Simone Segouin, la dernière Résistante d’Eure-et-Loir, s’est éteinte à l’âge de 97 ans, à Courville-sur-Eure, mardi 21 février 2023. Sous le nom de guerre de « Nicole Minet », elle choisit la clandestinité et rejoint à 18 ans les rangs des Francs-tireurs et partisans (FTP) dans le maquis d’Eure-et-Loir et fera toute la guerre dans la Résistance. Elle sera la seule femme à défiler en uniforme lorsque le général de gaulle viendra célébrer la Libération à Chartres. Le Président de la République salue aujourd’hui la mémoire d’une femme combattante.
Sources : Présidence de la République & France 3 Centre Val de Loire — 22 février 2023 —
Sa photographie avait fait le tour du monde et symbolisait le rôle éminent des femmes dans la Résistance. Simone Segouin était cette combattante du cliché de Jack Belden, paru dans « Life Magazine » et entré depuis dans l’Histoire. Domptant l’objectif, elle y tenait un pistolet mitrailleur allemand, avec au bras gauche un brassard orné d’un bonnet phrygien et du sigle FTP, sur le perron de la Poste de Chartres, ce 23 août 1944 où le général de Gaulle venait célébrer dans la ville libérée une « France retrouvée ». Avec la disparition de Simone Segouin, le 22 février 2023, notre pays perd une femme dont la vie fut plus qu’une image et demeurera une leçon.
Née le 3 octobre 1925, Simone Segouin fut élevée avec ses quatre frères dans la ferme familiale de Thivars en Eure-et-Loir. La guerre survenue, l’armée allemande installée au château voisin de Spoir demanda au père de Simone Segouin de leur fournir une liste de jeunes femmes pour rentrer à leur service. Ce dernier, communiste et résistant, en exclut sa fille, prétextant qu’elle était couturière et n’avait pas d’aptitude pour les tâches domestiques. La ruse fut démasquée quand les Allemands apportèrent du linge à repriser à la ferme familiale : la jeune fille s’enfuit sous un faux prétexte, en se cachant même de sa mère et de ses frères. A 18 ans, elle rejoignit les Francs-tireurs et partisans (FTP) et prit le nom de Nicole Minet, supposée être née à Dunkerque, où l’état-civil avait brûlé lors des bombardements et dont on pouvait dès lors se proclamer natif sans risque d’être contredit. Dans les rangs des FTP, elle eut pour supérieur le lieutenant Boursier, alias Germain, évadé des camps de travail allemands, qui devint bientôt son compagnon.
La suite de l’engagement résistant de Simone Segouin ne fut qu’une suite de bravoures secrètes et de coups d’éclats glorieux. Entre Dreux et Chartres, nommée agent de liaison du commandement du secteur sud, elle vola le vélo allemand de la correspondante de la Kommandantur pour accomplir ses différentes missions, du transport d’armes à la distribution de courrier clandestin. Arrêtée à Chartres en possession d’armes lors d’un contrôle, elle fut sauvée in extremis par le chaos consécutif à un bombardement anglais. Elle participa ensuite au sabotage des trains : les FTP, à court d’explosifs, déboulonnaient les trails, quand Simone était chargée de prévenir le chef de la gare voisine afin d’éviter le passage d’un train de voyageurs. Elle prit part, également, à la récupération d’évadés, qu’elle fit héberger dans la ferme familiale. A l’été 1944, elle prit les armes pour libérer Chartres. Germain apprit que quelques Allemands se cachaient dans un moulin vers Thivars. Nicole et lui s’en approchèrent pour découvrir que pas moins de 24 soldats de la Waffen-SS s’y dissimulaient. Germain entama le dialogue en allemand, tandis que Simone Segouin récupérait leurs armes, une à une, dans un moment suspendu où tout pouvait basculer. Finalement, le couple put emmener leurs deux douzaines de captifs pour les livrer à l’armée américaine. C’est avec l’une de ces armes allemandes, un pistolet mitrailleur, que quelques jours plus tard, elle fut photographiée dans Chartres libérée, quelques instants avant d’être la seule femme à défiler devant le général de Gaulle. A Chartres, Simone Segouin participa encore à la traque des derniers Allemands de la ville, puis intégra les troupes de libération de Paris, avec lesquelles elle fut acclamée le 25 août. Pour sa bravoure, elle fut aussitôt nommée sous-lieutenant, et fut décorée, en 1946, de la Croix de guerre par Charles Tillon, ministre de l’Armement et ancien chef des FTP.
La guerre terminée, Simone Segouin fit prendre un tour nouveau à son engagement pour les autres. Elle refusa longtemps d’évoquer son rôle devant ses enfants. Ni la Croix de guerre, ni son rang de chevalier de la Légion d’honneur, ni même une rue à son nom dans son village de Courville-sur-Eure ne pouvaient en effet la convaincre qu’elle avait accompli, durant ses années d’engagement et de combat, autre chose que son devoir patriotique.
Le Président de la République salue la mémoire d’une femme qui risqua tout pour défendre nos valeurs universelles et libérer la France. Il adresse à ses proches ses condoléances émues.