En mettant le soldat au centre de la prochaine LPM, un cap est franchi

Le contexte place chacun devant ses responsabilités. Non seulement parce qu'une LMP engage l'avenir, en fixant un cap, une distance, un tempo. Mais également parce que le constat intellectuel que nous avions fait d'un durcissement et d'un rapprochement des menaces auxquelles nous faisons face se confirme.

Projet de loi de programmation militaire 2019-2025 — Audition du Général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre devant la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

La réunion est ouverte à 9 h 30 sous la présidence de M. Christian Cambon.

Projet de loi de programmation militaire 2019-2025 – Audition du Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'Armée de terre

M. Christian Cambon, président. – Général, nous sommes très heureux de vous entendre sur la loi de programmation militaire (LPM).

Cette LPM nous semble meilleure que les précédentes, mais c'est aussi parce qu'elle répond à un contexte international qui s'est dégradé, avec une aggravation et un durcissement des menaces, comme l'a montré la revue stratégique.

Vous nous avez alertés à de nombreuses reprises, notamment lors de votre dernière audition, le 18 octobre, sur l'intensité des engagements de l'armée de terre, qui met à rude épreuve soldats et matériels. J'ai eu l'occasion de me rendre à Gao, au Mali, et de constater moi-même les conditions dans lesquelles nos hommes travaillaient. La LPM apporte des réponses, en mettant les hommes et les femmes des armées au coeur de ses priorités et en prévoyant une accélération de la modernisation d'un certain nombre de matériels indispensables.

Toutefois, cet effort mettra du temps à produire ses effets, qu'il s'agisse de l'accélération du segment médian des équipements de l'armée de terre, tels que le programme Scorpion, ou de l'arrivée dans les forces du HK416. Les soldats risquent de ressentir un décalage entre les annonces et la réalité, pendant de longs mois. Comment gérer cette attente ?

Peut-être pourrez-vous nous dire également quelques mots de la perspective du service national universel. Ce n'est pas votre sujet favori, mais le risque existe, malgré les assurances reçues, que son financement vienne perturber les fragiles équilibres budgétaires de cette loi de programmation militaire.

GA Jean-Pierre Bosser - CEMAT - Portrait (DR) -
Général d’armée Jean-Pierre Bosser, Chef d’état-major de l’armée de Terre

Général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre. – Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'accueillir une nouvelle fois au sein de votre Commission. Cette audition prend place dans un contexte qui place chacun devant ses responsabilités. Non seulement parce qu'une loi de programmation militaire engage l'avenir, en fixant un cap, une distance, un tempo. Mais également parce que le constat intellectuel que nous avions fait au moment de la Revue stratégique d'un durcissement et d'un rapprochement des menaces auxquelles nous faisons face se confirme. L'ennemi s'adapte et cherche à remettre en cause notre supériorité, que ce soit par ses modes d'action, ou encore à travers l'utilisation de dispositifs comme les mini drones, ou encore dans l'espace cyber. Sur notre territoire, la menace terroriste persiste. J'ai à ce sujet une pensée pour le colonel Arnaud Beltrame, qui était issu de l'armée de terre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, notre dernière rencontre a eu lieu le 25 janvier dernier, à Carpiagne, où vous visitiez le 1er régiment étranger de cavalerie. Nous vous avions présenté la notion de groupement tactique interarmes. Cette journée a également été l'occasion pour vous d'échanger et de partager le quotidien des soldats de l'armée de terre, ainsi que de toucher du doigt – au sens propre, par exemple lors du tir au HK 416 – les nouveaux équipements qu'ils attendent impatiemment.

Je me réjouis que beaucoup d'entre vous visitent nos forces, dans leurs circonscriptions, outre-mer ou en opérations. Ma génération échangeait moins facilement avec les élus, alors que c'est indispensable pour vous permettre d'appréhender les enjeux auxquels nous faisons face.

Lors de mon audition du 18 octobre 2017, je vous avais présenté ma vision de l'avenir de l'armée de terre, qui s'inscrit dans l'ambition très claire fixée par le Président de la République d'être la première armée de terre européenne, notamment en termes d'équipement.

Je viens vous présenter aujourd'hui mon appréciation de situation sur le projet de loi de programmation militaire soumis à votre examen, qui est la traduction de cette ambition. J'évoquerai également les enjeux que revêt à mes yeux l'entrée en LPM, ainsi que sa bonne exécution.

