L’Amicale des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale, l’AASSDN, vient de tenir son congrès à Bon-Encontre, dans la banlieue d’Agen. Une occasion pour la Voix du Béarn d’évoquer une très belle page de l’histoire de nos services spéciaux, à un moment crucial, en juin 1940, après le déferlement des troupes allemandes sur la France.
En mai-juin 1940, en quelques semaines, 100.000 militaires et civils français sont morts en tentant de stopper l’offensive allemande, sans succès, écrasés qu’ils furent par la puissance de feu des blindés de la Wehrmacht et des Stuka de la Luftwaffe.
La débâcle qui s’en est suivie marquera à jamais la mémoire collective des Français après avoir été vécue comme un moment de déshonneur national. Heureusement, le courage et à la détermination d’une poignée d’hommes et de femmes refusant la défaite, mobilisés corps et âme pour bouter l’ennemi hors de France, permettront à la Libération de retrouver confiance en notre avenir collectif après plusieurs années d’occupation.
Les tous premiers à se ressaisir, imaginant des conditions d’armistice très dures, furent les hommes et les femmes du « 2 bis », notre service de renseignement en 1940. Comme le veut la tradition, en temps de guerre, celui-ci se transforme en 5e Bureau pour regrouper le service de Renseignement et celui du contre-espionnage.
Le général d’armée aérienne François Mermet, président de l’Amicale des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale, l’AASSDN, a retracé ce qui s’est passé le 14 juin 1940 dans la banlieue d’Agen au séminaire de Bon-Encontre, réquisitionné par l’équipe du colonel Rivet et du capitaine Paillole, chef du contre-espionnage français.
Ce 80e anniversaire du serment de Bon-Encontre, a été reporté du fait de la pandémie et après le décès de son ancien président, le colonel Henri Debrun, qui était venu faire apposer une plaque en l’honneur de ce fait d’arme exceptionnel sur le mur du séminaire. Il a enfin été commémoré comme prévu. Les hommes et les femmes de l’ombre chargés du Renseignement aiment et respectent les traditions. Même discrètement, ils n’oublient jamais d’honorer la mémoire et le sacrifice des « anciens » pour l’exemple qu’ils ont su montrer. Avec ceux qui ont survécu, ils s’attachent également lors de ces rencontres à avoir une pensée pour ceux qui sont morts pour la France au champ d’honneur sans oublier les camarades qui les ont quittés en cours d’année.
Nombreux sont parmi les membres de l’AASSDN ceux qui ont eu un père, une mère ou un proche à s’être jeté dans la bataille et avoir « payé le prix du sang ».
Lors de ces congrès, il n’y a pas que les anciens. Traditionnellement, des militaires d’active, représentant des unités d’élite qui sont le bras-armé de nos services sont présentes, autant de symboles de nos forces armées : 13e RDP, 1er RPIMA, 2e Hussards, le « 44 », les Forces spéciales et leurs célèbres commandos comme le CPA 10 de l’armée de l’Air et de l’Espace qui n’ont rien à envier au Navy Seals américains. Sans oublier, parmi les plus fidèles, les marins du sous-marin Casabianca qui, lors de la 2e Guerre Mondiale, s’est illustré entre Alger et la métropole en assurant des liaisons à risque et en transportant des responsables de la Résistance.
Chaque année, l’amicale rend également hommage à des hommes et à des femmes qui, par leurs actions, sont devenus des symboles de la Résistance.
Cette année une gerbe a été déposée sur la tombe de l’adjudant-chef André Fontès – en présence de son fils Christian – pour célébrer le réseau Morhange dirigé par Marcel Tallandier, en présence de sa fille Monique.
De même, la mémoire de nos « Merlinettes » a été honorée, après avoir été tirées d’un oubli qui a duré près de 70 ans… Ces Merlinettes dont le colonel Paillolle était si fier ont désormais trouvé leur place dans le jardin Eugénie-Malika Djendi dans le parc Citroën (Paris XVe) où a été édifié le monument à la mémoire de ceux qui sont morts pour la France en OPEX.
Sans l’opiniâtreté de Jean-Georges Jallot-Combelas, neveu d’une de ces Merlinettes, elles seraient restées méconnues.
Comment expliquer que de si belles pages de notre histoire commune soient inconnues de nos compatriotes ? Certains vont tenter à Bon-Encontre de trouver des éléments de réponse à cette question. Un pays qui ne sait pas d’où il vient ne saura jamais où il va.
Le combat mémoriel que livre l’AASSDN se poursuit depuis mai 1954. Si elle reste une association patriotique des plus emblématiques, l’AASSDN reste toujours discrète mais bien présente pour défendre la mémoire des hommes et des femmes de l’ombre qui ont combattu pour la France.
Comme l’a rappelé le général Mermet dans l’entretien qu’il a accordé à Christophe Cornevin du Figaro, rappelant le sens du combat mémoriel que livre l’amicale : « Notre mission est de faire œuvre de vérité et de tirer de l’oubli des personnages de l’ombre au parcours extraordinaire » avant de faire sienne cette maxime de Bossuet : « Le plus grand outrage que l’on puisse faire à la Vérité est de la connaître et en même temps de l’abandonner ou de l’oublier » Une citation reprise par un officier de gendarmerie, le colonel Paillole chef du contre-espionnage français en juin 1940 qu’il mettra en exergue de son livre « Services Spéciaux ».
Après cette évocation avec Jean-Michel Poulot, nous entendrons la voix d’une grande dame, Joséphine Baker, qui nous chantera « j’ai deux amours, la France et Paris ». Notre pays lui rendra le 30 novembre prochain l’hommage de la Nation pour son engagement au service de la France en transférant ses cendres au Panthéon. Joséphine Baker a été recrutée avant-guerre par le service de contre-espionnage du capitaine Paillole et a effectué de nombreuses missions pendant la guerre.
Comme quoi, dans la vie, on peut avoir deux amours en n’ayant qu’une seule fidélité !
Joël-François Dumont