Où va-t-on ?

Se soumettre culturellement ou se démettre ? That is the question! Une question qui se pose depuis trois ans dans certains pays de l’Europe du Nord. La plupart des études réalisées sont restées confidentielles, à quelques rares exceptions près: le recours à l’autocensure est un phénomène courant.

La réalité est que 40.000 Néerlandais ont préféré quitter leur pays depuis l’assassinat en Novembre 2004 du réalisateur Théo Van Gogh par Muhammad Bouyeri, qui est né et qui a toujours vécu aux Pays-Bas. Un an plus tôt « une étude démographique a démontré que d’ici trente ans Copenhague serait une ville à majorité musulmane si le flux des immigrés du Maghreb et du Moyen Orient n’était pas réduit à son minimum. En outre, d’autres études ont montré que si l’intégration des musulmans vivant dans le pays n’était pas imposée par des mesures autoritaires, toute la fabrique sociale du Danemark allait exploser. Les autorités danoises ont donc adopté à partir de 2003 les lois sur l’immigration les plus restrictives d’Europe ». Notre confrère Ugo Rankl [1] apporte un élément qui permet de mieux saisir les raisons qui  sont à l’origine d’une campagne dont personne à Copenhague ou ailleurs n’aurait pu prévoir les effets dévastateurs. « Cela s’explique d’abord parce que les lois danoises sur l’immigration ont fermé la porte d’un véritable paradis aux Palestiniens qui représentaient une large proportion des immigrés au Danemark. Le pays leur a octroyé une liberté d’expression totale et les plus extrémistes d’entre eux ont pu diffuser leur propagande antisémite et anti-occidentale en toute liberté » écrit-il avant de conclure: « On doit maintenant se demander pourquoi le monde musulman explose de fureur quatre mois après la publication des fameuses caricatures. Les Palestiniens installés au Danemark ont joué un rôle important dans l’embrasement général qui a surpris par sa soudaineté et sa violence… Parmi les plus extrémistes, on peut citer Fadi Abdul Latif, chef local du « Hizb ut Tahir », un mouvement qui veut instaurer un califat mondial. Latif a été poursuivi pour incitation à la haine raciale. Un autre Palestinien fait beaucoup parler de lui au Danemark. Abu Ahmed, 33 ans, prêche le Djihad contre l’Occident. Il se prétend Imam et c’est sous sa férule qu’étudiaient cinq jeunes musulmans arrêtés en octobre 2005, parce qu’ils préparaient des attentats suicides. Enfin, Saïd Mansour, Marocain d’origine mais militant actif du Djihad et de la lutte palestinienne, vante les beautés de la guerre sainte en produisant et en diffusant des DVD où l’on présente la manière tchétchène de décapiter les « infidèles ».» On a découvert entre temps que ces fameuses caricatures avaient été publiées au Caire, il y a quatre mois, sans que cela ne provoque de réaction, et l’on ne peut pas, sans pour autant sous-estimer de légitimes indignations, s’interroger sur les proportions prises par cette affaire et sur les types de réactions qu’elles a suscitées en Europe au sein des élites. En ce 14 février 2006, Nicolas Polystratu a le regard porté sur l’océan et nous livre ici son sentiment, sans complaisance.
        “Entre la violence et la lâcheté, je n’hésiterai pas à conseiller la violence” (Gandhi)

Si l’apôtre de la non violence se prononçait ainsi c’est parce qu’il était conscient des limites de la non-violence qui ne peut trouver sa véritable force que dans le refus du mensonge comburant de ces deux extrêmes qui se renforcent l’une l’autre. Ce refus a un autre nom c’est le “courage”.

Mais si le mensonge renforcé par l’ignorance devient trop fort alors, contrairement à ce qu’imaginent les tenants plus ou moins conscients de la lâcheté, la violence personnelle comme collective ne cesse de se développer. Munich en est la démonstration la plus cruelle et cela se poursuit aujourd’hui partout dans le monde car dans ce domaine il y a aussi mondialisation. L’affaire des caricatures de Muhammad n’en n’est qu’un avatar parmi d’autres, où ignorances et violences se manifestent de façon excessive, sans que l’on cherche à savoir pourquoi maintenant et sous cette forme.

  • Si dans presque tous nos pays on ne cesse de déplorer le manque de courage des politiciens il est en réalité partagé par toutes les élites.

Si chez nous et nous ne sommes pas les seuls, il y a près de 30% d’extrémismes divers de droite et de gauche alimentés par un ensemble de microstructures irresponsables, il y a des raisons et il est inutile de se renvoyer la balle de façon superficielle d‘un côté et de l‘autre. Le véritable courage est de plus en plus rare et difficile dans la vie en société aujourd’hui, à l’ère des médias, des espionnages systématiques, des écoutes téléphoniques, de l’impact grandissant de l’économie criminelle, et de tous ces organismes d’influence pétris de mensonges. Aussi bien de nos concitoyens préfèrent-ils se retirer du côté de l’ignorance des extrêmes exactement comme les populations malheureuses des Islams qui croient se réconforter dans les tromperies et contrevérités dont les abreuvent leurs gouvernants et l’ignorance dans laquelle ils les tiennent.

