11 novembre 1918 – 11 novembre 2018 ─ La mémoire et la reconnaissance

Après la disparition du dernier poilu en 2008, Lazare Ponticelli, nombreux sont ceux qui ont eu peur que la mémoire ne s’efface. En fait, nous avons quitté le temps de la mémoire pour entrer dans le temps de l’histoire. 

par le GAA Jean-Paul Paloméros, ancien Chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace — 11 novembre 2018 —

C’est le 3 Août 1914 qu’éclate la Grande Guerre, mais, en ce beau jour d’été, personne ne pouvait imaginer ni à Paris, ni à Berlin, que ce conflit allait durer aussi longtemps, plus de quatre longues années, qu’il allait marquer profondément, durablement l’histoire humaine, qu’il embraserait le monde entier, qu’il ferait près de 20 millions de victimes civiles et militaires, à parts pratiquement égales, qu’il faucherait plus d’un quart des jeunes français âgés de 18 à 27 ans.

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Oui, en ce jour si particulier, souvenons-nous ensemble qu’un jeune Français sur quatre a laissé sa vie dans cette première guerre du 20ème siècle. Pensons à cette belle jeunesse qui en 1914 partait au front avec, selon l’expression consacrée, la fleur au fusil, pensant que cette guerre n’allait durer que quelques mois, que bientôt l’ennemi serait vaincu et qu’il serait temps de rentrer dans ses foyers, de retourner au labeur.

GAA Jean-Paul Paloméros — Photo AA&E

Mais ces jeunes gens allaient bien vite être confrontés à la réalité d’une guerre sanglante, une guerre industrielle menée avec des moyens puissants jusqu’alors inconnus, l’artillerie lourde, les tanks, l’aviation mais aussi les gaz toxiques.

Songez que quelques jours à peine après le déclenchement du conflit, plus exactement le 22 août, en une seule journée la bataille des frontières fit plus de 25000 morts et deux fois plus de blessés dans les rangs des cinq armées françaises engagées simultanément sur le front. Songez que deux ans plus tard, entre le 1er juillet et le 18 novembre 1916, la bataille de la Somme fît plus de quatre cent quarante mille morts et disparus. A la fin de cette longue Guerre la France déplore la perte de plus d’un million quatre cent mille soldats.

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Le Soldat inconnu sera inhumé le 28 janvier 1921 sous la voûte de l’Arc de Triomphe à Paris. ici, le char du Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe de L’Étoile — Cinquantenaire de la République et Anniversaire de l’Armistice, 11 Novembre 1926 — Imprimerie Le Deley

C’est pour honorer tous ces morts, qu’il est décidé d’inhumer sous l’Arc de Triomphe, le 11 novembre 1920, l’un de ces militaires disparus, anonymes, le soldat inconnu. Depuis lors, celui-ci repose à la lumière de la flamme du souvenir que ranime en cette journée du 11 novembre 2018 notre président de la République.

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« Ici repose un soldat français mort pour la patrie, 1914-1918 », tombe du Soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe, place Charles-De-Gaulle à Paris — Photo Frédéric Bisson

Vous les enfants, les adolescents, vous les nouvelles générations qui portez l’avenir de notre pays, gardez-la précieusement en vous cette flamme du souvenir pour ne jamais oublier ce jour, ne jamais oublier tous ces jeunes gens qui ont perdu leur vie pour défendre notre pays, pour nous donner la chance de vivre libres aujourd’hui.

Le 11 novembre 1918 beaucoup pensaient que cette guerre serait la dernière, la « der des der » comme on disait alors. Beaucoup pensaient que le monde avait payé assez cher sa folie meurtrière, du prix du sang de ses plus belles générations. Beaucoup étaient persuadés que les pays européens qui s’étaient exterminés pendant quatre ans ne seraient pas assez fous pour recommencer. Et pourtant, malheureusement, ils le firent, moins de vingt ans plus tard dans une Deuxième Guerre Mondiale qui allait causer près de soixante-dix millions de victimes.

Mais, le sacrifice de nos jeunes poilus des tranchées de Verdun pas plus que celui de leurs successeurs morts sur les plages de Normandie pour libérer la France, vingt-six ans plus tard, n’a pas été vain. Depuis plus de soixante-dix ans, l’Europe vit en paix avec elle-même, les ennemis d’hier font aujourd’hui partie d’une même famille au sein de l’Union Européenne. Cependant, ce bel héritage de paix et de liberté que nous ont légué nos anciens et pour lequel ils se sont battus en y laissant pour beaucoup leur vie, cet héritage n’est pas pour autant acquis pour toujours. Aujourd’hui des jeunes français, de jeunes hommes et des jeunes femmes, risquent leur vie au Sahel, au Moyen-Orient et sur tous les théâtres d’opérations pour lutter contre l’extrémisme violent et son corollaire le terrorisme. Ces jeunes militaires sont aussi engagés sur notre territoire national pour seconder les forces de l’ordre dans leur mission de protection de notre pays et de nos concitoyens.

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« Monument aux soldats morts lors des opérations extérieures » — Photo MINARM/Chemins de mémoire

Cette journée de mémoire et de recueillement est aussi un moment privilégié pour témoigner à nos armées et tous ceux qui nous protègent notre reconnaissance pour leur engagement et notre soutien. C’est en pensant à eux, c’est en pensant aux victimes du terrorisme, c’est en pensant à tous ceux qui ont sacrifié leur vie au service de la paix, que j’ai écrit les quelques lignes qui suivent pour que cette journée de mémoire soit aussi celle de l’espoir, de la solidarité, de la fraternité et de la liberté.

La Mémoire et l’Espoir

  • Il faut sécher les larmes,
  • Et faire taire les armes,
  • Et chasser la terreur
  • De nos vies, de nos cœurs,
  • Entrer en Résistance,
  • Retrouver la confiance,
  • L’espoir et le désir
  • De croire en l’avenir ;
  • Mus par un même élan,
  • Solidaire, généreux,
  • Pour aller de l’avant
  • Formulons un même vœu
  • Que ce jour de mémoire
  • Scelle notre unité
  • Que toujours notre histoire
  • S’appelle liberté.
  • Vive notre république et vive la France

Général d’Armée Aérienne Jean-Paul Paloméros