La Marine perd l’un des siens et l’un de ses glorieux anciens. Outre ses brillants états de service à la mer puis, à terre, comme officier général, le vice-amiral d’escadre Guy Labouérie laisse son empreinte grâce à ses nombreux écrits et parce qu’il a été notamment l’un des précurseurs du concept de la « maritimisation ». Paris, le 29 mars 2016. Source : Marine nationale.
Commandant de l’École supérieure de guerre navale au début des années 1990 après y avoir servi comme instructeur dix ans plus tôt, le vice-amiral d’escadre Guy Labouérie laisse un héritage de poids dans la Marine et au Centre d’Études Stratégiques de la Marine (CESM) comme le confirme le contre-amiral Thierry Rousseau, son directeur : « La pensée du vice-amiral d’escadre Guy Labouérie imprègne les esprits de nombreux marins qui ont bénéficié de ses réflexions d’ordre stratégique. Chez nous, dans le pavillon de la Marine à l’École militaire où est basée le CESM, sa pensée résonne encore dans nos murs. Ses travaux continuent de façonner autant notre pensée que notre stratégie. C’est dire la puissance et la portée de ses réflexions ! ».
Pour l’actuel directeur du CESM, les raisons de cette aura sont multiples : « La philosophie n’est jamais loin de la pensée de Guy Labouérie, tant il considère la réflexion stratégique comme un mouvement permanent. Si l’éthique, l’homme et le temps sont trois thématiques récurrentes dans ses écrits, cet officier général a été un des premiers à concevoir une pensée stratégique globale, mère du concept que l’on appelle aujourd’hui la « maritimisation. Comme la majorité des grands penseurs militaires, Labouérie a appuyé ses réflexions sur son expérience acquise sur le terrain puis dans des postes à responsabilités ».
Foudroyance de sa pensée stratégique, mais Incertitude sur sa pérennité, c’est en substance la dimension philosophique de l’œuvre de cet officier de Marine qui a su, avant l’heure, éclairer la complexité de la guerre grâce à son œil de marin. Car Guy Labouérie a été l’un des premiers stratèges et penseurs militaires à considérer notre monde dans sa globalité, en y intégrant toutes les dimensions majeures, sans se limiter à une approche trop sectorielle. Là encore, le contre-amiral Thierry Rousseau sait mieux faire connaître aux profanes l’approche de l’un de ses glorieux prédécesseurs : « Cette approche globale, c’est là toute la force et la puissance de la pensée de Guy Labouérie. Un jour, il va parler de démographie, le lendemain d’économie ou d’armements, puis de communication ou de culture, et régulièrement il oblige aux interactions entre ces différents aspects. Car il rappelle qu’il faut « penser » la guerre en permanence pour traiter de l’opération du moment sans oublier le reste, dans une posture d’adaptation rapide à la menace que les évènements récents n’ont fait que souligner ».
La lecture de son exercice de synthèse des principes de la guerre publié sous le titre Incertitude et Foudroyance en dit d’ailleurs long sur sa pensée, selon le contre-amiral Thierry Rousseau : « La parution de cet essai a en son temps surpris ses pairs, mais elle se révèle, à l’usage, d’une pertinente actualité devant la montée en puissance des menaces nouvelles. Au fur et à mesure de ses réflexions, il souligne aussi par exemple l’importance de l’espace extra-atmosphérique et des nécessaires coopérations entre alliés pour gérer cette complexité et cette diversité que la mobilité permise par les océans accentue ».
La pensée et les réflexions du vice-amiral d’escadre Guy Labouérie font ainsi résonance à l’actualité du moment et aux menaces pesant sur notre pays en haute mer comme sur son territoire ou dans ses approches maritimes. Sa disparition est, dès lors, une invitation à relire son œuvre avec un œil neuf, dont notamment l’essai Penser l’océan avec Midway, « véritable testament et moyen de saisir l’étendue et la variété de son œuvre », selon le contre-amiral Thierry Rousseau.
Le VAE Guy Labouérie en 5 dates
8 novembre 1933 : Naissance à Neuilly-sur-Seine
20 septembre 1953 : Intègre la Marine nationale
Septembre 1967-mars 1969 : Stagiaire à l’Ecole Supérieure de guerre navale
Janvier 1988-Aout 1989 : Commandant de la zone maritime et des forces maritimes de l’océan Indien
14 juillet 1989 : Officier de la légion d’honneur
Bibliographie (liste non exhaustive)
« Dieu de violence ou Dieu de Tendresse », Le Cerf – 1982
« Judith, une femme contre le totalitarisme », Centurion – 1991
« Stratégie », Addim – 1992
« Défense et Océan, propos de marin », Addim – 1994
« De l’Action », Economica – 2001
« Penser l’océan avec Midway », Esprit du livre – 2007,
« Murmures en océan, poèmes en mer », le petit éditeur – 2010
« Ecce Homo, essai sur la violence de l’homme », Edilivre 2010
« Réflexions de Nicolas Polystratu 2001-2011 », Esprit du Livre – 2011
« Malika, princesse d’Araboustan » roman Edilivre – 2012
« Itinéraires océaniques, 1953 -1992 » en deux tomes terminés en 2007, à paraître.