La guerre grise : Dollars, data et donations

L’historienne Laurence Saint-Gilles,[*] dans son article magistral pour Desk Russie, « Le lobby russe aux États-Unis », a accompli un travail de cartographie essentiel.[01] Avec la précision d’un géogra-phe politique, elle a tracé les contours visibles de l’influence russe, révélant la topographie d’une « Poutinosphère » américaine et son « long travail de sape ».[01] Son analyse fournit le cadre indispensable pour quiconque cherche à comprendre comment une nébuleuse d’intérêts alignés sur Moscou a réussi à s’implanter au cœur même du pouvoir américain.

Au vu des déclarations du président Donald Trump et la mise en place de hauts responsables ouvertement déclarés pro-Poutine, Laurence Saint-Gilles a mis à jour son analyse, utilisant cette carte comme point de départ pour une expédition plus profonde, une incursion dans les couloirs non éclairés et les salles des machines de cette vaste entreprise d’influence.

Le labyrinthe de Washington : Enquête sur les architectes de l’influence russe

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Partant de cette analyse macroscopique, Laurence Saint-Gilles nous plonge dans un examen granulaire des opérateurs-clés, des mécanismes spécifiques d’infiltration et, surtout, des vulnérabilités systémiques que ces derniers exploitent avec une redoutable efficacité. L’objectif n’est pas de critiquer, mais de construire sur ses fondations, en ajoutant des couches de données quantita-tives et des études de cas récentes et glaçantes qui soulignent la profondeur et l’adaptabilité de la menace.

Laurence Saint-Gilles — Photo © DR

Le ton est donné : celui d’une enquête sérieuse, relevée par une appréciation de l’audace, parfois jusqu’à l’absurde, des opérations en question. Pour comprendre un labyrinthe, il ne suffit pas de le regarder de haut, il faut oser y pénétrer. NDLR

par Laurence Saint-Gilles — Paris, le 31 août 2025 —

Introduction : Au-delà du miroir du Kremlin

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Poupées russes dans un magasin à Moscou — Photo : Irina Tchoukhno, AiF

1. Anatomie de la « poutinosphère » : Des espions aux idiots utiles, et l’agent au sommet du FBI

Le lobby russe est assurément une « nébuleuse disparate aux contours idéologiques flous », une constellation hétéroclite peuplée d’officiers de renseignement, d’agents d’influence et d’une cohorte « d’idiots utiles » qui, par conviction ou par naïveté, servent les objectifs du Kremlin.[01] Cette typologie est fondamentale, mais pour saisir la nature véritablement systémique de la menace, il est nécessaire de disséquer l’appareil de renseignement qui constitue le noyau dur de cette nébuleuse et d’illustrer jusqu’où la corruption peut s’infiltrer.

L’appareil de renseignement déconstruit

Derrière le terme générique « d’officiers de renseignement » se cache une architecture complexe de services russes aux mandats distincts mais aux objectifs convergents aux États-Unis. Comprendre leur rôle respectif est crucial pour déchiffrer leurs modes opératoires.

  • Le SVR (Service des renseignements extérieurs) : Héritier de la prestigieuse Première Direction Principale du KGB, le SVR est la principale agence civile de renseignement extérieur. Sa spécialité est le renseignement humain (HUMINT), mené à la fois sous couverture diplomatique traditionnelle depuis les ambassades et consulats, et via des agents « illégaux » – des agents non officiels, sans immunité diplomatique et sans lien apparent avec la Russie, insérés de longue date dans la société américaine.[02][03] Le SVR est le maître des opérations de pénétration sophistiquées et de longue haleine, comme en témoigne son implication dans la cyberattaque massive SolarWinds de 2021, qui a compromis des milliers de réseaux gouvernementaux et privés américains.[04]
  • Le GRU (Direction principale du renseignement de l’état-major général) : Le service de renseignement militaire russe est réputé pour ses opérations agressives, à haut risque et souvent « effrontées ».[03][05] Son portefeuille est vaste : du renseignement tactique sur le champ de bataille au commandement des forces spéciales (spetsnaz), en passant par des cyberattaques perturbatrices et des campagnes de désinformation. C’est le GRU qui a été identifié comme le principal responsable du piratage du Comité National Démocrate (DNC) en 2016 et des attaques par le malware NotPetya en 2017, démontrant une propension à l’action directe et déstabilisatrice.[05][06]
  • Le FSB (Service fédéral de sécurité) : Bien que sa mission première soit la sécurité intérieure, le FSB a considérablement élargi son mandat à l’étranger, en particulier dans les pays de l’ex-Union Soviétique, via son « Cinquième Service ».[03] Le FSB a été impliqué dans des assassinats, des cyberattaques et des opérations d’influence hors des frontières russes, illustrant le floutage croissant des lignes entre sécurité intérieure et projection de puissance extérieure.[04][07]

Étude de cas sur la corrosion des élites : Charles McGonigal

Si l’existence de ces services n’est une surprise pour personne, la « poutinisation » des élites américaines trouve sa validation la plus spectaculaire et la plus inquiétante dans l’affaire Charles McGonigal. Ce cas n’est pas une simple anecdote d’espionnage ; c’est la démonstration que la gangrène peut atteindre le sommet de l’appareil de contre-espionnage américain.

