L’effectif de la DGA poursuit une trajectoire de transformation sociologique

Il faut arriver à concilier les deux objectifs que sont l’autonomie stratégique et la préparation et le développement de notre modèle d’armée complet avec la coopération industrielle et technologique européenne, laquelle répond à la fois à une volonté politique et à une nécessité budgétaire. 

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La séance est ouverte à dix-sept heures sous la présidence de M. Jean-Jacques Bridey.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Chers collègues, si cette audition se tient une demi-heure plus tard qu’initialement prévu, c’est parce que j’étais au palais de l’Élysée, pour entendre le discours du président de la République aux cadres et représentants de la police et de la gendarmerie nationales, sur la sécurité. J’en retiens entre autres qu’il n’est pas question pour lui d’appliquer la directive sur le temps de travail aux gendarmes et aux militaires, c’est clair et ferme, et il a indiqué l’avoir déjà fait savoir à qui de droit. Nous avions déjà évoqué le problème avec certaines personnes auditionnées ; voilà un souci en moins.

Monsieur le délégué général pour l’armement, nous nous sommes déjà vus pour évoquer la revue stratégique, et nous nous reverrons en lien dans le cadre de la préparation du projet de loi de programmation militaire (LPM). Merci d’être aujourd’hui parmi nous, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2018.

M. l'ingénieur général Joël Barre, Délégué général pour l'armement (Portrait) DR -
Ingénieur général Joël Barre, Délégué général pour l’armement

M. Joël Barre, délégué général pour l’armement. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de me recevoir dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2018. Je ferai tout d’abord un bilan de la situation budgétaire de l’année 2017. Je parlerai ensuite du projet de loi de finances pour l’année 2018, pour ce qui concerne le programme 146 « Équipement des forces », dont nous, direction générale de l’armement (DGA), assumons la responsabilité conjointement avec le chef d’état-major des armées. Nous évoquerons également le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », pour la partie relative aux études amont conduites par la DGA.

Commençons par l’exécution budgétaire 2017.

Le niveau d’engagements prévu à la fin de cette année, relativement élevé, est de 12,1 milliards d’euros pour le programme 146. Cela concerne notamment de grands programmes ou programmes à effet majeur (PEM), en particulier : le lancement de la réalisation des frégates de taille intermédiaire (FTI) au début de l’année ; dans le cadre du programme Scorpion des matériels de l’armée de terre, la commande de 319 véhicules blindés multi-rôles (VBMR) lourds Griffon, ainsi que le développement et les 20 premiers exemplaires de l’engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar. Ces engagements comportent aussi la rénovation des frégates La Fayette ou celle du cockpit des avions AWACS (Airborne Warning and Control System), et la commande des lancements des satellites de télécommunications militaires de quatrième génération. Voilà pour les principaux engagements de l’année 2017.

Les besoins de paiements sont aujourd’hui estimés à 11,4 milliards d’euros, tandis que les ressources en crédits de paiement disponibles s’établissent quant à elles à 9,3 milliards d’euros au titre de la loi de finances initiale et des aléas de gestion survenus au cours de cette année 2017. S’y ajoutent 700 millions d’euros actuellement gelés, dont le dégel est l’objet des discussions actuellement permanentes entre le ministère des Armées et le ministère de l’Économie et des finances.

En trésorerie, la gestion 2017 a été plus particulièrement marquée, au mois de juillet, par un décret d’avance annulant 850 millions d’euros de crédits du ministère des Armées. Cette annulation a été entièrement supportée par le programme 146. Cela entraîne un report de charges du programme 146 à la fin de l’année 2017, d’un montant estimé aujourd’hui à 1,7 milliard d’euros, si les 700 millions d’euros dont j’ai parlé tout à l’heure sont intégralement dégelés. Tout ce qui ne sera pas dégelé s’ajoutera donc à ce report de charges d’au moins 1,7 milliard. Il sera donc finalement compris entre 1,7 et 2,4 milliards d’euros.

En ce qui concerne les études amont du programme 144, le niveau d’engagement prévu pour la fin de l’année 2017 est de 861 millions d’euros, mais il faudra en retrancher le montant relatif à la prochaine phase du démonstrateur de drones de combat, le FCAS (Future Combat Air System), mené avec les Britanniques, qui sera engagée non en 2017 mais en 2018. Le montant des engagements sera donc inférieur. Les besoins de paiement actualisés pour 2017 sont estimés à 820 millions d’euros. La totalité de la ressource disponible en crédits de paiement sera donc consommée d’ici à la fin de l’année. Comme chaque année depuis 2015, nous avons consacré 50 millions d’euros aux dispositifs d’aide aux petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) duales et innovantes dans le cadre du dispositif que nous appelons RAPID (régime d’appui pour l’innovation duale). Ces 50 millions d’euros sont donc venus soutenir ces PME et ETI en 2017 comme cela avait été le cas au cours des deux années précédentes.

En 2017, nous avons principalement engagé des études sur les volets aéronautique et naval de la guerre électronique. Nous avons également engagé des études relatives au radar de prochaine génération pour les systèmes sol-air à moyenne portée futur, le radar sol à antenne active. Nous poursuivons les études de concept pour les futurs missiles de croisière et antinavires, en coopération avec notre partenaire britannique, et nous avons évidemment un certain nombre de travaux technologiques dans le domaine des composants et des systèmes optroniques, par exemple des détecteurs infrarouges de nouvelle génération. Nous avons par ailleurs étudié le domaine de l’architecture du système de communication des aéronefs et obtenu des résultats significatifs. Nous avons évalué en conditions représentatives la capacité de tenue de situation multiplateforme pour la marine, ou encore démontré les capacités de pénétration de têtes militaires polyvalentes pour les missiles de combat terrestres.