Le plus sûr critère de la lâcheté dans une société est la soumission au “politiquement correct” telle qu’elle est vécue en Europe, particulièrement en France. Cela se traduit par des interdictions de penser et de dire de plus en plus nombreuses avec des repentances à tout propos qui n’en finissent pas. L’affaire de la colonisation et de l’esclavage pour n’en prendre qu’un exemple, traitée par repentance au plus haut niveau, aurait mieux fait de s’appuyer en premier lieu d’abord sur l’aspect mondial de l’esclavage, son partage entre Arabes, Africains et Européens, ce qui n’absout aucun d’eux évidemment, ensuite sur la réalité de l’Histoire et plus encore son actualité contre laquelle il faut lutter particulièrement en Afrique et y compris dans notre pays aujourd’hui. Les “larmes de crocodiles” n’auront pas beaucoup d’effet et peut-être, à terme, l’effet contraire de celui escompté… La lâcheté conduit toujours au désastre et à l’échec comme on le voit dans la politique et la pensée françaises depuis plus de trente ans.

Il en est de même chez les responsables musulmans incapables de se sortir du carcan du “religieusement correct” qui dans ces pays remplace le politiquement correct des nôtres avec des incidences plus dramatiques car touchant à une part essentielle de toute vie.

Leur lâcheté face aux nécessités réelles de l’heure se traduit inéluctablement par “la violence puisque c’est la seule à posséder cette caractéristique , fascinante et horrible, d’offrir la possibilité d’instituer à leur profit des relations avantageuses en faisant l’économie du travail et de la communication véritable”.[2] violence organisée par une communication centrée sur le mensonge et l’ignorance et renforcée par des argumentations sur l’humiliation, l’exploitation, les injures, etc. qui n’ont comme seul effet que d’accélérer la violence instinctive des peuples malheureux, confortant provisoirement ces gouvernants malgré les drames qui en résultent.

Quand la lâcheté se conjugue en plus avec la “dérision”, dont on ne veut pas comprendre dans certains milieux qu’elle est fondamentalement destructrice de la personnalité individuelle comme collective, alors le résultat est catastrophique et débouche obligatoirement sur la violence, celle des personnes comme celle des groupes, puis celle de la société tout entière.

C’est là que seule la capacité de jugement permet de dire dans une société de liberté où doivent s‘arrêter la critique et la caricature. Seulement pour y arriver il faut la connaissance véritable de ce que l’on veut caricaturer et pas les préjugés ni l’ignorance. Regarder de l’extérieur une mosquée comme une cathédrale ne justifie en rien les caricatures quelles qu’elles soient qui prétendent en décrire l‘intérieur, même si un second couteau qui se pense ministre trouve cela normal vis à vis des “chrétiens qui en ont l’habitude”! Mais tous ces dessinateurs, publicitaires, saltimbanques dévoyés, faux artistes… et leurs directions, à peu près tous sans culture religieuse, se trompent en confondant licence, satisfaction personnelle, ignorance, voire hostilité… avec la véritable liberté personnelle comme collective que nous garantit la Démocratie. Il en est de même des gouvernements arabes qui préfèrent le mensonge et l’immobilisme pour conserver un pouvoir que les extrémismes rongent chaque jour un peu plus, où le mot liberté n’a pas se sens et où la démocratie ne peut exister. Il s’y retrouve là, expression manifeste de leur ignorance, la confusion qu’entretiennent nos gouvernements et trop de nos médias entre la Démocratie et les élections qui se passent dans ces pays, oubliant que le vote n’est pas la démocratie, – ignorent-ils Hitler, Staline et bien d’autres? – mais seulement lorsqu’il est libre le moyen et le signe de la démocratie. Ce faisant ils encouragent tous les extrémismes.

On ne peut que partager les avis de Jean Daniel et de Jacques Julliard sur cette “affaire” des caricatures. Il ne fallait pas les publier comme telles, mais sur le fond nous n’accepterons jamais ce que les intégristes de tout poil voudraient nous imposer car il s’agit de notre identité profonde et de la véritable Liberté, mais notre incapacité à réagir aux attaques des ambassades européennes ne laisse pas toutefois d’inquiéter… Et l’offensive actuelle des musulmans canadiens pour que la loi autorise la polygamie montre à quelle déstructuration la lâcheté peut conduire.

