Les acteurs de la désinformation pro-Kremlin s’efforcent de ternir l’image, délégitimer et humilier le président ukrainien Volodymyr Zelensky depuis son arrivée au pouvoir en 2019. Nous avons documenté des centaines d’attaques menées contre lui et contre d’autres responsables ukrainiens.
Le 28 février, lorsque le président américain Trump et le vice-président Vance ont eu un échange houleux avec Zelensky, les porte-parole du Kremlin et leurs laquais de l’écosystème de désinformation ont, sans surprise, pris un malin plaisir à disséquer la rencontre dans les moindres détails.
Ils ont qualifié le président et chef de guerre ukrainien de «toxicomane», «délirant», «psychologiquement inadéquat», «incompétent», «corrompu» et, aussi incroyable que cela puisse paraître, «Führer sous cocaïne».
By EUvsDisinfo | March 06, 2025 —
Sommaire
Les insultes, reflets de leurs auteurs
Dmitry Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité russe, a qualifié Zelensky de « clown cocaïné » et de «porc ingrat qui a reçu une bonne claque de la part des maîtres de la porcherie ».

La menteuse en chef de RT, Margarita Simonyan, a déclaré que Zelensky avait été « écrasé, déshonoré et remis à sa place, qu’il s’était détruit tout seul aux yeux du peuple américain et qu’il avait insulté la Maison Blanche ». En conclusion, elle a déclaré que «maintenant il est fini, il doit démissionner, s’excuser … la délégation ukrainienne a été violée ». Parallèlement, Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a comparé Zelensky à un personnage de film soviétique connu comme un « être faible, aux capacités intellectuelles limitées ».
Un rêve devenu réalité
Les médias contrôlés par l’État russe et l’écosystème de désinformation pro-Kremlin ont redoublé d’efforts pour tenir Zelensky responsable de l’issue de la rencontre, le faisant ainsi passer pour quelqu’un d’irrespectueux, d’agressif, de belliciste, et qui n’a aucune volonté de mettre fin au conflit. Ils ont, en revanche, encensé le président Trump, le présentant comme un dirigeant qui fait ce qu’il faut pour obtenir «paix et prospérité». L’agence Sputnik a déclaré que l’Ukraine était un «instrument de l’État profond» visant à détruire Trump.
Depuis longtemps déjà le Kremlin rejette la responsabilité de sa propre invasion de l’Ukraine sur l’OTAN et rêve de diviser l’alliance transatlantique. C’est la raison pour laquelle les désinformateurs ont déployé autant d’efforts pour creuser une fracture entre les États-Unis et les autres membres de l’OTAN. Ils ont ainsi prétendu que l’incident diplomatique avait été «scénarisé par les Européens» et en particulier par le Royaume-Uni, qui se servent de l’Ukraine pour faire progresser leur stratégie antirusse. La participation de Zelensky à un sommet qui se tenait à Londres, immédiatement après sa visite à Washington, a été présentée comme une preuve de l’implication du Royaume-Uni.
Réactions au sommet de Londres
Le sommet de Londres sur l’Ukraine a aussi été largement couvert par la presse russe et commenté par le Kremlin, le message principal étant qu’il s’agissait d’un «événement anti-Trump», que l’UE avait trahi les États-Unis et que «l’Occident n’était plus uni dans son soutien envers l’Ukraine».

Dmitry Peskov, porte-parole de Poutine, a déclaré que «les nouvelles configurations de la politique étrangère américaine coïncident largement avec celles de la Russie». De son côté, Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères, a indiqué que «ces 500 dernières années, toutes les tragédies du monde ont pris naissance en Europe, les États-Unis n’en ont pas été les instigateurs».
L’UE fait désormais partie du camp de la guerre
Les médias pro-Kremlin et les organes de désinformation présentent désormais l’UE, le Royaume-Uni et les autres pays qui continuent à soutenir l’Ukraine face à l’agression russe comme le «camp de la guerre», des obstacles au processus de paix auquel la Russie travaille, selon eux, avec les États-Unis. Peskov a qualifié l’annonce de la suspension de l’aide militaire américaine à l’Ukraine de meilleure contribution possible pour obtenir la paix.
De nouveaux empires démantèlent l’Europe
Si Trump est encensé, le Royaume-Uni, l’UE et leurs dirigeants sont, quant à eux, devenus les principales cibles des attaques des médias pro-Kremlin. Dans son émission toxique de grande écoute, le propagandiste Vladimir Solovyov a qualifié l’UE de «cancer» et la HRVP Kaja Kallas de «dragon cracheur de feu».
Il a exigé que «soient chassés de Russie tous les salauds qui travaillent pour les institutions de l’UE» et que soient utilisés les «wunderwaffen russes, c’est-à-dire les missiles Oreshnik», pour bombarder l’UE. Ses invités ont menacé d’envahir l’UE si elle prenait part au conflit et ont déclaré que «les puissances qui parviendront à devenir de nouveaux empires démantèleront l’Europe».
L’Eurasie a toujours été en paix avec l’Océanie
Le fait que la Russie déclare soudainement que sa politique est alignée sur celle des États-Unis relève de la propagande et constitue un copié-collé de 1984, le roman d’Orwell. La façon dont les responsables et les médias russes se sont emparés avec jubilation de l’altercation publique entre Trump et Zelensky est également révélatrice du caractère circulaire et auto-entretenu de leurs tromperies.
Ils ont pris un revers diplomatique pour l’Ukraine et en ont fait une «preuve» étayant leurs propres discours sur Zelensky. La schadenfreude (joie malsaine) russe montre à quel point ils cherchaient désespérément une validation extérieure de leurs mensonges. Ils ont trouvé une forme de validation dans le fait que leurs arguments soient repris par Trump et Vance, bien que l’ironie soit évidente puisqu’ils ont régulièrement condamné les dirigeants américains dans d’autres contextes.
La Russie manque de temps, mais pas de mensonges
Les responsables russes espèrent que la fin du soutien américain contraindra l’Ukraine à capituler avant que l’économie de la Russie et son effort de guerre ne s’effondrent. À l’image d’un tyran de cour d’école qui redouble de moqueries et d’humiliations lorsqu’il se sent acculé, le Kremlin exagère désespérément chaque revers supposé de l’Ukraine.
Après trois années de conflit intense, la Russie est confrontée à l’épuisement de ses troupes aguerries, à un manque d’équipements essentiels et à des sanctions internationales asphyxiantes qui affaiblissent progressivement son économie.
Moscou a conscience que le temps lui est compté et qu’il a besoin que l’Ukraine s’effondre avant elle. Ceci explique que le Kremlin s’acharne à humilier Zelensky et se réjouisse de manière presque frénétique de tout différent apparent dans le camp occidental. Plus sa propagande se fait bruyante et vicieuse, plus il devient clair qu’il redoute de ne pas pouvoir maintenir ce conflit encore longtemps.
Ne vous laissez pas abuser.

