aujourd'hui on a un RETEX de presque quinze ans sur la formation des pilotes à Dax, il n'y a aujourd’hui rien à redire sur cette formation. Cela se passe très bien. On n'empêchera pas un fond de « guéguerre intestine entre frères ennemis » d'exister, essentiellement entre l'armée de l'Air et l'armée de Terre. Il y aura toujours ceux qui espèrent que l'un mangera l'autre un jour. Cela ne dure que depuis l'Indochine ! Quand on consulte les archives, on voit que cela a commencé avec la 65ème escadre mixte d'hélicoptères. Elle était mixte, non pas parce qu'elle était équipée d'appareils légers et lourds, mais parce qu’elle était armée par du personnel Air et Terre. Cette expérience a duré quelques mois en 1954-1955 sur fond de guerre de boutons. Où irons-nous demain ? Je n'en sais rien précisément ! Mais, très clairement, nous sommes partis sur une mutualisation des moyens, des soutiens et des formations…
Joël-François Dumont : Merci de nous avoir consacré votre temps pour évoquer ces pages de notre histoire militaire, de nous avoir permis de partager votre passion pour les hélicoptères et de rendre un hommage mérité à tous ceux qui, en métropole comme sur des théâtres d’opérations lointains se sont dévoués sans compter, prenant des risques inouïs, parfois, pour évacuer des combattants encerclés, des blessés, secourir des équipages abattus en zone hostile et sous le feu de l’ennemi, de jour comme de nuit. Vous nous avez en tout cas prouvé que la jeune génération était aussi dynamique que celles de nos « anciens » qui, heureusement, ont cette mémoire « institutionnelle » qui nous fait si souvent défaut.
—————-
[1] Voir « Hélicoptères : un savoir-faire français de haut niveau » (04.07.2102) : Extrait de l'allocution du GBA Philippe Gasnot, commandant la Brigade d’Appui et de Projection du Commandement des forces aériennes (CFA) lors des 50 ans de l'Escadron d'hélicoptères 1/67 Pyrénées sur la BA 120 "Commandant Marzac" de Cazaux.
[2] Le mot "hélicoptère" a été inventé en 1861 par le vicomte Ponton d'Amécourt à partir du grec "helix" (spirale) et "pteron" (aile).
[3] Voir « Histoire de l'hélicoptère et autres voilures tournantes » (Source Wikipedia).
[4] « Histoire succincte de l'aéronautique navale » du vice-amiral Roger Vercken aux éditions Ardhan.
[5] « Rotors dans le ciel d’Indochine : l'épopée des hélicoptères de l'armée de l'Air en Extrême-Orient » (1950-1997) par le général de brigade aérienne (2s) Michel Fleurence. Trois volumes publiés par le Service Historique de la Défense(SHD) : Vol.1: « Les Hommes », Vol.2 aux « Opérations (1950-1954) » et Vol.3 : « Le livre d'or ». C’est en Indochine qu’apparaît l’hélicoptère militaire français, permettant le développement de l’appui aérien sanitaire des forces terrestres et révolutionnant l’art du sauvetage des vies humaines. Cette innovation majeure est étudiée à la lumière des archives de l’armée de l’Air, des carnets de vol de pilotes et de mécaniciens et de nombreux témoignages d’aviateurs. De nombreuses illustrations et annexes enrichissent le récit. SHAA, 2003, 550 p. Le troisième volume est composé de trois parties : « Crépuscule sur le Mékong », « La geste des hélicoptères en Indochine » et « L’hélicoptère et les guerres des années 1950 ». Comprenant notamment le Livre d’or des citations, il envisage la présence des hélicoptères de l’armée de l’Air française en Asie jusqu’aux années 1990, tout en étudiant le rôle des hélicoptères français dans les conflits menés par la France au cours de la Guerre froide. Source : SHD, Château de Vincennes.
[6] Général André Martini, « L'histoire de l'aviation légère de l'armée de terre 1794-2004 : de l'Entreprenant au Tigre », Paris, Lavauzelle, 2005, 252 p. (ISBN 2-7025-1277-1)
[7] Extrait de la préface du général d'armée aérienne Jean-Paul-Paloméros, chef d'état-major de l'armée de l'Air du livre « Histoire des Hélicoptères de l’armée de l’Air : 75 ans de voilures tournantes ».
