Mon ami Alim Kahn, grand penseur du monde islamique, me disait : « Si le dernier jour de ta vie, au moment de son bilan, tu réalises que tu n’as eu que la gloire, l’argent, la reconnaissance, tu prendras soudain conscience du vide de ton existence terrestre. »
par Alfred Christiansen — Bruxelles, le 9 avril 2025 — (©)
Mais pour être en mesure de faire ce constat douloureusement lucide, encore faut-il en être capable. Dans le cas de Trump, ce réveil, même tardif, est hautement improbable, tant les valeurs auxquelles il se réfère sont dénuées de toute éthique, de toute exigence morale, de toute dignité humaine.
Quel sens accorde-t-il d’ailleurs au mot valeurs ? Dans la dialectique trumpienne, elles sont sans doute sonnantes, trébuchantes et se monnaient. L’immatériel et toute sa subtilité, l’intériorisation et l’intimité qui lui est indissociable, ne sont que sensibleries destinées à forger le caractère identitaire de groupes qu’il combat.

Un sénateur français l’a récemment comparé à Néron,[1] mais c’est chez Caligula qu’il a indéniablement trouvé son modèle. Vicieux, cruel, dépravé, souffrant d’une mégalomanie confinant à la folie, Caligula a laissé à la postérité l’image d’un monstre, celle d’un empereur qui voulait être un dieu. Il a légué à l’Histoire des citations que semble avoir assimilé son émule peroxydé :
- « Gouverner, c’est voler, tout le monde sait ça. »
- « Qu’ils me haïssent pourvu qu’ils me craignent. »
Son épouse s’appelait Milonia, il est peut-être permis d’y voir une analogie contemporaine de nature à brouiller un esprit faiblement éclairé.
Caligula avait élevé la trahison au rang d’art de gouverner, les Kurdes, les Afghans, les Ukrainiens, et bien d’autres, peuvent attester que « le bouffon sous kétamine » a assimilé la méthode.
Caligula était un lâche, les 20 000 enfants déportés en Russie, comme les 250 000 ukrainiens menacés d’expulsion hors des USA, démontrent que les rodomontades du matamore ciblent le risque personnel minimum, bien loin du courage physique de Zélinsky.


Nul ne sait si le racket pratiqué, entre autres sur les terres rares, inclut les substances qui permettent au vieux dictateur de rester sur les rails…
S’il est un palmarès qui consacre l’avance de Trump sur son modèle antique, c’est indéniablement celui des crimes. En privant l’Ukraine des moyens de se défendre, et en favorisant les bombardements massifs des civils par les Russes, Trump a fait le choix de sacrifier le camp favorable à la Paix, au profit de l’agresseur et au prix de nombreuses vies.
Ce faiseur de guerre se verrait bien récompensé du Nobel, car l’écrasement de l’Ukraine mettrait fin à la guerre, CQFD.
Trump est finalement plus dangereux qu’Hitler ou Staline qui avaient rendu la politique bipolaire, et donc réversible grâce à l’émergence d’un camp, ou de l’autre.
Trump en faisant éclater la sphère géopolitique compromet les chances d’un retour à des conditions de stabilité comparables à celles de la guerre froide.
Comment en sortir, n’est pas la moindre des questions.

Comme tous les dictateurs, il perçoit la culture, un concept creux à ses yeux, comme un risque pour son pouvoir sans partage. Il a déjà supprimé une partie des aides fédérales accordées à l’Université de Colombia, et ce n’est sans doute que le début d’une longue liste d’autodafés intellectuels. Ce combat contre l’éducation et les idées justifie la radiation de la liste des nobélisables, puisse Oslo l’entendre, mais l’institution n’est peut-être pas à l’abri d’un deal…
Trump’s Band — Photo © IA/E-S
Au demeurant la menace de l’annexion, y compris par la force, du Groenland, du Canada ou du Canal de Panama, est en soi un acte de guerre qui devrait permettre à Trump de figurer en bonne place dans la liste des experts en belligérance, aux côtés de son ami Poutine.
Au nom de quelle justification, quatre hommes (Xi, Pou, Trump et Kim) s’arrogeraient-ils le droit de disposer du destin de dix milliards ?
Il est grand temps de se redresser et de faire face.
Alfred Christiansen
[1] « Washington est devenue la cour de Néron, un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique.» Intervention du sénateur Claude Malhuret, président du Groupe Les Indépendants le 4 mars 2025 lors du débat qui a suivi la déclaration du Gouvernement sur la situation en Ukraine et la Sécurité en Europe — Source : Sénat –