Honneur aux anciens, à Jean Billaud, l’homme à qui « De Gaulle a donné des ailes »


Honneur à un de ces « grands » anciens dont le souvenir restera gravé dans nos mémoires. Honneur à Jean Billaud… Né dans un petit village des Deux-Sèvres, à Frontenay Rohan-Rohan, Jean est très tôt orphelin d’un père mortellement blessé dans la locomotive qu’il conduisait. Engagé à 18 ans en 1940 comme élève-pilote à Rochefort, il est rapidement démobilisé. En 1942, le soir, il écoute Radio Londres et entend la voix d’un général qui a refusé la défaite et qui mobilise les Français de France et du bout du monde au micro de la BBC. Après l’invasion de la zone libre, avec un de ses camarades, André Gréard, qui deviendra un des pilotes les plus emblématiques d‘Air France, ils décident de rallier les Forces Aériennes Françaises Libres en passant par l’Espagne.

Au départ, rien ne prédestinait Jean Billaud à devenir un de ces héros qui écriront dans le ciel une des plus belles pages de notre histoire contemporaine. En 1942, il n’a que 20 ans … « Il est pourtant chargé d’âme et sa très jeune épouse attend leur second enfant, mais sa décision est prise. A l’âge de toutes les insouciances, rien ne lui semble impossible, et déjouant les patrouilles il franchit les Pyrénées avant d’être finalement capturé par la Guardia Civil espagnole. Après six mois d’internement dans le terrible camp de Miranda, il est échangé contre du blé par la Croix Rouge. Malgré de nombreuses péripéties, il rejoint enfin Londres en 1943.

Au départ, rien ne prédestinait Jean Billaud à devenir un de ces héros qui écriront dans le ciel une des plus belles pages de notre histoire contemporaine. En 1942, il n’a que 20 ans … « Il est pourtant chargé d’âme et sa très jeune épouse attend leur second enfant, mais sa décision est prise. A l’âge de toutes les insouciances, rien ne lui semble impossible, et déjouant les patrouilles il franchit les Pyrénées avant d’être finalement capturé par la Guardia Civil espagnole. Après six mois d’internement dans le terrible camp de Miranda, il est échangé contre du blé par la Croix Rouge. Malgré de nombreuses péripéties, il rejoint enfin Londres en 1943.

-
Jean Billaud, mitrailleur sur Halifax – Squadron 346 Guyenne – Photo © RAF

Il est recruté par la Royal Air Force, et c’est dans la bulle arrière d’un Halifax, comme mitrailleur de queue, qu’il va faire la guerre au sein du Bomber Command, non sans avoir subi l’entrainement si exigeant des aviateurs britanniques engagés dans la campagne aérienne stratégique contre l’Allemagne où il accomplira 28 missions de bombardement de nuit, jusqu’en avril 1945. Il survivra là où périrent la moitié des équipages engagés dans la bataille, et furent abattus plus de 12.000 bombardiers.»[1]

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est 172-1-1024x682.jpg.
Handley Page Halifax B.III du Squadron 346 « Guyenne » – Photo © Royal Air Force

Christian Paris lui a consacré un livre autobiographique : « De Gaule m’a donné des ailes ». [1] Un livre aussi émouvant que riche en anecdotes rares.

Lorsque Christian, ancien commandant de bord à Air France, nous a mis en contact avec Jean Billaud, nous avons tout de suite partagé avec Jean-Michel Poulot sa conviction acquise lors de leur première rencontre. Nous nous trouvions devant « un grand homme oublié. Deux raisons à cela : une humilité absolue, ascétique, conjuguée à un souci quasi obsessionnel de ne pas tirer la couverture de l’Histoire à lui, de ne pas faire d’ombre au petit cimetière d’Elvington [2] où reposent tant de ceux qu’il appelle affectueusement « ses camarades ». La seconde cause de ce glissement vers l’abîme de l’oubli est cette capacité des peuples à l’amnésie collective face à certains pans de l’Histoire… Les héros des périodes sombres finissent par déranger tant leur seule présence constitue le douloureux rappel de ce qui a manqué aux autres, à tous les autres… »[1]

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est 107509647_o-1024x683.jpg.
Recueillement à Elvington – Col. Morand, Jean Billaud, André Hautot et Paul Bogeart – Photo © Ian Reed

A la fin de la guerre, démobilisé il quitte le Squadron 346 « Guyenne »[4] et revient en France par ses propres moyens et découvre que les gens comme lui qui ont combattu dans la RAF ne suscitent aucun enthousiasme au ministère de l’Air ou à Air France… « Ce pays pour lequel il a combattu ne le reconnaît pas ».

