L’EH « 1/67 » Pyrénées de nouveau à l’honneur

En pleine tempête, le cargo espagnol Luno va bientôt se briser contre les rochers : la survie viendra du ciel grâce à un équipage du Pyrénées. Malgré de violentes rafales de vent et une mer démontée, un sauveteur-plongeur récupérera un à un les douze naufragés. Une prouesse saluée par les Espagnols.

 

 

 

Le 5 février dernier un Puma SAR (version rénovée du Puma) de la Base aérienne 120 de Cazaux a réalisé une mission exceptionnelle de sauvetage de l’équipage d’un navire espagnol, le « Luno », en détresse dans le port d’Anglet (64). L’escadron "Pyrénées" effectue depuis plus de cinquante ans [1] régulièrement des missions de sauvetage en mer où les drames sont évidemment plus fréquents par mauvaise mer que par beau temps. Cette mission demeurera toutefois exceptionnelle en raison d'une situation désespérée du fait d'une météo épouvantable : de violentes rafales de vent, une mer très agitée, l’état de dislocation avancé du bateau et le nombre important de marins treuillés dans des conditions extrêmes. Si les autorités et la presse espagnoles ont rendu un hommage mérité au courage des membres de l'équipage de l'EH 01.067 "Pyrénées" qui a réalisé une prouesse pour sauver des marins en danger, côté français, à l'exception de la presse régionale, l'événement n'a pas suscité un grand intérêt des médias nationaux « parce qu'il n'y avait pas de victime ». Grâce à la présence d'un sapeur-pompier de la région, photographe amateur, Éric Roustand, de magnifiques photos ont été prises. Elles ont fait le tour du monde. Le général de division aérienne (2s) Philippe Carpentier a appartenu au cours de sa carrière à cet escadron de légende qui n'est pas sans raison l'un des plus décorés de France. Ce n'est pas sans fierté qu'il nous raconte comment ont été mis en oeuvre les secours en précisant les risques auxquels doivent faire face les membres d'un équipage qui intervient dans de telles conditions. Bordeaux, le 11 février 2014.(©)

Le cargo espagnol Luno va bientôt se briser contre les rochers : la survie viendra du ciel — Photo © Éric Roustand.

GBA Philippe Carpentier -- Photo © COMSUP Guyane.L’EH 1/67 s’est illustré pendant six années en Afghanistan, sur Caracal.[2] Il a été récompensé par l’attribution de deux Croix de la Valeur Militaire remises par le président de la République et le Chef d’État-major de l’Armée de l’Air. Il prouve aujourd’hui qu’il maîtrise aussi toujours parfaitement cette mission recherche et de sauvetage en mer et sur terre qui était sa mission originelle.[3]

Dans le cadre de sa participation aux missions de service public, l'EH 01.067 "Pyrénées" assure H24, toute l’année, une alerte « Search and Rescue » (SAR) au profit de l’OACI et une alerte « Secours Maritime » (SECMAR). Cette participation au service public est mise brillamment à l'honneur, ce 5 février 2014, lorsque le centre national des opérations aériennes (CNOA) donne l'ordre d'intervention du Puma SAR. Les événements se déroulent chronologiquement de la manière suivante :

10h35 – Le CNOA donne l’ordre à la SAR de décoller pour la récupération de 12 marins. Les informations, à cet instant, font état d’un cargo en détresse technique près des plages d’Anglet. A son bord, douze marins dont le pilote du port. Le commandant de bord (Capitaine Bougault) rassemble tout son équipage (1 co-pilote, 2 mécaniciens navigants, 2 sauveteurs plongeurs) pour un briefing rapide et précis sur la situation. L'équipe médicale n'est pas embarquée compte tenu de moyens de secours déjà sur place.

11h05 – Le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Etel informe l'aéronef en transit vers la zone que la situation s’est fortement dégradée. En effet, le navire espagnol vient de se briser en deux sur la digue Sud de la commune d’Anglet. L’hélicoptère de la Gendarmerie est déjà sur les lieux et les échanges radio entre ce dernier et le CROSS confirment que la situation est particulièrement préoccupante. Il arrêtera par la suite toute tentative de treuillage.

Douze marins sont encore réfugiés dans la tour : l'équipage évalue ses chances -- Photo © Éric Roustand. -

Douze marins sont encore réfugiés dans la tour : l'équipage évalue ses chances

11h30 – Le Puma arrive sur les lieux et rejoint la verticale de l'épave afin de débuter la séquence de treuillages. Les conditions météorologiques sont difficiles avec de violentes rafales de vent, un orage et une houle particulièrement marquée qui fait giter la partie arrière du bateau. Trois tentatives de treuillage sont conduites sans succès tant les conditions précitées sont délicates. Pour raison de sécurité, le commandant de bord décide d'interrompre le sauvetage pour attendre des conditions météorologiques plus propices.

Un plongeur du Pyrénées intervient pour récupérer un premier naufragé -- Photo © Éric Roustand. -

Un plongeur du Pyrénées intervient pour récupérer un premier naufragé

12h15 – Poser du Puma sur le front de mer ; il sollicite le pilote du port afin de trouver une solution pour la réception du sauveteur-plongeur sur la passerelle, dans des conditions acceptables de sécurité en utilisant un bout déporté.