En ce qui concerne les livraisons, nous avons en particulier livré trois avions de transport A400M, neuf hélicoptères NH90, cinq hélicoptères Tigre, 379 porteurs polyvalents terrestres, un lot de missiles de croisière navals, un Rafale neuf, deux Rafale marine F1 rétrofités au standard F3, une frégate multi-missions, un bâtiment multi-missions, ainsi que deux patrouilleurs de nouvelle génération, les patrouilleurs légers guyanais, et 5 340 fusils d’assaut HK416F de nouvelle génération – l’arme individuelle future (AIF) destinée à l’armée de terre.

En 2017, nous avons, comme précédemment, conduit un certain nombre d’« urgences opérations » au titre du programme 146 – ce sont les opérations engagées le plus rapidement possible, en général sur une demande expresse des forces en opération. Les opérations engagées ou prévues d’ici fin 2017 pour un montant total de 27,5 millions d’euros concernent, entre autres, des véhicules blindés hautement protégés pour les forces spéciales, des fusils brouilleurs anti-drones, des télépointeurs d’acquisition d’objectif. Cela répond aux différents besoins exprimés, en particulier par les forces spéciales.

À l’exportation, facteur important de soutien de nos entreprises de la base industrielle et technologique de défense, puisqu’aujourd’hui elles réalisent à l’export de l’ordre de 30 % de leur chiffre d’affaires, l’année 2016 s’est inscrite dans la continuité de l’année 2015, avec une prise de commandes totale de l’ordre de 14 milliards d’euros et, en particulier, l’engagement du partenariat entre la France et l’Australie, puisque celle-ci a choisi Naval Group pour la conception et la réalisation de douze sous-marins à propulsion classique et à vocation océanique. Ce projet franco-australien se met en place dès aujourd’hui, puisqu’arrivent actuellement à Cherbourg une cinquantaine d’Australiens. Signalons aussi l’accord avec la Belgique, qui a fait le choix des véhicules développés dans le cadre du programme Scorpion pour répondre aux besoins de son armée de terre.

La décroissance des effectifs de la DGA, engagée en 2014, est aujourd’hui suspendue. Nous nous orientons plutôt vers une stabilité ou une légère croissance des effectifs. La prévision d’atterrissage à la fin de l’année 2017 est de 9 710 emplois à temps plein, pour une masse salariale de 750 millions d’euros.

J’en viens au projet de loi de finances pour 2018.

En ce qui concerne le programme 146, nous prévoyons 11,4 milliards d’euros d’engagements, soit à peu près le même montant qu’en 2017, pour une ressource en autorisations d’engagement de 13,7 milliards d’euros. Nous prévoyons en particulier le lancement des travaux nécessaires au prochain standard du Rafale, le standard F4, le lancement du missile successeur du missile d’interception et de combat aérien (MICA), la commande des trois derniers avions ravitailleurs MRTT sur les douze prévus au total et la commande du cinquième des six sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda de nouvelle génération.

Le besoin de paiement est estimé à 10,7 milliards d’euros, hors le report de charges de l’année 2017, évoqué tout à l’heure, pour des ressources en crédits de paiement de 10,3 milliards d’euros. Le budget de la défense progresse en 2018 de 1,8 milliard d’euros par rapport à 2017, dont 1,2 milliard d’euros pour les équipements, parmi lesquels 100 millions d’euros sont dévolus au programme 146, ce qui est conforme à ce qui avait été prévu au titre de la version actualisée du référentiel 2017.

En ce qui concerne le programme 144, les ressources consacrées aux études amont représenteront 760 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 723 millions d’euros de crédits de paiement, ce qui est cohérent avec le flux de paiements annuel de 730 millions d’euros en moyenne prévu au titre de l’actuelle loi de programmation militaire 2014-2019. Nous continuerons de soutenir l’innovation à hauteur de 50 millions d’euros, via le dispositif RAPID, que nous allons compléter par un fonds d’investissement en capital dans les PME de défense ; celui-ci sera mis en place d’ici à la fin de l’année, conjointement avec Bpifrance, et opérationnel d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.

Les thèmes que nous approfondirons en études amont l’année prochaine seront en particulier la cybersécurité, évidemment une grande priorité, les missiles et le démonstrateur de drones de combat évoqué tout à l’heure en coopération franco-britannique, les architectures de réseau et des systèmes de traitement de données, compte tenu de la masse de données que nos systèmes doivent désormais exploiter.

Je ne vous donnerai pas le détail exhaustif des commandes et livraisons, qui pourrait s’avérer rébarbatif, mais je signale quand même, parmi les livraisons prévues en 2018, dans le domaine du commandement et de la maîtrise de l’information, le premier lancement d’un satellite optique de nouvelle génération MUSIS (Multinational Space-based Imaging System for Surveillance, Reconnaissance and Observation) – il devrait être lancé d’ici à la fin de l’année 2018. Nous aurons également la fourniture du premier avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), pour le renseignement aéroporté. Dans le domaine de la projection, de la mobilité et du soutien, est prévue la livraison de deux avions de transport A400M supplémentaires, de 40 véhicules porteurs polyvalents terrestres (PPT), de huit hélicoptères NH90 et, pour l’engagement – combat, de cinq hélicoptères Tigre. Sont aussi prévus les trois premiers VBMR Griffon, trois Rafale neufs et le rétrofit d’un Rafale Marine F1 au standard F3, dans le prolongement de ce que nous avons fait en 2017.