[8] « Histoire des Hélicoptères de l’armée de l’Air : 75 ans de voilures tournantes » : 672 pages avec plus de 400 photos. Éditeur et diffusion : Association Hélicoptères « Air » (www.aha.helico-air.asso.fr).
[9] Ancienne BA 725, fermée le 18 juin 1985. De 1956 à 1962, plus d'un millier de pilotes y ont suivi leur formation.
[10] Escadrons d'hélicoptères de l'armée de l'air aujourd'hui : (Source : Armée de l'Air). « Collection rimant avec passion» voir également le musée virtuel des « Insignes Air ». Plusieurs livres ont été consacrés aux insignes et à la symbolique de l'armée de l'Air : « Les escadrilles de l'aéronautique militaire française : Symbolique et Histoire », « Répertoire des blasons, insignes de l'armée de l'Air » du Service Historique de l'armée de l'Air Défense, « Les Insignes de l'Aéronautique Militaire Française jusqu'en 1918 » de Philippe Bartlett et « Les Insignes de l'Aéronautique Militaire Française (Tome 1 : 1912-1982 et Tome 2 : 1912-1986). (Source : Air Insignes).
EH1/68 puis 67 « Pyrénées » — ELA 44 « Solenzara » — EE 21/54 « Goslar »
La Collection d'Yves Genty (www.bibleair.free.fr/) aura contribué à l'enrichissement du livre du général Fleurence et du colonel Sansu. Grâce à ces insignes, souvent dessinés par des membres des escadrons qui se sont illustrés d'abord en Indochine puis en Algérie, avant de voler sous tant d'autres cieux, les unités retrouvent un peu de leur âme et celle de ceux qui les ont composés. Celle de Solenzara a ainsi été dessinée par le général Fleurence… Sous ces couleurs, combien d'aviateurs ont disparu dans l'anonymat alors qu'ils sauvaient les vies de frères d'armes ou évacuaient des civils sous le feu ennemi ? C'est aussi le moyen de suivre l'évolution des escadrons ou des escadres, parfois dissous, puis recréés en tant que de besoin.
EH 1/65 — 2e, 22e EH, enfin EH 2/68 « Maurienne » — 3e, 23e EH puis EH2/67 « Valmy » — Collection Yves Genty.
[11] Le premier à s'intéresser au concept d'hélicoptère fut le savant et ingénieur italien Léonard de Vinci. Un de ses dessins, daté de 1486, montre une machine volante à aile tournante (vis aérienne) fondée sur le principe de la vis d'Archimède. Selon ses notes il aurait construit et fait voler quelques modèles réduits sans toutefois expliquer comment il empêche la rotation de l'ensemble de sa machine. (Sources : Wikipedia).
[12] En 1886, Jules Verne publie Robur le Conquérant où il imagine une mission de sauvetage par un hélicoptère…
[13] Au début du XXe siècle, seul un petit groupe de pionniers s’intéresse au développement d’un engin à voilure tournante alors que l’avion vole de succès en succès. Les premiers hélicoptères se soulevèrent en 1907: c’est en fait une troïka sans précédent de pionniers français qui débuta cette année-là ses essais, Maurice Léger, le 13 juin, avec des rotors coaxiaux ; Louis Breguet, le 24 août, avec des rotors en “quad” et Paul Cornu, le 13 novembre, avec des rotors en tandem. A Lisieux, Paul Cornu fera décoller l'un des trois premiers hélicoptères conçus pour emporter un pilote. Le premier « vol » d’un « hélicoptère » est considéré comme celui de Louis Charles Breguet à bord du Bréguet-Richet n°1, le 29 septembre 1907. Ce gyroplane, retenu par des cordages, d’une masse de 578 kg, équipé d’un moteur Antoinette de 35 kWqui entraîne quatre rotors bipales, est capable de soulever son pilote à une hauteur de 0,60 m pendant 1 minute. La présence d'assistants tenant les cordages fait encore planer un doute sur l'absence d'aide externe et le vol de Paul Cornuréalisé le 13 novembre 1907, juste après, pourrait être le premier vol libre. Son hélicoptère d’une masse de 260 kg, équipé d’un moteur Antoinette de 24 ch (18 kW) qui entraîne deux rotors bipales réalise un vol de moins de 30 secondes et la machine se brise à l’atterrissage. D'autres essais sont réalisés pendant cette période et pourraient prétendre au titre. Parmi eux, Emile Berliner et John Williams qui auraient réussi à décoller en 1909 aux États-Unis ou Jens Christian Ellehammer, un Danois, dont l'hélicoptère à rotors coaxiaux à réussi un bond en 1912 alors que le rotor du prototype réalisé par Boris Yuriev (premier engin équipé d'un unique rotor horizontal et d'un rotor de queue), en Russie, se brise avant de pouvoir décoller. L'année 1912 est probablement celle de la bascule historique entre des modèles de petite taille et des machines faites pour emporter leur pilote. Le début de la Première Guerre mondiale voit l’arrêt des expérimentations qui ne reprendront qu’avec des succès limités alors que l’aviation se développe bien plus rapidement.
