La frénésie de destruction et d’autodestruction qui s’est emparée du régime poutinien à partir de 2012 est un phénomène mystérieux, même à l’aune du comportement des dictatures. Mais lorsqu’on se penche sur l’histoire russe, on s’aperçoit que ces accès de furie dévastatrice sont récurrents et semblent régis par un scénario immuable qui traverse les siècles.
par Françoise Thom — DeskRussie — 14 octobre 2023 —
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« Notre nouveau dragon, non pas venu d’ailleurs, mais de l’intérieur […] a lui-même accompli la volonté du diable en personne, […] et il a couru avec joie vers la voie large et ouverte qui conduit à la ruine. »Prince Kourbski [1]
Ivan le Terrible
Le régime de Poutine se reconnaît volontiers dans celui d’Ivan le Terrible, ce qui transparaît dans les tentatives de l’historiographie officielle russe de réhabiliter ce tsar, reprenant la voie tracée par l’historiographie stalinienne. Ivan le Terrible a été noirci à tort par les témoins étrangers, nous dit-on, alors que ses mérites sont immenses.
Ce tsar a plus que doublé le territoire de la Russie ; il a « réalisé une vraie révolution anti-féodale […], éradiqué le séparatisme féodal, préservant pour plusieurs siècles notre pays d’un démembrement, […], il a mis en place le système administratif centralisé qui convenait, créé une armée permanente », et tout cela « malgré la trahison de la vieille élite », écrit l’historien Alexandre Tiourine. « Il a pris le contrôle de la classe dirigeante, ce que doit faire tout souverain », précise un autre historien, Nikolaï Borissov. Certes, Ivan le Terrible fit régner la terreur. Mais c’était une terreur particulière, non le résultat de la folie. Loin d’avoir l’esprit dérangé, il avait des plans géopolitiques grandioses et il en a réalisé la moitié (ibid.). Bref « il a créé le modèle de gouvernement de la Russie dans lequel nous vivons encore, et formulé des objectifs qui sont toujours les nôtres », conclut Sergueï Perevezentsev, coprésident de l’Union des écrivains russes.
Et de fait, les similarités sont nombreuses. Comme Poutine, durant la première partie de son règne, le tsar donne de grandes espérances, fait des réformes, conquiert le khanat de Kazan (1552), noue des relations commerciales avec l’Angleterre dans le but d’importer des armes (1554), semble inaugurer une ère de prospérité. Mais, en décembre 1557, Ivan lance ses troupes contre la Livonie qui vient de conclure une alliance avec la Pologne-Lituanie. La guerre s’enlise et Ivan entame une série de purges dans l’armée et à la Cour. Il se défait de ses conseillers modérés. À partir de 1562, il commence à s’attaquer à des vieilles familles princières et à leurs immenses domaines. Les défaites militaires l’incitent à soupçonner ses proches de trahison. En décembre 1564, le prince Andreï Kourbski, un proche qui s’est couvert de gloire sur les champs de bataille, fait défection et passe au service de la Pologne. Or le droit au départ pour le service d’un autre prince, privilège des princes patrimoniaux, est déjà qualifié de trahison en Moscovie.
Ivan le Terrible feint de se retirer, se disant excédé par les obstacles que tous (boyards, clergé, gens des bureaux) lui opposent dans sa chasse aux traîtres et aux corrompus qui ont pillé le trésor royal et laissé le pays affaibli face à ses ennemis. Les Moscovites affolés supplient les dignitaires de ramener le tsar. Le 15 janvier 1565, en position de force, Ivan fait reconnaître aux boyards que sa volonté est la seule source du pouvoir et des lois. À son retour à Moscou, le tsar annonce la division de la Russie en deux parties inégales — l’opritchnina et la zemchtchina. Il se réserve l’opritchnina, qu’il gouvernera lui-même en autocrate. Au sens étroit, « opritchnina » désigne un domaine que s’attribue Ivan le Terrible, espace privilégié soustrait au reste du territoire de l’État, la zemchtchina. Comme Poutine plus tard, le tsar prend le contrôle des flux financiers de l’époque. Ce sont principalement les zones riches en sel de la Russie du Nord situées sur l’axe du commerce avec l’Angleterre qui sont rattachées à son domaine, car elles doivent constituer la base économique de l’opritchnina. Certaines terres occidentales lui sont aussi attribuées en priorité : nous sommes en pleine guerre de Livonie. Moscou est divisée en plusieurs secteurs, attribués à l’opritchnina ou à la zemchtchina, comme Berlin en 1945. Au fil des années, Ivan ne cesse d’élargir l’opritchnina au détriment de la zemchtchina. Tous ces redécoupages s’accompagnent de violences extrêmes et d’actes de sauvagerie.