Mon état d'esprit diffère de celui de mes prédécesseurs lorsqu'ils se sont livrés au même exercice, que ce soit en 2009 lors de l'examen du projet de LPM 2009-2014 ou en 2013 lors de l'examen du projet de LPM 2014-2019. Les chefs d'état-major de l'armée de terre faisaient à l'époque part à votre commission de leurs préoccupations concernant les réductions de capacités et d'effectifs. Aujourd'hui, je fais le constat que ce projet de loi de programmation militaire 2019-2025 confirme une inversion historique, et inscrit dans la durée la remontée en puissance de l'armée de terre. La période qui s'ouvre est donc propice aux bâtisseurs.

Cette loi de programmation militaire est taillée pour faire but en plein centre. Elle est bien calibrée, elle définit un modèle d'armée complet, équilibré et soutenable, visant le coeur de cible des besoins et des priorités de l'armée de terre. J'en tire trois conclusions.

La première est que le chef d'état-major de l'armée de terre que je suis peut se laisser aller à un optimisme raisonnable. Après avoir densifié la force terrestre opérationnelle, je poursuis le renouveau de l'armée de terre, conformément à l'idée maîtresse que j'avais fixée l'année dernière, à savoir que les équipements doivent rattraper les effectifs. La deuxième conclusion est qu'il m'appartient de rapprocher intelligemment et progressivement, les moyens des ambitions. La troisième conclusion est que cette loi de programmation militaire s'inscrit dans la durée et nous donne un horizon pour nous engager sur quatre compartiments de terrain, que je vais maintenant détailler.

Le premier compartiment est la « hauteur d'homme ». Cette loi de programmation militaire place pour la première fois le soldat au centre de la réflexion, et nous fournit de vraies opportunités pour produire des effets rapides améliorant réellement son quotidien. En procédant par cercles concentriques à partir du soldat, cela concerne d'abord sa tenue et son équipement individuel, ce qui n'est pas un enjeu trivial. Je considère qu'une nation qui investit 2 % de son produit intérieur brut (PIB) dans la défense doit être capable de fournir à ses soldats des treillis F3 retardant la flamme à leur taille, ainsi que des chaussures à la bonne pointure.

Viennent ensuite les équipements de protection, tels que la structure modulaire balistique (SMB), le casque de nouvelle génération, puis l'armement individuel, le fusil et le pistolet, lequel date des années 1950 ainsi que les petits équipements d'optique, d'optronique et de communication, indispensables au maintien de notre supériorité opérationnelle.

La vision de la hauteur d'homme s'élargit ensuite aux conditions de vie et de travail ainsi qu'à la rémunération du soldat. La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) entre donc dans cette boîte, même si son financement n'interviendra qu'à compter de 2021.

La hauteur d'homme concerne également le soutien au sens large, y compris le soutien médical. Les soldats doivent pouvoir bénéficier d'un service de santé aux armées moderne offrant la prévention la plus efficace ainsi que la meilleure qualité de prise en charge en cas de maladie ou de blessure, en garnison comme en opérations extérieures (OPEX).

Enfin, dans cette perspective de la « hauteur d'homme », la famille n'est pas absente. Madame la ministre le disait : « il n'y a pas de soldat fort sans famille heureuse ». C'est pourquoi nous travaillons à ce que le plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires débouche sur des actions visibles, concrètes et adaptées aux situations locales.

La partie normative de cette loi de programmation militaire apporte des éléments intéressants, tels que la possibilité d'opérer des relevés signalétiques et des prélèvements biologiques en OPEX sur des personnes susceptibles de présenter un danger pour les forces françaises ou la population. Cela permettra de collecter des informations, avec des finalités strictement militaires, qu'il s'agisse du type de données prélevées ou de leur destination.

Nous prenons note, également, de la possibilité de mobiliser les membres de la réserve opérationnelle soixante jours, voire cent cinquante en cas de nécessité, au lieu de trente.

Enfin, une attention particulière est portée aux militaires blessés en service ou victime d'une affection survenue à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, à travers la possibilité de les rendre éligible au congé de reconversion sans condition d'ancienneté de service et plus largement.

Deuxième compartiment de terrain, il s'agit d'une loi de programmation militaire de réparation, qui a pour objectif de compenser les lacunes apparues au cours des années précédentes. C'est le cas en matière d'appui feu sol-sol, avec une commande supplémentaire de trente-deux camions équipés d'un système d'artillerie (dits « canons Caesar ») et l'accent mis sur la coordination des intervenants dans la troisième dimension, avec les radars Ground Master 60.

La loi de programmation militaire porte également des objectifs en matière de normes d'activité par type de matériel, afin d'assurer un niveau d'entraînement suffisant. Par exemple, nous considérons qu'un équipage de char Leclerc doit faire 115 heures de pratique dans l'année, que ce soit sur le territoire national ou en déploiement à l'étranger, afin de pouvoir être engagé en opération de façon raisonnable. Aujourd'hui, sur nos matériels blindés majeurs, nous atteignons seulement 60 % de ces normes, et notre objectif est d'atteindre 100 % d'ici 2025. À cette fin, la loi de programmation militaire prévoit un effort sur l'entretien programmé des matériels, avec un effet attendu à la fois sur la régénération des équipements fortement sollicités ces dernières années et sur l'amélioration de la disponibilité technique.

