L’hommage que rend Sébastien Lecornu, ministre de la Défense, au GCA Éric Bucquet, témoigne de la reconnaissance de la Nation à l’un de ses plus loyaux serviteurs et à l’un de ses plus brillants officiers généraux.
Source — Ministère de la Défense — Cour des Invalides, Paris — Paris, le 26 septembre 2009 —
- Mon général, Monsieur le chef d’état-major, Messieurs les chefs d’état-major,
- Monsieur le délégué général pour l’armement,
- Mon général, Monsieur le directeur de la DRSD,
- Officiers généraux, officiers, sous-officiers, officiers-mariniers, gendarmes, soldats, marsouins, marins et aviateurs, personnels civils du ministère des armées,
Dans cette cour des Invalides où la République honore les plus valeureux de ses soldats, le général Bucquet, qui fut votre chef, à Dieuze, Montlhéry, Djibouti, Vannes, Angoulême, Paris ou encore à Malakoff, quitte l’institution militaire après 39 années de service.
Mon général, sous le regard de l’Empereur, votre adieu aux armes y résonne, s‘inscrivant dans l’écho glorieux de l’histoire des différentes unités dans lesquelles vous avez servi. Des troupes de marine, à la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense, en passant par l’état-major des armées et de l’armée de Terre, l’état-major particulier de la Présidence de la République et la Direction générale de la sécurité extérieure: votre carrière fut un long et passionnant voyage, à la rencontre des mille visages de celles et de ceux qui servent la France, qui aiment la France, et qui ont trouvé avec vous un courageux frère d’arme.
Un marsouin guerrier
Vous êtes d’abord et avant tout un marsouin, l’ancre d’or fièrement accrochée à l’uniforme, toujours prêt à partir aux quatre coins de ce vaste monde que vous connaissez si bien. Votre carrière de jeune officier est marquée par ce goût de l’aventure: après vos premières armes au 13e régiment de dragons parachutistes et au régiment de marche du Tchad, vous partez pour Djibouti comme chef de peloton au 5e régiment interarmes d’outre-mer: dans ce régiment « fier et fort »[1] de marsouins «humanistes et guerriers ».[2] A la tête de votre escadron au régiment d’infanterie – chars de marine, vous êtes successivement projeté en Bosnie-Herzégovine au sein de la force de protection des Nations unies, en République Centrafricaine et enfin au Rwanda, engagé dans l’opération Turquoise. Par votre courage et votre force d’âme, vous y gagnez au feu vos premières citations, et recevez les insignes de chevalier de la Légion d’honneur pour vos faits d’armes, fait rare pour un jeune capitaine.
Vous y gagnez également la confiance et l’admiration de ceux que vous avez eu à commander. Ils ont reconnu en vous un chef valeureux, charismatique et tenace: un « homme de fer que rien ne lasse ».[3]
Chef des opérations au 1er régiment d’infanterie de marine, vous êtes de nouveau déployé en Bosnie où vos qualités de combattant s’expriment une nouvelle fois.
Vous retournez en 2005 « loin de votre patrie, en terre de Djibouti » [4] à la tête du 5e régiment interarmes d’outre-mer « fer de lance et rempart de ce pays ami »,[5] où vous y hissez les femmes et les hommes sous votre commandement au meilleur de leurs capacités, et créez des liens indéfectibles avec les forces armées djiboutiennes. Aujourd’hui encore, les amitiés d’il y a vingt ans perdurent, entretenus par votre sens de l’amitié et de la parole donnée. Cette expérience à Djibouti a durablement marqué votre carrière, d’ailleurs, le drapeau et sa garde sont ceux du « 5 de guerre » [5e régiment interarmes d’outre-mer], qui ont fait le déplacement, accompagné de leur chef de corps pour être à vos côtés aujourd’hui.
Un homme des bons offices
Infatigable baroudeur, chaque mission fut une occasion de mieux connaître les armées de nos alliés, et les hommes qui les dirigent. Aux États-Unis d’abord, pendant votre scolarité au collège d’état-major du corps des Marines à Quantico, puis à l’université interarmées de Norfolk où vous avez gardé de solides amitiés.