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Charles McGonigal — Source FBI Studies

Charles McGonigal n’était pas un agent de second rang. Il était l’Agent spécial en charge de la division du contre-espionnage du bureau du FBI à New York, l’homme dont la mission était précisément de traquer les espions russes sur le sol américain.[08] Or, à peine parti à la retraite en 2018, il s’est mis au service de l’oligarque sanctionné Oleg Deripaska, un homme d’affaires décrit par les autorités américaines comme un agent agissant pour le compte de Vladimir Poutine.[08][09]

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Le modus operandi de McGonigal révèle une connaissance intime des méthodes qu’il était censé combattre. Pour dissimuler les paiements de Deripaska, il a utilisé un réseau de sociétés-écrans, des signatures contrefaites sur les contrats et un langage codé dans ses communications électroni-ques, évitant soigneusement de nommer son client.[08][10] Sa mission? Enquêter sur un oligarque rival, en violation directe des sanctions américaines qu’il avait lui-même pour tâche de faire respecter.[09][11]

L’ironie de cette trahison est abyssale.

Oleg Vladimirowitsch Deripaska — Photo Anton Poper

Pendant ses années au FBI, McGonigal avait non seulement supervisé des enquêtes sur Deripaska, mais il avait également reçu des briefings classifiés détaillant les raisons pour lesquelles cet oligarque serait placé sur la liste des sanctions.[11][12]

Il a sciemment franchi la ligne rouge, motivé par l’appât du gain, espérant bâtir une nouvelle carrière lucrative sur les ruines de son serment. Sa condamnation à 50 mois de prison en est le sombre épilogue.[08][09]

L’affaire McGonigal est bien plus qu’une histoire de cupidité individuelle. Elle est le symptôme d’une vulnérabilité systémique critique au sein de l’establishment de la sécurité nationale américaine : la transition lucrative du service public vers le secteur privé.

Le schéma classique de l’espionnage imagine une pression extérieure exercée sur un agent en service. Le cas McGonigal révèle une menace interne, plus subtile. Il n’était pas une « taupe » classique ; il était un haut fonctionnaire qui a monétisé son accès, son expertise et sa crédibilité après avoir quitté ses fonctions. Cela met en lumière une stratégie de ciblage sophistiquée de la part des adversaires de l’Amérique : identifier les responsables puissants approchant de la retraite, potentiellement motivés par des gains financiers, constitue une approche à moindre risque et à plus haut rendement que de tenter de recruter un agent en service.

La fameuse « porte tambour » (revolving door) entre les agences de renseignement et les cabinets de conseil privés n’est plus seulement un problème d’éthique ; elle est devenue une faille de contre-espionnage béante. Les adversaires n’achètent pas seulement de l’information ; ils achètent l’influence, la crédibilité et la connaissance procédurale de ceux-là mêmes qui ont construit les défenses de l’Amérique.[13][14]

2. Les pionniers du labyrinthe : Comment infiltrer l’Amérique avec un doctorat et un sourire

A n’en pas douter, Edward Lozansky et Dimitri Simes apparaissent comme des figures historiques clés, des pionniers qui ont su, dès les années 1970 et 1980, s’infiltrer dans les cercles conservateurs américains et y jeter les bases du lobby actuel.[01]

Leurs parcours respectifs sont des cas d’école sur l’art de transformer une biographie en arme d’influence et de bâtir des ponts idéologiques là où il n’existait auparavant que des murs de méfiance.

L’opérateur « dissident » : Edward Lozansky

Le parcours d’Edward Lozansky est un chef-d’œuvre de construction narrative. Se présentant comme un physicien nucléaire soviétique devenu dissident, il a su capitaliser sur une histoire personnelle fascinante – son mariage avec la fille d’un général de haut rang et sa lutte pour la faire sortir d’URSS – pour s’attirer la sympathie et ouvrir les portes du Washington politique.[15][16] Cette légende soigneusement entretenue lui a permis de devenir un interlocuteur crédible pour l’élite conservatrice américaine.

Mais Lozansky n’était pas qu’un conteur. C’était un bâtisseur d’institutions, ou du moins, de façades institutionnelles. Il a créé une toile d’araignée d’organisations aux noms respectables qui servaient de plateformes pour un dialogue américano-russe qu’il pouvait largement orienter :

  • L’« American University in Moscow » : Une entité au nom prestigieux mais à la substance fantomatique, sans corps professoral ni cursus clairement identifiés, servant principalement de véhicule de prestige.[17][18]
  • « Russia House » et le « World Russia Forum » : Des think tanks et des conférences annuelles qui sont devenus des rendez-vous incontournables pour les politiciens, diplomates et hommes d’affaires des deux pays, offrant à Lozansky un rôle central de médiateur et d’organisateur.[17][19]

Grâce à ces structures, il a cultivé des relations profondes et durables avec des piliers du mouvement conservateur, tels que Paul Weyrich, co-fondateur de la très influente Heritage Foundation, et les sénateurs Bob Dole et Jack Kemp.[17][18]

Lozansky a, de fait, construit la passerelle sur laquelle le lobby russe moderne peut aujourd’hui traverser sans encombre.

L’opérateur « académique » : Dimitri Simes

Si Lozansky était le maître du réseau, Dimitri Simes en était le pendant intellectuel. Son parcours lui a conféré une crédibilité académique quasi inattaquable. Formé au prestigieux Institut de l’économie mondiale et des relations internationales (IMEMO) de Moscou, il émigre aux États-Unis en 1973 et s’impose rapidement comme un « soviétologue » de premier plan.[20][21] Son analyse, perçue comme venant de l’intérieur du système, était très recherchée.