Le troisième compartiment de terrain concerne la modernisation. Cette loi de programmation militaire prévoit le remplacement accéléré du segment blindé médian de l'armée de terre, avec la livraison d'ici 2025 de la moitié des véhicules prévus dans le programme Scorpion – pour « synergie du contact renforcée par la polyvalence de l'infovalorisation » – : Jaguar, Griffon et VBMR. De plus, le projet de LPM contient une légère augmentation des cibles pour s'adapter aux évolutions de la force opérationnelle terrestre. La modernisation concerne également le développement de moyens d'appui directs tels que le véhicule blindé d'aide à l'engagement, le système de franchissement léger, le module d'appui au contact, le mortier embarqué pour l'appui au contact, ou encore le véhicule léger tactique polyvalent. Cette modernisation concerne aussi les capacités de commandement et de conduite des opérations aéroterrestres, ainsi que la modernisation des moyens d'aérocombat, avec la livraison de trente-quatre hélicoptères Caïman, et la mise à niveau des Tigre.

S'agissant du renseignement, les trois premiers systèmes de drones tactiques seront livrés d'ici à 2025, soit quatorze vecteurs aériens, et la commande a été portée à cinq systèmes à l'horizon 2030, ce qui nous permettra de disposer de vingt-huit drones tactiques, renforçant ainsi notre autonomie de décision et notre compréhension de la situation tactique.

Par ailleurs, cette loi de programmation militaire initie la modernisation de notre flotte tactique et logistique, avec un effort porté sur les poids lourds de quatre à six tonnes.

Enfin, la modernisation concerne également la transformation du maintien en condition opérationnelle (MCO), afin de garantir à la fois la meilleure disponibilité, nos besoins de régénération et d'assurer le soutien des matériels de nouvelle génération.

Pour finir, le quatrième compartiment de terrain concerne l'innovation, qui constitue un axe en soi de cette loi de programmation militaire. Il s'agit de nous doter d'équipements de haute technologie afin de faire face aux menaces de demain.

Nous entrons ainsi dans la phase préparatoire de grands programmes futurs, dont le char de combat franco-allemand. L'accent est également mis sur la recherche et le développement, avec une augmentation des ressources consacrées aux études amont, sur lesquelles nous travaillons en commun avec la Direction générale de l'armement (DGA). Celles-ci concernent l'énergie, les nouveaux matériaux, la furtivité, les missiles hypervéloces, les armes laser, la protection cyber ou encore les plateformes de transport. Le programme Scorpion apparait à cet égard comme un catalyseur de l'innovation, dans une démarche incrémentale qui permettra d'intégrer progressivement de nouvelles technologies au fur et à mesure de leur arrivée à maturité.

De même, le volet innovation doit également permettre d'acquérir de nouveaux équipements, en matière de robotique terrestre et de drones, par exemple, avec le développement de procédures d'acquisition plus agiles et plus rapides.

L'innovation passera également par la transformation numérique, le big data et l'intelligence artificielle, qui ouvrent des perspectives nouvelles dans des domaines très variés allant de la maintenance prédictive à l'aide à la décision.

Enfin, l'innovation n'est pas que technologique. En effet, si la technologie peut créer les conditions du changement, celui-ci est également déterminé par des facteurs humains et organisationnels permettant de marier la rusticité du soldat et la haute technologie. À cette fin, je compte créer un pilier « Innovation » au sein de l'état-major à l'été 2018 ainsi qu'un « battle lab » Terre, destiné à capter l'innovation en boucle courte.

Vous me demandez comment nous comptons entrer dans cette loi de programmation militaire. La visée est conforme, mais cela ne suffit pas pour réussir le tir, qui dépend de l'action du doigt sur la détente ! Il s'agit donc pour nous de réussir « le jour d'après » le vote de la LPM. L'état-major est en ordre de bataille pour concrétiser les avancées, afin que les soldats constatent la réalité de cette remontée en puissance. À défaut, vous l'avez dit, nous risquons de subir un effet de ciseau entre les attentes suscitées et la réalité sur le terrain.

L'armée de terre a déjà amorcé sa remontée en puissance. Le modèle « Au Contact » lui donne toute l'agilité et la plasticité requises pour poursuivre cette dynamique. Nous travaillons donc sur un ordre d'entrée en loi de programmation militaire à la manière d'un ordre militaire, comprenant un état final recherché, des lignes d'opération, des objectifs intermédiaires et un phasage temporel. Nous comptons ainsi  »entrer en premier » sur deux des quatre compartiments que je vous ai décrits : la hauteur d'homme, ce qui semble légitime pour une armée qui représente 50% des effectifs en uniforme du Ministère, et l'innovation, car l'armée de terre dispose d'une vision prospective unique à travers le document Action terrestre future.

