Milan Rastislav Štefánik

Très peu d’hommes ou de femmes réussissent à entrer dans la légende pour s’être s’identifiés avec leur pays, pour avoir réussi aux heures sombres à « faire nation ».

Pour la France, trois noms s’imposent : Louis XIV, Napoléon Bonaparte et le général de Gaulle. Pour la Grande-Bretagne, citons la reine Victoria, Georges VI, Winston Churchill et Elizabeth II. Pour la République tchèque, Venceslas 1er de Bohème, le roi Charles IV et Tomáš Masaryk. Pour la Slovaquie, un seul nom revient : celui de Štefánik, reconnu comme le père fondateur de la nation slovaque.

Milan Rastislav Štefánik voit le jour le 21 juillet 1880 à Košariská dans l’ancien royaume d’Autriche-Hongrie. Son père, Pavol Štefánik, pasteur, élève ses enfants dans la ferveur des idéaux patriotiques et slavophiles, à une époque où le sentiment national était profondément ancré dans le cœur des Slovaques, lesquels, à l’époque, ne devaient s’exprimer qu’en hongrois…

Il entame de brillantes études au lycée évangélique de Presbourg, à Sopron et à Sarvas, avant de s’inscrire à l’Université Charles de Prague où il choisit d’étudier.

Il a 18 ans quand, après des études d’études d’ingénieur du bâtiment, il s’oriente vers l’astronomie et les mathématiques. Doué d’une intelligence extraordinaire, d’une personnalité forte, il s’engage avec ferveur en politique en militant contre la « magyarisation » de la Slovaquie. Il est convaincu que la solution passe par une étroite coopération « slovaco-tchèque » pour que ces deux nations puissent accéder enfin à l’indépendance. Štefánik est sous l’influence d’un intellectuel éminent, Tomáš Masaryk, un universitaire qui définit les peuples tchèque et slovaque comme « deux particules d’une même nation ».

Doctorat en poche, Milan Štefánik s’installe en 1904 à Paris, après un bref passage à Zürich, pour y poursuivre, pendant dix ans, des études d’astronomie en devenant l’assistant du professeur Jules Janssen à l’observatoire de Meudon.

A Meudon, il publiera douze traités scientifiques et réalisera des expéditions d’observation astronomique après avoir multiplié les voyages au bout du monde. A Tahiti, en 1910, notamment, où il observera le passage de la comète de Halley.[1]

Dans une lettre manuscrite au garde des Sceaux, ministre de la Justice, datée du 11 mars 1909, Milan Rastislav Štefánik exprime le souhait d’être naturalisé Français. Il le sera le 27 juillet 1912. Štefánik deviendra l’emblème de l’histoire partagée entre nos deux pays et de l’amitié franco-slovaque.

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Timbre émis en Polynésie française pour le centenaire de la mort de Milan Rastilav Štefánik

Štefánik entreprend également des missions diplomatiques pour la France après avoir proposé de mettre en place une chaîne de stations radiotélégraphiques qui relierait toutes les colonies françaises entre elles. Štefánik s’avère être « l’homme idoine ». Le succès de cette réalisation lui vaudra la Légion d’honneur et la reconnaissance officielle.

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Plaque en l’honneur de Milan Rastislav Štefánik, rue Leclerc à Paris

Malgré quelques problèmes de santé, en 1914, Štefánik s’engage à 32 ans. Il est incorporé comme caporal et entreprend une formation de pilote à l’école d’aviation militaire de Chartres, avant de rejoindre l’escadre aérienne MF-54 dans le Pas-de-Calais. Très vite, il va se faire remarquer. Il invente les premiers bombardements aériens puis créée le service météo des Armées. Blessé en 1915, il poursuit le combat.

« Masaryk pense, Beneš le dit et Štefánik le fait »

Il forme une escadrille formée de volontaires slovaques et tchèques, qui est affectée en Serbie. Gravement malade, on le transfère d’urgence à Rome.

C’est là qu’il va retrouver son ami le général Jean César Graziani avec lequel il avait formé cette Légion de volontaires tchéco-slovaques. Štefánik oriente sa vie désormais vers l’action politique et diplomatique. Son objectif est à la fin du conflit d’accompagner le dépeçage de l’empire d’Autriche-Hongrie pour donner naissance à un État regroupant Tchèques et Slovaques pour le meilleur et pour le pire. Son objectif n’a pas varié, sa ténacité ne le quitte pas.