L’opritchnina est un État dans l’État, un pouvoir parallèle créé par l’autocrate. En même temps, le territoire russe, les féodaux de l’appareil d’État et les responsables des finances sont divisés en deux parties. Il y a une Douma des boyards de l’opritchnina, une Douma des boyards de la zemchtchina. Au sens large, le terme « opritchnina » désigne le mode de gouvernement caractéristique de l’État russe entre 1565 et 1572. Il s’agit d’un nouveau modèle d’organisation de la société sous la forme d’une confrérie monastique : l’État est gouverné par une structure qui ressemble extérieurement à un ordre religieux. Le tsar crée une organisation militaire de l’opritchnina (quelques milliers d’hommes dont quelques étrangers, Allemands et Baltes), distincte de l’armée, qui forme la garde personnelle de l’autocrate, ayant vocation à être employée à la fois dans le pays et à l’étranger, le prototype de la Garde nationale créée par Poutine en 2016. L’opritchnina, c’est aussi une police politique chargée de combattre la haute trahison, notamment en faisant appel à la délation. Elle est toute puissante également dans la zemchtchina. Elle incarne la terreur, les représailles et la volonté implacable des autorités. Vêtus de noir, les opritchniki ne doivent avoir aucun contact avec le reste de la population, même avec leurs parents, sous peine de mort. Les rangs sont effacés. Le rôle de supérieur revient au tsar, à qui l’on doit aveuglément obéissance.
En créant l’opritchnina, Ivan le Terrible poursuivait trois objectifs. Il voulait avant tout porter un coup aux familles princières, aux grands boyards et aux fonctionnaires. En effet, la division de l’État en zemchtchina et opritchnina impliquait la redistribution des terres à l’intérieur du pays, car les propriétaires fonciers qui vivaient à l’origine sur le territoire de la zemchtchina, mais qui avaient été transférés pour servir dans l’armée de l’opritchnina, devaient quitter leurs terres, recevoir en retour des terres sur le territoire de l’opritchnina. Cette règle fonctionnait aussi dans l’autre sens. Nombre de nobles se voient confisquer par le tsar leur domaine sur les terres de l’opritchnina. Ivan « délocalise » les princes, en les arrachant à leurs domaines ancestraux, se créant une élite militaire totalement dépendante de lui et jouissant de l’impunité. Il a recommandé aux tribunaux : « Jugez bien de façon à ce que les nôtres ne soient pas coupables ».[2]
— Photo Sorbonne Université —
Les premières années de l’opritchnina (1565 – novembre 1567) furent une combinaison de mesures répressives et de concessions de la part du tsar. Des disgrâces, des exécutions et des meurtres sont suivis d’une pause. La seconde étape, une « gigantesque flambée de férocité » selon Kourbski, s’étend de 1568 à 1572. Le métropolite Philippe qui critiquait l’arbitraire est assassiné dans un monastère par un opritchnik. L’Église est mise au pas.
Les années 1569-1570 marquent l’apogée de la Grande Terreur. Ivan le Terrible s’attaque aux villes russes autrefois rivales de la principauté de Moscou, soupçonnées de rester orientées vers l’Europe. L’ex-opritchnik allemand Heinrich von Staden raconte : Ivan « entra à Tver et ordonna que tout soit mis à sac — les églises et les monastères ; il ordonna de tuer les prisonniers, ainsi que ceux des Russes qui étaient parents ou liés d’amitié avec des étrangers. Les jambes de tous les cadavres furent coupées à des fins d’intimidation ; puis les corps furent jetés sous la glace dans la Volga… » Mais le pire fut le sac de Novgorod, accusée de vouloir se tourner vers le roi de Pologne, et dont la population fut victime d’un massacre épouvantable. Ivan « ordonna que les moines soient torturés et beaucoup d’entre eux furent tués. Il y avait jusqu’à 300 monastères à l’intérieur et à l’extérieur de la ville, et aucun d’entre eux ne fut épargné. Puis [les opritchniki] commencèrent à piller la ville… Rien ne devait rester ni dans la ville ni dans les monastères ; tout ce que les hommes d’armes ne pouvaient pas emporter était jeté à l’eau ou brûlé. Si l’un des habitants essayait de sortir quelque chose de l’eau, il était pendu. Ensuite, tous les étrangers prisonniers furent exécutés ; la plupart d’entre eux étaient des Polonais avec leurs femmes et leurs enfants, ainsi que des Russes mariés à des étrangers. Tous les hauts immeubles furent démolis ; tout ce qui était beau fut arraché : portails, escaliers, fenêtres.»
Comme Poutine, le tsar dépense sans compter les richesses provenant des rapines de ses favoris et veut en jeter plein la vue. Il se fait construire un palais à Moscou, « comme on n’en avait jamais vu sur le territoire russe. Il coûta si cher au pays que les gens de la zemchtchina voulurent le brûler. Le Grand-Duc [Ivan] l’apprit et dit à ses gardes qu’il allumerait un brasier tel dans la zemchtchina qu’ils ne l’éteindraient pas de sitôt. Et il autorisa ses gardes à infliger au peuple de la zemchtchina toutes les avanies imaginables. Ceux-ci parcouraient le pays en bandes, se disant de l’opritchnina, ils tuaient les passants sur les routes, pillaient villes et villages, battaient les gens à mort et incendiaient les maisons. Ils saisirent beaucoup d’argent, qu’ils apportèrent à Moscou… La désolation était telle que les gens de la zemchtchina n’avaient qu’une idée, s’enfuir.»