Il nous faut au préalable définir nos ambitions sur tous les segments et pour cela, il est nécessaire de penser différemment. Je vous donne un exemple significatif qui concernent le domaine de l'habillement et des équipements individuels. Notre ambition est de passer d'une logique d'effets épars perçus au gré des missions pour revenir à une logique de paquetage unique et complet perçu dès l'engagement, afin que le soldat soit apte à remplir immédiatement toutes ses missions, en toutes circonstances et sans préavis.

Pour conclure, l'armée de terre est donc favorable à cette loi de programmation militaire. Le moment est enthousiasmant, mais nous savons aussi qu'il nous faudra établir des priorités et ne pas promettre aux soldats qu'ils auront tout, tout de suite. Les effets se manifesteront dans un laps de temps variable en fonction des priorités que nous aurons choisi et que nous devrons expliquer et assumer. Nous avons une responsabilité historique : construire l'armée de terre de nos besoins, celle qui saura répondre aux menaces présentes et à venir.

M. Cédric Perrin, co-rapporteur pour avis du programme 146 « Équipement des forces ». – Nous avons un combat à mener pour l'augmentation des crédits attribués aux études amont. Les fournisseurs de l'armée considèrent qu'il est urgent d'augmenter les crédits en recherche et développement afin de capter l'innovation et de l'appliquer à la défense.

Nous avons été sensibles à l'accent que met cette loi de programmation militaire sur l'équipement des fantassins.

La bosse budgétaire 2022 nous inquiète un peu, mais j'imagine que vous n'avez pas de réponse à nous apporter. La montée en puissance prévue est importante, nous verrons dans quel état seront les finances en 2022.

Quid des munitions ? Cette loi de programmation militaire accélère la livraison des nouveaux matériels, dont ceux qui découlent du programme SCORPION, mais ne risque-t-on pas d'oublier certaines priorités, comme la reconstitution des stocks de munitions ? L'armée de terre dispose-t-elle de moyens et de fournisseurs fiables en France, afin de garantir notre autonomie stratégique ? Les stocks de munitions ne défilent pas le 14 juillet, ne risquent-ils pas d'être sacrifiés ?

Mme Hélène Conway-Mouretco-rapporteure pour avis du programme 146 « Équipement des forces ». – Les industriels mettent l'accent sur la préparation de l'avenir, car selon eux, les priorités n'en sont pas clairement définies dans ce texte. Si des manques étaient identifiés, il nous est encore possible de présenter des amendements sur la base de ce que l'on nous dit.

Les industriels du secteur nous disent également que le processus d'acquisition souffre de la rigidité de la commande publique. Qu'en pensez-vous ?

M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». – Il importe de surmonter les indisponibilités des matériels, en raison de leur surutilisation en OPEX, au-delà des contrats opérationnels. De ce point de vue, il n'est pas évident d'avancer des prévisions, mais le nouveau modèle MCO Terre est-il bien financé ? Le général Lecointre n'a pas répondu à la question précise des montants en jeu, je vous la pose donc à nouveau. Quel est le chemin de la remontée de la disponibilité technique opérationnelle des équipements terrestres en 2021 et en 2023 ?

Avec Jean-Marc Todeschini, nous travaillons pour recenser les conditions de réussite du service national universel, les pièges à éviter et les manières de protéger la programmation militaire et ses budgets. À ce titre, nous avons rencontré les membres du groupe de travail animé par le général Ménaouine. Maintenir une valeur ajoutée militaire tout en évitant les pièges, c'est la quadrature du cercle. Comment trancher ce noeud gordien ?

M. Gilbert Roger, co-rapporteur pour avis du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». – J'ai commencé à étudier les lois de programmation militaire avec celle du président Sarkozy, puis celle du président Hollande. Ces textes ne présentent jamais un monde nouveau, mais constituent une succession d'adaptations plus ou moins réussies. Vous l'avez dit, il faut se mettre en adéquation avec la réalité, en particulier celle que les derniers conflits imposent à nos armées.

J'ai essayé d'être constant, en présentant des amendements et en préparant des rapports portant des critiques positives. Mon premier rapport concernait ainsi les bases de défense et la misère des équipements.

Comment et pourquoi cette nouvelle loi de programmation militaire permet-elle de passer un cap supplémentaire dans le règlement des difficultés que nous connaissons ? Il me semble que cela n'apparaissait pas suffisamment dans vos propos.