Dans une période de stabilisation de notre cible d’effectif, fixée, pour 2018, à 9 625 emplois à temps complet, des recrutements sont permis par les départs naturels. Ils sont principalement orientés sur deux activités qui doivent être renforcées : la cyberdéfense et le soutien à l’exportation. Ce soutien à l’exportation requiert des capacités d’ingénierie pour assister les États clients face aux industriels à qui ils achètent leur matériel et pour réaliser un certain nombre d’expertises et d’essais qui nous sont demandés. L’effectif de la DGA poursuit une trajectoire de transformation sociologique, avec une proportion croissante de nos ingénieurs et experts de haut niveau – ingénieurs et cadres représentent aujourd’hui à peu près 55 % de notre effectif, et cette proportion augmente d’année en année, au fur et à mesure de l’évolution de nos activités et des priorités qui nous sont assignées.

L’année 2018 sera la dernière année exécutée au titre de la présente loi de programmation militaire. Nous sommes évidemment en train d’engager la préparation de la LPM 2019-2025, dont, je suis sûr, nous aurons l’occasion de reparler au cours des prochains mois.

M. le président. Chers collègues, vous avez la parole. Nous entendrons tout d’abord nos deux rapporteurs pour avis : Mme Frédérique Lardet, rapporteure pour avis pour le programme 144 et M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis pour le programme 146.

Mme Frédérique Lardet. Monsieur le délégué général, hier, vous étiez parmi nous pour nous présenter la revue stratégique à laquelle vous avez participé. Dans quelles mesures les conclusions de celles-ci infléchiront-elles votre feuille de route au sein de la DGA ? Plus précisément, dans quels domaines estimez-vous indispensable de lancer de nouveaux plans d’études amont ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Ayant déjà eu, dans un autre contexte, toutes les réponses que je souhaitais sur le programme 146, ce dont je vous remercie, Monsieur le délégué général, je vous interrogerai plutôt, moi aussi, sur le programme 144, plus précisément le financement des innovations de rupture. En matière de recherche amont, le système français est effectivement l’un des plus performants au monde. Vous avez évoqué le flux de 730 millions d’euros destiné à la recherche amont, et je souscris, comme vous, à l’objectif d’atteindre rapidement le montant d’un milliard d’euros.

Cependant, un certain nombre d’acteurs de la communauté de la défense soulignent qu’il peut être difficile de traduire cette recherche en développements concrets. Comment mieux articuler recherche amont et développement ? Vous avez notamment évoqué RAPID et ce nouveau fonds d’investissement, avec Bpifrance. Pensez-vous qu’il y ait un déficit de soutien dans la partie développement, par rapport à cette recherche amont substantielle ? Les dispositifs existants permettent-ils d’y remédier ?

M. Loïc Kervran. Monsieur le délégué général pour l’armement, deux questions concernant DGA Techniques terrestres. Actuellement, les qualifications respectives des composantes feu et mobilité se déroulent sur des sites géographiques différents. Budgétairement et techniquement parlant, est-ce optimal ?

Par ailleurs, les tests de qualification dans le polygone de tir de Bourges semblent assez largement suspendus. Pouvez-vous faire le point sur cette situation ?

M. Ian Boucard. Mme la ministre des armées vous a notamment confié la mission de porter les couleurs de l’industrie de défense française à l’international. La Belgique a annoncé l’achat pour 1,1 milliard d’euros de 60 blindés Jaguar et de 417 véhicules de combat légers Griffon. Le ministre de la Défense belge a d’ailleurs annoncé que l’objectif était d’établir un partenariat fondé sur des véhicules de combat français et belge identiques et que cela passerait par une organisation commune, ainsi qu’une formation, un entraînement et un soutien logistique organisés de façon conjointe. Des contrats de ce type sont-ils en négociation avec d’autres pays européens ? L’Europe de la défense peut-elle passer par l’armement, précisément par l’armement français ?

M. Joël Barre. Dans le cadre de la revue stratégique, qui vous a été présentée hier, la DGA a réaffirmé l’importance de la base industrielle et technologique de défense pour l’autonomie stratégique de la France et pour le modèle d’armée complet réaffirmé par cette revue. Ce point a été clairement indiqué dans le rapport de la revue.

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Nous avons également affirmé la nécessité de développer l’effort en études amont. Nous avons en effet demandé, et demandons toujours, une augmentation du budget prévu pour les études amont au titre de la prochaine loi de programmation militaire. Comme l’a dit la ministre des Armées, ce montant a vocation à être porté à un milliard d’euros aussi rapidement que possible. Et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, les innovations sont de plus en plus rapides, de plus en plus fréquentes, il faut essayer de les identifier, de les expérimenter, de les capter et de les introduire dans nos systèmes. Cela passe notamment par la multiplication des démonstrateurs – au sol, en vol ou en mer –, véritables prototypes de matériels ou de systèmes, qui coûtent évidemment plus cher que des études sur le papier ou des maquettes en laboratoire.

Notre enveloppe actuelle d’un montant moyen de 730 millions d’euros annuels est insuffisante pour réaliser ces démonstrateurs. Deuxième raison, nous devons effectivement continuer à préparer l’avenir des grands systèmes que sont nos avions, nos missiles, nos sous-marins, nos bâtiments de surface, etc., toutes choses qui nécessitent une augmentation de ce flux. Troisième raison, n’oublions pas le soutien que nous devons apporter à notre tissu industriel, qu’il s’agisse de la base industrielle et technologique de défense ou des entreprises duales, via RAPID ou via le fonds d’investissement annoncé. L’objectif proposé à notre ministre a été pris en compte. Voyons comment cela se traduira dans la loi de programmation militaire 2019-2025.