Autres cas de désinformation qui ont visé l’UE la semaine dernière:
L’UE incite les jeunes Géorgiens à manifester
Depuis longtemps déjà les désinformateurs pro-Kremlin accusent les gouvernements occidentaux, et en particulier l’UE, de «provoquer des révolutions de couleur» dans les pays voisins de la Russie, et notamment en Géorgie. Ils ont aussi l’habitude d’essayer de ternir l’image des dirigeants de l’UE. Dans ce cas récent, des «informations» émanant d’un service de renseignement russe montraient soi-disant que la délégation de l’UE à Tbilissi avait reçu une importante somme d’argent pour coordonner des manifestations, offrant jusqu’à 120 euros par jour à des personnes pour qu’elles manifestent. Dans un autre cas lié, l’ambassadeur de l’Union européenne à Tbilissi, Paweł Herczyński, a été accusé à tort de «complicité de violences lors de manifestations» et d’«encouragement à la violence» à proximité du parlement géorgien. Ces allégations infondées laissent entendre que l’ambassadeur faisait activement campagne contre le parti au pouvoir avant les élections parlementaires. Dans les deux cas, aucune preuve n’a été produite. Dans ses déclarations publiques, l’Ambassadeur Herczyński n’a jamais cessé de souligner l’importance des valeurs démocratiques et de résoudre les conflits politiques de manière pacifique.
L’Europe piétine la liberté d’expression en interdisant les médias pro-Kremlin
Le 24 février 2025, l’UE a décidé de suspendre les licences de diffusion de huit médias russes dans le cadre de son 16e train de sanctions contre la Russie. Ces interdictions constituent une réponse légitime à la désinformation soutenue par des États étrangers. Le Syndicat russe des journalistes (RUJ) a immédiatement publié une déclaration dans laquelle il s’élève contre ce qu’il qualifie de «pratique d’interdictions et de répressions contre les médias indépendants». Le RUJ a prétendu que l’UE «alimente délibérément la guerre de l’information» et introduit une «censure politique» sous prétexte de lutter contre la «désinformation». Il présente le blocage des médias russes comme une menace pour les Européens, qui n’ont «accès à aucune autre information alternative».
Le droit international fixe certaines limites à la liberté de parole. Les agitateurs politiques ne peuvent pas invoquer la «liberté de parole» pour justifier leurs actes. Les médias en question ont été identifiés comme des instruments de guerre de l’information russes, qui diffusent systématiquement de la désinformation sur le conflit en Ukraine. Les soutiens du Kremlin invoquent souvent des valeurs telles que la liberté de la presse pour protéger leurs opérations de propagande de toute poursuite légale, alors que la Russie elle-même possède l’un des environnements les plus restrictifs au monde pour les journalistes vraiment indépendants.
L’UE pourrait bientôt sombrer dans la confusion la plus totale
Tout en véhiculant des idéaux révolutionnaires et en foulant aux pieds les valeurs, l’UE a, on ne sait comment, aussi trouvé le temps de se désintégrer sous l’effet de tensions frontalières entre ses États membres, en particulier entre l’Allemagne et la Pologne. Cette désinformation est une nouvelle manifestation du mythe de «l’effondrement imminent de l’Europe», qui est utilisé depuis au moins 1919 sous une forme ou une autre. Une fois encore, cette désinformation projette la situation de la Russie sur d’autres car les problèmes frontaliers entre l’Allemagne et la Pologne sont réglés depuis 1990 alors que la Russie essaie de modifier les frontières en menant une guerre impérialiste.
Les médias pro-Kremlin ont souvent prédit la désintégration de l’UE à cause des sanctions imposées à la Russie, du prétendu mécontentement de la population européenne face à l’aide financière apportée à l’Ukraine ou de la pandémie de COVID-19.
En réalité, les citoyens européens approuvent massivement la coopération européenne. Selon les enquêtes Eurobaromètre de fin 2024, 79 % des personnes interrogées trouvent que l’euro est une bonne chose (à propos de la zone euro, voir ici) et 69 % trouvent que l’UE offre un un environnement stable (pour plus d’informations sur l’UE, voir ici).
Voir également : « Schadenfreude over the abyss » in EUvsDiSiNFO — (2025-0306) —