S'agissant de la bosse de 2022, elle donne en effet le sentiment que l'on paye beaucoup pour l'avenir, mais pas pour l'immédiat. Je sais que vous êtes soumis au devoir de réserve, mais comment peut-on mettre en adéquation ce choix politique et la nécessité de moderniser les équipements durant les quatre prochaines années ?

Mme Christine Prunaud, co-rapporteure pour avis du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». – La LPM prévoit une remontée des effectifs de l'armée de terre à 77 000 hommes. Doter la force opérationnelle terrestre de 11 000 hommes supplémentaires est un défi en termes de préparation opérationnelle. Vous avez annoncé devant l'Assemblée nationale qu'il serait impossible de lancer une nouvelle OPEX de grande envergure avant l'été 2018. Dans le cadre de la prochaine LPM, est-on assuré de ne plus se heurter à un tel obstacle ? La préparation opérationnelle, on le sait, a été une variable d'ajustement de la précédente LPM pour satisfaire des contrats opérationnels poussés au-delà du modèle de préparation…

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. – Cette LPM inverse la tendance des deux précédentes en prévoyant une remontée en puissance, sans oublier la condition militaire, ce dont on ne peut que se réjouir. Vous avez dit, et je vous rejoins, que c'était une loi de réparation : c'est une forme d'aveu… On sait en effet ce qu'est devenue la précédente loi de programmation : un engagement très supérieur à ce qui était prévu, et des moyens par conséquent très inférieurs à ce qui était nécessaire. À engagement inchangé, ce texte permettra-t-il de financer ce qui est nécessaire et de réparer ce qui doit l'être ? Le maintien en condition opérationnelle (MCO), des hélicoptères en particulier, nous préoccupe. Je me méfie des réformes de structure et de procédure qui nous sont annoncées : à elles seules, de telles réformes permettent rarement de régler les problèmes de fond.

M. Philippe Paul. – Lors de nos visites de terrain, nous avons été surpris par les conditions de vie des militaires – dans les différentes armées. Vous avez évoqué les propos de Jean-Yves Le Drian sur les moustiquaires : ces problèmes ne sont pas anecdotiques, alors que l'on parle de plus en plus de la condition des militaires et des problèmes de fidélisation. Les conditions de vie de nos militaires devraient être meilleures ! À Djibouti notamment, nous avons vu des bâtiments dans un état lamentable. Je vous ai apporté une photo pour l'attester ! Mais c'est le cas dans bon nombre d'unités ! J'espère que les crédits fléchés vers l'amélioration des conditions de vie des militaires seront à la hauteur.

M. Olivier Cigolotti. – Le concept de base de défense a créé une rupture d'avec le triptyque un chef, une mission, des moyens. Votre précédent ministre de tutelle avait jugé sa mise en oeuvre un peu rapide ; le Haut conseil d'évaluation de la condition militaire a estimé qu'elle était susceptible de désorganiser les unités de soutien. Faut-il revenir sur ce concept ? Accélérer sa mise en oeuvre ? Passer de 51 bases de défense à un nombre inférieur ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. – Certains soldats disent devoir s'acheter sur Internet des gilets pare-balles aux normes avant de partir en OPEX. La protection efficace de nos militaires me paraît être une exigence basique, et je note votre volonté d'améliorer leur équipement. De telles pratiques, choquantes, nuiraient en outre gravement à l'image de notre armée. Sont-elles avérées ?

M. Jean-Marc Todeschini. – La durée annuelle maximale d'activité dans la réserve opérationnelle, déjà identifiée comme un élément de résilience, passera de 30 à 60 jours. Comment cela modifiera-t-il son activité ? Le spectre de ses missions sera-t-il élargi ? Va-t-on vers la constitution d'unités de réserve ou continuera-t-on à intégrer les réservistes dans les unités opérationnelles ?

M. Ladislas Poniatowski. – Lorsque le général de Villiers a claqué la porte, il ne l'a pas fait silencieusement, il a dit pourquoi : car il n'avait pas les moyens d'assurer la sécurité intérieure et extérieure, et avait listé à l'appui de son analyse tout une série de manques, en termes d'équipements, de modernisation, de besoins d'entraînement, etc. En haut de sa liste, ce qui manquait le plus à l'armée française selon lui : les infrastructures. Or le mot infrastructure revient rarement dans les discours officiels : je ne l'ai pas entendu dans la bouche de la ministre, ni dans la vôtre…

Mme Isabelle Raimond-Pavero. – Je sais que le sujet des blessés est majeur pour le Chef d'état-major de l'armée de terre. Des blessés physiques, il y en aura encore de nombreux à l'avenir, hélas. Il faut les distinguer des syndromes post-traumatiques et des victimes de blessure morale. Pour préparer l'avenir, une structure financière et politique de soutien serait utile. Quels outils et quels moyens seront mis en place ?

