Un exil doré qui ressemble à une exécution

Le président Trump a nommé vendredi 22 août Sergio Gor, actuellement faisant fonction de directeur du Bureau du personnel présidentiel de la Maison Blanche, au poste « d’ambassadeur des États-Unis en Inde », ajoutant à ses fonctions celles « d’envoyé spécial pour les affaires d’Asie du sud-est et d’asie centrale ». Une nomination qui nécessite, là encore, une confirmation du Sénat, une confirmation que l’on imagine mal vu que celle de sa nomination à Maison-Blanche se fait toujours attendre… Laurence Saint-Gilles a écrit dans DeskRussie sur Sergio Gor un papier très détaillé sur le sujet,[01] Cette surprenante nomination donne à penser que Donald Trump n’a plus d’autre choix que de se séparer rapidement d’un « ami » devenu gênant à ses côtés… en « refilant la patate chaude au Sénat ».

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par Joël-François Dumont — Paris, le 1er septembre 2025 —

Depuis les révélations sur X d’Elon Musk après son départ en fanfare à la tête du DOGE à la Maison-Blanchesur, rappelant que Gor, son « pire ennemi » avait sciemment « menti pour obtenir une clearance de sécurité pour occuper les fonctions de directeur du personnel de la Maison-Blanche », demande toujours pas satsifaite. Révélations étayées par la presse, notamment par « le très conservateur New York Post, un titre du groupe Murdoch, très prisé des MAGA »,[01]. Depuis des semaines, un certain malaise rend chaque jour la position de Sergio Gor de plus en plus intenable à la Maison-Blanche.

Pour Donald Trump, Gor est devenu un « véritable boulet toxique ». Depuis de longues semaines, chaque jour, le doute s’installe davantage chez les républicains qui sont de plus en plus nombreux à trouver que ce prisme pro-russe déclaré et assumé passait mal. A cela s’ajoute le mépris affiché par Trump pour tout ce qui est légal, celui-ci estimant se situer au dessus des lois. Des républicains qui se félicitent sans lke dire ouvertement que le Sénat joue un rôle de garde-fous pour éviter des dérives que certains prédisent déjà « totalitaires ».

Scandale à la Maison-Blanche : Anguille sous roche ou serpent à plumes ?

Le malaise s’est installé pendant l’été. Les gesticulations du président au gré de ses tweets vengeurs n’arrangeant rien. Un tweet, une porte qui claque, et le zoo de la Maison-Blanche s’emballe… En chef d’orchestre du chaos, Elon Musk a lâché le mot qui tue : « serpent ». La cible ? Sergio Gor, le grand architecte du pouvoir trumpiste. l’homme aux 4000 nominations à des fonctions où le secret est la première vertu. Les média n’ont pas mis longtemps pour déterrer le pot aux roses posant la même question : le faiseur de rois est-il une taupe de Moscou ?

Une fois de plus, le vice-président JD Vance, fidèle à son rôle de Medvedev de l’Ohio, saluait « l’excellent travail » du suspect, Karoline Leavitt, perroquet de combat, s’époumonait sur les « ragots sans fondement », dans une imitation quasi parfaite de Maria Zakharova en diant : « Sergio Gor est un conseiller de confiance du président qui a joué un rôle essentiel en aidant le président Trump à doter en personnel l’administration la plus talentueuse de l’histoire. Il est triste que le New York Post se livre à des ragots sans fondement plutôt que de se concentrer sur la manière dont l’administration Trump s’attaque aux problèmes qui ont un impact sur notre pays et sur le monde ». Des dénégations fades servies par la Maison-Blanche, une fois de plus, qui aujourd’hui ne convaincent personne.

Dans les marigots du pouvoir, la règle veut que, les crocodiles ne partagent pas. Alors, quand le président ne peut digérer une couleuvre, il la maquille en anguille. Et la sert, frétillante, à des sénateurs privés de leurs dérogations depuis six mois et pire encore,, inquiets pour leur réélection.

Pour se délester d’un boulet devenu radioactif, Trump a eu l’idée du siècle : refiler le bébé au Sénat sans oublier de lui offrir l’eau du bain, bien salée, sans doute pour relever le goût de l’anguille.