13h00 – Redécollage du Puma alors que la partie arrière du bateau commence à se fissurer sous les coups de boutoir de la houle.

Récupération du premier naufragé hélitreuillé par un des plongeurs -- Photo © Éric Roustand. -

Récupération du premier naufragé hélitreuillé par un des plongeurs

13h07 – Récupération du premier des douze naufragés.

Récupération du dernier marin du Luno -- Photo © Éric Roustand. -

Récupération du dernier marin du Luno

13h31 – Récupération du dernier naufragé.

13h35 – Poser du Puma sur le front de mer et dépose des douze marins pris en compte immédiatement par la sécurité civile.

Les deux sauveteurs plongeurs sont couverts d’ecchymoses après avoir heurté des antennes et le bastingage du bateau. Une consultation médicale s’imposera.

En définitive, l'opération périlleuse d'hélitreuillage aura duré 24 minutes dans des conditions météorologiques toujours difficiles.

Dans ces conditions de mer très agitée, sous un orage avec des rafales de vent violentes, le risque de passer sous la consigne de hauteur qui engage automatiquement une remise de gaz si les modes supérieurs du pilote automatique sont engagés, est réelle. Cela représente un risque inacceptable pour le sauveteur plongeur accroché au câble du treuil. L’utilisation d’une machine de nouvelle génération comme le Caracal n’aurait donc pas considérablement simplifié la mission, le stationnaire se faisant en pilotage manuel.

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L’aptitude de l’équipage est prépondérante dans la réussite de la mission. Et cette aptitude à opérer dans des conditions extrêmes ne s’improvise pas. Elle est le fruit d’un entraînement quotidien qui permet à chaque membre d’équipage de tenir sa place, d’avoir une confiance absolue dans les capacités des autres et d’être suffisamment aguerri pour aborder une mission aussi difficile avec sérénité. Le sauveteur plongeur, qui descend vers la mer démontée et le bateau très agité, suspendu à un câble qui paraît bien frêle, ne peut se concentrer sur sa tâche que parce qu’il a confiance dans le commandant de bord qui gère la mission, le pilote qui tient le stationnaire, le mécanicien navigant treuilliste qui guide le pilote et manœuvre le treuil, le mécanicien navigant de conduite qui surveille attentivement les paramètres, pour réagir au mieux en cas de panne moteur. Ils ont également tous une totale confiance dans le travail des mécaniciens, ces amoureux de leurs machines, qui, quotidiennement, les préparent et les entretiennent très soigneusement, dans l’ombre des opérations.

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Cela met en exergue l’atout incomparable du positionnement de l’escadron à proximité immédiate de l’océan. Les heures consacrées à l’entraînement sont parfaitement optimisées car il n’y a aucune perte de temps pour les mises en place vers l’océan. De plus, un entraînement mobilise l’hélicoptère pendant une durée restreinte qui permet de la réutiliser rapidement pour d’autres missions. Cela permet une acculturation efficace des équipages aux missions maritimes, savoir faire qui sera également très utile pour la mission RESCO.[4] Si l’on déplace un jour l’escadron, vers l’intérieur des terres, il perdra inéluctablement cette capacité à intervenir sur mer dans des conditions extrêmes.

Les équipages de l’EH 1/67 continuent à faire honneur à la devise du célèbre colonel Félix Brunet, alors commandant de la 22ème Escadre d’Hélicoptères en Algérie : « Combattre et Sauver ».[4] Cette devise qui résume parfaitement la dualité des missions du transport aérien militaire est devenue celle de la Brigade Aérienne d’Appui et de Projection (BAAP) sous l’impulsion du général Philippe Gasnot.

Cet exploit a été salué par de nombreuses lettres de félicitations de la part des plus hautes autorités militaires et civiles. Tous les anciens équipages et mécaniciens de l’escadron sont admiratifs et très fiers de la nouvelle génération de personnel qui a pris la relève et continue à faire honneur aux hélicoptères de l’armée de l’Air.

Philippe Carpentier

[1] Voir "Les noces d'or de l’Escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées » de Cazaux" de Philippe Carpentier (04-07-2012).
[2] Voir « Afghanistan : Retour à la guerre classique ? » : Témoignage du général Benoît Puga, alors sous-chef opérations de l’État-major des armées, le 15 septembre 2008 après l'embuscade meurtrière tendue le 18 août contre une section de la 4e compagnie du 8e R.P.I.Ma à Uzbin.
[3] Voir "Hélicoptères : un savoir-faire français de haut niveau" : Allocution du général de brigade aérienne Philippe Gasnot, commandant la Brigade d’Appui et de Projection du Commandement des forces aériennes (CFA) lors des 50 ans de l'Escadron d'hélicoptères 1/67 Pyrénées sur la BA 120 "Commandant Marzac" de Cazaux. Cazaux, le 4 juillet 2012. Source : Armée de l'Air.
[4] RESCO : Recherche et Sauvetage au COmbat. Voir "L’escadron d'hélicoptères (EH) 01.67 « Pyrénées » de l'armée de l'Air" (21-06-2013). Entretien à Cazaux avec le LCL Fabien Gisbert CDT l'escadron d'hélicoptères "01-67".
[5] Voir "Combattre et sauver : Histoire des hélicoptères de l’armée de l'Air" : Michel Fleurence et Bertrand Sansu (15-08-2012).