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Elvington_2-1024x748.jpg.
Photo souvenir lors du départ des groupes lourds d’Elvington pour la France le 20 octobre 1945 – Photo © RAF

Il quitte alors Paris en stop pour retrouver enfin sa femme et découvrir leur fille qui a plus de 2 ans. C’est décidé, il reprend son balluchon et va poser ses valises au Maroc où « il est embauché par les Rollin, un couple ami et soutien financier du Général de Gaulle, pendant la durée de la guerre. Apprécié, Jean devient leur homme de confiance et c’est tout naturellement qu’il sera présenté au Général lorsque celui-ci viendra en compagnie de son épouse au baptême d’Yves, leur petit fils. Pendant douze jours, il sera le guide du couple de Gaulle, qui a immédiatement de la sympathie pour ce jeune homme, qui appartient à la famille des Forces Françaises libres. Les liens établis ne se distendront jamais.»[1]

« Après la guerre la vie du commandant Jean Billaud prend un nouveau tournant. Vouant une loyauté indéfectible au général Charles de Gaulle depuis son combat dans la Seconde Guerre Mondiale, il deviendra son homme d’action. Il est ainsi projeté aux quatre coins du monde pour remplir des missions délicates, en commençant par suivre les traces des pionniers de l’Aéropostale au Maroc.»[3]

-
Portrait de Jean Billaud et livre de Christian Paris – Portrait © E-S

Après dix années riches en aventures au Maroc, un évènement va changer une fois encore son destin : l’interception de l’avion du leader de l’opposition algérienne, Ahmed Ben Bella, sur ordre du gouvernement Guy Mollet. Les Français deviennent alors persona non grata au Maroc. Désormais sans emploi, Jean recontacte son supérieur de la RAF, le Capitaine André Puget, devenu chef d’état-major de l’armée de l’Air. Le général Puget réintègre Jean, mais à deux conditions : en qualité de pilote d’hélicoptère et pour servir en Algérie, où il accomplira plus de 500 missions et où il jouera un rôle-clé dans l’échec du putsch des généraux Salan, Jouhaux, Challe et Zeller. Le Général de Gaulle lui saura toujours gré de cette fidélité.

Après l’Algérie, ce sera l’Allemagne où Jean Billaud commande à Lahr le détachement d’hélicoptères des FFA, les forces d’occupation françaises. Mais « Jean s’ennuie, il n’est pas fait pour l’inaction ». Il sollicite une affectation plus « active », et ne sera pas déçu, car c’est en Asie qu’elle va le conduire. Jean va changer de vie, une fois de plus, mais pas d’horizon en devenant un homme de l’ombre chargé des missions de confiance du général. Au Laos d’abord, puis au Cambodge, jusqu’au 1er septembre 1966. « Pilote d’hélicoptère, il assure la surveillance du cessez-le-feu au Laos, où son appareil est abattu à deux reprises. Il est par la suite affecté au Cambodge, puis au Burundi et aux Comores en qualité de pilote personnel des deux chefs d’État respectifs, sans oublier l’Algérie où il contribue à déjouer le Putsch des généraux en 1961.»[3]

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est PHOTO-2019-11-14-10-45-32b2.jpg.
Dans le bureau du général : Général Michel Tognigni, Jean Billaud, Christian Paris et Marc Fosseux – © CP

Ce 1er septembre, le général de Gaulle est à Phnom Penh pour y prononcer un discours qui aura une portée planétaire. Jean, pilote de Sihanouk est à ses côtés. Le général lui dit alors : « Billaud, il faut songer à rentrer. On a besoin de vous en France ». Pour cette nouvelle mission, Jean Billaud doit démissionner de l’armée de l‘Air avant de partir en mission en Afrique où il deviendra le pilote du chef de l’État du Burundi et le représentant du SDECE, directement branché sur l’Élysée. « Il deviendra son homme d’action. Il est ainsi projeté aux quatre coins du monde pour remplir des missions délicates ».[3]

A la mort du général de Gaulle, Jean Billaud poursuivra sa tâche pendant de longues années… Après une première affectation pendant dix ans au Burundi, auprès du Président Micombero, où il vivra la première guerre interethnique « hutu-Tutsis », il est envoyé aux Comores auprès du Président Ahmed Abdallah. Jusqu’au jour où celui-ci est convié au sommet des chefs d’États d’Afrique de l’Est, le désormais célèbre « Carrefour du Développement »…

Ce sommet semble vite avoir été conçu dans un seul but : servir de prétexte au financement occulte du Parti Socialiste. Chose que Jean risquait ne pouvait pas ne pas découvrir très vite sur place, en raison de ses liens personnels au Burundi, en particulier avec le Président du pays, Jean-Baptiste Bagaza, ou encore avec le chef d’état-major des Armées. L’Élysée sentant planer la menace s’oppose fermement à la présence de Jean Billaud à cet évènement.

