L’UE au chevet de la santé publique

Après la COVID, l’Europe est de nouveau confrontée à des problèmes de santé, plus ou moins graves suivant les pays. En France depuis deux, trois ans, pour pallier le manque de médicaments, le gouvernement a compris qu’il fallait accroître le rôle des pharmaciens dont le rôle est crucial. Jusqu’à la pandémie, la santé publique ne faisait pas vraiment « partie des compétences traditionnelles de l’Union européenne – mais la COVID-19 est venue bousculer tout cela. Chacun comprend qu’une mutualisation des stocks et des achats groupés permettent de faire face plus efficacement et pour moins cher » comme nous le dit Quentin Dickinson dans sa dernière chronique européenne. C’est ainsi que l’Agence européenne des Médicaments vient de voir « son périmètre d’intervention élargi avec la création d’une Autorité européenne d’Anticipation et de Réaction en cas d’urgence sanitaire »,[1] l’objectif étant d’anticiper un risque de pénurie critique avant l’hiver.

— Source : Euradio — 10 novembre 2023 —

Laurent Pététin : L’hiver approche à grands pas, et chacun a en tête les pénuries de médicaments de base dans toute l’Europe au cours des deux années précédentes. Cela se répétera-t-il cette année encore ? Et quelle en sont les causes ?

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— Photo © 123RF —

Quentin Dickinson : Les causes sont multiples, et désormais bien identifiées. Le phénomène déclencheur aura, indirectement, été la pandémie de la COVID-19, ou, plus exactement, les longues périodes de confinement qui ont eu pour effet d’affaiblir la résistance immunitaire de chacun d’entre nous, puisque nous n’étions plus endurcis par la confrontation quotidienne à quantité de virus courants et aux variations de température entre l’intérieur des habitations et le grand air à l’extérieur.

Laurent Pététin : Mais la pandémie, on l’imagine, n’est pas seule en cause ?…

Quentin Dickinson : Vous avez raison. D’abord, les maladies saisonnières, comme la grippe ou les virus respiratoires, ont débuté plus tôt que les années précédentes, marquées par des hivers plus doux ; ces affections se sont également révélées plus virulentes qu’à l’accoutumée. A cela se sont ajoutées des épidémies imprévues de streptocoque A chez les enfants. Il n’en a fallu pas plus pour que les fabricants de médicaments soient pris de court.

Laurent Pététin : Mais ce n’est pas tout, Quentin Dickinson ?…

Quentin Dickinson : En effet, car le retour de l’inflation et l’invasion russe de l’Ukraine ont aussi leur part de responsabilité, en ce qu’elles auront augmenté considérablement les coûts de production des médicaments et mis en difficulté des pans entiers de l’industrie pharmaceutique, pourtant d’ordinaire plutôt prospère.

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— Photo © 123RF —

Laurent Pététin : Et a-t-on pu mesurer l’étendue du désastre au niveau européen ?…

Quentin Dickinson : Oui.

Une association paneuropéenne des officines de pharmacie (donc, des détaillants) a sondé ses membres ; le quart d’entre eux constatent un manque chronique portant sur plus de 600 médicaments. Les régulateurs nationaux confirment : la pénurie va de 300 (en Belgique) à 3.000 médicaments (en Italie).

Laurent Pététin : Et comment réagissent les différents pays européens ?…

Quentin Dickinson : Comme toujours, le premier réflexe, c’est de parer au plus pressé et de faire sa tambouille chacun pour soi. Il y a eu des interdictions d’exporter tel ou tel médicament, en conflit évident avec la logique du grand marché unique de l’UE ; et puis il y a eu des initiatives intéressantes, mais à portée limitée, telles la vente au nombre de pilules prescrites (et non par paquet), histoire de limiter le gaspillage, ou les bourses d’échanges de médicaments inutilisés, ou encore la fabrication par les pharmaciens de certains médicaments courants mais en forte demande, comme les antibiotiques, les antitussiques, le paracétamol pour enfants, ou les régulateurs de tension cardiaque.

Laurent Pététin : Et l’Europe, dans tout ça, elle était aux abonnés absents ?…

Quentin Dickinson : Franchement, non. Il est vrai que la santé publique ne faisait pas partie des compétences traditionnelles de l’Union européenne – mais la COVID-19 est venue bousculer tout cela. Car chacun comprend qu’une mutualisation des stocks et des achats groupés permettent de faire face plus efficacement et pour moins cher. 

Amsterdam_Agence européenne du medicament

L’Agence européenne des Médicaments voit donc son périmètre d’intervention élargi, et une Autorité européenne d’Anticipation et de Réaction en cas d’urgence sanitaire a vu le jour (curieuse-ment baptisée HERA, comme la déesse romaine de la Femme — on ne voit pas vraiment le rapport).

Le calendrier est serré : il y a quinze jours, la Commission européenne s’est donnée jusqu’à la fin du mois pour mettre en place un mécanisme volontaire de solidarité entre pays-membres de l’UE ; pour la fin de l’année, elle aura publié la liste des médicaments critiques.

L’Agence européenne du médicament a son siège à Amsterdam — Photo © E-S —

En avril 2024, les chaînes d’approvisionnement seront définies. Des dérogations provisoires seront délivrées en tant que de besoin (par exemple, pour le prolongement de la durée de conservation d’un médicament). Et des campagnes d’achats en commun, au niveau européen, seront lancées, en particulier pour les antibiotiques et les produits destinés à combattre les virus respiratoires.

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Conseil des Ministres -Bruxelles – Photo European Union

Vous voilà (un peu) rassuré, on l’espère ; mais sortez bien couvert quand même. La Commission européenne ne subventionnera pas votre chandail, votre bonnet, et votre cache-nez, mais votre première ligne de défense contre les frimas et les vents coulis, ce sont eux.

[1] Voir : « Union européenne de la santé : la Commission lutte contre les pénuries de médicaments critiques »; « Questions & Réponses : remédier aux pénuries critiques de médicaments dans l’UE » et « Union européenne de la santé : La Commission propose une réforme des produits pharmaceutiques pour des médicaments plus accessibles, plus abordables et plus innovants ».

Voir également : « Global Gateway : l’UE renforce son soutien à la santé mondiale et à l’accès équitable aux produits de santé et à la fabrication locale »

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