Son ascension a été fulgurante. Il est devenu un conseiller informel du président Richard Nixon, l’accompagnant lors de voyages à Moscou, ce qui a définitivement assis sa position au sein de l’establishment républicain en matière de politique étrangère.[20][21] Mais son coup de maître fut de prendre la tête du Center for the National Interest (anciennement le Nixon Center) et de sa revue, The National Interest.

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Dimitri Simes — Photo Kremlin.ru

Sous sa direction, ces institutions sont devenues des plateformes extrêmement influentes pour la promotion d’une politique étrangère « réaliste », souvent encline à une plus grande complaisance envers les intérêts stratégiques de Moscou.[22][23]

Les carrières de Lozansky et Simes révèlent une vérité fondamentale et contre-intuitive : l’opération d’influence russe la plus réussie de la fin du 20e siècle n’a pas visé la gauche américaine, tradition-nellement plus ouverte au dialogue avec Moscou, mais bien le cœur du bastion anticommuniste : la droite républicaine. Comment un tel retournement a-t-il été possible? La réponse réside dans un pivot narratif d’une intelligence remarquable.

Lozansky et Simes n’ont jamais tenté de vendre l’idéologie soviétique. Ils ont compris que le Parti Républicain de la Guerre Froide, défini par son opposition à l’URSS, était en pleine mutation identitaire après la chute du Mur. Ils ont donc vendu un nouveau récit, post-soviétique, parfaitement aligné sur cette nouvelle trajectoire.

Dans ce récit, la Russie n’était plus la menace communiste athée, mais une puissance nationaliste renaissante, un bastion des « valeurs traditionnelles » face à la décadence occidentale, et un partenaire potentiel contre le terrorisme islamique et les institutions « mondialistes ».

Ce discours a trouvé un écho profond au sein d’un mouvement conservateur américain lui-même de plus en plus nationaliste, sceptique à l’égard des alliances internationales et engagé dans une « guerre culturelle ». Lozansky et Simes n’ont pas eu à changer l’idéologie du GOP ; ils ont simplement aligné les objectifs de Moscou sur son évolution naturelle.

La « poutinisation » d’une partie de la droite américaine, n’a donc pas été une prise de contrôle hostile, mais une convergence symbiotique, une rencontre d’intérêts facilitée et orchestrée par ces deux pionniers visionnaires.

3. L’apothéose de 2016 : Le NRA, une porte d’entrée grand ouverte

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Page d’accueil du site Internet de la NRA — Screenshot du 31.08.2025

L’élection présidentielle de 2016 représente le point culminant où des décennies de patient travail de réseautage et d’infiltration ont finalement porté leurs fruits les plus spectaculaires.[01][24] L’ingérence russe, « généralisée et systématique » selon les conclusions du procureur spécial Mueller, a secoué les fondements de la démocratie américaine.[24] Pour comprendre la mécanique de cette opération, l’affaire Maria Butina constitue un microcosme parfait, une étude de cas exemplaire de la doctrine russe d’influence en action.

Étude de cas sur le ciblage vectoriel : Maria Butina et la NRA

L’opération menée par Maria Butina, jeune militante russe, sous la direction d’Aleksandr Torshin, un haut fonctionnaire russe proche du Kremlin, n’avait rien d’improvisé. Elle reposait sur une stratégie de « ciblage vectoriel » : identifier non pas une cible politique directe, mais une organisation culturelle et sociale servant de point d’entrée vers le cœur du pouvoir conservateur. La cible choisie, la National Rifle Association (NRA), était idéale.

  • La stratégie du miroir : La première étape fut de créer une organisation russe de défense du droit de port d’armes, « Le droit de porter des armes » (Right to Bear Arms), servant de miroir à la NRA. Cette structure, bien que quelque peu incongrue dans un pays comme la Russie où le port d’armes est très restreint, a fourni le prétexte parfait pour établir une « relation de coopération » officielle avec son puissant homologue américain.[25][26]

Manifestation « autorisée » (bidon) à Moscou en 2012 : 80 personnes rassemblées par Maria Butina — Photo Glenn Kates (RFE-RL). « La Russie envisage d’autoriser le port d’arme à feu ». Les Russes ont autant le droit d’avoir légalemlent une arme individuelle chez eux que les Nord-Coréens !

  • L’infiltration par la séduction : Pendant plusieurs années, Butina a méthodiquement cultivé les plus hauts dirigeants de la NRA. Elle a assisté à leurs conventions annuelles, a remis des prix, a participé à des événements, devenant un visage familier et apprécié.[26][27] Le point d’orgue de cette phase fut l’organisation, en 2015, d’un voyage à Moscou pour une délégation de haut niveau de la NRA. Sur place, les responsables américains ont été reçus en grande pompe, visitant des usines d’armement et rencontrant des membres du cercle rapproché de Vladimir Poutine, dont le vice-premier ministre Dmitri Rogozine, alors sous sanctions américaines.[26][28]
  • L’objectif final : L’accès politique : Une fois la confiance de la NRA acquise, cette relation a été utilisée comme un levier pour pénétrer les cercles du Parti Républicain et, surtout, de la campagne naissante de Donald Trump. Les actions de Butina sont devenues plus directes : elle a interpellé publiquement Trump lors d’un événement en 2015 sur les relations russo-américaines ; elle a obtenu une brève rencontre avec Donald Trump Jr. en 2016 ; et son compagnon et complice américain, l’opérateur républicain Paul Erickson, a envoyé un courriel au titre évocateur de « Kremlin Connection » à un conseiller de la campagne Trump, proposant d’établir un canal de communication officieux.[25]
  • La chute : L’opération a pris fin avec l’arrestation de Butina en 2018. Elle a plaidé coupable d’avoir agi en tant qu’agent étranger non déclaré et a été condamnée à 18 mois de prison. Les procureurs ont insisté sur le fait qu’elle n’était pas une étudiante naïve mais bien un agent d’influence représentant une menace pour la sécurité nationale, une affirmation validée par la juge lors de la sentence.[29][30]

