Rentrée des classes, publicité, et infantilisme généralisé

Tous en classe… Il est toujours instructif de confronter au moment de la rentrée des classes, ce que disent les Politiciens qui se croient obligés de baptiser leurs discours de sessions « universitaires »,

Par l’Amiral Guy Labouérie, membre de l’Académie de Marine (1). Brest, le 1er septembre 2005 (©).

Il est toujours instructif de confronter au moment de la rentrée des classes ce que racontent les publicités, ce que disent les Politiciens qui se croient obligés de baptiser leurs querelles, leurs discours et leurs banquets de sessions « universitaires », et ce qui court dans l’ensemble des médias et des milieux artistiques. Allons! tous en classe… Mais pour quel résultat?

  • Ce qui ressort le mieux c’est une infantilisation générale de l’ensemble du pays.

La publicité le marque bien. Ce sont les enfants qui mènent la danse, étant entendu que dans la quasi totalité des cas les adultes ne comprennent rien à leurs chers petits, la plupart du temps à peu près rien à ce qui leur est montré, et sont incapables de rappeler leurs rejetons à un minimum de « distance » pour ne pas employer le mot ringard de « respect ».

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La rentrée scolaire… Souriez, c’est la rentrée

Tous copains, tous enfants! Il paraît que c’est très amusant de voir les enfants envoyer les adultes « se faire voir » et que c‘est la marque d‘une certaine modernité!

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En réalité, c’est un signe qui ne trompe pas de l’infantilisation globale de la société qu’avait magnifiée une certaine publicité sur le lait pour enfant… qui n’a pas osé trop continuer dans le rabaissement des parents à l‘état enfantin.

Contrairement aux affirmations des « spécialistes » ce n’est pas amusant, c’est triste, peut-être même dramatique, si l‘on rapporte cela aux indispensables qualités nécessaires à une population pour faire face aux multiples agressions de l’époque actuelle et pas seulement à celles du terrorisme.

Toutefois ne rendons pas la publicité coupable de cet état de choses. Si elle cherche de l’argent, elle se contente de se servir des tendances profondes de la société. Elle les enregistre pour en tirer parti, mais ce n’est pas elle qui en est la cause.
Cette infantilisation se retrouve partout. Il n’est que de suivre les médias pour le constater, en commençant par l’Art dans ses diverses expressions. Que ce soit en musique où des enfants feraient probablement mieux avec de véritables instruments que ces concertos pour bruits divers, chasses d’eau et autres, que ce soit dans les arts plastiques où la nouvelle manie du « pipi caca » telle qu’elle a été présentée en Avignon récemment, détruit les œuvres présentées, tandis que de plus en plus d’œuvres anciennes sont présentées avec un sexualisme qui n’y a pas sa place montrant seulement le triste niveau de la réflexion de ces metteurs en scène.

On retrouve cela en plus grand dans une littérature qui non seulement ne sait plus écrire mais qui fournissant de l’argent à ses éditeurs ne dépasse que de plus en plus rarement le niveau d‘adolescences masturbatoires perturbées! Quant à la peinture, bien des enfants de l’école primaire feraient mieux que ces « drôles » qui vont jusqu’à faire peindre un singe ou un âne! Or les artistes dans les différentes branches où ils exercent, quand bien même ils sont mauvais voire dévoyés, sont des médiums entre les populations et ce qu’ils ressentent des conditions dans lesquelles ils vivent. Si aujourd’hui c’est cette décrépitude infantile que bien trop d’entre eux veulent signifier, alors craignons nos lendemains.

C’est d’autant plus dommage qu’il y a de grands, de très grands artistes, de très grands écrivains, de très grands compositeurs, etc. mais on ne s’en occupe guère et les médias ne font pas grand chose pour les aider.