Le 4 mai 1924, l’ingénieur français Étienne Œhmichen boucle le premier kilomètre en circuit fermé, avec son no 2, un appareil très stable, doté de quatre hélices (ou rotors) de sustentation et huit hélices de direction, à Arbouans près de Montbéliard. En 1926, il construit un hélicoptère mono-rotor qu'il présentera en 1928. Cet appareil, doté d'un seul rotor principal et de deux rotors anticouple, donnera de piètres résultats. Il reviendra en 1929 au concept de son appareil no1 en créant l'Hélicostat.
[14] Le colonel Alexis Santini (11914-1997) : « Alexis Santini est le premier pilote d'hélicoptère des armées françaises et le grand précurseur de l'utilisation opérationnelle de l'hélicoptère militaire.
Incorporé en octobre 1935 comme pilote de chasse, il entre dans la Résistance début 1941 et crée le Maquis de Crupies (Drôme) qu'il commande jusqu'en 1944. Volontaire pour l'Indochine, il effectue, de 1946 à 1949, de nombreuses missions de reconnaissance, de réglages de tirs et d'évacuations de blessés sur avion. Il est cité à l'ordre de l'Armée en novembre 1946 après avoir eu son appareil abattu, puis deux fois cité à l'ordre de la Division pour avoir réussi des missions particulièrement difficiles.
De retour en métropole, volontaire pour un stage d'hélicoptère, il retourne en Indochine en avril 1950 pour prendre le commandement, à l'ELA 52, de la première section d'hélicoptères de l'armée de l'air, équipée de deux Hi/ter 360. Il devient le grand précurseur de l'utilisation opérationnelle de l'hélicoptère des armées françaises. Il est le responsable des unités d'hélicoptères d'Indochine qu'il organise et commande. Il s'attelle à en définir les missions et les normes d'utilisation. D'avril 1950 à septembre 1954, les hélicoptères d'Indochine ont, sous ses ordres, effectué 9.500 heures de vol, évacué 11200 blessés, sauvé 38 pilotes et 80 évadés de Diên Biên Phu.
De 1956 à 1958, il commande la division d'instruction hélicoptères de la Base école 725 du Bourget-du-Lac. Nommé ensuite chef du bureau "hélicoptères'' de la Région aérienne (Algérie), il y mène une activité hors norme dans son travail d'état-major comme dans son activité opérationnelle. Il est à l'origine du choix de l'hélicoptère H-34 par l'armée de l'Air.
Rentré en métropole en septembre 1962, le lieutenant-colonel Santini est nommé directeur "hélicoptères et commandos" au sein des forces aériennes tactiques à Villacoublay.
Sa splendide carrière s'achève le 31 octobre 1963. Commandeur de la Légion d'honneur, titulaire de quinze citations dont dix à l'ordre de l'Armée, il a effectué plus de 6 200 heures de vol, dont 1400 de vol de guerre en 868 missions. Il a réalisé la première mission d'évacuation sanitaire par hélicoptère le 16 mai 1950 (Indochine du Sud) et effectué les premières missions françaises de recherche et récupération d'équipages en zone hostile.
Pionnier de l'hélicoptère dans l'armée française, animé de la même ardeur et la même foi qui lui ont acquis l'estime et l'admiration unanime… Activité inlassable, dévouement total, autorité incontestable.»
[15] Le médecin-général Inspecteur Valérie André : un destin hors norme pour une femme d'un très grand courage. « Une très grande dame » qui fait bien sûr l'admiration du général Fleurence et du colonel Sansu.