Autre réflexion que nous avons menée dans le cadre de la revue stratégique, comment introduire les objectifs de coopération dans la réalisation de nos systèmes d’armes ? Il faut arriver à concilier les deux objectifs que sont l’autonomie stratégique et la préparation et le développement de notre modèle d’armée complet avec la coopération industrielle et technologique européenne, laquelle répond à la fois à une volonté politique et à une nécessité budgétaire. Et il faut bien sûr viser à la plus grande efficacité économique et industrielle. Évitons les actions dont le coût serait trop élevé au regard de leur efficacité. Nous avons donc proposé dans la revue stratégique une typologie des différentes coopérations possibles.

Nous avons effectivement d’autres projets de coopération que ceux que vous avez cités, Monsieur le député Boucard.

Avec les Britanniques, nous prévoyons de continuer notre coopération dans le domaine des missiles mais aussi en matière de recherche et de technologie. Nous avons un projet de démonstrateur de drone de combat, le Future Combat Air System, projet de développement exploratoire dont la prochaine phase doit être lancée dès le début de l’année prochaine, dès que nous aurons les propositions industrielles correspondantes et que nous les aurons acceptées.

Nous devrons aussi appliquer les conclusions du sommet franco-allemand du mois de juillet dernier. Nous avons proposé à nos amis allemands une feuille de route sur l’ensemble des projets de coopération possibles avec eux. Nous attendons leur réponse, qui peut prendre un peu de temps en cette période post-électorale. Nous avons en particulier des perspectives de coopération à court terme autour du drone MALE européen (Moyenne altitude longue endurance), drone de renseignement et de surveillance qui doit succéder au Reaper. Nous leur avons également proposé de travailler avec nous sur le standard 3 du Tigre, et nous comptons bien commencer à travailler avec eux sur l’avion de combat du futur, ou, plus exactement, le système de combat aérien du futur.

Avec les Italiens, nous allons mettre en œuvre les annonces gouvernementales conclues dans le cadre des discussions autour des chantiers STX. En effet, il a été convenu que Fincantieri et Naval Group engageraient une réflexion sur la possibilité d’un rapprochement dans le domaine des bâtiments militaires de surface, et que ces discussions nécessitent un accompagnement gouvernemental compte tenu de leur sensibilité. Nous travaillons aussi avec les Italiens dans d’autres domaines de l’industrie navale comme les torpilles, entre autres.

Tel est globalement le paysage de nos coopérations, qui a été discuté et établi dans le cadre de la préparation de la revue stratégique.

J’en viens à la question concernant DGA Techniques terrestres. Nous avons en effet des difficultés à Bourges : il nous faut reprendre certaines analyses effectuées dans le cadre de nos études de sécurité du travail pour les rendre conformes vis-à-vis de la réglementation pyrotechnique. C’est ce qui a conduit mon prédécesseur à suspendre la réalisation des essais il y a déjà quelques mois. Nous avons cependant suffisamment avancé dans le réexamen des études en question pour pouvoir reprendre progressivement notre activité à partir de la mi-novembre. Un plan de convergence d’une durée de deux ans a été mis en place et permettra une remise à plat de l’ensemble des études de sécurité du travail de sorte que le centre de Bourges retrouve un niveau d’activité de pleine puissance.

M. Laurent Furst. Les exportations représentent environ 30 % de l’activité de l’industrie française de l’armement. Cette activité est-elle rendue plus difficile par l’attitude des États-Unis ?

Deuxièmement, vous évoquez des difficultés de recrutement dans les services de votre administration. La masse salariale étant de 750 millions d’euros pour 9 710 agents, soit en moyenne 75 000 euros par personne et par an, pouvez-vous nous en dire plus sur ces difficultés ?

Enfin, existe-t-il un marché de revente du matériel militaire français réformé ou d’occasion ? Si oui, qui s’en occupe ?

Mme Séverine Gipson. Suite à la publication d’un rapport sénatorial sur les drones d’observation et les drones armés, la ministre des Armées, Florence Parly, a annoncé le 5 septembre dernier qu’elle en adopterait la recommandation sur l’armement des drones d’observation Reaper. Cette décision est lourde de conséquences : c’est un changement majeur qui permettra à la fois de sécuriser les pilotes et de procéder rapidement aux frappes aériennes sur des foyers ennemis repérés. Elle nous rappelle l’importance de l’utilisation de ces outils de surveillance et bientôt de frappe pour assurer la protection de nos troupes en opération et l’efficacité du renseignement.

Conformément à la loi de programmation militaire pour 2014-2019, la France devrait disposer de douze drones de surveillance de type Reaper ; à ce jour, elle n’en a que six. Pouvez-vous nous préciser les dates de livraison des deux derniers systèmes disposant chacun de trois drones ? Et pouvez-vous nous indiquer le montant estimé de l’armement de certains de nos appareils ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Chacun fait le constat de la diversification des risques et, du même coup, de celle de nos interventions. Je m’inquiète quant à moi de la capacité de la base industrielle française à fournir ce dont nous avons besoin. Deux exemples m’ont frappé au cours de nos rencontres avec des militaires – officiers, sous-officiers ou militaires du rang. Les canons CAESAR actuellement engagés de façon importante au Moyen-Orient s’usent vite quand on les utilise beaucoup. Or, à Bourges, il n’est possible d’en fabriquer que dix par an. Ce genre de difficultés se reproduit-il souvent dans notre outil industriel ? Autre exemple : lors de notre visite sur la base aérienne de Saint-Dizier, le général Lanata nous a expliqué que nous peinions à acquérir des munitions parce que l’industrie n’est pas en mesure de les produire à la vitesse où nous les consommons, et parce que nous ne disposons pas de stocks – il suggérait d’ailleurs la constitution de stocks européens dans lesquels les armées européennes pourraient puiser lorsqu’elles sont en intervention.

Quel est donc votre sentiment sur la capacité de notre base militaro-industrielle à fournir les équipements à renouveler ou les munitions en quantité suffisante pour soutenir un effort de guerres – j’emploie le pluriel à dessein – long, comme cela risque hélas de nous arriver de plus en plus souvent ?