Le choix de la NRA comme vecteur d’influence révèle une compréhension extraordinairement fine de la société américaine. Moscou n’a pas ciblé une agence gouvernementale lourdement protégée ou un parti politique dans son ensemble. Elle a visé une institution culturelle, un carrefour où se croisent l’argent, le pouvoir politique et, plus important encore, une identité politique puissante et passionnée.

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« La véritable cible n’était pas la NRA en tant que lobby, mais sa base » — Maria Butina par DonkeyHotey

La véritable cible n’était pas la NRA en tant que lobby, mais sa base. Cette base représente un segment de la population américaine profondément ancré dans la culture conservatrice, intrinsèquement méfiant à l’égard du gouvernement fédéral et des « élites de Washington », et politiquement très mobilisé. C’est un incubateur parfait pour des récits qui opposent les « patriotes » à un système perçu comme corrompu. En infiltrant la direction de la NRA, la Russie a obtenu un accès direct à ce réseau pré-mobilisé et idéologiquement réceptif. Elle n’a pas eu besoin de créer la division ; elle a simplement eu à exploiter et amplifier un sentiment de grief culturel et politique déjà existant.

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Maria Butina extraite de sa prison pour être expulsée vers la Russie après avoir été échangéePhoto ICE

Cette stratégie s’apparente à une forme de jiu-jitsu politique. Elle consiste à identifier les segments les plus passionnés et les plus organisés d’une société démocratique et à utiliser leur propre énergie, leur propre structure et leur propre ferveur pour faire avancer un agenda étranger. Le plus souvent, les membres de la base de ces organisations ignorent totalement qu’ils sont instrumentalisés. L’affaire Butina démontre que l’influence russe la plus efficace n’est pas celle qui s’oppose frontalement aux valeurs américaines, mais celle qui parvient à s’y fondre, à les instrumentaliser et à les retourner contrae la démocratie elle-même.

4. Le salon des « réalistes » : La propagande en col blanc et l’art de blâmer l’Occident

Dans le lobby russe aux États-Unis, j’ai mis en lumière une facette particulièrement insidieuse de l’influence russe : la « propagande douce ».[01] Celle-ci n’est pas diffusée par des trolls anonymes ou des médias d’État, mais par des figures respectées du monde académique et diplomatique, issues de l’école « réaliste » des relations internationales. Des noms comme Henry Kissinger ou John Mearsheimer, en proposant des analyses qui, intentionnellement ou non, s’alignent sur les narratifs du Kremlin, confèrent une légitimité intellectuelle à la position russe.[01] Le cas de John Mearsheimer, professeur à l’Université de Chicago, est le plus emblématique de ce phénomène à l’ère de la guerre en Ukraine.

La déconstruction de la thèse Mearsheimer

L’argument central de Mearsheimer, martelé dans de nombreuses conférences et articles devenus viraux, est simple et percutant : la responsabilité principale de la guerre en Ukraine incombe à l’Occident, et plus spécifiquement à l’expansion de l’OTAN, qui aurait acculé la Russie et l’aurait forcée à réagir.[31] Cette thèse, bien que séduisante par sa simplicité, s’effondre face à un examen critique rigoureux.

  • L’ignorance de l’agence ukrainienne : Le principal défaut de l’analyse de Mearsheimer est qu’elle traite l’Ukraine comme un simple pion sur l’échiquier des grandes puissances, un objet passif de la géopolitique. Elle ignore délibérément le fait que l’Ukraine, comme de nombreux pays d’Europe de l’Est, a souverainement et activement cherché à rejoindre l’OTAN depuis des décennies, non par provocation, mais par un désir légitime de se protéger d’une menace russe perçue comme existentielle.[31]
  • L’utilisation non critique des sources russes : La quasi-totalité des preuves avancées par Mearsheimer repose sur une lecture littérale et acritique des déclarations officielles du Kremlin.[31] Il prend pour argent comptant les justifications de Poutine, ignorant des décennies de pratique de la dezinformatsia et les mensonges documentés de l’État russe, du déni initial de la présence de troupes en Crimée en 2014 aux affirmations fantaisistes sur les « laboratoires d’armes biologiques » en Ukraine.[31]
  • Le déni de l’impérialisme russe : Mearsheimer refuse obstinément de considérer les ambitions impériales russes comme un moteur principal du conflit. Il écarte les déclarations explicites de Vladimir Poutine niant la légitimité historique et même l’existence d’un État ukrainien souverain, ou sa comparaison de lui-même au tsar Pierre le Grand « reprenant » des terres russes.[31] Pour Mearsheimer, la Russie ne peut être qu’une puissance réactive, jamais un agresseur mû par sa propre idéologie expansionniste.
  • L’échec empirique : Sa théorie du « réalisme offensif » peine à expliquer de nombreux événements du monde réel, et son application au cas ukrainien est contredite par les faits. L’invasion a été lancée à un moment où l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN était au point mort. De plus, les renseignements russes ont manifestement commis une « erreur de calcul désastreuse », s’attendant à une victoire rapide et à un accueil favorable de la population, ce qui suggère que la décision d’envahir était basée sur une vision idéologique déformée de l’Ukraine plutôt que sur une analyse stratégique rationnelle.[31]

Malgré ces faiblesses flagrantes, la thèse de Mearsheimer jouit d’une immense popularité.

