De toutes les associations patriotiques françaises « le Souvenir français » est de loin la plus ancienne. Fondée en 1887 par François-Xavier Niessen, un Alsacien très actif au sein des milieux alsacien et lorrain en 1871, elle mettra peu de temps pour réussir ce que l’État était bien incapable de faire après la défaite de Sedan.
Niessen en 1873 avait déjà créé la « Société de prévoyance et de secours », une sorte de mutuelle pour secourir des milliers de réfugiés dans la Région parisienne avant de se lancer dans la défense de la mémoire des combattants de 1870.
L’association est financée par l’État et soutenue par une association catholique, « l’Œuvre des tombes et prières ». Le Souvenir français va, au fil des ans, créer des ossuaires et des cimetières, élever des monuments et des stèles – y compris en Allemagne – dans le but également de sauvegarder la mémoire des prisonniers de guerre français, une façon de rappeler que l’Alsace-Lorraine demeurait terre de France et faire en sorte que l’on n’oublie pas nos prisonniers.
En 1900, l’association regroupe 80.000 adhérents répartis dans 854 comités cantonaux. Son action est désormais visible dans plus de 2.000 lieux matérialisés. On lui doit les premiers monuments en hommage aux « grognards » de l’Empire à Waterloo et en Russie. Elle participe à la réalisation du monument consacré à Vercingétorix à Alise-Sainte-Reine ainsi que des centaines de monuments en hommage aux combattants de 1870.[1]
Malgré les différends entre l’Église et l’État à cette époque, en 1906 les relations entre le gouvernement et Le Souvenir Français vont s’approfondir. Le Souvenir Français est reconnu d’utilité publique. Le général Picart, ministre de la guerre du gouvernement Clemenceau entend favoriser la création de comités du Souvenir Français en Alsace-Moselle. C’est ainsi, avec l’accord des autorités allemandes, que le Souvenir Français « prend pied » dans les territoires annexés.
Un homme, Jean-Pierre Jean, va incarner cette politique qui va connaître son point d’orgue le 4 octobre 1908 lors de l’inauguration du monument de Noisseville et le 17 octobre 1909 lors de l’inauguration de celui de Wissembourg.
La cocarde du Souvenir français
L’intense activité « pro-française » que révèlent ces deux cérémonies inquiète les autorités allemandes confrontées au développement de « l’esprit de Revanche ». C’est ainsi qu’en janvier 1913, le Souvenir Français sera interdit en Alsace-Moselle quelques mois avant l’éclatement de la Première Guerre Mondiale. Cela n’empêchera pas, chaque dimanche, les jeunes Alsaciens et Lorrains revêtus de costumes traditionnels de rendre hommage à ces « Morts pour la France » en se recueillant sur leurs tombes.
En 1918, l’État devra gérer la recherche et l’inhumation d’1 million 400.000 soldats tombés au champ d’honneur. 300.000 corps ne seront pas retrouvés dans des lieux dévastés par les obus et les flammes dans l’enfer de Verdun, notamment : 350.000 familles demanderont la restitution des corps de leurs enfants pour les regrouper dans les cimetières avec leurs familles. 30.000 monuments seront érigés dans les communes de France. De grandes nécropoles vont être construites pour ensevelir les corps de 700.000 soldats.
Curieusement, les tombes – et la mémoire – des soldats regroupés dans les cimetières familiaux vont disparaître lorsque les tombes tombent en déshérence, alors que les nécropoles nationales, elles, vont perpétuer le souvenir de leur sacrifice et de leur courage.
Après la 1ère Guerre Mondiale, pour regrouper des millions d’anciens combattants, des centaines d’associations vont se développer pour honorer la mémoire des combattants par champs de bataille, mais aussi par types d’armées, de blessures et bien sûr de nationalités (Arméniens, polonais, tchéco-slovaques).
Le Souvenir français poursuit aujourd’hui son œuvre, et pas seulement le 11 novembre, les 8 mai ou le 14 juillet. Depuis sa création, plus de dix millions de personnes ont adhéré au Souvenir français. Près de 200.000 adhérents encore aujourd’hui alors que nos associations d’anciens combattants disparaissent avec tous ceux qui ont « servi les armes de la France » pour assurer la défense de la Patrie. Des mots que l’on n’entend plus aujourd’hui mais qui résonnent encore pour beaucoup d’entre nous.
Si Paris valait « bien une messe », cette association vaut bien qu’on lui consacre une série d’émissions, une façon de revisiter notre histoire et de mesurer le dynamisme de cette association en 2022, que ce soit en France, dans chaque département, mais aussi dans le monde entier où elle est présente presque partout.
En commençant par l’Allemagne, car la raison d’être du Souvenir français a été, après la défaite de Sedan en 1870, de défendre la mémoire de ces « Morts pour la France » en veillant à ce que l’on n’oublie pas nos prisonniers de guerre.
En Allemagne, plusieurs comités se répartissent tout le pays. Leur délégué régional à Berlin est un agrégé d’histoire, le professeur Étienne François. Un homme passionné et passionnant que nous vous invitons à écouter sur le podcast de cette émission diffusée les 10 et 11 janvier par la Voix du Béarn.
Nous entendrons également Pierre M. Wolff, délégué régional en Bavière et président de la Société Montgelas et le colonel Joël Bros qui, jeune officier détaché à l’école de guerre tchécoslovaque, devra jouer le rôle de Napoléon à Austerlitz après avoir étudié pendant deux mois les tenants et les aboutissants d’une des plus grandes victoires militaires françaises enseignée dans toutes les écoles militaires du monde.
Une seconde émission sur l’Allemagne suivra avant que nous ne nous rendions dans d’autres pays pour découvrir cet extraordinaire travail de mémoire effectué par des bénévoles, français et étrangers, une façon d’évoquer comme le dit Jean-Michel Poulot « ces souvenirs dont on ne parle jamais mais dont on se souvient toujours ».
Joël-François Dumont
[1] Source : site Internet du Souvenir français.
Lire également « Maximilian Joseph de Montgelas : un Savoyard père de la Bavière moderne » — (2022-0113) —