Tout va très bien, tout va très bien

Allô, allô James !
Quelles nouvelles ?
Absente depuis quinze jours,
Au bout du fil
Je vous appelle ;

Que trouverai-je à mon retour ?

Tout va très bien, Madame la Marquise,
Tout va très bien, tout va très bien.
Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise,
On déplore un tout petit rien :
Un incident, une bêtise,
La mort de votre jument grise,
Mais, à part ça, Madame la Marquise
Tout va très bien, tout va très bien….

Si Madame la marquise n’a pas à s’inquiéter, Vladimir Poutine à Moscou et Donald Trump à Washington, eux, ont du souci à se faire.

En Russie, l’économie est au bord du gouffre.[1] Seul le complexe militaro-industriel fonctionne à plein régime, et même parfois sous les 3×8, depuis le passage à l’économie de guerre. Mais dans tous les autres secteurs, la crise est là et il n’y a pas de quoi pavoiser. Après le pétrole et le gaz qui sont les deux premières ressources de la fédération de Russie, alors que l’économie vacille, voilà que la pénurie alimentaire s’installe . Quand il ne s’agissait encore que des œufs, on pouvait encore se dire que ce produit de luxe ne figurait à aux menu du Russe moyen. Mais depuis qu’il y a pénurie de pommes de terre, là, le problème change de nature.[2] Ce féculent que les Russes jurent avoir inventé se fait rare. Et même en Biélorussie voisine, encore récemment exportatrice, les pommes de terre ont disparu des étals. Les prix ont déjà été multipliés par deux, puis par trois et ce n’est qu’un début. Le problème est que la pomme de terre est à la Russie ce que le riz est à l’Asie. Sans oublier qu’elle intervient dans la fabrication de la Vodka ! Pour palier cela, les Russes abattent leur cheptel. Il y a donc de la viande, mais bientôt, comme les pommes de terre, elles vont manquer à l’appel. A part cela, tout va très bien, Madame Simonian peut se rassurer et enfourcher sa jument !

Donald boit peu, mais il cause… Les affronts se succèdant, il est très mécontent que l’on ose s’opposer à lui ! … Ses plans sur la comète sont controversés par la justice, et même par une frange républicaine du Sénat, certains sénateurs craignant pour leur réélection lors des mid-terms ! Les économistes américains ne sont pas franchement convaincus des bienfaits de ses réformes. Du coup, les rats quittent le navire. Elon Musk, à qui il doit tant, a plié bagage. On imagine que Donald attend le vendredi pour reprendre Air Force One et retrouver son terrain de golf de Floride en lâchant en vol des tweets vengeurs… Tout fout le camp, ou presque ! NDLR

Source : euradio — Bruxelles, le 26 mai 2025 —

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L’occasion de découvrir la diplomatie et l’actualité européenne sous un nouvel angle.

Laurence Aubron : Alors, Quentin Dickinson, qu’avez-vous retenu de ces derniers jours ?…

Quentin Dickinson : Comme vous-même, comme tout le monde, j’ai été stupéfait de cette nouvelle volte-face de Donald Trump, désormais fort critique vis-à-vis de celui qu’il tenait il y a peu pour son ami, Vladimir Poutine. La campagne russe de bombardement intensif de cibles civiles en Ukraine au cours de ces dernières heures semble avoir ébranlé le président des États-Unis, au point qu’il avance l’hypothèse d’un coup de folie qui aurait frappé le maître du Kremlin.

Cependant, on peut conseiller aux Ukrainiens de ne pas se réjouir trop rapidement de ce changement de pied à la Maison-Blanche, étant donné que M. Trump s’est aussi amèrement plaint du président Zelensky, coupable à ses yeux d’avoir estimé que Washington ne faisait pas suffisamment pression sur Moscou pour mettre fin aux combats.

Laurence Aubron : Et, de son côté, Vladimir Poutine a ses propres soucis…

Quentin Dickinson : On savait l’économie russe en cours de conversion aux priorités militaires, mais le peu de fiabilité des statistiques officielles ne permettait pas de s’en faire une idée plus précise.

Or, cela vient de changer. Un rapport digne d’intérêt vient de fuiter, et son constat est sans appel : en Russie, toute l’industrie non-militaire est en stagnation ; la production est en chute pour ce qui est des produits alimentaires comme de l’extraction charbonnière ; la pénurie s’accélère dans l’industrie mécanique et dans le secteur des matériaux de construction ; et l’on assiste à un recul dramatique dans la construction automobile et dans le machinisme agricole.

Contraintes de se reconvertir à la production militaire, un grand nombre de PME souffrent d’un surendettement mortifère. Et le pessimisme s’accentue dans les milieux d’affaires.

Je précise que ce tableau franchement inquiétant pour le Kremlin n’est pas le fruit de l’on ne sait quelle officine de propagande anti-russe : non, il est l’œuvre du très officiel Centre russe d’Analyses macroéconomiques et de Prévision à court-terme.

Le temps ne joue donc pas autant en faveur de la Russie que le proclament les thuriféraires du régime.