A peuple infantile, non seulement publicité infantile, ce qui est le cas général, mais plus encore jeux et discours médiatiques et politiques infantiles, nouvelle version du célèbre « panem et circenses » où face aux grandes questions de société on trouve depuis trente ans les lénifiants propos et mesures paternalistes de l’État Providence vidant tout sens de l’effort et du travail avec les encouragements d’un syndicalisme d’un autre âge promettant comme autrefois les Soviétiques le paradis pour demain, tandis que le mot « valeur » est systématiquement tourné en dérision, non seulement dans beaucoup de médias, mais surtout dans des bouches « autorisées » compte tenu de leurs responsabilités. Quand la politique s’habille des défroques de la publicité elle ne peut qu’encourager cette infantilisation de la société.

Avec un relatif sens de la démesure on pourrait presque dire que globalement les êtres les plus mûrs aujourd’hui – c’est-à-dire les plus en accord avec leur âge et leurs préoccupations – dans notre société, même s’ils n’en ont pas conscience, sont les enfants qui rentrent à l’école primaire tandis que les adultes vont de succédanés en succédanés entraînés vers le « toujours plus » présenté comme l’aboutissement de leur vie.

Ce n’est évidemment pas le cas de notre seul pays même si notre invraisemblable désir d’exception ne fait qu’en rajouter. Tout l’Occident en est frappé malgré les efforts de certains dans les divers domaines d’activité et de réflexion de nos pays. Contrairement à ce que nous croyons ce n’est pas parce que nous sommes riches, d’une richesse malheureusement de plus en plus matérielle, ce qui n’est pas nécessairement très efficace dans certains cas, que nous nous sortirons sans difficulté des nuages qui se lèvent à l’horizon même, s’ils sont limités pour le moment aux divers terrorismes. Où va-t-on trouver les ressources morales indispensables à la poursuite de notre aventure européenne et occidentale si nous tombons de plus en plus dans ce relativisme généralisé et cet infantilisme exagéré? Face à ce côté débile il ne sert pas à grand chose d’avoir armements nucléaires et forces armées professionnelles compétentes… Sans être le moins du monde partisan d’une guerre de civilisation ou autres désastres cataclysmiques, nous devrions réfléchir à la parole de Roosevelt en 1941 s’interrogeant face au défi japonais:

« Nous sommes riches et ils sont pauvres. Ils n’ont que leur courage et leur formidable volonté de vivre et d’expansion. Seule la guerre peut trancher. »

Si les Américains ont eu, grâce à leur puissance industrielle, la capacité de maîtriser le dernier conflit mondial, ils ont eu aussi les qualités humaines individuelles et collectives indispensables, ce qui n’a pas été notre cas. Nous ferions bien de nous demander où nous irions demain en cas de graves difficultés?

N’accablons pas la publicité. Elle est certes le moyen de faire de l’argent mais elle est aussi et c’est le plus intéressant pour l’observateur, le signe de l’état de notre société, des courants qui la parcourent et de ce qui la fait réagir. Pour le moment ce n’est pas réconfortant. C’est aux diverses élites, en particulier à une jeunesse que l’on sent depuis quelques années désireuses d’autre chose que des séries vidéo, d’avoir le courage de rompre avec les snobismes débilitants et infantilisants qui parcourent notre pays et d’indiquer, ne serait-ce que par l’exemple, comment acquérir la maturité indispensable pour envisager sereinement l’avenir.

Pour cela il faudrait commencer par suivre les conseils d’une femme de chambre, pardon d’une technicienne de surface, ces femmes qui sont des salariées dignes d‘intérêt quand elles balaient la cour d‘une usine et quasiment des moitiés d‘être humain quand il s’agit d’une maison particulière… Pour les unes comme pour les autres « la seule façon de balayer un escalier c’est de commencer par le haut! » N’hésitons pas à revenir à ces conseils d’une efficace simplicité!

On peut toujours rêver.

Guy Labouérie

(1) L’Académie de Marine a été fondée en 1752. Dissoute comme toute ses consoeurs pendant la Révolution, elle n’a été réactivée qu’en 1921. Son siège est à Paris.