Ce sens des relations humaines a indéniablement fait de vous un homme de réseaux. Partout où vous êtes passé, dans les états-majors et particulièrement à l’état-major particulier de la présidence de la République où vous avez été de toutes les visites officielles en Afrique, au Liban, en Afghanistan et aux Émirats Arabes Unis, vous avez noué des liens avec les autorités militaires qui ont souvent servi depuis. « Soldat d’exception et exemplaire » comme vous décrit un de vos chefs à I’EMP, vous y avez conduit les dossiers les plus sensibles et les plus complexes avec diplomatie et efficacité.
Un maître du renseignement
Cette connaissance fine des rapports humains, de leurs vertus et de leurs vulnérabilités vous a conduit vers le monde du renseignement. D’abord comme directeur des opérations de la direction générale de la sécurité extérieure où votre bonne connaissance du continent africain, des hommes qui le dirigent et des menaces terroristes qui y émergeaient vous ont permis d’agir avec clairvoyance, justesse et audace dans de nombreuses missions. Vous y commanderez notamment des dispositifs interarmées de grande envergure, ordonnant des assauts et coordonnant des dispositifs sur terre et dans les airs qui vous vaudront de nouvelles citations.
D’un caractère d’acier et d’une volonté de fer, votre profil est retenu pour être nommé en 2018 à la tête de la DRSD. Depuis quatre années, vous n’avez eu de cesse de réformer cette grande maison. En interne d’abord, pour recentrer la direction sur le cœur de sa mission: « renseigner pour protéger »[6] en la rendant plus réactive, plus opérationnelle, plus attractive auprès de jeunes talents civils et militaires qui ont cru de 1330 à 1550 sous votre commandement; pour renforcer sa place au sein du premier cercle de la communauté du renseignement; et pour toujours mieux protéger les forces vives de notre ministère.
Général de corps d’armée Éric Bucquet — Photo Ministère de la défense —
Face aux menaces de plus en plus lourdes qui pèsent sur notre base industrielle et technologique de défense, vous avez investi pour apporter des solutions adaptées à la protection de chacune des entreprises partenaires de la Défense, indispensables à notre souveraineté.
Diplomate averti, vous développez des synergies entre la direction et ses partenaires étrangers, rendant plus efficace les échanges des renseignements et vous vous rendez dans l’ensemble de vos postes, dans l’Hexagone, en outre mer et à l’étranger pour renforcer la cohésion de cette maison.
Enfin, vous portez un projet plus symbolique pour la DSRD, dont nous avons célébré le 150e anniversaire en mai dernier : celui de mettre en avant l’histoire et les traditions de cette grande maison, en y organisant la Saint-Raphaël —[7] patron des services de renseignement militaire — en célébrant l’histoire glorieuse et en ravivant les traditions de cette maison emblématique du renseignement de contre-ingérence.
Avant de conclure, je tiens à saluer votre famille, qui vous regarde émue et fière, sans qui, je le sais, rien n’aurait été possible.
Mon général, « ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est le chemin »: illustrant la citation de Kierkegaard, vous avez toujours conduit les missions ardues qui vous ont été confiées avec résolution. « Un obstacle n’arrête pas le général Bucquet, il le contourne, le dépasse ou le bouscule… mais il passe ! » témoigne un de vos subordonnés.
Mon général, l’hommage que je vous rends aujourd’hui témoigne de la reconnaissance de la Nation à l’un de ses plus loyaux serviteurs ; de celui des armées à l’un de ses plus brillants officiers généraux; de celui de chacun des soldats et agents que vous avez commandé à leur chef unanimement apprécié. Sous votre commandement, les institutions que vous avez servies ont évolué pour s’adapter aux menaces et aux défis de notre temps: vous les avez hissées à la hauteur des enjeux que l’histoire dresse devant elles pour que…
Vive la République !
Vive la France !
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[1] Devise du 5e RIAOM
[2] Hymne du 5e RIAOM
[3] Hymne des Troupes de Marine
[4] Hymne du 5e RIAOM
[5] Bis
[6] Devise de la DRSD
[7] Saint Patron des services de renseignement militaire.
Voir également : Général Éric Bucquet: « Le champ économique mondial est un espace de conflictualité particulier qui ne connaît pas de répit » in « Portail de l’IE » par Thibault Menut, Luc de Petiville et Guilhem Garnier (2022-03-30).