M. Bastien Lachaud. Vous avez évoqué une hausse du budget de votre direction pour aider les exportations. Quelles contreparties obtiendrons-nous de la part des industriels dont nous facilitons les ventes à l’étranger ?

D’autre part, comment pouvez-vous garantir l’exécution des commandes et des achats pour 2018 alors que vous avez évoqué les reports de charges de 2017, sachant qu’outre les 850 millions d’euros de crédits annulés en juillet, nous ignorons toujours ce qu’il adviendra des 750 millions qui sont gelés jusqu’en fin d’année, et que nous ne savons pas précisément quelle sera la part des OPEX imputée au budget de la défense ? Comment, dans ces conditions, pouvez-vous garantir l’achat du matériel évoqué ?

M. Joël Barre. À ce stade, Monsieur Furst, nous ne constatons aucun effet de l’éventuelle évolution de la politique américaine sur nos exportations d’armements.

S’agissant du recrutement, nous poursuivons un objectif d’attractivité et de fidélisation de nos salariés, en particulier de nos ingénieurs, car nous avons besoin d’ingénieurs de bon niveau pour réaliser les missions qui sont confiées à la DGA. Il est vrai que certains de ces ingénieurs se trouvent sur un marché concurrentiel où d’autres propositions leur sont parfois faites dans le secteur privé à des niveaux de rémunération qui sont significativement supérieurs à ceux que nous pouvons offrir. Jusqu’à présent, nous parvenons à compenser ces écarts de rémunération par l’attractivité du travail et par les profils d’évolution de carrière que nous proposons, mais c’est un point sur lequel nous sommes vigilants. Nous essayons d’obtenir les marges de manœuvre nécessaires, qu’il s’agisse de nos ingénieurs militaires ou de nos ingénieurs civils. Nous devons en effet veiller à notre attractivité et à nos possibilités de fidélisation.

Nous ne sommes pas acteurs dans le domaine de la revente de matériels.

Mme Nicole Trisse. Y a-t-il une quelconque traçabilité de nos matériels réformés ?

M. Joël Barre. Cette activité ne relève pas de la DGA mais des armées elles-mêmes.

Il nous reste à livrer deux systèmes de trois drones Reaper en 2019 et en 2020, Madame Gipson. Deux systèmes Reaper sont déjà mis à la disposition de l’opération Barkhane. L’armement du Reaper vient d’être décidé et des discussions sont en cours avec les Américains pour équiper ce drone de missiles Hellfire. Nous leur avons envoyé un premier courrier de demande en ce sens, les discussions ont donc été lancées dès la déclaration prononcée par Mme la ministre à l’occasion des journées de l’université d’été de la défense à Toulon.

Je n’ai pas dit, Monsieur Lachaud, que la DGA, pour assurer l’exportation, avait besoin d’argent supplémentaire, mais de ressources humaines. Les ressources humaines ont un coût budgétaire, me direz-vous. Quoi qu’il en soit, je crois que la politique d’exportation de notre industrie est bonne pour la défense française car elle répond à des objectifs stratégiques, à des objectifs de partage de la charge financière et à des objectifs de développement des compétences et de maintien de la charge de travail de notre base industrielle. L’intervention de la DGA pour les prestations de qualification ou d’expertise au profit des industriels exportateurs ou des clients étrangers fait l’objet d’une facturation.

En ce qui concerne les capacités de notre base industrielle et technologique de défense, Monsieur Lagarde, nous connaissons parfois des goulots d’étranglement concernant les munitions. Cela étant, c’est davantage un problème de réactivité face à la consommation de ces munitions sur les différents théâtres d’opérations, et aussi une question d’anticipation budgétaire. Je ne pense pas, en revanche, que nos capacités de réalisation posent problème, mais nous devons pouvoir anticiper suffisamment et il nous est arrivé – c’est sans doute ce que les armées ont voulu dénoncer lorsque vous les avez rencontrées – d’être pris de vitesse par la consommation en opérations.

M. Jean-Christophe Lagarde. Soit, mais nous n’avons pas de stocks, et même les États-Unis peinent à produire à la vitesse requise, ce qui explique qu’ils ne nous prêtent plus de munitions.

Mme Monique Legrand-Larroche, directrice des opérations de la DGA. Les Américains continuent de nous livrer les munitions que nous demandons car ils considèrent que nous sommes des alliés importants, même s’ils nous en avancent moins parce qu’eux-mêmes en consomment beaucoup. En outre, notre consommation de munitions a enregistré de fortes variations au cours des dernières années, en particulier à l’occasion des combats de Mossoul et de Raqqa, ce qui nous a conduits à effectuer des commandes en urgence pour reconstituer les stocks. Cela prend du temps, car la capacité industrielle de production doit remonter en cadence – ce qui a été fait.

M. Jean-Christophe Lagarde. Qu’en est-il des canons CAESAR ?

Mme Monique Legrand-Larroche. En effet, ces canons très employés connaissent une usure rapide. Des travaux sont conduits pour les régénérer et en rééquiper nos armées.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour être plus précis, nous disposons de soixante-quinze canons dont vingt-cinq ou trente sont engagés en Irak et en Syrie. Or, le tube s’use en un an, mais nous ne pouvons les régénérer qu’au rythme de dix par an. Autrement dit, si nous en utilisons vingt-cinq et n’en remplaçons que dix, nous perdons quinze canons par an. Est-ce le cas ?