Après avoir assisté aux côtés du CEMAA au défilé aérien, le Médecin-général André s'entretient avec le colonel Sansu le jour de sa prise de commandement de la Base de Villacoublay avant de recevoir (enfin) son brevet de pilote des mains du chef d'état-major de l'armée de l'Air, le général d'armée aérienne Jean-Paul Paloméros.
Biographie extraite du livre (page 52) : « Docteur en médecine, le capitaine Valérie André fait partie du petit groupe des pionniers des hélicoptères de l'armée française. Elle s'engage dans le corps auxiliaire des forces armées d'Extrême-Orient le 30 novembre 1948 pour servir en Indochine où elle est affectée en antenne chirurgicale parachutiste. Le service de santé la désigne pour suivre une formation de pilote d'hélicoptère chez Hélicop-Air en métropole. À l'issue de cette formation, elle retourne en Indochine où, pendant deux ans, elle se perfectionne en chirurgie de guerre en même temps qu'elle parfait son pilotage tactique de l'hélicoptère auprès du capitaine Alexis Santini. Première femme au monde à être pilote d'hélicoptère sur un théâtre opérationnel, elle assure, dans les conditions les plus périlleuses, les missions d'évacuations sanitaires que sa double technicité de pilote et de médecin lui permet de mener à bien. Ainsi, elle évacue seule à bord cent soixante-cinq blessés et totalise cent vingt-neuf missions de guerre. Elle commande la section hélicoptère de l'ELA 53 du 1er octobre 1952 au 1er février 1953. Ses mérites, connus de tout le corps expéditionnaire, lui valent cinq citations avec croix de guerre TOE ainsi que la Légion d'honneur pour faits de guerre.
Après sa période indochinoise, le capitaine André poursuit une carrière hors norme: médecin et pilote au CEV à Brétigny pendant cinq ans, elle participe aux opérations de secours d'Orléansville (Algérie) en 1954. Elle est ensuite affectée comme médecin chef de la 3e Escadre d'hélicoptères en Algérie, où elle effectue 356 missions en tant que pilote d'hélicoptère. Elle rejoint la métropole en 1962 comme médecin-chef de la base de Villacoublay puis conseiller "santé" du commandement du transport aérien militaire. Après avoir épousé Alexis Santini en 1963, et occupé de nombreux postes à responsabilité, elle parachève sa carrière en étant la première femme accédant au grade de général des armées françaises en 1976. Nommée médecin général inspecteur du service de santé des armées, elle totalise 4200 heures de vol et 496 missions de guerre.
Titulaire de très nombreuses décorations, l'histoire retiendra qu'elle est la première femme militaire faite grand-croix de l'Ordre national du Mérite ainsi que grand-croix de la Légion d'honneur. Défenseur passionné de la place des femmes au sein des armées, elle aura combattu toute sa vie les injustices liées aux préjugés sociaux.» Source : « Histoire des Hélicoptères de l’armée de l’Air : 75 ans de voilures tournantes » du général Michel Fleurence et du colonel Bertrand Sansu.
Initialement mis en œuvre par l’armée de l’Air en Indochine, l'un des Hiller 360 sera donc piloté par une femme, jeune médecin-capitaine, Valérie André, première femme pilote militaire d’hélicoptère à une époque où aucun concept d'emploi pour les évacuations sanitaires n'existait ! Entre 1952 et 53, elle évacuera du champ de bataille 165 blessés en 129 missions de guerre…
Évacuation sanitaire effectuée par l'adjudant-chef Bartier au nord de Thai Binh le 27 février 1952. Cet appareil, le Hiller n°133, est aujourd'hui conservé au musée de l'hélicoptère de Dax.
