Le réseau mondial de propagande du Kremlin

De plus en plus de rapports dénoncent les activités de l’écosystème mondial de désinformation du Kremlin, qui n’hésite pas à mettre des vies humaines en danger pour de mesquins jeux de pouvoir. Les experts de l’agence française VIGINUM,[1] également connus pour leurs précédents travaux sur le réseau «Reliable recent News» ou «Doppelgänger», ont révélé danleur dernier rapport l’existence d’un réseau de désinformation pro-Kremlin qu’ils ont surnommé «Portal Kombat». Le réseau ainsi identifié est composé de «portails d’information» qui diffusent des informations pro-Kremlin sur l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie. Il dénigre aussi le gouvernement ukrainien afin d’influencer l’opinion publique, notamment en France.

Par EUvsDisinfo | 15 février 15 2024 —

D’après le rapport VIGINUM, le réseau géré par le Kremlin est constitué d’au moins 193 sites Web qui, au départ, s’adressaient au public russe et ukrainien. Par la suite, ces sites se sont réorientés pour cibler les pays occidentaux au lendemain de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie. Pour finir, ce réseau a aussi été utilisé pour cibler les publics des territoires provisoirement occupés d’Ukraine.

Il est intéressant de noter que le réseau ne produit pas de contenus originaux: il amplifie massivement les discours de sources russes ou pro-Kremlin, notamment ceux des agences de presse et des sites officiels russes.

-

Une vieille connaissance peu appréciée

Le site pravda-fr.com est un élément clé du réseau qui cible le public français. Il diffuse des discours pro-Kremlin trompeurs, manipulateurs et polarisants à caractère idéologique.

Chez EUvsDisinfo, nous connaissons bien ces Pravda des temps modernes, à ne pas confondre avec la Pravda d’origine. Elles se déclinent, entre autres, dans des versions en anglais, allemand, italien, espagnol et polonais, en plus de la version en français mentionnée plus haut. À noter également que les plateformes en français et en espagnol exploitées par les réseaux pro-Kremlin sont conçues de manière à atteindre les publics des pays d’Afrique et d’Amérique latine.

Notre base de données sur la désinformation compte actuellement plus de 100 cas de désinformation signalés dans l’ensemble des versions, celle en polonais, Pravda-pl, arrivant en tête.

Le jeu dangereux de la désinformation du Kremlin en Afrique

Une récente révélation du Global Engagement Center du Département d’État américain a mis en lumière un effort concerté des services de renseignement russes pour soutenir les campagnes de désinformation en Afrique. Les activités russes sur le continent africain sont un sujet que nous avons également abordé, par exemple dans cette vidéo.

Sous couvert d’une agence d’information en apparence indépendante centrée sur les relations Afrique-Russie et portant le nom trompeur d’«Initiative africaine», la Russie a participé activement à la diffusion d’éléments de désinformation ciblant les États-Unis et les pays européens.

2024-02-15_EUvsDiSiNFO_Moscow Spinning Web
Le réseau mondial de propagande du Kremlin — EUvsDiSiNFO

Cette opération implique du personnel russe, notamment le rédacteur en chef Artem Sergeyevich Kureyev, mais a aussi mobilisé des journalistes, des blogueurs et des personnalités publiques locales des pays d’Afrique. Le but était ainsi de diffuser des discours destinés à améliorer l’image de la Russie tout en s’attaquant aux efforts occidentaux, en particulier dans le domaine de la santé publique.

Des jeux de pouvoir mesquins au prix de vraies vies humaines

Ce qui est inquiétant, c’est que l’«Initiative africaine» a lancé des campagnes pour discréditer les initiatives sanitaires américaines et occidentales. Elle a diffusé pour cela de la désinformation dangereuse sur les maladies transmises par les moustiques et a diffusé des documents complotistes sur des sociétés pharmaceutiques occidentales et des organisations philanthropiques du secteur de la santé, mettant ainsi en péril la santé publique sur tout le continent.

Aussi méprisable que cela puisse paraître, l’écosystème russe de manipulation de l’information n’hésite pas à utiliser la santé publique pour arriver à ses fins, même si cela peut coûter au final la vie d’innocents.

Notre base de données contient plus de 1 000 cas sur le thème de la santé. Elle montre de façon détaillée comment la machine de désinformation russe a été mobilisée pour diffuser de la désinformation sur les pandémies mondiales de Covid-19 et sur les vaccins.

Face à ce phénomène, EUvsDisinfo a publié un certain nombre de rapports spéciaux, écrit plusieurs articles et a même publié un guide pour aider à discuter avec les personnes qui adhèrent aux dangereuses théories antivax. Tout cela pour éviter que les opérations de désinformation irresponsables du Kremlin ne fassent de nombreux morts.

Autres cas de désinformation remarqués cette semaine:

Voir également : The Kremlin’s global spinnings

VIGINUM

[1] VIGINUM : « Service de vigilance et de protection contre les ingérences numé-riques étrangères ». La décision de doter la France d’une structure spécialisée chargée de la protection contre la menace informationnelle a été prise au début de l’année 2021. Une mission de préfiguration, succédant à la taskforce « Honfleur », a alors été mise en place.

À la suite de travaux préparatoires impliquant de nombreuses consultations politiques et parlementaires, le décret n° 2021-922 du 13 juillet 2021 a complété les dispositions existantes du code de la défense afin de doter le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale de nouvelles attributions en matière de lutte contre les manipulations de l’information, et plus particulièrement contre les ingérences numériques étrangères.

Pour assister le secrétaire général dans l’exercice de ses nouvelles attributions, le décret a créé un service à compétence nationale dénommé « service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères » et communément appelé VIGINUM.

Ce nouveau service technique et opérationnel est chargé de détecter et de caractériser, au profit du SGDSN et des autorités garantes du bon déroulement des scrutins nationaux, les phénomènes répondant aux critères de définition d’une ingérence numérique étrangère tels qu’énoncés au sein du décret n° 2021-922 du 13 juillet 2021 :

  • Implication d’acteurs(s) étrangers(s)
  • Contenu manifestement inexact ou trompeur
  • Amplification inauthentique
  • Atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation

Source: SGDSN