Cinq pays européens (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) mutualisent leur transport militaire en créant l’EATC, basé à Eindhoven. Pour le général Carpentier (CMT), la rationalisation des acheminements stratégiques est en route…
Lors de la réunion en avril 2006 du Groupe franco-allemand de coopération militaire (GFACM),[1] le major général des armées (Air) et son homologue allemand ont signé une lettre d’intention (LoI) portant sur « le développement d’un commandement européen du transport aérien EATC ».[2] Initiative rejointe par la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, l’Espagne étant « observateur ». Au total, ce sont donc plus de 170 appareils, dont 13 de transport à long rayon d’action et plus de 120 transports tactiques dont la gestion va être mutualisée lors de la création de l’European Air transport Command (EATC) à Eindhoven le 1er septembre prochain.[3] L’EATC prendra en compte à cette date, la conduite des acheminements aériens en lien étroit avec le CMT que nous présente son commandant, le général Philippe Carpentier.(*) texte publié dans le grand dossier de la revue Défense consacré à la relation franco-allemande à l’épreuve du temps, que nous reproduisons ici avec l’accord de la rédaction de la revue.[4] Paris le 27 février 2010.©
Le général de brigade aérienne Philippe Carpentier
Genèse du Centre multimodal des transports (CMT)
L’optimisation de l’approvisionnement logistique des forces françaises opérant ou stationnées hors de métropole, dans toutes ses facettes (transport, transit, technique, infrastructure, munitions, soutien de l’homme, santé, carburant) est une préoccupation ancienne. En 2005, le rapport de l’inspecteur général des armées-Terre met en exergue la nécessité de poursuivre la rationalisation du fonctionnement de ces chaînes logistiques qui permettent de soutenir les théâtres d’opérations et les forces prépositionnées hors de métropole.
Le Centre Multimodal des Transports : à l’origine, une initiative franco-allemande…
Les études menées sous l’égide de l’état-major des armées (EMA), fort des nouvelles responsabilités du CEMA (décret 2005/520 du 21 mai), aboutissent à la centralisation de cette responsabilité sous l’autorité du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’EMA :
– l’officier général chargé de la planification au CPCO voit ses responsabilités accrues pour prendre en compte la logistique des opérations ;
– le centre multimodal des transports (CMT) est créé à Villacoublay ;
– le centre interarmées de coordination de la logistique opérationnelle (CICLO) est créé à Montlhéry.
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Le périmètre du CMT
Il a été créé, le 1er juillet 2007, pour permettre une coordination interarmées et une rationalisation complète des acheminements stratégiques (AS).
Implanté sur la base aérienne de Villacoublay, il succède au bureau des transports maritimes aériens et de surface (BTMAS) et au centre opérationnel du transport de l’armée de l’air (COT), avec des responsabilités et des capacités élargies.
Doté d’un statut d’organisme à vocation interarmées (OVIA) Air, le CMT est fonctionnellement rattaché au CPCO pour les aspects relevant des AS et au général commandant la défense aérienne et les opérations aériennes (CDAOA) pour tous les aspects relevant du contrôle opérationnel des aéronefs de transport de l’armée de l’air.
Sous l’autorité d’emploi du CPCO, le CMT est maître d’ouvrage fonctionnel délégué pour la conception (planification, programmation) et la conduite des acheminements stratégiques au profit de l’ensemble des forces armées, des autres départements ministériels et des alliés ou des nations étrangères suivant les accords en cours.
Son champ d’application couvre les opérations extérieures et intérieures, dans leurs phases de projection des forces, de soutien, de relèves et de désengagement, les exercices et le soutien des forces prépositionnées. Il agit dans une perspective multimodale, afin d’offrir les meilleures solutions d’acheminement inter-théâtres à ses différents clients, depuis la métropole jusqu’à la base logistique interarmées d’entrée sur le théâtre. Les acheminements intra-théâtre sont de la responsabilité du commandant de la force.
Il est également responsable de la planification des transits opérationnels (rupture de charge entre deux modes d’acheminement différents). Au 1er juillet 2009, le rattachement au CMT du centre de conduite du transit maritime(CCTM) de la Rochelle et du centre des transports et transits de surface de Montlhéry ont marqué la fin de la première étape de la rationalisation des AS.
Le CMT [5] est responsable de l’emploi des ressources budgétaires affectées au transport stratégique. Il a donc une double responsabilité, technique et financière. Il doit sans cesse viser à l’efficience, l’efficacité au meilleur coût, des AS. Il fournit aussi une expertise technique pour toutes les études sur les AS. Il travaille en lien étroit avec le CICLO qui est responsable du suivi de la logistique mutualisable sur les théâtres et peut, en fonction des urgences, définir des priorités d’acheminement.
Résolument tourné vers l’international, le CMT est en lien permanent avec ses homologues de l’OTAN et représente l’EMA aux groupes de travail sur les acheminements multimodaux.