Cependant Ivan commence à songer à faire machine arrière, à se poser en redresseur de torts en recueillant les plaintes. Il se tourne contre ses anciens favoris de l’opritchnina. Pour lui, la trahison a pénétré dans les rangs des opritchniki eux-mêmes. Les exécutions spectaculaires se succèdent.
En 1571, le Khan de Crimée Devlet-Girey marcha sur Moscou avec toute la horde. L’opritchnina, censée assurer la défense sur les rives de la rivière Oka dans la région de Kalouga, n’opposa pas de résistance, et Devlet-Girey atteignit Moscou sans encombre. Il incendia la ville, abandonnée par Ivan et ses opritchniki réfugiés à Rostov. Le tsar refusa d’admettre l’échec de sa politique et accusa une fois de plus les boyards de trahison et de conspiration avec les Tatars. Un certain nombre d’opritchniki furent exécutés. Devant ce désastre, Ivan mit fin au régime d’exception de l’opritchnina à l’automne 1572. Mais sa furie destructrice continue à s’exercer : « En tuant son fils [1581] il condamne à mort sa dynastie », écrit l’historien russe Klioutchevski. Son règne aboutira à une longue période d’anarchie, le Temps des Troubles.
Contrairement à ce qu’affirment les historiens poutiniens, Ivan le Terrible n’a pas créé un État russe centralisé mais une technologie efficace d’exploitation de la population et des richesses naturelles de la Russie, conçue pour « piller son propre peuple, son pays et ses villes », au profit de ceux qu’il appelle « les siens,» comme l’écrit Heinrich von Staden.[3] Cette politique a abouti à une catastrophe économique inouïe. Dès 1576, Staden parle d’un pays exsangue. De nombreux propriétaires terriens ont été contraints d’abandonner leurs domaines, d’où tous les paysans avaient fui. Les opritchniki ne font que piller les terres confisquées aux nobles de la zemchtchina. Les régions méridionales sont désertifiées. Jusqu’à 90 % des terres sont en friches. Dans les années 1580, la base fiscale de l’empire s’effondre. Le commerce est anéanti, la Russie centrale est dépeuplée. Alors apparaissent les premiers décrets limitant le déplacement des paysans. La Russie s’achemine vers le servage qui ne sera aboli qu’en 1861, pour être rétabli de facto sous Staline et ses successeurs. Et pourtant, la Russie « ne brisa pas le sceptre de fer entre les mains d’Ivan et pendant vingt-quatre ans elle se soumit au destructeur… », s’étonne l’historien Nikolaï Karamzine. [4]
Au total, comme le note Klioutchevski, « L’opritchnina, en éradiquant la sédition, semait l’anarchie; en protégeant le souverain, elle ébranlait les fondements mêmes de l’État. Dirigée contre une sédition imaginaire, elle préparait la sédition réelle. »
Lénine
Le rythme du développement russe était si rapide au début du XXe siècle que l’économiste français Edmond Théry prédisait dans un ouvrage paru en 1914 qu’au milieu du XXe siècle la Russie dominerait l’Europe, tant du point de vue politique que du point de vue économique et financier. La guerre brisa cet élan. Mais les dégâts qu’elle causa auraient pu être réparables si les bolcheviks ne l’avaient pas emporté en octobre 1917.
En quelques semaines, Lénine transforma le pouvoir russe en machine à détruire la richesse. Les bolcheviks abolissent la propriété privée, le profit, le marché. Pour eux, l’État prolétarien est « un système de violence organisée » contre la bourgeoisie. Lénine lance le slogan : « Piller ce qui a été pillé ». L’instauration du contrôle ouvrier sur « la production, l’achat et la vente des produits fabriqués et des matières premières » a un effet économique désastreux : les ouvriers s’octroient des salaires exorbitants, faisant exploser l’inflation ; ils lancent une campagne de terreur contre les anciens dirigeants et les techniciens, ce qui entraîne une désorganisation totale de la production.
Edmond Théry — Archives Gallica
Les comités ouvriers démantèlent les industries et vident les caisses, les soldats pillent les arsenaux et les entrepôts, les paysans se partagent les terres, détruisant ce qui restait des grandes propriétés, ils cessent de payer les impôts, d’envoyer des recrues dans l’armée et de livrer le blé. Les banques sont nationalisées, les comptes en banque confisqués, les transactions immobilières interdites, les dettes de l’État, les actions et les obligations annulées. Les terres, le commerce, toutes les branches importantes de l’industrie sont nationalisés. Des impôts punitifs sont levés sur la bourgeoisie, les Tchékas locales prennent des otages jusqu’au paiement, fusillent à tour de bras.
Au terme de cet « assaut des Gardes rouges contre le capital », comme dit Lénine — en réalité d’une gigantesque spoliation sans précédent dans l’histoire —, l’État prend le contrôle de toutes les richesses disponibles et les distribue en privilégiant les secteurs de puissance (industrie de guerre, armée, organes répressifs) et les couches sociales favorables au régime. Toutes ces mesures posent les bases du « communisme de guerre ». Dès 1918, la noblesse et la classe moyenne sont liquidées et la Russie devient un agrégat amorphe d’ouvriers et de paysans : une société atomisée de clochards faméliques. La terreur, anarchique au début, devient systématique. En juin 1918, les bolcheviks introduisent le service militaire obligatoire. L’armée va permettre d’absorber les ouvriers après la fermeture d’une grande partie des usines. Elle passe de 800 000 hommes en 1918 à 5 millions fin 1920. Toutes les ressources du pays vont à son entretien.
Le pouvoir se tourne contre la paysannerie. Ainsi le bolchevik Sverdlov, le bras droit de Lénine, déclare : « C’est seulement si nous pouvons diviser la campagne en deux camps hostiles irréconciliables, y allumer la guerre civile, que nous réussirons à y accomplir ce que nous avons accompli dans les villes ».[5] Le scénario de l’opritchnina n’est pas loin. D’où la féroce politique de réquisition des céréales. Lénine reconnaîtra plus tard que l’appareil d’État a été créé pour confisquer les récoltes aux paysans. À cause de l’inflation galopante, on passe à partir de 1919 à une économie de troc. Fin 1920, les bolcheviks projettent d’abolir la monnaie. Les paysans réduisent les terres cultivées, les récoltes s’amenuisent. Le pays commence à mourir de faim. Entre janvier 1918 et juillet 1920, près de 7 millions meurent de malnutrition et d’épidémies. Le cannibalisme se répand. De 1918 à 1920 la Russie se désurbanise. Les citadins affamés fuient les villes. Petrograd perd près des trois quarts de ses habitants. Sur 46 académiciens, 15 meurent d’inanition et 8 émigrent.
Mais la famine a son utilité aux yeux de Lénine.
Elle provoque l’apathie et détruit toute solidarité dans la population. Elle rend le parti tout-puissant puisque c’est lui qui répartit les vivres. Le rationnement est un moyen d’éduquer les masses, de contrôler la population urbaine. Les citoyens issus des « classes exploiteuses » reçoivent de 50 à 250 g de pain par jour. L’afflux au Parti est d’autant plus grand que l’adhésion assure des avantages matériels. Les potentats communistes bénéficient de privilèges inestimables en ces temps de pénurie totale : appartements, datchas, femmes, objets précieux, séjours à l’étranger, ils ne se refusent rien. Par cette hiérarchie de privilèges savamment distillés, le régime acquiert une base qui lui permettra de durer en dépit de tout.
Vladimir Lénine en 1920 — Photo Archives soviétiques —
Cependant, en 1921, Lénine panique. Partout les paysans se soulèvent et leurs armées lui semblent bien plus dangereuses que les Blancs de Koltchak et Denikine. En mars, les marins de Kronstadt, bolcheviks de la première heure, se révoltent. Le pouvoir bolchevik vacille. Lénine décide de faire machine arrière, de « faire au capitalisme une place limitée pour un temps limité ». Ce sera la NEP. On assiste à un retour partiel aux méthodes de l’économie capitaliste : liberté du commerce, ouverture aux investisseurs étrangers, dénationalisation du commerce intérieur et des petites entreprises industrielles, fin des confiscations arbitraires. Surtout, la NEP met fin aux réquisitions dans les campagnes, remplacées par un impôt en nature, puis en monnaie. Les paysans peuvent librement commercialiser leurs surplus sur les marchés locaux. Ces mesures ressusciteront la production industrielle et agricole. L’amélioration sera rapide et spectaculaire. Moscou devient un immense marché. Pas pour longtemps : bientôt Staline sonnera la fin de la récréation.
Staline
Une crise des céréales éclate en octobre 1927 : les paysans ne veulent pas vendre aux organismes d’État à des prix artificiellement bas, alors que les biens manufacturés sont exorbitants quand ils existent (ce qu’on a appelé la crise des ciseaux). Il aurait suffi d’augmenter quelque peu le prix d’achat des céréales pour résoudre la crise. Staline préfère accuser les koulaks de stocker les céréales et en tirer prétexte pour mettre fin à la NEP. Le premier plan quinquennal se met en place. L’État a besoin d’esclaves, il organise le dispositif qui asservira les paysans et remplira le Goulag. En juin 1929, le Parti annonce la « collectivisation de masse ». Celle-ci fut perçue par les paysans comme un retour au servage. En 1930, 1,8 millions de prétendus koulaks sont déportés en Sibérie. Le plus souvent ce sont les paysans les plus entreprenants. Il s’agit donc d’une destruction de l’élite paysanne.
La collectivisation provoqua la désorganisation de l’économie rurale presque partout. L’agriculture fut détruite, le transport des denrées désorganisé. L’exode rural est massif. Le cheptel diminue de 45 %. Le gouvernement s’obstine à prélever les céréales pour les vendre à l’étranger et se procurer des devises pour acheter des machines. Au début de l’année 1932, Moscou augmente encore les quotas de livraison de 32 % par rapport à 1931 (50 % de la récolte en Ukraine et dans le Caucase du Nord). Au printemps 1932, la famine commence en Ukraine. Les expéditions punitives se multiplient dans les campagnes : on réquisitionne tout. La famine fait entre 5 et 6 millions de morts en Ukraine où, à partir de 1933, la volonté d’exterminer les paysans pour détruire le nationalisme ukrainien s’ajoute aux réquisitions. Le Kazakhstan perd 42 % de sa population (1 750 000 morts). Le bilan démographique est si catastrophique que Staline fera fusiller les démographes pour dissimuler les résultats du recensement de 1937.
En lançant la collectivisation, Staline n’avait pas seulement pour but de mater la paysannerie. Il avait entamé un processus qui s’achèvera en 1938, le renouvellement radical du Parti, de bas en haut. « Je pense que nos difficultés actuelles vont tremper nos rangs bolcheviques », déclare-t-il lors du Plénum de juillet 1928. Durant toute la guerre qu’il mène contre la paysannerie, Staline va procéder à des purges successives dans le Parti, éliminant couche par couche, à tous les niveaux, ceux qui sont soupçonnés de pitié à l’égard des koulaks, tous ceux qui avaient flanché. Cette sélection assez spéciale lui permettra de constituer un Parti formé de criminels endurcis, prêts à tout pour satisfaire le Guide. La gravité de la crise qu’il organise, loin de diminuer son pouvoir, renforce sa position. Elle lui donne un moyen de chantage contre les opposants éventuels : qui sinon un traître irait provoquer une scission quand le pays est au bord de l’abîme ? Il fait de la crise un instrument de son pouvoir.
Dans l’industrie, les choses ne vont pas mieux. L’introduction du plan quinquennal donne des résultats catastrophiques : le système hypercentralisé d’administration des industries est rétabli ; les investissements ne cessent d’augmenter durant toute l’année 1930 et s’éparpillent en des milliers de chantiers qui demeurent inachevés ; les achats d’équipements à l’étranger aboutissent à un gigantesque gaspillage. Au printemps 1930, même à Moscou, la ration de pain blanc est réduite de moitié. Seuls les malades et les enfants ont droit à du lait. Les salaires réels des ouvriers baissent de moitié, voire cessent d’être versés. Face à l’inflation galopante entraînant un retour au troc, Staline donne l’ordre de fusiller les caissiers. Les difficultés financières sont un prétexte pour « intensifier la lutte de classe » et la campagne contre les « saboteurs ». Fin 1932, le régime semble au bord de l’effondrement. Staline était conscient de l’ébranlement des bases de son pouvoir après la catastrophe de la collectivisation. Pendant quelque temps, il feindra de faire machine arrière. Concessions en trompe-l’œil. Les événements des années 1933-1939 représentent un crescendo continu de la terreur : cette période est une purge presque ininterrompue.
En 1936 est adoptée la nouvelle constitution de l’URSS. Comme Staline l’explique devant ses intimes, le 7 novembre 1937, son but est de « créer un État un et indivisible », de manière à ce que si une partie se détachait de l’URSS, « elle serait incapable d’exister de manière indépendante et tomberait nécessairement sous le joug étranger »; ainsi « quiconque essaie de détruire l’unité de l’État socialiste, d’en séparer une partie ou une nation, est un ennemi, un ennemi que nous détruirons même si c’est un vieux bolchevik ». La centralisation même de l’État devient donc prétexte à la purge et à la répression. À l’été 1937, Staline estima que la population était désormais conditionnée pour une terreur de masse. Au total, de juillet 1937 à la fin 1938, il y eut près d’1,5 million de condamnations, dont plus de 700 000 exécutions.
Les conséquences des purges furent profondes et durables. Elles aboutirent au renouvellement total du Parti en instaurant une promotion des pires : les délateurs, les criminels, les médiocres, les lâches, les lèche-bottes, les charlatans firent une carrière fulgurante dans ce nouveau Parti. Staline créa donc une « élite » particulière, faite d’exécutants primitifs, de carriéristes sans scrupules, de truands disciplinés. « Comment faut-il que je règne pour maintenir les grands et les puissants en mon obéissance ? » demande Ivan le Terrible au moine Bassien Toporkov. Celui-ci répond : « Si tu veux être un autocrate, n’aie pas à tes côtés de conseillers plus sages que toi ».[6] Les dictateurs soviétiques et russes post-communistes ont suivi ce conseil à la lettre en s’entourant de yes men médiocres.