Ses conférences sont largement diffusées et ses arguments sont repris en boucle, notamment par les médias d’État russes, qui ont trouvé en lui un allié occi-dental inespéré.[31][32]

Ce phénomène illustre un concept clé de la guerre de l’information russe : le « contrôle réflexif ». Il s’agit d’une technique sophisti-quée qui vise à manipuler un adversaire pour qu’il prenne, de son propre chef, des décisions qui sont favorables aux intérêts russes. En présentant sa thèse sous un vernis d’objectivité académique et de rigueur intellectuelle, Mearsheimer (et avec lui, une partie de l’école réaliste) parvient à déplacer le débat en Occident.

La question n’est plus « Comment contrer l’agression russe?, mais devient Sommes-nous responsables de l’agression russe »?

John Miersheimer (Autoportrait)

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Ce glissement est stratégiquement désastreux pour l’Occident. Il sème le doute, nourrit les divisions internes, paralyse la prise de décision politique et érode le soutien de l’opinion publique à l’aide à la victime, l’Ukraine. L’attention se retourne vers l’intérieur, dans un exercice d’autoflagellation et de culpabilisation, plutôt que de se concentrer sur la responsabilité de l’agresseur. C’est l’essence même du contrôle réflexif.

La Russie n’a pas besoin de vaincre l’OTAN militairement si elle peut persuader l’Occident de se neutraliser lui-même par le doute et la division intellectuelle. Dans ce contexte, l’école « réaliste », sans nécessairement être mal intentionnée, devient un multiplicateur de force involontaire mais extrêmement efficace pour les objectifs stratégiques du Kremlin.

5. L’argent, le nerf de la guerre grise : Dollars, data et donations

Moscou a dépensé des millions de dollars pour financer ses opérations d’influence, notamment via des dons d’oligarques à des institutions américaines prestigieuses comme Yale, le MIT ou le musée Guggenheim.[01] Cependant, une analyse plus fine des flux financiers révèle une stratégie à deux vitesses, bien plus sophistiquée qu’une simple politique d’arrosage. D’un côté, un lobbying officiel bruyant et étonnamment inefficace ; de l’autre, une campagne silencieuse et patiente de capture des élites par le biais de la philanthropie et des partenariats académiques.

Une histoire de deux lobbies : L’analyse quantitative

Les données issues des déclarations obligatoires en vertu de la loi sur l’enregistrement des agents étrangers (FARA) permettent de quantifier l’effort de lobbying officiel et de mettre en lumière une stratégie contre-intuitive.

Une analyse exhaustive des déclarations de 2021, menée par le Quincy Institute, révèle un contraste saisissant.[33]

CatégorieIntérêts RussesIntérêts Ukrainiens
Dépenses Déclarées (2021)> 42 millions $ (dont 38M$ pour les médias d’État)~ 2 millions $
Nombre de Contacts Politiques2113 541
Coût par Contact (approx.)~ 2 millions $~ 148 $
Principaux ActeursMercury Public Affairs (pour En+ Group)Yorktown Solutions, Finsbury Glover Hering
Source : Analyse des données FARA et LDA par le Quincy Institute, 2021.[33]

Ces chiffres sont éloquents. En 2021, les intérêts russes ont dépensé vingt fois plus que les intérêts ukrainiens pour un résultat quasi nul en termes de contacts politiques officiels. Le coût par contact pour la Russie est astronomique et frise le ridicule, suggérant que cet effort de lobbying déclaré n’est soit qu’une façade, soit d’une incompétence spectaculaire.

Une partie de l’explication réside dans une faille juridique : la distinction entre le FARA, qui exige une transparence détaillée, et le Lobbying Disclosure Act (LDA), aux exigences beaucoup moins strictes. De nombreux cabinets préfèrent s’enregistrer sous le LDA, ce qui permet de masquer l’étendue réelle des activités dirigées par un gouvernement étranger.[33]

Néanmoins, l’inefficacité flagrante du lobbying officiel russe pose une question fondamentale : si cet argent n’achète pas d’influence directe à Washington, où va le « smart money »? La réponse se trouve dans une stratégie à plus long terme.

Étude de cas sur la capture des élites : Viktor Vekselberg et le MIT

L’affaire Viktor Vekselberg et le Massachusetts Institute of Technology (MIT) illustre parfaitement cette seconde voie, plus discrète et potentiellement bien plus dommageable. Viktor Vekselberg, un oligarque milliardaire proche du Kremlin, a été l’architecte d’un partenariat majeur entre sa fondation, Skolkovo, et le MIT, visant à créer « Skoltech », une sorte de « Silicon Valley » russe.[34][35]

