La nouvelle stratégie de sécurité nationale des États-Unis

La nouvelle National Security Strategy publiée par la Maison-Blanche ne se contente pas d’acter une rupture stratégique ; elle matérialise le pire cauchemar des chancelleries européennes : la trahison froide et calculée de leur allié historique.

L’Amérique de Donald Trump ne se retire pas simplement de l’Europe ; elle instaure une logique mafieuse de racket d’État, exigeant de ses vassaux qu’ils continuent de jouer les vaches à lait à hauteur de 5 % de leur PIB, tout en leur retirant toute garantie de sécurité réelle. Ce faisant, le locataire de la Maison Blanche comble au-delà de toute espérance les vœux de Vladimir Poutine, son nouveau partenaire de facto, avec qui il entend désormais dépecer l’ordre international pour transformer la géopolitique en une vaste pompe à fric, affranchie de toute légalité et de toute morale.[02]

Entre deux mises en scène d’une présidence transformée en studio de télé-réalité et des éléments de langage grotesques sur son prétendu souci d’« épargner des vies », Trump insulte l’intelligence du monde libre. S’il rêve de reconnaissance, qu’il se contente d’un trophée de football inventé pour son ego, car le seul titre qu’il mérite vraiment — le Prix Nobel de la Trahison — n’existe malheureusement pas. La seule inconnue reste désormais la colonne vertébrale du Congrès américain : aura-t-il le courage d’arrêter cette folie, ou choisira-t-il, comme en 1919 en rejetant le Traité de Versailles, de se coucher honteusement, pavant ainsi la route vers une nouvelle déflagration mondiale qui ferait le malheur de l’humanité.[17]

Face à ce naufrage moral, l’Histoire attend désormais de savoir quel dirigeant européen aura enfin le courage de se dresser pour dire non à ce bouffon qui, dans son délire narcissique, se prend pour le sauveur de l’Amérique alors qu’il n’en est que la caricature.

par Joël-François Dumont — Paris, le 5 décembre 2025

Introduction : La fin de l’Atlas américain

Ce document daté de novembre 2025 marque une rupture radicale avec la doctrine diplomatique américaine traditionnelle depuis 1945. Il officialise la fin d’un ordre géopolitique et la rupture définitive du lien transatlantique tel que nous le connaissons. Loin d’être une simple réorientation stratégique, cette nouvelle National Security Strategy acte le divorce idéologique et moral entre Washington et le Vieux Continent, remplaçant les alliances fondées sur des valeurs par une approche strictement transactionnelle résumée par le slogan « America First ».[01]

L’administration Trump ne cherche plus à diriger le « Monde Libre » ; elle annonce qu’elle ne servira désormais que ses intérêts stricts. Le document pose un principe clair : les États-Unis ne soutiendront plus l’ordre mondial à bout de bras. C’est la fin de l’image de l’Atlas soutenant le monde : Washington se positionne désormais comme une superpuissance isolée, traitant ses alliances comme des contrats commerciaux révocables.

I. L’Europe : Entre mépris civilisationnel et désengagement conditionnel

La section consacrée à l’Europe, intitulée « Promoting European Greatness », dresse un constat sévère, voire apocalyptique. L’administration Trump y dépeint une Europe non plus comme un allié indispensable, mais comme une entité en voie d’« effacement civilisationnel », inapte à se défendre et politiquement instable.[02] Ce n’est plus le langage d’un partenaire, mais celui d’un liquidateur judiciaire constatant la faillite de son associé.

Le texte introduit une méfiance inédite envers la fiabilité des alliés de l’OTAN sur une base démographique et raciale. Il suggère qu’il est « plus que plausible » que certains pays membres deviennent majoritaire-ment « non-européens » dans les prochaines décennies, remettant en question leur alignement futur avec les États-Unis.[03] En conséquence, Washington pose des conditions drastiques :

  • L’OTAN conditionnelle et le seuil inatteignable : Les États-Unis exigent via l’« Engagement de La Haye » que les alliés dépensent désormais 5 % de leur PIB pour la défense,[04] un seuil inatteignable pour la plupart des économies européennes actuelles. Cela ressemble à un prétexte pour justifier un retrait ou rendre l’article 5 optionnel.
  • Le renversement d’alliance en Ukraine : L’objectif affiché n’est pas la victoire de Kiev mais une « cessation rapide des hostilités » pour rétablir la « stabilité stratégique avec la Russie ». Le document critique ouvertement les attentes « irréalistes » des dirigeants européens et minimise la menace existentielle russe pour l’Est de l’Europe.[05]
  • Ingérence politique : L’administration déclare vouloir « cultiver la résistance » à la trajectoire actuelle de l’Europe et soutenir les partis d’opposition « patriotiques » contre des gouvernements jugés instables.[06]