Mais la Grande Terreur eut un effet plus néfaste encore. Elle détruisit le lien social, en incitant les épouses à dénoncer les maris, les enfants à renier leurs parents, les voisins et les collègues à se méfier les uns des autres. Sous la Terreur, comme pendant une épidémie de peste, tout contact pouvait être fatal : on ne savait pas si l’interlocuteur d’aujourd’hui ne serait pas l’ennemi du peuple de demain. La Terreur déstructura durablement la société, assurant à Staline un pouvoir véritablement sans limites. La Russie paie encore aujourd’hui la facture de ces années tragiques. L’historien russe N.I. Kostomarov dressait ainsi le bilan de l’opritchnina : « La fausseté …devint le dénominateur commun des Moscovites du temps. Ce vice était en germe depuis longtemps, mais il fut cultivé et développé par le règne du Terrible qui était lui-même le mensonge incarné. »[7] Les règnes de Lénine, Staline et Poutine ne firent qu’aggraver cette ivresse du mensonge dans la politique russe.
Le paradoxe de la politique décidée par Staline résidait en ce que l’excès même des mesures prises mettait en danger le régime soviétique. Le Guide commença à s’aviser que la destruction du Parti et de l’armée risquait de le priver de l’instrument de son pouvoir. Cette prise de conscience entraîna un nouveau virage de sa politique. Le 17 novembre 1938, une résolution secrète du Comité central signa la fin des purges et de la Grande Terreur. Avec son hypocrisie habituelle, Staline s’arrangea pour faire retomber sur ses subordonnés la responsabilité des crimes qu’il avait ordonnés.
Poutine
Dans tous les cas évoqués plus haut, une crise gravissime mettant en cause l’existence même de l’État est déclenchée par l’autocrate absolument sans raison réelle, soit par réflexe paranoïaque, soit, dans le cas de Lénine, sous l’effet de l’envoûtement idéologique. Ivan le Terrible soupçonne ses proches de vouloir faire défection en Lituanie et en Pologne, Staline accuse les vieux bolcheviks de s’être vendus aux services étrangers, d’être de mèche avec Trotski, le traître incarné à ses yeux, et de vouloir démembrer l’URSS. Poutine évolue dans le même univers mental.
En 2011, la Russie semblait s’orienter vers une relative prospérité depuis plus d’une décennie. Les riches surtout s’enrichissaient, mais même les pauvres avaient droit à quelques menus morceaux tombés de la table des grands. Une classe moyenne dynamique se développait dans les villes. Les prix du pétrole étaient à la hausse, l’économie avait retrouvé une croissance honorable (4,3 %). À cette date, quelque chose se casse. Poutine s’aperçoit avec stupéfaction qu’une bonne partie de l’élite russe souhaite un deuxième mandat présidentiel pour Medvedev, alors qu’il était entendu que celui-ci assurerait un intérim de quatre ans afin que Poutine puisse s’offrir un nouveau double mandat sans violer la lettre de la constitution. Derrière le souhait de nombreux dignitaires russes de garder Medvedev au Kremlin, Poutine voit un complot américain contre sa personne et une trahison de grande ampleur de l’establishment russe.
Désormais, Poutine brûle du désir de régler son compte à cette élite de félons. La campagne électorale de 2012 révèle ses nouvelles priorités. Elle annonce une augmentation du budget militaire de 60 % d’ici 2013. Poutine précise en février 2012 que 590 milliards d’euros seraient consacrés dans la décennie à venir à la restauration du complexe militaro-industriel russe. Les piliers du régime, les siloviki, à savoir les militaires, les policiers et les officiers des services de sécurité d’État, voient leur solde doubler, voire tripler pour certains, dès janvier 2012. Le budget qui leur est alloué en 2012 augmente de 33 % par rapport à 2011.
La campagne électorale du printemps 2012 est marquée par une explosion d’hystérie anti occidentale. Lors du grand meeting à Loujniki le 23 février 2012, Poutine affiche déjà cette rhétorique mêlant la paranoïa et la posture belliqueuse qui nous deviendra familière: « Ces jours-ci nous sommes les défenseurs de notre Patrie…Nous ne tolérerons pas qu’on s’ingère dans nos affaires. Nous nous défendrons pour que personne ne nous impose sa volonté. […] Nous sommes un peuple de vainqueurs. C’est dans nos gènes. […] Nous demandons à tous de ne pas regarder du côté de l’étranger, de ne pas trahir la patrie. […] Nous mourrons aux portes de Moscou, comme sont morts nos frères. […] La bataille de Moscou continue, nous vaincrons ! ».[8] Les élections présidentielles sont présentées comme un affrontement entre les « valeurs européennes », synonymes de sodomie et de décadence, et la « voie russe » victorieuse incarnée par Poutine.
Après son élection, Poutine met en œuvre une série de mesures répressives visant à éradiquer l’opposition, à détruire la classe moyenne en l’appauvrissant pour la ramener à l’état de dépendance dont elle avait l’impudence de vouloir se libérer.