M. le président Jean-Jacques Bridey. La réponse vous a été donnée.

M. Jean-Marie Fiévet. Nous parlons depuis tout à l’heure en milliards d’euros ; je vais aborder le cas d’un équipement moins onéreux. Depuis de très nombreuses années, nos militaires sont équipés d’armes de poing MAC 50, qui ont été conçues juste après la deuxième guerre mondiale. Des pistolets modernes ont été testés, notamment le Glock qui semble donner satisfaction, pour un coût d’achat peu élevé. Pouvez-nous nous donner de plus amples informations sur le projet de renouvellement des armes de poing ?

M. François André. Ma première question concerne le coût du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels tels que vous pouvez les apprécier dans vos fonctions de délégué général pour l’armement. On évoque souvent le vieillissement ou la surutilisation des matériels comme étant l’un des facteurs de hausse du coût du MCO, mais on entend dire aussi – de plus en plus souvent – que les nouvelles générations d’équipements elles-mêmes ont un coût de MCO plus élevé en raison de la poussée technologique qui les caractérise. Dans ces conditions, comment objectiver l’évolution prévisible des besoins en MCO ? Quelles marges peut-on selon vous activer dans le cadre des contrats passés avec les industriels ?

Deuxième question : je viens d’un département, l’Ille-et-Vilaine, qui a la chance et l’honneur d’héberger un site majeur placé sous votre autorité, le centre DGA Maîtrise de l’information à Bruz. Au vu des enjeux « cyber » et, plus généralement de renseignement, qui sont fortement réaffirmés par la revue stratégique, quelles sont les perspectives de développement de l’emploi et de l’activité sur ce site ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Je souhaiterais, Monsieur le délégué général, obtenir votre avis concernant deux questions importantes évoquées ce matin par le chef d’état-major de l’armée de l’air. Selon vous, quel obstacle y a-t-il à l’intégration des armements air-sol modulaires (AASM) sur le Mirage et des GBU-49 sur le Rafale ? Cela semble une évidence de bon sens en termes d’efficacité et de disponibilité de nos armements et de gestion du stock. Est-ce le fait des industriels ? Quel est le problème ? D’autre part, je ne vous ai pas entendu évoquer le remplacement d’au moins un hélicoptère Caracal sur les deux appareils détruits en opération. Chacun sait en effet qu’ils sont très utiles aux opérations des forces spéciales, dont aucun élément ne laisse présager que le niveau d’engagement diminuera dans les mois et les années à venir.

M. Christophe Lejeune. Ma question porte sur les armées et le développement durable. Chaque année, nous retrouvons sur les anciens champs de bataille des obus et autres munitions non explosés qui font courir un risque élevé aux personnes, sans parler des métaux lourds qui polluent durablement les sols, les sous-sols et les nappes phréatiques.

La question du développement durable pose également celle d’une meilleure gouvernance énergétique. Pour la défense, les enjeux figurant dans la stratégie nationale de développement durable 2016-2020 portent notamment sur la préservation de la biodiversité terrestre et des espaces marins, la maîtrise des consommations énergétiques, le recours aux énergies moins polluantes et la limitation de l’impact environnemental.

Avec sa stratégie de développement durable de la défense (SDDD), la France a lancé des projets qui portent par exemple sur des munitions à risques environnementaux atténués ou encore des initiatives à bord des bâtiments de la marine pour réduire les déchets rejetés à la mer. La SDDD demeure très floue, car le ministère ne communique que très peu à son sujet. La dernière mise à jour sur le site du ministère, par exemple, date de 2012. Pourriez-vous faire un point plus précis sur la SDDD actuelle, ses objectifs et ses réalisations ? Quelle importance le budget alloué accordera-t-il à la dépollution des sols, étant donné les enjeux économiques planétaires, en particulier dans le cadre de la reconstruction à venir de la Syrie et de l’Irak ?

M. Joël Barre. Vous avez raison, Monsieur André, de souligner que le maintien en condition opérationnelle constitue un enjeu important pour nous. Je vous répondrai en trois temps. Tout d’abord, le coût du MCO de nos équipements et de nos systèmes augmente à mesure que leur performance et leur qualité technique augmentent elles aussi. Il faut donc, pour comparer les équipements d’une génération à l’autre, raisonner en termes de capacités et comparer les coûts à effet opérationnel identique et non pas à nombre de matériels identiques. Certes, le MCO du Rafale coûte plus cher que le MCO du Mirage 2000 rapporté à l’heure de vol, mais les deux appareils n’ont pas les mêmes capacités.

Vous avez raison, toutefois, de nous mettre en garde face à la tendance naturelle des industriels à réaliser des marges bénéficiaires sur les prestations de services. Nous y répondons en tâchant de négocier autant que possible des contrats globaux qui portent à la fois sur le développement, la réalisation et le maintien en condition opérationnelle durant les premières années d’exploitation.

Enfin, en matière de MCO, le ministère des Armées a sans doute besoin d’optimisation interne, en particulier pour ce qui concerne le MCO aéronautique, un sujet sur lequel la ministre, Florence Parly, a confié une mission à Christian Chabbert. Nous en attendons les conclusions pour y donner suite et prendre un certain nombre de mesures d’améliorations dans ce domaine.

Le site de DGA Maîtrise de l’information à Bruz est en effet l’un de nos sites majeurs, puisqu’il abrite environ 20 % des effectifs des centres de la Direction technique de la DGA, soit quelque 1 200 personnes. Son effectif connaît une croissance significative, en particulier dans le domaine de la cyberdéfense. Environ 500 personnes travaillent déjà dans ce domaine. Et par cyberdéfense, j’entends bien la cyberdéfense dans toutes ses composantes capacitaires.