Mais, ce que l'on sait moins, c'est que le premier acquéreur d'hélicoptère des forces armées françaises était un médecin, André Robert… Il a 20 ans en 1913. Après un an de service, il intègre le Service de Santé navale comme Infirmier-matelot… Après de brillants états de service lors de la Première Guerre Mondiale, il réintègre l'école, devient médecin et entame une longue carrière en Afrique équatoriale où ses « qualités d'organisateur et d'administrateur » lui valent d'être remarqué. Il fera la Deuxième Guerre Mondiale à la 8ème Armée des Alpes avant de découvrir en 1947 l'Extrême-Orient comme directeur du service de santé des troupes coloniales. Le médecin-général Robert, « jouissant d'une belle prestance» réussir lors d'un passage à Paris le tour de force d'organiser à Issy-les-Moulineaux, le 15 novembre 1949, la présentation d'un Hiller 360 en vol… Le succès de la démonstration est tel qu'il milite pour l'achat de deux appareils dont le cofinancement sera trouvé par le ministère des États associés (Cambodge, Laos, Vietnam, Vietnam), l'armée de l'Air étant désignée responsable de la formation de deux pilotes et de quatre mécaniciens. En 1952, il n'y aura que deux hélicoptères en Indochine qui seront à la disposition du service de santé. C'est en Indochine que naîtra l'héliportage sanitaire, de même que c'est en Algérie que naîtra l'héliportage d'assaut.
Le médecin-général inspecteur Valérie André, sera la première femme militaire a être grand-croix dans l'Ordre national du mérite et grand-croix dans l'ordre de la Légion d'Honneur.
Le médecin-capitaine Valérie André sera également la première femme nommée officier général dans l’Armée française. Curieusement, elle n'avait jamais reçu son brevet de pilote de l'armée de l'Air… Ce qui ne l'avait pas empêchée de partir et de devenir pilote d’hélicoptère en Indochine, de totaliser 4.200 heures de vol et près de 500 missions de guerre aérienne. Celle qui a su convaincre le ministre de la Défense d’ouvrir les métiers de pilotes militaires aux femmes à la fin des années 1980, recevra le 7 février 2008, sous le regard du colonel Sansu notamment, promu commandant de la BA de Villacoublay, le brevet de pilote d’hélicoptère de l’armée de l’Air n° 001, daté rétroactivement du 1er novembre 1956, des mains du GAA Jean-Paul Paloméros, CEMAA lors d'une brillante cérémonie.
[16] Le colonel Félix Brunet (1913-1959) : c'est lui qui aura inventé et fini par imposer l'héliportage d'assaut et l'hélicoptère armé. Biographie extraite du livre (page 72) : « Entré dans l'armée de l'air comme mécanicien en 1932, Félix Brunet obtient son brevet de pilote à l'école de Versailles. En juin 1940, il rejoint l'Afrique occidentale française, et, à partir de novembre 1942, se bat dans les forces aériennes de la France libre où il obtient deux victoires aériennes en abattant un Arado et un Messerschmitt 323. La campagne de France terminée, il part pour l'Indochine et reçoit le commandement de la base aérienne de Cat Bi à Haiphong. En 1954, il rejoint l'Afrique du Nord. Promu colonel, il effectue un stage de transformation sur hélicoptère et prend le commandement de l'escadre d'hélicoptère n°2 d'Oran à laquelle il donne la devise "Combattre et sauver".
Il est présent partout où l'on se bat, toujours à la tête de sa formation, soucieux de la sécurité de tous, hormis la sienne. Créateur de l'hélicoptère armé, homme exceptionnel, baroudeur ardent et généreux, indifférent à toute publicité, sa réputation devient pourtant légendaire. On le voit maintes fois intervenir sous le feu de l'ennemi, aux commandes de son hélicoptère d'assaut, pour dégager tant ses appareils que les troupes au sol. Ses innombrables et courageuses évacuations sanitaires lui valent la Médaille de vermeil du Service de santé. Fin 1958, Félix Brunet quitte l'EH 2 pour suivre à Paris les cours de l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN). En août 1959, sur sa demande, il revient en Algérie où il prend le poste de commandant de l'Air de Colomb-Béchar. Il se distingue à nouveau au cours d'opérations au-dessus du Sahara, payant inlassablement de sa personne et ne prenant aucun repos . Il succombe à une grave affection cardiaque le 5 décembre 1959 à l'issue d'un vol. Il est âgé de 46 ans.
