À quelques jours de la visite officielle du Président Macron en Tunisie, les radars des médias balayent le champ hivernal du printemps arabe qui commémore sept ans de révolution. Le pays va mal. Ce n'est pas une révélation. La situation n'est pas nouvelle, elle s'est dégradée progressivement avant d'empirer gravement.
À quelques jours de la visite officielle du Président Macron en Tunisie, les radars des médias balayent le champ hivernal du printemps arabe qui commémore sept ans de révolution. Le pays va mal. Ce n'est pas une révélation. La situation n'est pas nouvelle, elle s'est dégradée progressivement avant d'empirer gravement.[1]
Lorsqu'en novembre 2016, apprenant que conseillé par Dominique Strauss-Kahn, le Premier ministre Youssef Chahed, avait engrangé les promesses de crédits faramineux pour près de 14 milliards de dollars, l'auteur de ces lignes était dubitatif. « Car le pays est gangréné par les mafieux, maîtres des prébendes et de la contrebande. Les seconds couteaux de Ben Ali sont devenus les premières gâchettes du pays. Ils régentent les trafics illicites avec l'Algérie et la Libye, ils pillent et démolissent la fonction publique, ils sont intouchables. Les affairistes de l'ancien régime et les nouveaux commerçants islamistes font désormais bon ménage, rien ne leur résiste. L'iniquité et le marchandage se répandent dans toutes les couches de la société. L'argent douteux domine les idées et les convictions ».
Manifester est un droit constitutionnel (art 37) chèrement acquis auquel tous les Tunisiens sont attachés. Depuis sept ans, les rassemblements de protestation sont permanents. Il n'est pas de journée sans cortèges qui défilent derrière des banderoles et des mégaphones sur l'avenue Bourguiba, la principale artère de la capitale. Les marcheurs sont dix, cent, parfois bien davantage. Les causes qu'ils défendent sont diverses et variées, futiles ou graves ; qu'importe, elles sont exprimées dans un espace public de liberté unique dans tout le monde arabe. Les mots d'ordre sont relayés par les réseaux sociaux qui propagent l'indignation et alertent l'opinion sur une injustice de trop. La police accompagne habituellement et débonnairement le cortège sous l'oeil plus ou moins indifférent mais vigilant des badauds et des passants. Exutoires des colères et des indignations ces rassemblements pacifiques participent au fonctionnement de la jeune démocratie.
Les vagues de protestations qui se sont propagées dans une dizaine de villes cette semaine sont d'une toute autre nature. Elles n'ont pas eu lieu de jour comme d'habitude, mais de nuit quand « tous les chats sont gris ». Alors entre les casseurs, les protestataires et les flics, nul n'a pu reconnaitre les siens. Ces troubles sociaux violents dont les marionnettistes sont inconnues, ont permis d'encager de nombreux jeunes activistes parmi les quelque huit cents interpellés accusés de violences ou de pillages. La gauche seule force d'opposition à la coalition des conservateurs et des islamistes est la première à faire les frais de ces désordres qui interviennent trois semaines après l'appel lancé par 250 démocrates tunisiens : « Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 se sont tous dérobés devant la nécessité d’engager un combat frontal contre la corruption et les privilèges…. L’offensive réactionnaire est minée de l’intérieur, parce qu’elle est dirigée par deux hommes et deux partis. Cibler uniquement Caïd Essebsi servirait directement les islamistes ; cibler uniquement Ghannouchi servirait directement Nidaa Tounès – et le RCD (ancien parti du dictateur Ben Ali) qui se cache derrière lui…. Il faut lutter dans le cadre unitaire le plus vaste. Toutes les forces – politiques, syndicales, associatives, intellectuelles, artistiques, les mouvements de femmes et la jeunesse –, toutes les forces de la société civile doivent y participer et prendre leur part dans le combat. Les clivages du passé doivent être surmontés… » Alors, d'aucuns se demandent si la répression à grand spectacle « des casseurs » de la nuit ne permet pas d'occulter l'ampleur des manifestations qui se déroulent au grand jour.
Le 1er février prochain, Emmanuel Macron se souviendra qu'à son dernier voyage à Tunis il y a quatorze mois alors qu'il n'était que futur candidat, nul ne l'attendait et personne ne l'avait reçu à part un jeune membre du gouvernement – sans doute inspiré par l'intelligence et la bonne éducation – qui a depuis été écarté. Il est vrai qu'à l'époque, le Président Caïd Essebsi, 91 ans,[2] ne pouvait imaginer que la France se choisirait un jeunot. Et si finalement, tous les maux du pouvoir tunisien venaient de sa méfiance des jeunes ?
[1] https://hybel.blogspot.fr/2017/02/en-tunisie-tout-est-possible-meme-la.html
[2] https://hybel.blogspot.fr/2013/05/tunisie-bouguibamania-et-senilocratie.html