Le Kremlin transforme l’Europe en grand méchant loup

Moscou fait semblant de vouloir la paix, mais ses désinformateurs parlent constamment de guerre. Ce n’est pas un hasard. Présenter la défense européenne comme de la «militarisation agressive» et le soutien à l’Ukraine comme du «bellicisme» est une tentative de manipulation qui vise à créer une réalité déformée.

Par EUvsDisinfo | 10 juillet 2025 —

Il y a quelques semaines, ce sont les dépenses de défense de l’OTAN qui étaient dans le collimateur des désinformateurs du Kremlin. Maintenant, c’est au tour de l’Europe d’être la cible des efforts de manipulation de Moscou, qui se cherche de nouveaux ennemis extérieurs imaginaires pour justifier sa vision revancharde et impérialiste du monde.

La Russie a déjà présenté l’Europe comme le nouveau «méchant» immédiatement après le sommet de l’OTAN à La Haye. Mais dans les semaines qui ont suivi, l’écosystème de désinformation pro-Kremlin a mis les bouchées doubles pour faire passer l’Europe, et en particulier l’Allemagne et la France, pour son ennemi numéro un. Pour être tout à fait honnête, la Russie nourrit toujours une profonde aversion pour l’OTAN, mais aujourd’hui, ce sont de plus en plus les alliés européens de l’Alliance transatlantique qui font les frais des attaques du Kremlin.

Beaucoup de propos guerriers pour un gouvernement qui aspire à la paix

Dans le cadre de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, le Kremlin se dit depuis des mois en faveur de la paix, y compris en colportant des idées impérialistes à l’occasion du sommet des BRICS au Brésil. Bien sûr, ce n’est que du vent, mais nous avons suivi de près l’étrange conception de la paix qu’a le Kremlin. Qu’il s’agisse d’imposer des conditions impossibles ou de faire diversion en évoquant les «causes profondes» du conflit, le Kremlin trouvera toujours mille et une façons de dire «Non!» à la paix, car c’est bien la guerre que veut la Russie, non la paix.

Et si l’on regarde les narratifs les plus répandus dans l’écosystème de désinformation pro-Kremlin, il devient évident que tout discours sur la paix n’est qu’un subterfuge, car s’il est bien un thème qui l’emporte sur tous les autres dans l’univers pro-Kremlin c’est la guerre.

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Le Kremlin transforme l’Europe en grand mechant loup — EUvsDiSiNFO

À titre d’exemple, la télévision et la radio d’État russes se sont répandues en spéculations sur le fait que l’Europe préparerait une attaque contre la Russie. Ces spéculations prennent de nombreuses formes, comme le fait que l’intérêt des États-Unis s’étant émoussé, l’Europe prendrait le relai en utilisant à son tour l’Ukraine comme bélier contre la Russie, ou son questionnement sur les ressources que l’Europe pourrait mobiliser contre la Russie. L’objectif est assez évident: évoquer le spectre d’un ennemi extérieur en présentant les initiatives de défense européennes comme une «militarisation agressive» et le soutien apporté par l’UE à l’Ukraine comme du «bellicisme» pour persuader les audiences que la seule voie possible est celle tracée par le Kremlin.

Le juste milieu entre peur et réassurance

Certes, prétendre que la Russie ne représente pas une menace, mais que les Européens veulent quand même la guerre, peut susciter une anxiété excessive. Les blanchisseurs de désinformation du Kremlin ont donc dû trouver un équilibre subtil entre attiser les peurs et tourner en dérision les efforts de défense européens afin de préserver l’illusion soigneusement élaborée de l’invulnérabilité de la Russie.

Aux déclarations absurdes selon lesquelles les sanctions auraient renforcé l’économie russe, s’ajoutent des messages de désinformation pro-Kremlin exprimant une inquiétude feinte quant au fait que la hausse des dépenses de défense précipiterait l’effondrement de l’OTAN, que l’Occident croulerait sous la dette, et que la cohésion sociale européenne serait menacée. Ce discours n’est rien d’autre que fanfaronnades de la part de Moscou. En réalité, l’Union européenne reste l’une des économies les plus importantes et les plus diversifiées au monde, avec un PIB combiné avoisinant les 17 000 milliards d’euros, soit environ huit fois celui de la Russie.