Dans ce cadre, des échanges de prestations de transport s’effectuent régulièrement, dans le cadre notamment de la bourse d’échange ATARES (Air Transport and Refueling Exchange System). Avec le MCCE (Multinational Coordination Center for Europe) il participe aux travaux du MEOS (Multimodal Exchange of Services).
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L’avenir
L’étape finale de la rationalisation est en marche. Le Centre interarmées d’administration des opérations (CIAO) vient d’être créé. Il s’installera à Villacoublay à l’été. De même, le Service spécialisé de logistique et de transport (SSLT) du commissariat des armées va reprendre, à Villacoublay, la passation de l’ensemble des marchés d’acheminements multimodaux ainsi que la liquidation des paiements.
En 2012, la co-localisation du CMT et du CICLO à Villacoublay auprès de l’ensemble des autres acteurs des AS viendra parfaire la cohérence de l’ensemble. Enfin, la création de l’EATC (European Air transport Command), au 1er septembre 2010, va voir la prise en compte par cet organisme multinational de la conduite des acheminements aériens en lien étroit avec le CMT.
Philippe Carpentier (*)
(*) Général de brigade aérienne commandant le Centre Multimodal des Transports.
[1] Voir La coopération militaire franco-allemande au concret : cultures, structures et acteurs : dans les Synthèses du C2SD, voir l’étude de Christophe Pajon. Note de Laurie Bouffet et Johanna Karl de la Division Recherche du C2SD.
[2] Voir le grand entretien accordé par le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros à la revue Défense (N°146) sur les responsabilités de l’armée de l’Air dans la sécurité collective… « La coopération avec le Royaume-Uni et les autres forces aériennes européennes doit s’enrichir et permettre à nos pays de constituer une dynamique de puissance au plan aérien, palliant ainsi la taille modeste de nos Nations qui pourront de moins en moins atteindre seules le seuil de puissance des plus grands pays. L’enjeu est la sécurité du continent et le rôle de l’Europe pour la paix dans le monde. Et s’il nous faut pour l’instant nous contenter d’une politique de petits pas, les armées de l’Air y apportent déjà leur contribution active. Nous pouvons ainsi nous réjouir de la montée en puissance de l’European Air Transport Command (EATC), du succès de notre école commune de formation de nos pilotes de chasse à Cazaux, de transport à Avord, et de la relation de proximité des chefs d’état-major des armées de l’air qui concourt directement à créer cette puissance aérienne européenne. Cette construction, cette vision commune, ne s’oppose pas à notre appartenance à l’OTAN, elle la renforce. »
[3] Voir « EATC – Exemple d’intégration de forces européennes » par le général de brigade aérienne Alain Rouceau, Commandant en second et chef d’état-major de l’EATC in Défense N°148.
[4] Numéro 144 de Défense, daté de Mars-avril 2010 de Défense, revue bimestrielle de l’Union des Associations des Auditeurs de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), réalisée par des bénévoles, « anciens de l’IH ». Abonnements: BP 41-00445 Armées.
[5] Voir également « le centre multimodal des transports » : Source : Site du Ministère français de la défense.
Lire également :
1) La relation franco-allemande à l’épreuve du temps : Introduction : Joël-François Dumont.
2) France-Allemagne : le grand dessein : Grand entretien avec l’ambassadeur Pierre Maillard, Conseiller diplomatique du général de Gaulle. Un des artisans, côté français, du « Traité de l’Élysée ».
3) De Gaulle – Adenauer : une communauté de destin… : Georg Bucksch, Senior Vice-président, Direction de la Stratégie et du Marketing du Groupe EADS.
4) Coopération dans le renseignement : “De la plus grande importance…” : Ambassadeur Hans Georg Wieck, président duBND (1985-1990).
5) Coopération dans le renseignement : “Un domaine privilégié…” : Général d’armée aérienne François Mermet (2S), ancien DGSE.
6) L’intelligence économique et la coopération franco allemande… Alain Juillet, ancien Haut Responsable pour l’Intelligence Économique (2003-2009).
7) L’espionnage économique : un défi pour le BfV : Hans Elmar Remberg, vice-président de l’Office fédéral de protection.de la Constitution.
8) L’Eurocorps, traduction d’une volonté politique : Chef de Bataillon Marie-Laure Barret, ORP de l’Eurocorps.
9) La brigade franco-allemande en 2010 : Général de brigade Philippe Chalmel, Commandant la brigade-franco-allemande (BFA).
10) Le Centre Multimodal des Transports : Général de brigade aérienne Philippe Carpentier, Commandant le Centre Multimodal des Transports.
11) Échanges sur la coopération franco-allemande : Henri Conze, DGA (93-96) et Dr Martin Guddat, directeur allemand de l’Armement (94-98).
12) L’aventure européenne : de la défense à l’industrie : Amiral Alain Coldefy, Conseiller « Défense » du président d’EADS.
13) Becker : un exemple de PME franco-allemande : Roland Becker, PDG de Becker Avionics International.
14) Les services et la prise de décision politique : Joël-François Dumont, rédacteur en chef adjoint de la revue Défense.