Dans ce domaine, nous entretenons d’excellentes relations de travail avec les branches opérationnelles ; pour lesquelles nous développons les outils. Cette activité se poursuivra et nous devons encore monter en puissance. Permettez-moi d’ailleurs, Monsieur le président, d’inviter une délégation de votre commission à visiter notre centre de Bruz afin de vous y présenter nos activités non seulement dans le domaine de la cyber, mais aussi dans celui des technologies de l’information et de la communication.

Mme Monique Legrand-Larroche. Nous avons conclu une feuille de route avec l’armée de terre concernant le remplacement de l’ensemble de l’armement léger, dont les armes de poing. L’an dernier, nous avons notifié le marché d’acquisition du fusil HK416F. Nous avons également prévu, dans les années qui viennent, de remplacer le pistolet, de même, d’ailleurs, que le fusil de précision des tireurs d’élite.

Il est vrai que l’état-major de l’armée de l’air a exprimé un besoin concernant les Caracal, et nous travaillons sur la manière d’intégrer ce besoin à la prochaine loi de programmation militaire. En parallèle, nous avons commencé à discuter avec l’industriel, Airbus Helicopters, afin de ne pas perdre de temps si la décision venait à être prise.

Enfin, il a été décidé de privilégier l’installation de l’AASM sur le Rafale et de la GBU sur le Mirage. Cette priorisation décidée avec les armées vise tout à la fois à minimiser les coûts et les délais de chantier sur les appareils, car toute introduction d’armements supplémentaires suppose des travaux.

M. Joël Barre. En matière de développement durable, Monsieur Lejeune, nous agissons dans le cadre du plan d’action environnement du ministère des Armées diffusé par la directive du 22 septembre 2016, et du plan ministériel d’administration exemplaire pour la période 2015-2020.

Au titre de ce plan d’action, la DGA déploie des efforts dans trois domaines. Tout d’abord, nous intégrons la dimension environnementale dans notre démarche de conception et d’ingénierie systèmes. À l’heure actuelle, 55 % de nos opérations intègrent la démarche d’écoconception et prennent en compte l’exigence de responsabilité environnementale dès l’étape de la définition des matériels.

Le deuxième axe concerne nos centres d’expérimentation et d’essais. Dans le cadre de la gestion d’installations classées, nous mettons en œuvre des plans de prévention des risques technologiques : il en existe trois à la DGA, sur le site Gironde et sur le site Landes de DGA Essais de missiles, ainsi qu’à DGA Techniques terrestres à Bourges. Tous nos centres bénéficient de la certification ISO 14001, et nous sommes naturellement impliqués dans les travaux ministériels sur la performance et la sécurité de nos approvisionnements énergétiques.

En ce qui concerne la dépollution, la DGA n’est pas maître d’ouvrage des opérations qui sont confiées au service d’infrastructures de défense, mais il va de soi que nous poursuivons un certain nombre d’actions dans ce domaine.

M. Jean-Michel Jacques. Sur le plan des ressources humaines, disposez-vous d’un nombre suffisant d’agents pour traiter toutes les sollicitations qui vous sont adressées telles que les études, les marchés et les procédures d’urgence non programmées, à quoi s’ajoutent la cyberdéfense et le soutien à l’exportation ? Étant donné le nombre d’agents dont vous disposez, pouvez-vous répondre aux besoins des armées dans des délais adaptés aux besoins opérationnels ?

M. Patrice Verchère. Au début du mois de juillet, Monsieur le délégué général, la ministre vous a confié la mission d’adapter nos armées au défi de la modernité en ce qui concerne notamment les matériels et l’armement. Vous avez donc pour mission d’améliorer la qualité et de veiller à la modernité des équipements de nos forces, mais également d’engager une profonde transformation visant à trouver des « modes de financement innovants » pour accélérer le renouvellement de notre matériel. Votre tâche n’est pas facile ; c’est même un véritable défi que vous devez relever, d’autant plus que suite à l’économie de 850 millions d’euros voulue par Bercy cet été, certaines dépenses prévues en 2017 devront être reportées en 2018 pour payer un certain nombre de choses, notamment les organismes de défense européens. Avez-vous déjà des pistes de réflexion sur des modes de financement innovants pour permettre la modernisation et le renouvellement de nos matériels ?

D’autre part, Volvo Group vient d’annoncer qu’il renonçait à vendre sa filiale Renault Trucks Defense (RTD). La DGA plaidait en faveur d’un mariage avec le groupe franco-allemand KNDS afin de construire un « Airbus de l’armement terrestre ». Quelles conséquences tirez-vous du renoncement de Volvo ?

Mme Françoise Dumas. Mes questions vont dans le même sens que d’autres déjà posées – mais il est rassurant, au fond, que nous partagions des préoccupations communes. Ma première question portait sur la lutte informatique offensive ; c’est un volet majeur des enjeux de demain.

Ma deuxième question porte sur les projets d’investissement : vous avez déjà pris plusieurs mesures pour en améliorer la conduite afin qu’ils s’adaptent au mieux aux besoins de nos forces. En juin 2016, vous avez notamment créé DGA Lab, un lieu de réflexions collaboratives créatives et d’échanges entre acteurs civils et militaires de l’innovation afin d’intégrer plus rapidement l’innovation dans les systèmes de défense. Si les événements proposés par ce Lab – journées d’information, ateliers, journées thématiques – sont nombreux et prometteurs, les obstacles d’ordre législatif et réglementaire se multiplient naturellement dès lors qu’il s’agit de passer au stade de la mise en œuvre offensive et effective des propositions qui en émanent. Identifiez-vous des mesures ou des aménagements qui pourraient être faits dans le cadre de ce PLF et qui pourraient faciliter vos travaux et ceux de DGA Lab et, in fine, d’accélérer l’innovation, qui est absolument indispensable ?