Par contre on doit, comme toujours tenter de retirer quelque chose de positif de cette faute des deux côtés en s’interrogeant sur le fond, sur son origine, ses conséquences à moyen et long terme et sur l’avenir que nous voulons en tranchant entre la lâcheté et la violence et revenant vers le courage, le courage de sa battre face à la peur et la lâcheté.

  • Lâcheté généralisée de nos élites incapables de mesurer au nom d’idéologies mensongères dévoyées et d’une immense ignorance des Islams.

En Turquie – pays dont le président Chirac semble bien être le seul à soutenir l’adhésion à l’Europe -, pays pourtant réputé modéré, un prêtre italien a  été assassiné au seul motif qu’il était étranger, donc « infidèle ». Il s’agit certes, contrairement à l’Iran ou à la Syrie où certains débordements étaient particulièrement bien encadrés par le pouvoir politique, d’un acte individuel. Les citoyens européens – pas seulement les Danois – se sentent trop souvent menacés et réclament la mise en place de politiques d’immigration, d’une politique extérieure à assumer sans concession, la modification de bien des vieilles lois. Les Français ne font pas exception, sans pour autant renoncer à ce qui nous fait tous Français, anciens et nouveaux, communiant dans un même avenir en s’appuyant, non pas sur un nombre excessif de commémorations et de musées avec des ratiocinations d’impuissants, mais sur un socle de valeurs communes. Il faudra du courage… Cela fait trente ans que les rares grands commentateurs de notre vie politique ne cessent de le dire.

  • Lâcheté généralisée des gouvernants musulmans incapables jusqu’à ce jour de se sortir d’un véritable déni de pensée donc de vie imposé à leurs populations au nom d’une foi dont les conditions d’expression initiales n’ont plus aucun rapport avec celles qu’impliquent l’aujourd’hui de la planète.

Alors même qu’il y a un peu partout dans le monde nombre de musulmans qui se désespèrent de cette situation et ont toutes les capacités pour la faire évoluer, ils n’ont pour le moment répondu que par le meurtre et la violence, favorisant le développement d’intégrismes et de terrorismes qui massacrent préférentiellement d’autres musulmans. Il est indispensable, sauf à aller vers des confrontations de plus en plus difficiles, que les Islams se réunissent et fassent un travail similaire à celui que de vieux cardinaux et évêques catholiques ont été capables de mener lors de Vatican II. Ils en ont tous les moyens matériels, intellectuels et spirituels, que ce soit dans leur passé comme dans leur présent. L’Arabie saoudite devrait en être le moteur au lieu de se contenter des bénéfices du Pèlerinage et de la rente du pétrole. Et les Islams asiatiques, qui sont l’immense majorité devraient se réveiller pour imposer ce travail de réflexion et d’approfondissement de la foi musulmane.

  • “Politiquement et religieusement corrects” ont un point commun: la peur

Cette peur qui rôde à travers la planète et n’abandonne aucune de ses proies depuis les tout petits jusqu’aux politiciens en passant par tous les corps établis et les médias: peur devant la nature, devant la fermeture de la planète, devant l’autre vivant, l’autre pensant toujours suspect, peur devant l’avenir, peur devant soi, peur devant tout et rien, générant une angoisse montante, rampante, destructrice, synthèse de toutes les peurs préparant les explosions de violence qui seront d’autant plus fortes qu’elles se seront plus contenues … Tandis que la montée de la Haine et la généralisation de la déresponsabilisation en favorisent l’explosion, l’ensemble conduisant à un nihilisme global à l’opposé de la Vie et de la Liberté individuelles comme collectives…

  • Où va le monde?

Ces caricatures seront-elles le signal d’un approfondissement général chez les uns et les autres sur la liberté et sur les rapports de la Foi et du Pouvoir? Seront-elles le début du rejet de ces attitudes dites “correctes” qui conduisent à l’intolérance, la dictature, le meurtre comme nous l’avons trop vu au XXème siècle? ou bien tragique possibilité comme l’amorce de mouvements violents pouvant aller à des extrêmes plus terribles que ceux qu’espèrent les disciples d’Hassan al Bana?
    Qu’en est-il en Chine et aux Indes ?
    Peut-on encore rêver à demain ?


Nicolas Polystratu

[1] Ugo Rankl, directeur de l’information de l’agence Guysen, journaliste et écrivain (Jérusalem ou la colère de Dieu aux Éditions des Syrtes).
[2] Cf Primo Levi, chimiste italien, rescapé de Buna-Monowitz, rattaché au complexe d’Auschwitz. A la fin 1998, la maison d’édition Robert Laffont a publié Conversations et entretiens avec Primo Levi, et réédité le roman Maintenant ou jamais, publié en 1982 chez Einaudi à Turin (la traduction française parut un an plus tard). L’écrivain italien, dont le célèbre Si c’est un homme était passé pratiquement inaperçu en 1947 pour devenir, dès la fin des années 1950, un des livres les plus lus de l’après-guerre.

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