Le 12 décembre 2012, il prononce sa première adresse à la nation depuis son élection à la présidence en mai. Après avoir dénoncé les agissements néfastes des « agents de l’étranger », il appelle de ses vœux l’apparition en Russie d’un business « patriotique », annonçant l’introduction d’un impôt sur les grandes fortunes et son intention de mettre fin à « l’offshorisation » de l’économie russe. En mai 2013 est adoptée une loi interdisant aux hauts fonctionnaires et à leur famille d’avoir des comptes en banque, des actions et des bons du Trésor à l’étranger. En 2013, Poutine alloue 718 milliards de dollars au réarmement des forces russes d’ici 2020, donnant pour modèle le « bond » réalisé par Staline dans les années 1930.
Le tournant de 2012 frappe déjà mortellement l’économie russe, même si on ne le voit pas tout de suite. La croissance, déjà réduite à 3,4 % en 2012, a calé en 2013 et n’a atteint que 1,4 % malgré les prix élevés du pétrole et du gaz — alors que dans sa campagne électorale Poutine avait promis un taux de croissance d’au moins 6 % par an !
Le point commun des politiques mises en œuvre par les quatre tyrans est la destruction de la richesse par la guerre, la spoliation, la confiscation et la redistribution de prébendes. Cette politique de ruine programmée est aux yeux de l’autocrate la condition indispensable à la préservation de son pouvoir absolu. Les dirigeants du Kremlin voient dans la prospérité de leurs sujets une menace directe à leur pouvoir. Au contraire, la famine, l’indigence et le besoin leur semblent le meilleur moyen de rééduquer les masses et de les maintenir asservies. Ils sont convaincus que la mort de leurs sujets au service de leur souverain est un sort enviable entre tous.
Ivan avait écrit au prince Kourbski qu’il considère comme un renégat de l’orthodoxie : « Si donc tu es juste et pieux, pourquoi n’as-tu pas souhaité souffrir de la main du maître ombrageux que je suis et mériter ainsi la couronne de la vie éternelle ? »[9] Poutine explique aux mères de soldats que sans la guerre leurs fils seraient, selon les probabilités, morts alcooliques ou dans un accident de la route, alors que ceux qui étaient tombés sur le champ de bataille en Ukraine n’avaient pas péri en vain.
Comment ramener la population à une économie de subsistance et justifier les privations ? Ivan le Terrible fut un pionnier dont les procédés semblent avoir été copiés par les bolcheviks puis par Poutine. Il suffit de monter la Russie contre l’Europe et de faire la guerre.
Les tyrans du Kremlin mettent sur le même plan la menace étrangère et le danger de subversion intérieure.
L’expansion territoriale est présentée comme la meilleure prophylaxie de la trahison et de l’hérésie, le moyen idéal de renouveler les élites en leur attribuant la gestion (entendre : le pillage) des territoires annexés. Tout en se posant comme une éternelle victime de la malfaisance étrangère, Ivan le Terrible multiplie les provocations.
Ainsi il annule les privilèges concédés à la Muscovy Company : « Jusqu’ici, le royaume moscovite s’est bien passé des marchandises anglaises et n’a pas été pauvre », écrit-il.[10] Il piétine ostensiblement les usages diplo-matiques, se montre extraordinairement grossier et mufle, insultant le roi de Suède Jean III : « Mais si toi, empruntant un museau de chien, tu veux aboyer pour t’amuser, c’est ta nature de serf… »[11] On croirait entendre le Medvedev d’aujourd’hui. Au même Jean III, Ivan avait dit : « Nous te gratifierons, selon ta soumission »:[12] toute la diplomatie poutinienne tient dans cette formule !
Jean III, roi de Suède d’après Johan Baptista van Uther — Musée national de Stockholm—
Ainsi il annule les privilèges concédés à la Muscovy Company : « Jusqu’ici, le royaume moscovite s’est bien passé des marchandises anglaises et n’a pas été pauvre », écrit-il.[10] Il piétine ostensiblement les usages diplomatiques, se montre extraordinairement grossier et mufle, insultant le roi de Suède Jean III : « Mais si toi, empruntant un museau de chien, tu veux aboyer pour t’amuser, c’est ta nature de serf… »[11] On croirait entendre le Medvedev d’aujourd’hui. Au même Jean III, Ivan avait dit : « Nous te gratifierons, selon ta soumission »:[12] toute la diplomatie poutinienne tient dans cette formule !