Effectivement, Jean à Bujumbura n’a pas mis longtemps à découvrir le pot aux roses. Il constate que le jeune ministre de la coopération, Christian Nucci, s’était vu confier « un budget très supérieur au coût prévisible de l’événement ». Le différentiel ayant manifestement vocation à alimenter les caisses du parti présidentiel… Il alerte ses chefs à Paris qui se mettent aux abonnés absents… Jean Billaud est devenu « gênant ». Il doit donc être sacrifié sur l’autel de la corruption. Il constitue une menace réelle pour le PS et pour François Mitterrand. L’Élysée met donc immédiatement son veto à sa présence et ordonne, illégalement, la rupture du contrat de Jean qui finira sa carrière de la seule façon qu’il n’aurait jamais pu imaginer : en gagnant un procès contre la France !

Pour l’Élysée, Jean Billaud est non seulement clairement « étiqueté de droite », mais pire encore de « gaulliste de toujours ». L’ambassadeur lui annonce son « licenciement avec effet immédiat ». Jean Billaud rentre en France et saisit les tribunaux qui lui rendront justice. Dans cette longue bataille, il a dû se sentir bien seul. Comme l’écrit si justement Christian Paris, « les héros des périodes sombres finissent vite par déranger… »

C’est ainsi que Jean Billaud, un homme dont les décorations gagnées sur les champs de bataille au service de la France occupent une page entière, a vu sa carrière brisée par un homme dont la seule décoration aura été la francisque du Gouvernement de Vichy…[5]

Après une vie bien remplie, Jean retourne à La Rochelle auprès des siens où il est fait citoyen d’honneur. Sans le merveilleux témoignage que nous a laissé Christian Paris avec ce livre, il serait un de ces « petit gars » comme la France a su en produire, « des hommes d’une seule fidélité » pour reprendre le mot de Christian Paris, et désigner un de ces héros anonymes qui a tout quitté pour prendre les armes et servir son pays dans l’honneur et la fidélité.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Christian-Paris_Jean-Bilmlaud_015-1024x768.jpg.
Général Michel Tognigni, Jean Billaud, Christian Paris et Annette Billaud – © Collection Christian Paris

A ceux qui souhaiteraient prolonger cet entretien avec cet homme d’exception, une personnalité attachante, on ne peut que conseiller de lire ce livre qui leur apprendra beaucoup de choses sur la grandeur et la petitesse humaine.

Le témoignage de ce grand ancien nous a touchés. A 98 ans, pour ceux qui l’ont bien connu, il était resté le même : humble et décidé. Cet homme de l’ombre a su conserver jusqu’au bout une jeunesse et l’esprit qu’il avait déjà à 20 ans. La Covid aura raison de lui. La Rochelle ne devrait pas tarder à consacrer une de ses rues à cet enfant du pays à qui l’armée de l’Air et de l’Espace a rendu les honneurs militaires.

Un grand homme, passeur de mémoire nous a quittés.

Joël-François Dumont

[1] « Jean Billaud : un héros de la Seconde Guerre Mondiale tire sa révérence » : Hommage de l’Armée de l’Air et de l’Espace (24-09-2020)

[2]« De Gaulle m’a donné des ailes… La vie extraordinaire de Jean Billaud » de Christian Paris aux éditions 7 écrit (Février 2018) [3] RAF Elvington, Mémorial des deux groupes de bombardement lourd français (Squadron 346 « 2/23 Guyenne » et Squadron 347 « 1/25 Tunisie). 2000 Hommes. La moitié sont « morts pour la France ».

[3] RAF Elvington, Mémorial des deux groupes de bombardement lourd français (Squadron 346 « 2/23 Guyenne » et Squadron 347 « 1/25 Tunisie). Effectifs : 2.000 Hommes. La moitié sont « morts pour la France ».

[4] Citation à l’ordre de l’armée aérienne du groupe de bombardement 2/23 « Guyenne » (7.641 heures de vol – 4.943 tonnes de bombes – 17 avions perdus – 85 tués) Cette citation comporte l’attribution de la Croix de guerre avec palme de bronze.

Groupe de bombardement lourd opérant de Grande-Bretagne, termine sous l’impulsion énergique de son chef, le commandant Puget, une série d’opérations entreprises au contact étroit du Bomber Command. ayant déversé du 25 octobre 1944 au 25 avril 1945, 2.540 tonnes de bombes au cours de sept cent-vingt sorties d’avions.

Plusieurs fois détenteur des trophées de la R.A.F. récompensant les meilleurs résultats obtenus en opérations; s’est notamment distingué au cours:

– des missions de harcèlement des voies de communication ennemies, aboutissant au blocage de l’offensive Von Rundstedt, de décembre 1944:

– des missions  entreprises pour le nivellement de la Ruhr.

Conservant son allant, malgré la perte de plus de 50% de son personnel navigant en onze mois d’opérations, la précision de ses tirs lui valent la haute estime du commandement tant allié que français et la reconnaissance du pays.

[5] Voir De Gaulle m’a donné des ailes (23.04.2018) in European-Security