II. L’Asie et Taïwan : La primauté de l’économie et la dissuasion pragmatique

En Asie, la stratégie est dominée par la compétition économique avec la Chine, qualifiée de pair ayant abusé de l’ouverture des marchés américains. La sécurité militaire y est envisagée comme un outil au service de la prospérité économique des États-Unis :

  • Taïwan et les semi-conducteurs : L’île est jugée prioritaire principalement pour sa dominance dans la production de semi-conducteurs et sa position géographique stratégique verrouillant la « première chaîne d’îles ».[07] Les États-Unis maintiennent leur politique de statu quo mais insistent sur une augmentation drastique des dépenses de défense taïwanaises.[08]
  • Japon et Corée du Sud : Comme pour l’OTAN, le document exige un partage du fardeau accru. Washington demande à ses alliés asiatiques non seulement de dépenser plus, mais d’accorder à l’armée américaine un accès élargi à leurs ports et installations pour verrouiller la mer de Chine méridionale.[09]
  • Guerre économique totale : Le but est de rééquilibrer les échanges commerciaux et d’empêcher la Chine de dominer les chaînes d’approvisionnement critiques, en utilisant les tarifs douaniers et en forçant les alliés à s’aligner sur les standards américains.[10]

III. Le Moyen-Orient : Du gendarme au VRP

La section consacrée au Moyen-Orient marque la fin de la doctrine Carter. L’administration Trump opère un déclassement stratégique de la région, considérée non plus comme un cœur vital, mais comme un marché et une zone à stabiliser à moindre coût.[11]

  • Désengagement et indépendance énergétique : Le document affirme que l’indépendance énergétique américaine rend obsolète la présence massive pour le pétrole. La région ne doit plus être un « irritant constant ».[12]
  • La « Doctrine du Dictateur » : C’est la fin des leçons de morale. Washington accepte les dirigeants « tels qu’ils sont » et cesse de faire pression sur les monarchies du Golfe pour des réformes sociétales.[13]
  • Approche punitive et technologique : La stratégie privilégie des frappes violentes et ponctuelles (comme l’opération « Midnight Hammer » citée contre l’Iran) plutôt que des occupations longues.[14] L’objectif est désormais de vendre la technologie américaine (IA, nucléaire) aux pays du Golfe pour contrer l’influence chinoise.[15]

Joël-François Dumont

Voir également :

Sources :

[01] « National Security Strategy of the United States of America », The White House, Novembre 2025, p. 25.

[02] Ibid, p. 25.

[03] Ibid, p. 25.

[04] Ibid, p. 27.

[05] Ibid, p. 2 et p. 12.

[06] Ibid, p. 27.

[07] Ibid, p. 25.

[08] Ibid, p. 19.

[09] Ibid, p. 23.

[10] Ibid, p. 24.

[11] Ibid, p. 24.

[12] Ibid, p. 20-21.

[13] Ibid, p. 27.

[14] Ibid, p. 28.

[15] Ibid, p. 28.

[16] Ibid, p. 28.

[17] Ibid, p. 28.

Note : Les numéros de page font tous référence au document PDF « 2025-National-Security-Strategy.pdf ».

Décryptage : Vers la fin de l’Occident politique

Au-delà de l’analyse régionale, ce document révèle trois mutations profondes qui redéfinissent l’architecture mondiale pour la décennie à venir et actent la « trahison » perçue par les Européens :

  1. Du Protectorat au « Mercenariat d’État » : L’Article 5 de l’OTAN est vidé de sa substance automatique pour devenir un service commercial conditionnel. En fixant le seuil de contribution à 5 % du PIB, Washington transforme la garantie de sécurité en un levier de chantage permanent : la protection n’est plus un devoir d’allié, mais un service de luxe.[04]
  2. Le basculement vers un « Réalisme Ethnique » : En liant la fiabilité future d’un allié de l’OTAN à sa composition démographique (la crainte de pays « majoritairement non-européens »), la Maison Blanche réintroduit une dimension identitaire dans les relations internationales. C’est la fin de l’universalisme occidental comme ciment de l’Alliance.[03]
  3. La Fragmentation active de l’Union Européenne : Ce document théorise le contournement de l’UE. En soutenant les mouvements d’opposition « patriotiques », les États-Unis privilégient une stratégie de « diviser pour régner », préférant traiter avec des nations isolées qu’avec un bloc commercial unifié.[06]