Un État plein d’humanité

Parmi les éléments récurrents de la propagande pacifiste et manipulatrice du Kremlin figure une stratégie bien rodée souvent formalisée dans les temniks, ces directives éditoriales diffusées auprès des médias affiliés chargés de relayer la désinformation du Kremlin. L’objectif de cette stratégie: façonner l’image d’une Russie bienveillante et humaniste qui lutte contre l’oppression et les inégalités à travers le monde. Qu’elle raconte des histoires à dormir debout sur un prétendu génocide dans le Donbass ou lutte contre le spectre de la «russophobie» qui ronge l’Europe, la Russie s’attribue toujours le rôle du preux chevalier qui vient sauver la situation.

Le dernier exemple en date du travail réalisé pour alimenter le conte de fées d’une «Russie humaniste» est un rapport sur les «droits de l’homme dans certains pays», diffusé dans l’écosystème de désinformation pro-Kremlin par le ministère russe des Affaires étrangères. L’objectif est probablement double. D’une part renforcer l’image d’une Russie profondément humaniste et entretenir le mythe propagé par les soutiens du Kremlin sur une renaissance du nazisme en Europe, un élément central de l’idéologie mise en place pour légitimer la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.

D’autre part, essayer de faire oublier le manque déplorable de libertés et la répression permanente de toute action civique menaçant le monopole du Kremlin sur le pouvoir. Il suffit d’observer le récent anéantissement de Golos, l’observatoire électoral indépendant pour constater l’humanisme dont fait réellement preuve la Russie.

Certains experts en communication pro-Kremlin sont allés jusqu’à affirmer que l’ONU avait confirmé l’accusation formulée dans le rapport. Bien entendu, l’ONU ne l’a pas fait. Cette affirmation n’est qu’un produit de l’imagination du Kremlin. Elle associe à parts illusions et tromperie manipulatrice. Ne vous laissez pas abuser.

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Également remarqué par EUvsDisinfo cette semaine :

  • Comme dans la fable de l’enfant qui criait au loup, Moscou se lamente régulièrement sur les prétendues expansion et agression imminentes de l’OTAN. Cette fois-ci, d’après le Kremlin, l’OTAN se prépare à occuper Odessa. Cette affirmation, bien sûr, ne repose sur aucun fondement réel. Elle s’appuie sur des informations diffusées par des médias pro-Kremlin faisant état de prétendus projets occidentaux visant à occuper certaines parties de l’Ukraine. Il s’agit simplement d’une tentative de manipulation ayant pour but d’inverser les responsabilités et de faire croire que les pays occidentaux aident l’Ukraine parce qu’ils ont des vues sur son territoire. Il n’en reste pas moins que c’est la Russie, et non l’OTAN ni aucun pays occidental, qui occupe des parties de l’Ukraine. En réalité, les activités de l’OTAN ont un caractère défensif. Elles visent à dissuader toute agression, non à lancer des offensives. L’objectif principal de l’Alliance est de maintenir la paix et de préserver l’indépendance, la sécurité et l’intégrité territoriale de ses membres.
  • Le Kremlin, qui se pose volontiers en défenseur des droits de l’homme en dépit de nombreuses preuves irréfutables du contraire, a affirmé à tort que la France ne garantissait pas les droits fondamentaux des musulmans. Il s’agit d’un mensonge flagrant, typique des tentatives pro-Kremlin d’exploiter les identités religieuses pour semer la discorde. La France est une république démocratique fondée sur des normes et des valeurs libérales modernes. La Constitution française garantit l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction d’origine. Les lois françaises punissent par ailleurs les crimes et les discours de haine visant toute religion, y compris l’islam et les musulmans. La France compte quelque 2 600 mosquées qui permettent aux musulmans d’exercer pleinement leur liberté de culte.
  • Tous les deux ou trois mois, le Kremlin aime dépoussiérer de vieux mensonges et recycler de la désinformation. Par exemple, la fausse information selon laquelle le marché noir regorge d’armes ukrainiennes a refait surface dans l’écosystème de désinformation pro-Kremlin. Nous avons démontré la fausseté de cette allégation manipulatrice à de nombreuses reprises: plusieurs gouvernements occidentaux ont mis en place des procédures de surveillance des transferts d’armes. Bien que certaines armes aient été signalées comme manquantes, l’existence de ce processus apporte la garantie qu’aucun détournement massif ne peut avoir lieu. Les superviseurs ukrainiens s’efforcent également d’empêcher que cela se produise, car cela nuirait à l’acheminement de l’aide.

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