Témoignages sur l’amiral Labouérie

S’il était un marin et un homme d’action, l’amiral Labouérie était aussi un pédagogue. Il avait été professeur de méthode à l’École supérieure de guerre navale pendant deux ans. Il en exerça le commandant à la fin de sa carrière, au retour de l’océan Indien, pendant deux années très riches, pour lui comme pour ceux qui l’ont accompagné à cette époque.

— Paris & Brest, le 19 avril 2016 —

Il fut aussi l’inspirateur du CESM (centre d’études stratégiques de la Marine aujourd’hui) à la disparition de l’École supérieure de guerre navale.

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Vice-amiral d’escadre Guy Labouérie

Il était un homme profondément humain, capable de saintes colères qui ne duraient pas car il était bon et sensible, fidèle à ses convictions spirituelles.

Il avait le souci premier de former les hommes : les former à réfléchir librement, recommandation particulièrement judicieuse dans un univers clos, et souvent enclin au conformisme, voire à la paresse intellectuelle, sous prétexte de discipline ou, plus insidieusement, de prépondérance de la technique dans l’action militaire moderne. Peu satisfait par les études des stagiaires sur le service national il leur fit observer un jour que « les humains étaient les seuls êtres vivants qui mettaient en avant leurs petits pour se défendre ».

Cela passait par l’injonction à la lecture, puis à la réflexion dans tous les domaines, surtout par-delà la chose militaire, pour des stagiaires au début désarçonnés par la hauteur de ses perspectives. Il leur en faisait part régulièrement en parallèle de ses travaux personnels d’écriture. Rapidement ces derniers découvraient que tout cela pouvait guider concrètement dans la conduite de l’action.

Profondément hostile aux idéologies il prônait la réflexion méthodique fondée sur un compréhension du sens supérieur de la mission, l’analyse la plus objective des faits et des réalités et le rejet de la subjectivité, au demeurant inévitable, au terme final de la décision: l’algorithme FOS , finalité, objectivité, subjectivité, devait tourner dans le bon sens, contrairement aux pratiques des doctrinaires et des idéologues qui appliquent du prêt à penser au détriment de la connaissance et de l’analyse renouvelées des réalités.

Sa compréhension de la relation du politique et du militaire, ainsi des principes stratégiques, incertitude et « foudroyance », néologisme qui disait bien plus que le foudroiement, marquaient particulièrement les officiers stagiaires.

Il laisse aujourd’hui un vide que l’on ne peut que souhaiter voir combler par les nouvelles générations. Heureusement ses livres demeurent.

Christian Girard VA (2S)
Ancien professeur à l’ESGN sous les ordres de l’amiral Labouérie

Depuis plus d’une décennie, via internet, mes relations personnelles ou collectives étaient pratiquement journalières, avec Guy. Monument de culture, doté d’indiscutables valeurs d’honnêteté morales et intellectuelles, Guy était pour moi non seulement un très fidèle ami mais aussi un « Maître à penser » dans deux domaines : la géopolitique et le religieux.

Sa culture religieuse était à la mesure de sa Foi. Je l’avais découvert lors d’une de nos conversations à propos des lettres de Saint Paul. Il m’avait alors, comme matière à discussion, dédicacé son ouvrage : « Dieu de violence – Dieu de tendresse ». Ce thème avait alimenté entre nous de nombreux échanges où j’étais surtout à son écoute.

Il en était de même dans les domaines politique et géopolitique. Pour résumer mon avis sur nos entretiens sur ce thème, voici mon dernier « mot » envoyé à Guy après lecture de ses « Mémoires –Vie de Marin » qu’il m’avait fait l’amitié et la confiance de m’adresser sous l’appellation : envoi d’un « Vieux Monsieur » : « Je reste toujours admiratif de l’exceptionnelle culture du dit « Vieux Monsieur » et de cette capacité de jugement fondée sur une analyse synthétique des faits. Voilà tout est dit. Maintenant je vais faire de la publicité pour les réflexions de ce « Vieux Monsieur » d’autant qu’elles traduisent, bien mieux que je l’aurais fait, intégralement les miennes sur la décadence de notre République et de ses valeurs ainsi que sur les lâches « profiteurs » politiques qui en sont responsables. ».

Bien cher Guy, tu resteras à jamais présent dans ma mémoire.

GA Jean Claude Coullon (2S)

Le général François Mermet et les membres de la rédaction de ce site lui doivent beaucoup. Il a réussi à nous faire partager son « désir de mer » — pendant de trop courtes années. Il « appelait un chat un chat ». Il « nommait les choses », des qualités rares aujourd’hui. Même s’il préférait la mer à la terre, le marin qu’il était était armé d’un solide bon sens. Il avait tout du chef militaire que l’on respecte et dont on peut admirer la hauteur de vues, fruit d’un immense travail.

Le jour de ses obsèques à Porspoder, dans ce Finistère qu’il aimait tant, « face à la mer » en présence du préfet maritime qui représentait la Marine nationale, et de nombreux camarades parmi lesquels des anciens de l’école navale ou de l’académie de Marine à laquelle il était si fier d’appartenir. Tous étaient réunis autour de sa famille, ce jour là, dans la petite église pleine de monde.

Guy Labouérie était croyant. Il aimait chercher et trouvait des réponses. Il se lamentait parfois de constater le manque de courage des politiques ou des chefs d’entreprises. Tous les villageois le connaissaient et respectaient ce marin d’exception. Il repose désormais en paix face à l’Océan.

La Marine perd un de ses grands stratèges. Nous, nous perdons un ami dont les écrits demeurent. Nombreux sont ceux qui regretteront un homme dont la vision des choses et du monde était contagieuse. De tels hommes de pensée dans l’action sont rares.

Merci Guy, merci Amiral, pour toutes ces années de partage et d’amitié sincère.

A son épouse, à ses enfants, nous présentons nos condoléances attristées.

Joël-François Dumont

Hommage au VAE Guy Labouérie : incertitude et foudroyance — Marine Nationale (2019-04-16)