1. La stratégie de « l’exil doré »

La nomination de Gor au poste d’ambassadeur en Inde, un partenaire stratégique majeur des États-Unis, ressemble à une manœuvre classique de « l’exil doré ».

  • Éloigner le problème en sauvant la face : En nommant Gor à un poste prestigieux à l’étranger, Trump l’écarte du cœur du pouvoir à Washington, la Maison-Blanche, où sa présence est devenue toxique. Cela permet à Trump de ne pas le limoger purement et simplement, ce qui aurait été perçu comme un aveu de culpabilité ou une concession à ses détracteurs comme Elon Musk. Il peut ainsi présenter le départ de Gor comme une promotion méritée pour un « loyal serviteur ».
  • Contrôle des dommages : L’affaire Gor nuit à l’image de Trump, le faisant paraître soit négligent (stupidité), soit complice d’une infiltration (complicité). En agissant, il donne l’impression de reprendre la main sur le récit, même si la solution choisie est transparente pour les observateurs avertis.

2. Le choix stratégique de l’Inde et de l’Asie Centrale

Le choix du poste n’est pas anodin et soulève d’autres questions.

  • Un poste de premier plan : L’Inde est un acteur incontournable de la stratégie américaine dans l’Indo-Pacifique, notamment pour contrer l’influence de la Chine. Nommer une personnalité controversée à ce poste pourrait être perçu comme un affront par New Delhi ou, à l’inverse, comme une tentative de placer un homme de confiance absolue dans une région clé.
  • L’envoyé spécial pour l’Asie Centrale : Cette fonction additionnelle est extrêmement sensible. L’Asie Centrale (incluant l’Ouzbékistan, son lieu de naissance) est une zone d’influence historique de la Russie. Envoyer un homme suspecté de liens avec le Kremlin pour gérer les affaires de cette région est, au mieux, une provocation, au pire, une décision dangereusement alignée avec les intérêts russes. Les détracteurs de Trump y verront la confirmation que Gor continue de servir un agenda pro-russe, mais cette fois avec une légitimité diplomatique.

3. La bataille de confirmation au Sénat

Cette nomination est loin d’être acquise. Le processus de confirmation par le Sénat sera probablement un nouveau champ de bataille politique majeur.

  • L’audition devant la Commission des Affaires étrangères : Sergio Gor devra témoigner publiquement et sous serment. Les sénateurs démocrates, et probablement quelques républicains modérés, le questionneront sans relâche sur son lieu de naissance, ses liens familiaux, les raisons pour lesquelles il a caché des informations sur son formulaire de sécurité (SF-86), et ses voyages en Russie avec le sénateur Rand Paul.
  • Le levier de la « Security Clearance » : Un ambassadeur a besoin d’un accès aux informations les plus sensibles. Le fait que sa « clearance » à la Maison-Blanche n’ait jamais été finalisée sera l’argument principal pour bloquer sa nomination. Il est presque sans précédent de confirmer un ambassadeur dont la fiabilité est si ouvertement remise en question.
  • La réaction d’Elon Musk : On peut s’attendre à ce qu’Elon Musk utilise sa plateforme X pour commenter la nomination, la qualifiant probablement de « farce » ou de « danger pour la sécurité nationale », mettant ainsi la pression sur les sénateurs républicains pour qu’ils votent contre.

En résumé, la nomination de Sergio Gor est une tentative risquée de Donald Trump de résoudre un problème politique interne. En essayant d’éloigner un « ami » devenu gênant, il pourrait en réalité amplifier le scandale en l’exposant à l’examen minutieux et public du Sénat américain, tout en soulevant de sérieuses questions sur sa politique étrangère en Asie du Sud et Centrale.

Le problème est que Gor n’est pas le seul dans l’entourage du président à représenter un risque pour la sécurité nationale pour les Etats-Unis. Il n’y a pas qu’au Congrès et rdans les services de renseignement que cette opinion est répandue. Dans les armées et dans les chancelleries européennes, ces craintes sont entièrement partagées, parfois même documentées. mais pas publiquement car les responsables s’interdisent de penser que le président puisse être complice de trahison