  • Le partenariat doré : L’accord, d’une valeur de 300 millions de dollars pour le MIT, a été lancé en 2011. Il ne s’agissait pas d’un simple don, mais d’une collaboration profonde visant à construire une université de recherche et d’entrepreneuriat sur le modèle du prestigieux institut américain.[34][36]
  • L’accès au sommet : Vekselberg n’était pas qu’un mécène lointain. En 2013, il a été élu au MIT Corporation, le conseil d’administration de l’université, et y a été réélu en 2015.[34][35] Cette position lui a conféré non seulement un prestige immense, mais aussi un siège à la table de l’une des institutions scientifiques les plus importantes et les plus influentes du monde, avec un accès potentiel à des recherches de pointe et aux futurs leaders technologiques américains.
  • Le démêlage gênant : La relation s’est effritée lorsque le Département du Trésor américain a sanctionné Vekselberg en avril 2018, l’accusant de faire progresser les « activités malignes » de Moscou.[37] Le MIT a alors discrètement « suspendu » son adhésion au conseil d’administration et effacé toute mention de son passage sur son site web.[34][37] Pourtant, malgré les sanctions et les craintes d’espionnage exprimées par le FBI, le MIT a renouvelé son partenariat avec Skoltech pour cinq ans en 2019, avant de finalement l’abandonner après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en 2022.[35][38]
Viktor Feliksovich Vekselberg

La juxtaposition des données du FARA et de l’affaire Vekselberg révèle la dualité de la stratégie financière russe. Le lobbying officiel à Washington, coûteux et inefficace, agit comme un leurre, une diversion qui attire l’attention des médias et des régu-lateurs. Pendant ce temps, la véritable campagne d’influence se déroule ailleurs, silencieusement. L’objectif n’est pas d’influ-encer un vote sur une loi de sanctions la semaine prochaine. L’objectif est d’intégrer les intérêts et les perspectives russes au sein même des institutions d’élite qui forment les futurs dirigeants, développent les technolo-gies de demain et définissent les paradig-mes de la recherche. C’est un investis-sement à long terme dans le « système d’exploitation » de la puissance américaine. Se concentrer uniquement sur les déclara-tions FARA, c’est regarder la main droite du magicien pendant que la main gauche exécute le véritable tour.

Viktor Felixsovitch Vekselberg — Photo Alesh.ru

La menace la plus profonde ne se trouve pas dans les bureaux des lobbyistes de K Street, mais dans les salles de conseil et les laboratoires des institutions les plus vénérées d’Amérique.

Conclusion : Le spectre de 2016 et la vulnérabilité perpétuelle

A n’en aps douter, « le spectre de 2016 » hantera longtemps l’Amérique, et l’appareil de sécurité nationale a été pris de court par l’ampleur et la nature de l’ingérence russe.[01] Cette conclusion reste d’une pertinence aiguë, car si les tactiques évoluent, la vulnérabilité fondamentale de la démocratie américaine demeure. La menace ne s’est pas estompée après 2016 ; elle s’est métamorphosée, s’adaptant aux nouvelles réalités technologiques et exploitant de nouvelles failles.

Le nouveau terrain de chasse : Le ciblage des anciens fonctionnaires

L’affaire McGonigal a mis en lumière la menace que représentent les hauts fonctionnaires corrompus après leur départ en retraite. Cette vulnérabilité est aujourd’hui exploitée à une échelle industrielle. Les services de renseignement étrangers, notamment russes et chinois, utilisent agressivement les plateformes de réseautage professionnel comme LinkedIn pour mener des campagnes de recrutement sophistiquées ciblant les employés et, surtout, les anciens employés du Département de la Défense et des autres agences fédérales.[13][39]

Le mode opératoire est bien rodé. De faux recruteurs ou des sociétés-écrans proposent des missions de conseil lucratives et flexibles, flattant l’expertise des cibles et exploitant leurs éventuelles frustrations ou vulnérabilités financières, particulièrement après des vagues de départs ou de licenciements.[14][40] L’appât est souvent une rémunération anormalement élevée pour un travail apparemment anodin, comme la rédaction de rapports sur des questions de politique générale. Progressivement, les demandes se font plus précises, poussant la cible à divulguer des informations sensibles, parfois sans même qu’elle ne réalise qu’elle travaille pour une puissance étrangère.[13] C’est la menace illustrée par McGonigal, mais démocratisée et déployée à grande échelle.

La réponse de l’Occident : Une défense en mosaïque

Face à cette menace persistante, les États-Unis et leurs alliés ont déployé un arsenal de contre-mesures, formant une défense en mosaïque, robuste sur certains points mais souvent fragmentée.

  • Action directe et perturbation : Le Département de la Justice (DOJ) mène des opérations actives pour démanteler les infrastructures de désinformation, comme la saisie de dizaines de noms de domaine liés à la campagne « Doppelgänger« .[41] Parallèlement, le Département du Trésor impose des sanctions ciblées contre les individus et les entités au cœur de ces réseaux d’influence.[42]
  • Défense cybernétique : La NSA, le FBI et leurs homologues alliés publient en permanence des bulletins d’alerte détaillant les tactiques, techniques et procédures des cyber-acteurs du SVR et du GRU, exhortant les administrateurs de réseaux à appliquer les correctifs de sécurité nécessaires.[43]
  • Réformes législatives et politiques : Le Congrès américain tient régulièrement des auditions et examine des propositions de loi visant à renforcer le FARA, à combler les failles du lobbying (comme l’exception LDA) et à améliorer la sécurité des processus électoraux face aux ingérences étrangères.[44][45][46][47]
  • Résilience à long terme : Au-delà des mesures réactives, une réflexion est en cours sur la construction d’une résilience sociétale. Des think tanks et certaines agences gouvernementales préconisent une « approche de portefeuille » qui inclurait le renforcement de l’éducation aux médias, le soutien au journalisme local comme rempart à la désinformation, et le développement de stratégies de contre-discours pour préempter les narratifs hostiles.[48][49][50]

En définitive, les États-Unis tentent de combattre une campagne holistique et permanente de guerre politique avec une boîte à outils fragmentée, composée de contre-mesures juridiques, financières et techniques. La doctrine russe, souvent qualifiée de « guerre hybride » et associée au général Gerasimov, est un concept de conflit total qui efface les frontières entre la guerre et la paix, utilisant l’information, la culture, l’économie et la subversion comme des armes à part entière.[51][52][53][54] C’est un état de confrontation permanent.