« Troisième pilote militaire le plus décoré après Fonck et Nungesser, grand officier de la Légion d'Honneur, titulaire de la Croix de Guerre 1030-1945, de la Croix de Guerre des T.O.E., de la Croix de la Valeur militaire, le Colonel Brunet a été cité vingt-six fois et blessé à quatre reprises. détenteur de deux victoires aériennes homologuées et de deux autres probables, il a effectué 2.292 missions de guerre en 4.200 heures de vol, atteignant en la matière un "record" mondial, jamais égalé à ce jour. Il a donné son nom à la promotion 1959 de l'École militaire de l'Air, ainsi qu'à la Base aérienne 217 de Brétigny-sur-Orge.» Source : « Histoire des Hélicoptères de l’armée de l’Air : 75 ans de voilures tournantes » du général Michel Fleurence et du colonel Bertrand Sansu (Page 72). Voir également Sikorsky S-58/H-34 armé « Pirate ».
Avec le commandant Émile Martin, mécanicien, les deux hommes mettront au point le « Mammouth » et le H-34 « Pirate » donnant naissance à l'héliportage d'assaut.. après des essais plus ou moins clandestins !
[17] Le 14 juillet 1963, c'est l’EH 2/23 de Saint-Dizier qui défilera sur les Champs-Élysées.
[18] Voir « La protection du centre spatial de Kourou par les Forces armées en Guyane » (15.08.2008) et « Le Fennec à l'honneur au Bourget » (16.03.2011).
[19] L'escadron d'hélicoptères 1/67 Pyrénées, unité volante de l'Armée de l'air stationnée sur la BA 120 "Commandant Marzac" de Cazaux, a été constitué à compter du 1er septembre 2000, sur décision du chef d’état-major des armées, en organisme à vocation interarmées, devenant dès lors le pôle d’expertise interarmées de la « RESCo ». Voir « Les noces d'or de l’Escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées » de Cazaux » (04.07.2012).
[20] Fin 1956, le colonel Félix Brunet à peine nommé à la tête de l'EH2, entreprend avec le capitaine Émile Martin de trouver une parade au manque de protection des poser en opération, que ce soit au moment du largage des commandos comme lors d'évacuations sanitaires sous le feu adverse; ce sont d'ailleurs des commandos de l'Air détachés au sein de l'escadre qui sont les servants de ces nouveaux systèmes d'armes. (Source : AHA/SHD).
[21] En étudiant le vol plané des rapaces, après avoir fait diverses expériences, Léonard de Vinci abandonne l'idée de l'avion à ailes oscillantes pour se consacrer à l'étude d'ailes rigides. Il crée alors la vis aérienne (ou hélice ou aile tournante hélicoïde…) avec une simple vis passée au milieu de deux plaques de bois en s'inspirant du principe de la vis d'Archimède, utilisée dès l’antiquité pour monter de l’eau. Montée en pivot sur un axe de rotation, on la fait tourner très rapidement, la vis s’élève alors dans l’air. Source : Wikipedia.
Schéma de la vis aérienne de Léonard de Vinci
[22] Inventé par l'Espagnol Juan de La Cierva en 1923, l’autogire, appelé aussi « gyrocoptère » est un aéronef à voilure tournante libre. Contrairement à un hélicoptère, le rotor libre d'un autogire n’est pas actionné par un moteur, mais est entraîné par le vent relatif qui vient de l'avant lorsque l'appareil est en translation. L'appareil est propulsé par une hélice placée à l'arrière ou à l'avant de la cellule. Toutefois, lorsque l'autogire effectue une autorotation verticale, le moteur est au ralenti voire coupé, et c'est par le dessous du rotor que le vent relatif alimente le rotor et assure la rotation nécessaire à la sustentation. En conséquence, l’autogire est incapable de vol stationnaire car il lui faut toujours être en mouvement, hormis dans les conditions de vent de plus de 50/60 km/h, où selon son poids, il lui est possible en utilisant son propulseur et en se mettant face au vent, d'effectuer un vol stationnaire, cela par rapport au sol et non pas par rapport à la masse d'air. Toutefois, il peut monter et descendre presque à la verticale et effectuer des atterrissages et des décollages sur de très courtes distances. La charge d’emport d'un hélicoptère est très supérieure à celle d’un autogire, du fait qu’il décolle de façon parfaitement verticale. (Source : Wikipedia).