Général Jean-Pierre Bosser. – L'inversion de tendance doit entraîner de nouvelles synergies entre la DGA, l'industrie et l'armée de terre. Dans la période précédente, si la DGA et les industriels étaient proches, l'armée de terre n'était guère visible, sauf sa Section technique (STAT) en charge de l'expérimentation et de l'évaluation des matériels. Je souhaite désormais que l'armée de terre prenne toute sa place dans l'équipe, afin que nous puissions travailler ensemble et marcher du même pas. Ce nouveau modèle et ces nouvelles synergies seront d'ailleurs au coeur du prochain salon Eurosatory, en juin. Le DGA, le président du GICAT et moi-même nous exprimerons ensemble au cours d'une table ronde au sujet de nos attentes à l'égard de la LPM. J'attends beaucoup, pour ma part, de la DGA en matière de développement et d'innovation, des sujets sur lesquels les précédentes LPM étaient presque muettes pour l'armée de terre. Des industriels, j'attends une certaine capacité à tenir le rythme et les objectifs de la LPM. Surtout si c'est le même qui reconstruit les Véhicules de l'Avant Blindés (VAB) aujourd'hui et qui construira les Griffons demain : il doit y avoir une vraie réflexion sur cette transition. C'est la raison pour laquelle j'ai entamé une série de visites : j'étais il y a quinze jours à Fourchambault chez RTD et j'irai bientôt chez Nexter pour échanger avec les cadres et les ouvriers qui y travaillent.

Les industriels nous reprochaient ces dernières années de manquer de visibilité, sur le plan financier ou sur le plan des projets. L'inversion de tendance dépendra donc de la combinaison de ces trois facteurs – l'ambition, la capacité industrielle et le financement -, car nous marcherons au pas du plus lent. On ne peut pas reprocher au Président de la République ou à la ministre d'afficher des ambitions dépassant la durée du quinquennat, car une remontée en puissance de la nature de celle qui est amorcée ne peut pas être envisagée seulement sur trois ou cinq ans. Sans profondeur, nous perdrons en puissance et disperserons nos efforts. C'est un pari sur l'avenir. L'histoire dira si nous réussirons.

Les munitions légères de l'armée de terre sont compatibles avec les munitions de nos alliés. C'est d'ailleurs selon ce critère que nous avons choisi le HK416. Nous avons également adapté les stocks tels que nous les avions définis au lendemain de la guerre froide pour les dimensionner au juste besoin de nos contrats opérationnels.

À l'inverse de l'armée de l'air et de la marine, l'armée de terre n'a pas l'intention de mener un plan de transformation à l'occasion de cette entrée en LPM. Je tiendrai le même discours demain à l'ensemble des chefs de corps que je réunis à l'amphithéâtre Foch de l'école militaire. Notre cadre nous permet d'entrer en LPM de manière performante : un document dit « Action terrestre future » fixe nos ambitions tactiques sur les dix à quinze prochaines années ; le modèle opérationnel « Au contact » rend notre armée plastique, agile, capable d'absorber la densification ; le programme Scorpion catalyse le renouvellement de notre outil opérationnel à partir du segment médian ; sur le plan du commandement, j'ai fait réécrire « L'exercice du commandement » et je prépare la deuxième édition de « L'exercice du métier des armes ». Bref, nous avons un cadre nous permettant d'orienter l'action, d'organiser, d'outiller et de commander notre armée de terre. Nous sommes donc en mesure d'exécuter la LPM.

Le Président de la République a fixé l'objectif d'être la première armée européenne. Je travaille à en identifier les critères : modèle d'armée complet ; masse suffisante nous permettant d'intervenir sur notre propre sol, en Europe centrale ou méridionale, voire sur plusieurs théâtres en même temps ; esprit guerrier, qui permet par exemple de vivre à Djibouti dans des conditions difficiles, ou qui nous rend capable de payer, militairement ou politiquement, le prix du sang ; force d'innovation et équipements de quatrième génération, qui confèrent la supériorité opérationnelle – combattre jour et nuit sans interruption, aérocombat, etc. ; capacité à générer ou intégrer des coalitions enfin. Ce dernier critère est rempli : nous le constatons tous les jours en Afrique, et notre Corps de réaction rapide-France a été certifié par l'Otan. Je suis par conséquent raisonnablement optimiste sur le fait qu'en 2019, l'entrée dans la LPM se fera d'abord par la hauteur d'homme et l'innovation. Aujourd'hui, ne manque que la capacité à acquérir des matériels de manière rapide et agile pour conserver une supériorité sur l'ennemi. Perdre, comme ce fut le cas au Levant, deux hommes des forces spéciales du fait d'une sous-munition larguée par un drone qui s'achète dans le commerce, mais que nous mettons un an à acquérir, révèle une forme de décalage.