La réponse américaine, bien que puissante dans ses composantes individuelles, reste largement réactive et cloisonnée. Elle traite les opérations d’influence comme une série de problèmes discrets à résoudre – un piratage ici, une campagne de désinformation là – plutôt que comme une agression systémique et continue.

La comparaison avec les tactiques russes en Europe est éclairante : si aux États-Unis, la stratégie consiste à exploiter l’hyper-polarisation et les guerres culturelles, en Europe de l’Est, elle peut s’appuyer sur des griefs historiques ou des liens religieux orthodoxes.[55][56][57][58] Les tactiques sont toujours adaptées aux vulnérabilités spécifiques de la société ciblée.

La conclusion inéluctable est qu’aucune réforme du FARA ni aucune saisie de noms de domaine ne pourra à elle seule guérir la vulnérabilité fondamentale des États-Unis. Cette vulnérabilité n’est pas d’abord législative ou technique ; elle est sociétale. Elle réside dans une polarisation politique profonde, un déclin de la confiance du public dans ses propres institutions et un écosystème de l’information devenu un terrain de jeu pour les manipulateurs.

Le lobby russe n’a pas créé ces fissures dans les fondations de l’Amérique. Mais il a démontré une habileté exceptionnelle à les trouver, à les élargir et à y planter les graines du doute et de la discorde.

Le défi durable pour les démocraties occidentales n’est pas seulement de contrer la Russie, mais de s’attaquer aux faiblesses internes qui rendent ses efforts si redoutablement efficaces.

Laurence Saint-Gilles

Sources et légendes

[*] Professeur agrégé d’histoire, Laurence Saint-Gilles enseigne depuis 2003 à Sorbonne Université « La géopolitique du monde contemporain » et dans le cadre du Master « Dynamique des systèmes internationaux (HCEAI) ». Lauréate d’une bourse Fulbright, elle a consacré sa thèse et de nombreux articles aux relations diplomatiques et culturelles franco-américaines, notamment « La présence culturelle de la France aux Etats-Unis pendant la guerre froide, 1944-1963 » aux Éditions L’Harmattan (01/11/2007)

[01] Laurence Saint-Gilles, « Le lobby russe aux États-Unis« , Desk Russie, 13 mai 2023.

[02] Andrew S. Bowen, « Russian Military Intelligence: Background and Issues for Congress« , Congressional Research Service, 2 novembre 2022.

[03] Center for Strategic and International Studies (CSIS), « The Russian Intelligence Services« , 19 octobre 2018.

[04] The White House, « FACT SHEET: Imposing Costs for Harmful Foreign Activities by the Russian Government« , 15 avril 2021.

[05] Robert S. Mueller, III, « Report On The Investigation Into Russian Interference In The 2016 U.S. Presidential Election« , U.S. Department of Justice, mars 2019.

[06] U.S. Department of Justice, « Grand Jury Indicts 12 Russian Intelligence Officers for Hacking Offenses Related to the 2016 Election« , 13 juillet 2018.

[07] Andrei Soldatov, Irina Borogan, « The FSB’s Fifth Service: The Intelligence Branch That’s Tearing Russia Apart« , Center for European Policy Analysis (CEPA), 14 avril 2022.

[08] U.S. Department of Justice, « Former Special Agent in Charge of the New York FBI Counterintelligence Division Sentenced to 50 Months in Prison for Conspiring to Violate U.S. Sanctions on Russia« , 15 février 2024.

[09] Benjamin Weiser and William K. Rashbaum, « Ex-F.B.I. Official Who Investigated Trump’s Russia Ties Is Sentenced to Prison« , The New York Times, 15 février 2024.

[10] U.S. Department of Justice, « Former Special Agent in Charge of the New York FBI Counterintelligence Division Charged with Violating U.S. Sanctions on Russia« , 23 janvier 2023. URL:

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] William R. Evanina, cité dans « NCSC Director Warns of Foreign Influence Targeting US Government, Private Sector« , MeriTalk, 9 octobre 2020.

[14] Office of the Director of National Intelligence (ODNI), « Annual Threat Assessment of the U.S. Intelligence Community« , 6 février 2023.

[15] Will Englund, « The strange career of Edward Lozansky, who recruits Americans for the Russian cause« , The Washington Post, 24 novembre 2017.

[16] « From dissident to lobbyist: A Russian’s journey« , The Christian Science Monitor, 14 mars 2002.

[17] Ibid, The Washington Post.

[18] Anders Åslund, Russia’s Crony Capitalism: The Path from Market Economy to Kleptocracy, Yale University Press, 2019.

[19] World Russia Forum, « About the Forum ». URL: https://www.google.com/search?q=http://www.worldrussia.org/

[20] David K. Shipler, « A Russian Emigre’s View From The Inside« , The New York Times, 11 novembre 1984.

[21] Center for the National Interest, « Dimitri K. Simes, President & CEO« , Biography.

[22] Casey Michel, « The Pro-Russia Influencers Who Want to Mediate a Deal With Ukraine« , Politico, 10 mars 2022.