L’expansion de la Moscovie est représentée par Ivan comme le rétablissement de l’ordre ancien des choses.[13] La Livonie étant divisée en zones d’influence entre la Pologne, la Suède et le Danemark, Ivan le Terrible conçoit le dessein de l’unifier sous protectorat russe et il fait cette proposition à Wilhelm Fürstenberg, grand maître de l’Ordre livonien, fait prisonnier par les Russes en 1560 : « Ancien maître de Livonie ! Nous voulons vous aider et vous ramener en Livonie. Mais vous devez nous promettre et sceller cette promesse par un serment que vous vous emparerez de tout le reste [en Livonie] : Revel [Tallinn], le diocèse de Riga, la Courlande et tout ce qui appartenait auparavant à votre ordre. Après vous, le jeune maître Wilhelm Kettler régnera sur nos terres ancestrales jusqu’à la côte baltique. » Wilhelm Fürstenberg répond à Ivan : « Que je sache, la Livonie, jusqu’à la côte baltique, n’a jamais été votre terre ancestrale. » Ivan passe à l’intimidation : « N’avez-vous donc pas [vu] le feu, l’épée, la mort et le meurtre ; n’as-tu pas vu comment toi et d’autres avez été emmenés captifs de Livonie ? Alors dis-moi, qu’est-ce qui te reste à faire ? »
Après la défaite des Ottomans à Lépante en 1571, le tsar Ivan, rappela que « la foi n’est pas un obstacle à l’amitié » — tout comme Molotov assurait Ribbentrop que les divergences idéologiques n’empêchaient pas une coopération fructueuse entre l’URSS et l’Allemagne nazie. Ivan rêve d’une alliance étroite avec la Porte et veut persuader Selim II de se joindre à une coalition anti-européenne russo-turque, afin qu’ils puissent agir de concert « contre le César de Rome et le roi de Pologne, contre les rois tchèques, français et autres, et contre tous les souverains italiens ». Ainsi, Ivan le Terrible inaugurait la politique du « Sud global » chère à Poutine. Et quoi qu’il entreprenne, le tsar affirme qu’il ne fait que se défendre contre une nuée d’ennemis. Poutine nous a rendu ce refrain familier.
Nous avons vu à quel point les prétentions autarciques des tyrans moscovites, le mépris dans lequel ils tenaient la province russe, le désert institutionnel et l’arbitraire dans lequel ils ont à dessein maintenu le pays, ont entraîné des ruines à répétition de la Russie. Poutine marche dans les pas de ses prédécesseurs.
Le 24 février 2022, en lançant son « opération spéciale » contre l’Ukraine, il s’engage lui aussi dans une spirale d’autodestruction, sabordant tous les instruments d’influence et de puissance de la Russie qu’il avait forgés pendant les décennies précédentes : Gazprom qu’il rend déficitaire, l’armée russe décimée par les forces ukrainiennes, les impressionnantes ressources financières accumulées pendant les années fastes confisquées, les réseaux pro-Kremlin à l’étranger affaiblis. La politique de « substitution aux importations » s’avère un mirage. Un afflux temporaire de devises provenant des ventes d’hydrocarbures en 2022 permet encore quelque temps à l’économie russe de fonctionner tant bien que mal, comme une poule décapitée qui poursuit sa course. Mais des centaines de milliers de jeunes actifs choisissent l’exil. En 2023, l’inflation flambe, les transports se délabrent, la construction automobile retombe au niveau des années brejnéviennes, la régression technologique est patente. La rage de destruction qui s’étale en Ukraine semble émaner d’une aspiration à l’auto-anéantissement de la Russie. Ce n’est pas un hasard si Margarita Simonian, « la voix de son maître », a récemment suggéré de faire éclater une bombe atomique au-dessus de la Sibérie afin de perturber les communications électroniques des pays occidentaux.
La marche de Prigojine vers Moscou a montré la déliquescence de l’appareil d’État en Russie après 20 ans de poutinisme. Tous les siloviki choyés par Poutine furent frappés de paralysie au moment de la crise et le maître du Kremlin jugea plus prudent de s’éclipser en avion, exactement comme au moment de l’offensive contre Moscou des Tatars de Crimée, lorsque l’opritchnina et le tsar Ivan le Terrible déguerpirent sans combattre. La Russie se sort d’ordinaire de ces paroxysmes de tyrannie lorsqu’elle se rend compte qu’elle est en train de perdre les instruments de sa puissance. Alors le despote ou son successeur fait quelques concessions à son peuple exsangue, invite des étrangers pour remettre en marche l’économie et surtout les outils de l’expansion impériale. Mais comme disait Lénine : « Nous reculerons maintenant, mais c’est pour nous préparer et mieux attaquer ensuite. »[14]
Françoise Thom
[1] Cité in : Pierre Gonneau, Ivan le Terrible, Tallandier 2014, p. 363
[2] Cité in : Pierre Gonneau, op. cit, p. 262
[3] Cité in : Pierre Gonneau, op.cit., p. 261
[4] Cité in : Pierre Gonneau, op.cit., p. 13
[5] Andreï Zoubov, Istoriïa Rossii XX vek, AST 2010, p. 494
[6] Cité in : Pierre Gonneau, op.cit., p. 184
[7] Cité in : Michel Heller, Histoire de la Russie et de son empire, Plon, 1997, p. 261
[8] RBK 23 février 2012. V. Françoise Thom, Poutine ou l’obsession de la puissance, Litos, 2022, p. 83 et suiv.
[9] Cité in : Pierre Gonneau, op.cit., p. 233
[10] Cité in : Pierre Gonneau, op.cit., p. 299
[11] Cité in : Pierre Gonneau, op.cit., p. 301
[12] Cité in : Pierre Gonneau, op.cit., p. 300
[13] V. Pierre Gonneau, op.cit., p. 60 et 215
[14] F. Tchouïev, Sto sorok besed s Molotovym, Moscou, Terra, 1991, p. 200
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