Le projet de transformation du MCO terrestre que nous mettons en oeuvre a pour objectif de bien différencier d'une part la maintenance opérationnelle qui produit de la disponibilité technique, et qui est réalisée dans les régiments du matériel et par des militaires pouvant être déployés sur le terrain, capables de changer une pale d'hélicoptère en plein désert ou un moteur à Gao ; d'autre part la maintenance industrielle, qui vise à régénérer nos matériels, notamment lorsqu'ils rentrent d'opération. Cette maintenance industrielle peut être réalisée soit par des capacités étatiques, soit par des industriels privés. En l'occurrence, nous allons compenser les départs à la retraite dans la maintenance industrielle étatique par un recours accru aux capacités de maintenance industrielle privée, une manoeuvre que nous appelons le « délestage », pour un montant évalué à 350 millions d'euros entre 2019 et 2022, afin d'atteindre le modèle cible en 2025. La ministre vient de nous confier un mandat sur le MCO terrestre, comme cela a été fait pour le MCO aéronautique. Je compte en profiter pour attirer son attention sur la nécessité de réussir cette manoeuvre dans le bon cadre espace-temps pour arriver à l'état final recherché.

L'armée de terre n'a aucun problème de principe avec le service national universel, ni d'ailleurs avec la jeunesse, avec laquelle nous sommes au contact au quotidien. Mais je suis partagé entre la nécessité de faire quelque chose pour notre jeunesse – le service militaire adapté et le service militaire volontaire, que j'ai créé après accord du président Hollande, y contribuent – et l'inquiétude d'être percuté par une masse qui fait dix fois notre poids – car 800 000 hommes et femmes, c'est dix fois l'armée de terre ! Notre armée de terre, 22 ans de maturité professionnelle, reconnue dans le monde entier, est devenue un label – je pense aux forces spéciales, aux forces conventionnelles, à l'aérocombat. Notre crainte est de voir cet outil disparaître sous l'effet du nombre. Le Président de la République a eu lors des voeux des mots rassurants, précisant que le projet serait interministériel et ne rognerait pas sur les crédits de la LPM. En toute hypothèse, il sera lourd et aura sur l'armée de terre un impact supérieur à ce que l'on imagine.

Vous avez eu raison de retracer l'historique des LPM. Aucune n'a été appliquée comme elle aurait dû l'être. En mettant le soldat au centre de la prochaine, un cap est franchi. Les précédents textes parlaient beaucoup de gros objets, de sous-marins nucléaires, d'avions de chasse, de porte-avions, jamais du soldat. L'innovation est aussi une composante nouvelle de cette LPM. Elle évoque enfin aussi de manière inédite le segment médian de notre outil, le plus engagé depuis vingt ou trente ans puisqu'il sert à faire la guerre tous les jours.

Comment procéder en attendant qu'elle porte tous ses effets ? Je mise sur un certain nombre de projets ayant des effets physiques à haute valeur ajoutée, concernant par exemple la protection du soldat, ou sur des éléments plus psychologiques, actionnables immédiatement. Par exemple : la tenue de sport, qui est dans l'armée de terre une tenue de préparation opérationnelle. En opération, lorsque l'on enlève sa tenue de combat, on se met en tenue de sport. Tout est prêt pour acquérir une nouvelle tenue de sport plus moderne et adaptée ; ne manquent que les fonds. C'est aussi vrai pour les casques composites, les gilets, ou les pistolets automatiques : si l'on veut changer demain le pistolet MAC 1950, nous avons sur étagère une variété d'autres pistolets qui équipent déjà nos forces spéciales ou d'autres forces armées – tels les policiers monégasques. L'armée de terre française est en effet l'une des moins bien équipées en pistoles automatiques. Rapportés au 1,8 milliard d'euros supplémentaires que l'on attend chaque année, 30 millions d'euros pour de nouvelles tenues de sport représentent moins de 2%.

L'augmentation de format de la force opérationnelle terrestre de 11 000 hommes a constitué un effort majeur, qui n'a pas été atteint instantanément. Il a fallu deux ans à l'armée de terre pour augmenter ses effectifs, ce qui a demandé un effort majeur de recrutement et de formation. En matière d'entrainement, comme nous l'avions annoncé, nous serons revenus à l'été 2018 au point où nous étions au moment de l'entrée au Mali de la brigade Serval.