[23] BA 217 : Organisme à vocation interarmées (OVIA), la SIMMAD (Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels), relève organiquement du chef d'état-major de l'armée de l'Air. Sa mission de la SIMMAD est d'assurer la meilleure disponibilité des aéronefs du ministère de la défense et d'en maîtriser les coûts. Responsable du management global du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques, cette structure intégrée (armées-gendarmerie-délégation générale pour l'armement) fédère toutes les fonctions qui y concourent : expression des besoins et passation des marchés d'acquisition de rechanges et de prestations de soutien, gestion financière des crédits alloués, réalisation de la logistique amont et, par délégation des états-majors d'armée, maîtrise d'ouvrage de la maintenance des matériels aéronautiques et de la distribution des pièces de rechange. Son directeur central est subordonné à un comité directeur composé du chef d'état-major des armées, du délégué général pour l'armement, des chefs d'état-major de l'armée de Terre, de la Marine, de l'armée de l'Air et du directeur général de la Gendarmerie nationale. Ce comité a pour vocation de proposer au ministre la politique générale du MCO des matériels aéronautiques et d'en organiser la mise en œuvre. Dans cette perspective, la SIMMAD élabore les règles générales de MCO de ces matériels en fonction des besoins opérationnels, les fait appliquer conformément aux instructions techniques de la délégation générale pour l'armement, participe à la définition de la politique logistique et à sa mise en œuvre. (Source : Armée de l'Air).
[24] Sous la double impulsion du général Jean-Paul Paloméros, alors Major général de l'armée de l'Air, et de son homologue allemand, le Lieutenant Général Kreuzinger-Janik, Inspecteur de la Luftwaffe, a été créé à Eindhoven le 1er septembre 2010, le Commandement européen du transport aérien militaire (European Air Transport Command, EATC) : Voir « Transport aérien militaire : un exemple d’intégration de forces européennes » (20.10.2010); “Notre devoir pour la nation nous impose de nous projeter à 15 ans, pas à 15 mois” (29.06.2010) et « Le Centre Multimodal des Transports » (27.02.2010).
[25] Créé le 11 août 2009, le Commandement interarmées des hélicoptères a pour but d'optimiser le développement, le pilotage et remploi des capacités hélicoptères des armées. L'objectif premier du CIH est d'optimiser l'utilisation des capacités existantes en vue de mieux absorber le déficit capacitaire créé par le retrait de service progressif des flottes en fin de vie. Il s'agit pour l'essentiel de générer des gains de fonctionnement au travers de la mise en cohérence des différentes organisations, la recherche de synergies, une meilleure connaissance des capacités existantes et une répartition plus efficiente des activités et charges opérationnelles. Il s'agit aussi d'obtenir une convergence de l'expression des besoins capacitaires. Les armées disposent aujourd'hui d'un parc d'environ 520 hélicoptères de tous types répartis comme suit : environ 360 hélicoptères sont en service dans l'armée de Terre, environ 80 hélicoptères dans l'armée de l'Air et environ 80 hélicoptères dans la Marine. Le parc actuel comporte 12 familles de vecteurs différents (7 types d'hélicoptères légers, 5 types d'hélicoptères de manœuvre), dont les plus anciens, connaissent des problèmes de disponibilité et d'adaptabilité aux besoins opérationnels des théâtres d'opérations. Par ailleurs, les différences en termes de procédures d'emploi et de mise en œuvre entre chaque armée ne facilitent pas l'interopérabilité. Les hélicoptères légers comprennent : Tigre, Gazelle, Fennec, Alouette Ill, Dauphin, Lynx et Panther. Quant aux hélicoptères de manœuvre, ils comprennent : Puma, Cougar, Caracal, Super Puma et Super Frelon (retirés du service en Mai 2010). (Source: Commandement interarmées des hélicoptères).
[26] L'ALAT : L'Aviation Légère d'Observation d'Artillerie (ALOA) a donné naissance le 22 novembre 1954 à l'Aviation Légère de l'Armée de Terre, l'ALAT qui est devenue une arme distincte de l'artillerie en 2003. Sa principale composante est à base d'hélicoptères, dont les différents rôles sont l'éclairage des forces au sol (chars et infanterie), le repérage de cibles pour l'artillerie, l'engagement des forces d'éclairage adverses, ainsi que la dépose et la récupération de soldats en zone ennemie. Regroupant environ 70 % des hélicoptères de l'armée française, elle fait partie intégrante de l'armée de Terre dont elle constitue une fonction opérationnelle à part entière : son aéromobilité.
Liens utiles :