Dès que son état de santé le lui permet, il repart pour Paris, où il retrouve Jan Masaryk et Edvard Beneš. Le dicton qui dit : « Masaryk pense, Beneš le dit et Štefánik le fait » redevient d’actualité. Une nouvelle étape de sa vie commence. Il consacre dorénavant son activité à la création d’un État libre et indépendant pour les Tchèques et les Slovaques.

Après guerre, il est nommé à Prague ministre de la guerre. Il continuera jusqu’à sa mort aux commandes de son avion à porter son uniforme de général français avant d’être abattu par une unité de la DCA slovaque qui avait été curieusement informée de l’arrivée imminente dans le secteur d’un avion hongrois ennemi. C’est ainsi que le 4 mai 1919, Milan Ratislav Štefánik sera mortellement touché et qu’il s’écrasera avec son avion à Ivanka pri Dunajice, près de Bratislava.

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Les 3 ministres de la défense (RT, France et Slovaquie) célèbrent le centenaire du général Milan Rastislav Štefánik Photo © Ministerstvo obrany

Mort en service commandé, celui qui était resté fidèle à la France par attachement à sa patrie, la Slovaquie, deviendra le héros national slovaque et sera inhumé sur les hauteurs de Brezová pod Bradlom, suivi par une foule immense qui traversera les champs là jusqu’à sa dernière demeure où sera construit un mausolée qui domine la vallée. « C’était un cœur rare, une âme noble, un esprit extraordinaire qui s’est entièrement dévoué pour notre cause dès que les circonstances l’exigeaient. Il mérite la reconnaissance de l’humanité entière. Sa présence va nous manquer. Son souvenir va vivre dans les cœurs de nous tous » dira le maréchal Foch qui représentera la France à ses obsèques.

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« La destinée d’un peuple se compose de ceux qui visent à la gloire et de ceux qui visent à la fortune ». 

Cette formule de Louis-Antoine de Saint-Just est toujours fondée : l’homme d’une seule fidélité, Milan Štefánik, n’a pas trouvé la fortune, mais il a contribué au bonheur d’un peuple qui a enfin pu se libérer de ses chaînes pour prendre en main son destin et restera un grand symbole de la fidélité à la France.

Le colonel Joël Bros, attaché de Défense à Bratislava

Qu’il me soit permis ici de rendre un hommage au Colonel Joël Bros qui m’a fait connaître la Slovaquie et découvrir ce grand homme sur lequel je n’avais jamais rien lu en France.

Hommage franco-slovaque à la mémoire du général  Štefánik, place Štefánik à Paris - Photo © Joël-François Dumont
Hommage franco-slovaque à la mémoire du général Štefánik, place Štefánik à Paris – Photo © JFD

Dans nos archives militaires, à Paris, il n’y avait pas la moindre photo de lui lorsque Jacques Chirac a tenu à honorer sa mémoire lors de la visite de Vladimir Meciar, Premier ministre slovaque à Paris.

Honneurs militaires au général Štefánik -Photo © Joël-François Dumont
Honneurs militaires au général Štefánik – Archives © Joël-François Dumont

Un homme tant décrié à qui l’on doit d’avoir été l’un des artisans de la « révolution de velours » après avoir rendu ce héros à son peuple dont le souvenir a été confisqué pendant toute la période de la dictature communiste et à qui l’on doit d’avoir voulu renouer des liens forts avec la France.

Le GAA François Mermet s'entretient avec deux anciens du Bataillon Foch (Jean Geyssely et Raymond Vié)
Le GAA François Mermet s’entretient avec deux anciens du Bataillon Foch (Jean Geyssely et Raymond Vié)

Comment, enfin, ne pas parler d’un autre lien entre la Slovaquie et la France, pendant la Seconde Guerre Mondiale, sans évoquer la Brigade Štefánik et l’histoire du bataillon Foch qui, après la Libération de Paris, dans la trouée de Strecno attaquera à mains nues la 1ère Division de la Waffen SS.

Autant de pages magnifiques d’un grand livre écrit avec le sang et les larmes d’un peuple.

Joël-François Dumont

[1] Michal Kšiňan, L’homme qui parlait avec les étoiles : Milan Rastislav Štefánik, héros franco-slovaque de la Grande Guerre, Paris, Eur’Orbem éditions, 2019, 344 p. 

[2] Le bataillon Foch et la Résistance franco-slovaque (Diffusé le 29 août 1998 dans le Journal International de France Télévisions sur TV5