Le MCO aéronautique est un sujet de fond. Le problème est double : industriel et financier. L'architecture générale du soutien industriel devait être revue ; il fallait aussi voir si l'accès aux pièces détachées et le renouvellement des stocks ne jouaient pas sur la disponibilité des appareils. La création de la Direction de la maintenance aéronautique témoigne de la priorité donnée aux questions de la gouvernance et de la maitrise d'ouvrage étatique, ainsi qu'à la coordination entre les armées et les industriels. Le général Lanata vous répondra mieux que moi sur ces questions, mais n'éludons pas l'aspect financier.

Nous avons proposé une évolution de la cartographie des bases de défense, pour que la carte des services corresponde à la carte administrative, et pour resserrer le maillage, dans un souci de performance. Nous avons proposé à la ministre une carte à 45 bases, une autre à 38. Son choix dépendra d'une part de l'attention portée au personnel, car dans le cadre d'une remontée en puissance, personne ne comprendrait que l'on rogne sur la présence territoriale ; d'autre part, de la prise en compte du commandement territorial, car avec Sentinelle, les officiers généraux en charge des zones de défense commandent directement les chaînes fonctionnelles plus qu'ils n'en assurent la simple cohérence.

Je regrette l'achat de matériel sur Internet. J'espère que cela a de moins en moins de raison de se produire. Car j'ai la faiblesse de penser que les matériels que nous achetons à nos soldats leur conviennent, en termes de protection et d'ergonomie. S'agissant des équipements qui concourent à la protection de nos soldats en opération, je crois même pouvoir dire que plus aucun achat ne s'impose. Je ne pourrai en revanche jamais interdire aux soldats l'achat de poches à accrocher à leurs gilets de protection pour ranger un téléphone ou des affaires personnelles, cela fait partie du côté coquet de certains… Le HK416 dispose de rails permettant d'installer des optiques et autres accessoires, ce qui n'était pas le cas du Famas. Il existe une exception à cela : l'achat de 1 800 lunettes de glacier pour les troupes alpines entrant dans le cadre du code des marchés publics, il faut six mois pour les obtenir ; le moins-disant étant souvent privilégié, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, ce qui pousse les soldats à aller le weekend chez l'opticien du coin… Les yeux de nos soldats méritent pourtant des lunettes de qualité.

L'armée de terre reste attachée aux unités de réserve intégrées. En autonomie totale, elles coûteraient plus cher et seraient moins performantes. Ce qui n'exclut pas quelques unités particulières, telle l'unité de réserve qui se trouve en région parisienne, parce que nous avons la capacité de les soutenir.

Tous mes prédécesseurs ont signalé l'écart entre l'ambition et les moyens dégagés pour la concrétiser. La remontée en puissance nous donne l'opportunité de resserrer cet écart. Sur l'infrastructure en revanche, rien n'est résolu. Si celle qui abrite nos matériels futurs est au rendez-vous, l'infrastructure opérationnelle et l'infrastructure de vie courante sont encore insuffisamment financées. En matière d'entretien, les sommes dévolues par mètre carré de surface de nos emprises demeurent notoirement insuffisantes.

Les blessures physiques et les syndromes de stress post-traumatiques sont souvent évoqués. On parle moins des blessures morales, un syndrome de conflit intérieur qui se traduit par des sentiments de honte, de culpabilité, de perte de sens ou de foi. Or la population des blessés s'élargit. Je suis moi-même très attentif au soutien des blessés, et la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre est très active en matière de soutien aux familles et d'aide à la reconstruction des blessés – par le sport, par l'emploi. Je tiens même à accentuer cette action par la création d'un fonds de soutien adossé à une fondation. La partie normative, du projet de LPM qui reconnaît un véritable soutien à nos blessés en service, est primordiale. Le 23 juin prochain, la veille de l'anniversaire de la bataille de Solférino, je vous convie à la deuxième Journée nationale des blessés à l'hôtel national des Invalides. Un lever des couleurs commun avec le service de santé des armées ouvrira la journée au Val-de-Grâce ; il sera suivi d'un cross ludique à pied ou en vélo pour rejoindre les Invalides, où se tiendra enfin un rassemblement destinée à présenter les dernières innovations en matière de soutien aux blessés – des prothèses aux actions associatives. Le thème choisi cette année pour cette journée nationale des blessés sera : « ma famille est ma force ».

M. Christian Cambon, président. – Merci de la précision de vos réponses. Nous avons constaté au Mali l'importance du soutien à accorder aux blessés. Le Sénat sera très vigilant sur la tenue de ces engagements. Rien ne serait pire que de susciter des espoirs et de les décevoir. Alors que nos armées viennent de vivre des moments particulièrement douloureux, nous renouvelons aux soldats notre soutien, notre confiance et notre amitié. La représentation nationale est à leur côté.

Mercredi 4 avril 2018