M. Jacques Marilossian. J’ai deux questions très courtes.

Premièrement, vous avez évoqué, dans votre programme 2017, le lancement du programme des frégates de taille intermédiaire. Pouvez-vous nous confirmer le montant des autorisations d’engagement qui ont été prises à cet égard ? Je n’en ai pas trouvé trace dans le projet de loi de finances pour 2017.

Deuxièmement, vous avez mentionné des autorisations d’engagement de 12,1 milliards d’euros en 2017, avant d’indiquer un montant de 11,4 milliards d’euros en 2018. Devons-nous nous inquiéter d’une éventuelle baisse de ces autorisations d’engagement, si mes chiffres sont les bons ? Ou s’agit-il d’un effet de la régularisation de la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire ?

M. Joël Barre. S’agissant des ressources humaines et des capacités de la DGA, je pourrais vous dire, vu ma position, qu’on ne se porterait que mieux avec plus de ressources. Mais nous sommes conscients du fait que la trajectoire d’effectifs est fixée par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022.

Nous en avons du moins terminé avec la décroissance constatée sur les années 2014 à 2016. Les perspectives actuelles sont des perspectives de légère croissance, je dirais de stabilité positive. Cela nous conduit à devoir nous adapter pour faire face aux nouvelles missions qui sont les nôtres, en matière de cybersécurité ou de soutien aux exportations.

Tous les organismes ont un plan de progrès permanent pour être de plus en plus efficaces. Comme je vous l’ai dit, j’ai reçu une lettre de mission de la ministre sur la transformation de la DGA. Mon prédécesseur avait un plan de progrès qui courait jusqu’en 2025. Je l’ai revu non seulement pour me l’approprier, en tant que nouveau délégué général pour l’armement, mais aussi pour mieux faire correspondre le plan à la lettre de mission de la ministre des Armées.

Nous avons ainsi lancé plusieurs chantiers parallèles à la préparation de la loi de programmation militaire 2019-2025. Ils portent sur l’ensemble de nos activités, en particulier sur le processus d’acquisition, sur lequel nous devons être encore plus efficaces, réactifs et flexibles, en particulier pour bénéficier des nouvelles technologies. Tous ces chantiers sont en cours. Il s’agit notamment de promotion et de développement de l’innovation, mais aussi de chantiers liés à ceux qui ont été lancés par la ministre elle-même.

Je vous propose d’ailleurs de faire le point avec vous dans quelques mois sur ce plan de progrès, terme que je préfère à celui de plan de réforme ou de transformation.

S’agissant des modes de financement innovants, il est prévu que les travaux de programmation en cours comportent une réflexion sur d’éventuels financements innovants. Cette réflexion en est encore à ses débuts. Nous avons déjà quelques exemples de partenariat public-privé dans le domaine des réseaux de desserte des bases aériennes ou de la fourniture d’heures de vol d’hélicoptères en école à Dax.

S’agissant de RTD, il n’y aura pas de reprise. J’ai reçu hier le numéro 2 du groupe Volvo, M. Gurander, qui m’a dit qu’il avait renoncé à vendre cette branche d’activité. Dès l’origine, nous avions indiqué au groupe que, s’il vendait, ce devait être dans le cadre d’une opération industrielle. Il avait reçu deux offres, l’une du groupe franco-allemand KNDS et l’autre du groupe belge CMI. Jugeant qu’aucune des deux offres n’était satisfaisante, il a décidé d’arrêter le processus.

Je lui ai demandé s’il s’agissait d’un arrêt franc et définitif ou d’un report de quelques mois. À partir du moment où ils ont décidé de ne pas vendre, il faut en effet que cela soit clair et que la maison RTD retrouve la stabilité dont elle a besoin. Il m’a garanti qu’il s’agit d’un arrêt définitif de la revente, m’assurant aussi qu’il donnerait à RTD les moyens de se développer. Nous assurerons le suivi de ces assurances verbales, sur lesquelles nous serons particulièrement vigilants.

Il était accompagné par le patron de RTD, qui m’a rassuré sur ce point. Les choses sont donc claires : Volvo ne vend pas RTD, RTD reste ce qu’il est et va continuer sur la voie de développement qui est la sienne.

M. Jacques Marilossian. Je m’occupe du rapport pour avis de la marine. Le rapporteur de l’an dernier, notre collègue Gwendal Rouillard, prévoyait l’an dernier 2,1 milliards d’euros d’engagement sur les FTI. Je constate une énorme différence avec le projet de loi de finances pour 2018, où rien n’est prévu sur les FTI.

M. Christophe Fournier. La commande du développement et de la réalisation de la première FTI a en effet eu lieu en 2017, au mois d’avril, pour un montant d’environ deux milliards d’euros. Il n’y a pas d’engagement significatif sur FTI en 2018.

M. le président. Mais votre rapport ne porte-t-il pas sur le projet de loi de finances pour 2018 ?

M. Jacques Marilossian. Oui, je m’inquiète seulement de cette grosse variation.

M. Joël Barre. Cela semble pourtant normal, si les crédits ont déjà été engagés en 2017.

M. Jacques Marilossian. C’était précisément le sens de ma question. Vous me confirmez donc que ces variations n’ont rien d’inquiétant ?

M. le président. Oui, cette année est seulement une année creuse en termes d’engagement pour ce programme. Monsieur le délégué général pour l’armement, nous vous remercions.

La séance est levée à dix-huit heures dix.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Louis Aliot, M. François André, M. Xavier Batut, M. Ian Boucard, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne-France Brunet, M. Philippe Chalumeau, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Laurent Furst, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Fabien Lainé, Mme Frédérique Lardet, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Nicole Trisse, M. Patrice Verchère

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. André Chassaigne, M. M’jid El Guerrab, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Josy Poueyto, Mme Sabine Thillaye.