Aujourd’hui à peu près tout le monde aime citer ou même se réclamer en politique du général de Gaulle. C’est de bon ton pour se donner à la fois une once de respectabilité et pour rechercher une adhésion facile. Curieusement, les plus nombreux à s’en réclamer se trouvent souvent parmi ceux qui ont succédé à ses plus farouches adversaires, au centre, à gauche, mais aussi à droite de l’échiquier politique, notamment ceux qui militent ouvertement pour une VIe République en appelant de leurs vœux le retour au « régime des partis ».
par Joël-François Dumont — Source : Archives European-Security & Défense de mars-avril 2010 —
Il y en a même qui n’hésitent pas dire qu’ils « savent ce que le général aurait fait » dans tel ou tel cas… Comme me le disait un jour son fils, l’amiral Philippe de Gaulle : « S’il est très difficile de prédire ce que le général de Gaulle aurait fait dans telle ou telle circonstance, par contre, on peut, sans se tromper, être certain de ce qu’il n’aurait pas fait ».
Sommaire
Doter la France d’institutions solides et redresser l’économie et la monnaie
De 1958 à 1969, le général de Gaulle a redressé le pays, l’a doté d’institutions solides pour qu’elles soient après lui à l’épreuve du temps. De son œuvre de rénovation nationale, on retiendra en particulier qu’il a mis un terme à la guerre d’Algérie, conclu un traité de réconciliation avec l’Allemagne, transformé son armée de gros bataillons pour créer une force de dissuasion nucléaire crédible. Il a redressé l’économie, rétabli sa monnaie et lancé des grands projets pour moderniser et réindustrialiser le pays dont il transformera l’agriculture sans oublier sa langue et sa culture, prévoyant même de prendre une part à la grande aventure spatiale. Les hommes qui l’entouraient étaient pour la plupart issus de la guerre et de la Résistance. De Gaulle a rendu leur fierté à nos concitoyens, au premier rang desquels les soldats de cette « armée » qui l’a fidèlement soutenu, fiers de partager « une certaine idée de la France ». Une France qui, en dix ans, a su renouer avec les heures glorieuses de son passé.
L’époque des bâtisseurs
Nombre de Français aimeraient aujourd’hui « changer l’image » de notre pays devenu le mauvais élève de la classe européenne, un modèle d’endettement. Beaucoup de jeunes en particulier – c’est réconfortant –, rêvent de « renouer » avec cette époque de notre histoire contemporaine, lassés qu’ils sont de vivre au jour le jour une déconstruction permanente et d’assister impuissants au rabaissement de l’image de la France dans le monde.
Entendre une voix comme celle du général de Gaulle est alors une occasion de se rappeler que cette époque n’est pas si lointaine…
Dans l’émission que la Voix du Béarn diffusée aujourd’hui, nous allons entendre de nouveau cette voix.
Le Traité de l’Élysée
Avec un premier extrait de son allocution, le 22 janvier 1963, lorsque le général s’est adressé à la Nation après avoir signé avec le Chancelier Konrad Adenauer le « Traité d’amitié et de coopération » plus connu sous le nom de « Traité de l’Élysée ».[2] Et puis un deuxième extrait, en allemand, c’est le « discours à la jeunesse allemande », prononcé le 9 septembre 1962 dans la cour du château de Ludwigsburg (Bade-Wurtemberg) devant plus de 300.000 personnes.
Ce traité scellant la réconciliation constitue « un acte fondateur » qui restera un modèle et ne l’oublions pas, une grande réussite qui honore la diplomatie française. D’où l’idée, aujourd’hui, de rendre hommage à un de nos diplomates pour qui ce traité est resté, sa vie durant, un objet de fierté, même si celui-ci a été amputé plus tard par « un préambule » imposé par Washington lors de sa ratification au Bundestag, le vidant en grande partie de sa substance. Il s’agit de Pierre Maillard.
Mon ami Michel Anfrol qui avait suivi pour l’ORTF les voyages officiels du général de Gaulle, me l’avait présenté lors d’un dîner-débat organisé au siège de l’Association des Français libres – 59, rue Vergniaud dans le 13ème à Paris. Un homme exceptionnel avec lequel il travaillait à la Fondation Charles de Gaulle. Le général avait choisi en 1959 ce jeune diplomate, agrégé d’allemand, pour en faire son conseiller diplomatique, fonctions qu’il a exercées jusqu’en 1964 avant de devenir Secrétaire général de la défense nationale (SGDN).
A l’actif de ce conseiller diplomatique, notamment, la préparation côté français de ce traité, et avoir été le « professeur » d’allemand du général en traduisant le texte de son intervention à Ludwigsburg et s’assurer de son accent.
La vision européenne du Général de Gaulle
Qui mieux que Pierre Maillard qui fut un de ses proches collaborateurs à l’Élysée, pouvait évoquer la vision européenne du général de Gaulle.
L’ambassadeur Maillard nous a quitté en 2018 – à 102 ans – je vous propose de l’écouter. Il m’avait invité en 2010 chez lui à Boulogne-Billancourt pour parler également de ce traité et de la « vision de l’Allemagne » du général de Gaulle. Des extraits de cet enregistrement avaient été diffusés dans l’excellente revue Défense [3]. Entendre sa voix est une occasion de revenir sur la vision européenne du général. Il détaille les structures de cette Europe, ses contours, mais aussi sa vocation. « Une aire de civilisation, de démocratie.» Une page d’histoire qu’avec Jean-Michel Poulot, nous souhaitions partager.
Joël-François Dumont
[1] En médaillon sur la photo, Pierre Maillard.
[2] Voir : La relation franco-allemande à l’épreuve du temps et France-Allemagne : le grand dessein » — Grand Dossier Défense (mars-avril 2010).
[3] Revue bimestrielle des Auditeurs de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale.