Jamais le renseignement n’a été pour notre pays une priorité stratégique aussi haute. L’ambition française est de ne pas subir les effets de l’incertitude, mais d’être capable d’anticiper, de réagir et de peser sur les évolutions internationales. La fonction Renseignement a été érigée en priorité stratégique, au même titre que la dissuasion.
« L’esprit de notre temps se défie du secret » (François Fillon)
« L’ambition française » étant « de ne pas subir les effets de l’incertitude, mais d’être capable d’anticiper, de réagir et de peser sur les évolutions internationales », la fonction renseignement a été érigée en priorité stratégique, au même titre que la dissuasion. « Connaître et anticiper » sont les maîtres mots de la réforme. Budgets en hausse, recrutement de spécialistes, on est loin des coupes sombres opérées dans le budget de la défense. « La différence entre l’intérieur et l’extérieur n’est plus aussi tranchée qu’auparavant. Entre le policier et le militaire, les missions sont de plus en plus complémentaires. Entre sécurité et défense, la continuité est désormais au cœur de notre pensée stratégique. » [1] Comme l’a rappelé François Fillon, en installant l’Académie du renseignement à l’École militaire le 20 septembre dernier : « jamais le renseignement n’a été pour notre pays une priorité stratégique aussi haute. » [2] Cette tribune a été publiée dans la revue Défense. [3] Nous la reproduisons ici avec l'autorisation de son auteur Joël-François Dumont (*) rédacteur-en-chef adjoint de la revue. Paris, le 18 octobre 2010.©
François Fillon, Premier ministre à l'École militaire le 20 septembre 2010
Le Premier ministre a rappelé le double sens de cette réforme : « un renseignement toujours plus efficace, au service de la France, de sa diplomatie, de sa défense, de ses intérêts dans le monde, et de la sécurité de ses citoyens … enfin, un renseignement revalorisé, qui réponde aux attentes des membres des services, en matière de protection juridique, d’équipement, de gestion des ressources humaines, de qualité de la formation. » … « Une réforme capitale, initiée, portée par le président de la République, résolu à la mener à bien », qui se traduit, pour François Fillon, par « la fin d’une hypocrisie » … « L’exécutif ne peut plus maintenir artificiellement ses distances, comme il l’a fait trop longtemps en assumant désormais pleinement cette activité », en définissant des priorités stratégiques ou en énonçant des besoins. « Deux grandes lignes de force » ont été tracées : « faciliter la gestion des ressources humaines de chaque service et créer les conditions d’une réelle mobilité entre les services et vers l’extérieur du monde du renseignement. » [1] La raison d’être de cette « Académie du Renseignement » est de développer « un programme de formation, véritable tronc commun, défini entre les services, hébergé par eux et sanctionné par un brevet reconnu par tous. » [2]
« Le temps des rivalités est révolu »
La coordination des services « doit être forte du partage des valeurs, des expériences, des savoirs qui sont propres aux militaires de la DRM ou de la DPSD, aux agents de la DGSE, aux douaniers de la DNRED, aux policiers de la DCRI, et aux experts de TRACFIN … Un plan national d’orientation du renseignement a été adopté, qui constitue une référence pour chacun de nos six services de renseignement – DCRI, DGSE, DRM, DPSD, TRACFIN, DNRED. »
Au-delà de la qualité et de la pertinence des moyens techniques, dans un pays qui compte une voire deux fois moins d’agents que la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, l’accent est mis sur les ressources humaines : « le renseignement repose d’abord sur les hommes qui le recueillent ; l’analysent et l’exploitent, dans des conditions parfois périlleuses. L’attention au recrutement, à la formation et au déroulement des carrières sera donc renforcée » avec des filières valorisées, un recrutement plus ouvert (universités, grandes écoles), et un recours plus aisé aux contractuels. [1]
Le décret du 13 juillet portant création de cette Académie du renseignement est venu ajouter « un facteur supplémentaire de cohérence » à l’édifice, prélude à une Communauté française du renseignement enfin « rassemblée et décloisonnée ». Pour conduire ce projet, le choix s’est porté sur Lucile Dromer-North, directrice adjoint de la formation à l’ENA, en raison de son expérience en matière de formation dans un cadre interministériel et de ses compétences reconnues. Au-delà de la formation initiale et continue des 85 stagiaires, il lui faudra contribuer à la promotion d’une culture française du renseignement, comme chez les Anglo-Saxons ou les Allemands.
Pour Mme Dromer-North, « il ne s’agit pas de se substituer aux Services, qui conserveront évidemment leurs formations internes spécifiques. La volonté est bien, dans le domaine de la formation, d’initier une démarche de mutualisation, au sein de la communauté du renseignement dans son ensemble, favorisant ainsi la connaissance réciproque et la mobilité des cadres entre les différents services. » Objectif : une communauté du renseignement renforcée, supervisée par le coordonnateur national du renseignement.
Pour les « anciens » regroupés au sein d’Hestia Intelligence Studies, « il faut, en particulier, s’efforcer, par une meilleure compréhension mutuelle, de substituer dans les esprits une logique de complémentarité à une logique de concurrence souvent prévalente … Mettre ensemble pendant une durée limitée, des personnels qui viennent de rejoindre la profession pour leur donner des bases communes, ce qui facilitera d’autant la coopération, dans la perspective d’une véritable osmose. Des stages de recyclage, d’information, voire de partage d’expérience dans certains domaines devraient également être organisés en cours de carrière ». Les membres d’Hestia seraient, eux, partisans de « nouer également des partenariats avec les universités et les instituts étrangers qui développent des programmes ‘d’intelligence studies’ », choix qui n'est pas celui qui a été arrêté pour l’académie du renseignement à ce jour.
La promotion d’une culture française du renseignement prendra du temps. On ne change pas des mentalités d’un coup de baguette magique. L’importance des enjeux mérite de tenter l’expérience en offrant une chance à ceux qui ont des dons cachés ou des profils atypiques de faire acte de candidature.
Joël-François Dumont
(*) Auditeur à l'Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN) et rédacteur en chef adjoint de la revue Défense.
[1] Livre blanc pour la défense et la sécurité : Connaître et anticiper, Chap.8, p.133-134.
[2] Discours de François Fillon à l'École militaire.
[3] Numéro 148 daté de Novembre-décembre 2010 de Défense, revue bimestrielle de l'Union des Associations des Auditeurs de l'Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN).Abonnements: BP 41-00445 Armées.
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