Laurence Aubron : Justement, parmi ceux-ci, selon vous, qui se distingue ces jours-ci ?…

Quentin Dickinson : Vous le savez, quand on suit au quotidien les numéros télévisés des artistes du genre, on n’est jamais déçu, qu’il s’agisse de M. Soloviev ou de Mesdames Simonian et Skabeeva ; mais cette semaine, je remets avec admiration la palme de la propagande à M. Anton Kobyakov, Conseiller d’État de 1ère classe au cabinet du président Poutine, qui, la semaine dernière, devant le Forum juridique international de Saint-Pétersbourg, s’est appliqué à démontrer qu’un vice de forme frappe de nullité la dissolution de l’Union soviétique en 1991. Conclusion : l’URSS existe toujours, la République socialiste soviétique d’Ukraine en fait partie, et l’actuel conflit armé en Ukraine n’est qu’une affaire purement interne, dont les pays étrangers n’ont pas à se mêler.

Fallait oser. Il l’a fait.

Laurence Aubron : Revenons dans l’Union européenne, où la France n’a pas le monopole du débat sur les pensions de retraite…

Quentin Dickinson : En effet, car les mêmes causes produisant les mêmes effets, tous les pays doivent équilibrer dans la durée l’allongement de l’espérance de vie des retraités et la réduction du nombre d’actifs cotisants. La solution évidente – mais qui, apparemment, ne passe pas en France – consiste à retarder l’âge de départ à la retraite.

Et c’est précisément ce que vient d’adopter à une très large majorité la Diète du Peuple, le parlement unicaméral du Danemark, qui instaure la retraite à 70 ans par étapes successives jusqu’en 2040. Cette disposition s’applique à tous ceux, nés après le 1er janvier 1971.

Parmi d’autres, l’Allemagne, les Pays-Bas, et le Royaume-Uni ont d’ores et déjà prévu la retraite à 67 ans, en 2031 pour Berlin, er dès 2028 pour Londres et La Haye.

Laurence Aubron : Et, pour conclure cette semaine, un anniversaire…

Quentin Dickinson : …Un anniversaire qui ne mérite aucune commémoration. Le 29 mai 2005, les Français rejetaient à 54,67 % le projet de Traité constitutionnel européen, suivis trois jours après par les Néerlandais, par 61,54 %.

On notera que l’anniversaire des vingt ans de l’échec de ce référendum tombe quelques semaines après celui des quinze ans du Brexit. Le référendum, un explosif à manier avec précaution.

Et le reste n’est que politique.

Laurence Aubron : Revenons dans l’Union européenne, où la France n’a pas le monopole du débat sur les pensions de retraite…

Quentin Dickinson : En effet, car les mêmes causes produisant les mêmes effets, tous les pays doivent équilibrer dans la durée l’allongement de l’espérance de vie des retraités et la réduction du nombre d’actifs cotisants. La solution évidente – mais qui, apparemment, ne passe pas en France – consiste à retarder l’âge de départ à la retraite.

Et c’est précisément ce que vient d’adopter à une très large majorité la Diète du Peuple, le parlement unicaméral du Danemark, qui instaure la retraite à 70 ans par étapes successives jusqu’en 2040. Cette disposition s’applique à tous ceux, nés après le 1er janvier 1971.

Parmi d’autres, l’Allemagne, les Pays-Bas, et le Royaume-Uni ont d’ores et déjà prévu la retraite à 67 ans, en 2031 pour BERLIN, er dès 2028 pour Londres et La Haye.

Laurence Aubron : Et, pour conclure cette semaine, un anniversaire…

Quentin Dickinson :… Un anniversaire qui ne mérite aucune commémoration. Le 29 mai 2005, les Français rejetaient à 54,67 % le projet de Traité constitutionnel européen, suivis trois jours après par les Néerlandais, par 61,54 %.

On notera que l’anniversaire des vingt ans de l’échec de ce référendum tombe quelques semaines après celui des quinze ans du Brexit. Le référendum, un explosif à manier avec précaution.

Et le reste n’est que politique.

Quentin Dickinson

[1] Les sanctions imposées à la Russie après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine n’ont pas provoqué de ravages économiques immédiats, mais plusieurs gros titres cette semaine montrent que des nuages sombres pourraient s’accumuler. Un groupe de réflexion économique lié à l’État a mis en garde contre les risques croissants de crise bancaire systémique. Son rapport souligne un nombre croissant de particuliers et d’entreprises incapables de rembourser leurs prêts, notamment face à la hausse des taux d’intérêt, ainsi que les premiers signes d’un retrait des fonds des banques par les Russes, probablement par crainte de l’instabilité. Cette crainte s’est également propagée aux entreprises. Face aux taux d’intérêt élevés, à la pression des sanctions et à la baisse des revenus, au moins deux douzaines de sociétés cotées en bourse, dont Gazprom et Norilsk Nickel, ont suspendu le versement de dividendes à leurs actionnaires à partir de leurs résultats de 2024. La Banque centrale a quant à elle averti que le principal marché immobilier du pays était confronté à son risque le plus élevé de bulle immobilière depuis 2016. Source : Revue hebdomadaire du Moscow Times.

[2] Les signes de la pression sur l’économie se propagent sur les tables russes. Poutine a enfin reconnu la pénurie croissante de pommes de terre dans le pays. Le prix de cette denrée de base a presque triplé d’une année sur l’autre suite à de mauvaises récoltes et à des difficultés dans le secteur agricole. Bien que Moscou ait autorisé les importations de pommes de terre en provenance de pays « amis », à moins que les agriculteurs russes ne puissent accéder à des semences et du matériel de plantation importés pour accroître leurs rendements, le pays restera probablement dépendant d’importations coûteuses.