[23] Peter Beinart, « The Realist Revolt« , The Atlantic, 1er juin 2022.

[24] Voir Réf. 5, Mueller Report.

[25] U.S. Senate Select Committee on Intelligence, « Report on Russian Active Measures Campaigns and Interference in the 2016 U.S. Election, Volume 5: Counterintelligence Threats and Vulnerabilities« , 18 août 2020.

[26] Tim Mak, « How A Russian Gun Nut And A GOP Operative Planted The Seeds Of A GOP-Russia Alliance« , NPR, 21 mars 2019.

[27] Ibid.

[28] Peter Stone and Greg Gordon, « Gun rights group, with Russian ties, is a potent force in Washington« , McClatchy DC Bureau, 2 mars 2017.

[29] U.S. Department of Justice, « Maria Butina Sentenced to 18 Months in Prison for Conspiracy to Act as an Agent of a Foreign Government« , 26 avril 2019.

[30] Sharon LaFraniere, « Maria Butina, Russian Gun Activist, Is Sentenced to 18 Months« , The New York Times, 26 avril 2019.

[31] Pour la thèse de Mearsheimer et sa critique, voir Phillips Payson O’Brien, « The World John Mearsheimer Wants« , The Atlantic, 18 avril 2023.

[32] Paul D. Miller, « John Mearsheimer, the War in Ukraine, and the Dangers of Causal over-Simplification« , The Dispatch, 14 mars 2022.

[33] Eli Clifton, « Lobbyists for Ukraine’s interests vastly outgun Russia’s in DC« , Responsible Statecraft (Quincy Institute), 3 mars 2022.

[34] David L. Stern, « MIT has a Putin problem« , The Boston Globe, 27 août 2019.

[35] U.S. Senate, Homeland Security and Governmental Affairs Committee, « Federal Support for Research at U.S. Universities: A Case Study of MIT’s Relationship with a Russian Oligarch », Staff Report, février 2022.

[36] MIT News, « MIT and Skolkovo Foundation finalize collaboration« , 14 juin 2011.

[37] U.S. Department of the Treasury, « Treasury Designates Russian Oligarchs, Officials, and Entities in Response to Worldwide Malign Activity« , 6 avril 2018.

[38] MIT News, « MIT ends collaboration with Skolkovo Foundation« , 25 février 2022.

[39] FBI, « Foreign Intelligence Service and Perpetrators of Malign Foreign Influence Use Social Media to Target and Recruit U.S. Persons », Private Industry Notification, 11 octobre 2023.

[40] NCSC (UK), « Think Before You Link campaign« .

[41] U.S. Department of Justice, « Justice Department Seizes Dozens of U.S. Website Domains Used in Russian ‘Doppelganger’ Disinformation Campaign« , 31 mai 2023.

[42] U.S. Department of the Treasury, « Treasury Sanctions Malign Russian Actors Across the Globe« , 19 mai 2023.

[43] CISA, NSA, FBI, « Russian SVR Targets Network Devices and Email Accounts« , Alert (AA22-110A), 20 avril 2022.

[44] Brennan Center for Justice, « Reforming the Foreign Agents Registration Act« , 24 mars 2021.

[45] House Committee on the Judiciary, « Hearing on ‘Oversight of the Foreign Agents Registration Act (FARA) and Efforts to Counter Undisclosed Foreign Influence' », 17 juillet 2019.

[46] Ibid, Brennan Center.

[47] CISA, « Election Security« .

[48] RAND Corporation, « Countering Russian Social Media Influence« , 2019.

[49] The Aspen Institute, « Commission on Information Disorder Final Report« , 15 novembre 2021.

[50] U.S. Department of State, « Global Engagement Center« .

[51] Mark Galeotti, « I’m Sorry for Creating the ‘Gerasimov Doctrine’ », Foreign Policy, 5 mars 2018.

[52] Janis Berzins, « The New Generation of Warfare in Russia », The National Defense Academy of Latvia, 2014.

[53] Peter Pomerantsev, Nothing Is True and Everything Is Possible: The Surreal Heart of the New Russia, PublicAffairs, 2014.

[54] Keir Giles, « Russia’s ‘New’ Tools for Confronting the West: Continuity and Innovation in Moscow’s Exercise of Power« , Chatham House, mars 2016.

[55] Heather A. Conley et al., « The Kremlin Playbook: Understanding Russian Influence in Central and Eastern Europe« , CSIS, 13 octobre 2016.

[56] Ibid.

[57] Alina Polyakova, « The Kremlin’s Trojan Horses: Russian Influence in France, Germany, and the United Kingdom », Atlantic Council, 15 novembre 2016.

[58] Center for European Policy Analysis (CEPA), « Winning the Information War« , 22 août 2016.

Voir également :

In-depth Analysis:

Russia is waging an insidious « grey war » in the United States, using money, data, and donations to influence American politics. This strategy relies on a complex network, the « Putinosphere, » which ranges from intelligence services to agents of influence and « useful idiots. » The case of Charles McGonigal, a corrupt high-ranking FBI official, illustrates Russia’s effectiveness in infiltrating elites. As early as the 1970s, pioneers built bridges between American conservatives and Russian interests. The infiltration of the NRA by Maria Butina in 2016 showed how a cultural organization can become a gateway to power. Financially, Russia combines costly and ineffective official lobbying with a more discreet « elite capture » through partnerships. This strategy exploits political polarization and declining trust in institutions, revealing a deep societal vulnerability in the United States.