La semaine a été très intense et mouvementée sur la scène internationale, avec de nombreux événements importants et points de tension géopolitiques. La machine de désinformation du Kremlin a eu fort à faire pour suivre le rythme des événements: de l’escalade (et, espérons-le, la désescalade) du conflit israélo-iranien et des frappes américaines contre les installations nucléaires iraniennes, à un sommet historique de l’OTAN à La Haye, en passant par le probable renforcement de la défense et du soutien des dirigeants européens à l’Ukraine, annoncés lors de la réunion du Conseil européen.
Par EUvsDisinfo | 26 juin 2025 —
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Le Kremlin a donc fait ce qu’il fait de mieux: se rabattre sur de vieux mensonges concernant une prétendue agression occidentale et le perpétuel statut de victime de la Russie. En fait, le Kremlin a essayé de profiter de l’importante visibilité internationale de ces événements de haut niveau pour donner de la crédibilité à ses perceptions déformées du monde.
Comment osent-ils constituer leurs défenses?
Le faux discours sur une prétendue expansion de l’OTAN et une agression contre la Russie est depuis longtemps l’un des principaux éléments utilisés pour instiller un esprit d’assiégé en Russie. Le but est ainsi d’augmenter le soutien à la politique du Kremlin, notamment à sa guerre d’agression injustifiée contre l’Ukraine.
Avant le sommet de l’OTAN des 24 et 25 juin, les organes de désinformation du Kremlin ont donc une fois de plus cherché à présenter les efforts de défense des Alliés pour une agression à l’égard de la Russie. Ils ont aussi essayé de donner l’impression que le fait qu’ils augmentent leurs dépenses de défense est un signe clair que l’OTAN a des intentions agressives. Le Kremlin a également ressorti sa vieille rengaine selon laquelle l’existence même de l’OTAN constitue une menace pour la Russie. Ou encore que l’OTAN a inventé de toutes pièces le mythe de l’agression russe parce qu’elle veut contrôler l’argent des contribuables. Ou que les dépenses de défense de l’OTAN engendreront une dette insoutenable et ruineront l’Europe.
Recherche désespérée de failles
Certains commentateurs pro-Kremlin ont cherché à contrebalancer le discours catastrophiste engendré par l’augmentation sans précédent des dépenses de défense de l’OTAN par un narratif teinté d’optimisme. Ils ont donc entrepris soit de diffuser un discours trompeur selon lequel l’OTAN est divisée et que ces prétendues dissensions constituent une menace interne existentielle pour l’Alliance, soit de minimiser l’importance du seuil convenu de 5%. Au regard des résultats du sommet, il semble qu’ils prennent leurs désirs pour des réalités.

En définitive, en appliquant une politique étrangère fondamentalement impérialiste, en se livrant à des menaces, à des violences et à des agressions à l’égard de ses voisins et en lançant unilatéralement la plus grande guerre en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale, la Russie a provoqué une prophétie autoréalisatrice. Plus le gouvernement russe s’est convaincu que l’OTAN nourrissait des intentions agressives à son encontre, plus il est devenu agressif, et ses actions inexcusables ont contraint les Alliés à augmenter leurs dépenses de défense à un niveau historique. Et aucune désinformation ni manipulation de l’information favorable au Kremlin ne fera disparaître cette vérité pure et simple.
L’Europe, nouveau méchant
Étant donné que l’augmentation des dépenses de défense sera en grande partie supportée par les Alliés européens, le Kremlin n’a pas tardé à présenter l’Europe comme le nouveau méchant. Les récentes déclarations de la haute représentante et vice-présidente de l’UE, Kaja Kallas, concernant l’importance d’apporter un soutien durable à l’Ukraine ont suscité une colère particulière et ont été utilisées pour justifier le discours pro-Kremlin sur une Europe soi-disant agressive et «russophobe». Ajoutez à cela la décision du Conseil européen de s’en prendre à la «flotte fantôme» russe dans le cadre du 18e train de sanctions, et le mythe d’une Europe belliqueuse s’en trouve alimenté.
Des efforts durables pour entretenir les mythes du Kremlin
Toutefois, relayer des mensonges sur une agression occidentale n’est pas une activité ponctuelle à laquelle Moscou se livre uniquement lorsque d’importants rassemblements internationaux ont lieu. En réalité, le Kremlin réalise un travail de révisionnisme historique durable, notamment en réécrivant et en remplaçant les manuels d’histoire dans les écoles. Son but est ainsi d’endoctriner les enfants et les jeunes russes en leur inculquant le mythe d’une Russie éternelle victime et contrainte de se défendre avec noblesse. Tout cela pour glorifier le militarisme russe et justifier les guerres passées et futures.
Un peu de jalousie face aux événements de haut niveau
Enfin, peut-être pour détourner l’attention de l’isolement international de la Russie, le Kremlin a aussi essayé d’exagérer l’importance du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, vantant l’envergure soi-disant internationale de l’édition de cette année. Mais le principal enseignement à tirer de ce forum était évidemment le discours adressé par Poutine aux participants. Si le Kremlin a fait l’impasse sur le fond et a préféré louer la virilité de Poutine pour avoir prononcé «le plus long discours de l’histoire du forum», nous en avons retenu autre chose. Ce qui nous a marqués, c’est plutôt la boutade de Poutine: «Partout où un soldat russe pose le pied, cela nous appartient.» Quelle remarque étrangement impérialiste pour une nation qui ne déclenche jamais de guerre.
Ne vous laissez pas abuser.

Également remarqué par EUvsDisinfo cette semaine :
- En tant que défenseur autoproclamé de tout ce qui est respectable et moral en ce bas monde, le Kremlin est toujours prompt à tenir les fameux «Anglo-Saxons» pour responsables de tous les maux. Réel ou imaginaire, cela n’a pas d’importance pour Moscou. Le Kremlin diffuse donc de fausses allégations selon lesquelles la CIA sape les valeurs traditionnelles de la Moldavie. Il s’agit d’un cas classique de désinformation pro-Kremlin, répandue dans le contexte de la célébration d’une Marche des fiertés dans la capitale moldave. Ces accusations infondées ont pour but de susciter des opinions homophobes, et de présenter à tort les militants et sympathisants pro-LGBTIQ+ comme des pions de l’Alliance atlantique dans un jeu géopolitique. Exploiter l’homophobie est une technique de désinformation favorite du Kremlin.
- Également très fort pour prendre ses désirs pour des réalités, le Kremlin a aussi essayé d’affirmer que la Russie est soutenue par une majorité mondiale. Cette affirmation a fait suite à la déclaration de Kaja Kallas, HRVP de l’UE, selon laquelle «la Russie représente une menace à 360 degrés dans le monde». Mais la réalité est bien différente. L’Assemblée générale des Nations Unies a condamné à plusieurs reprises l’invasion russe. Seul un petit groupe d’États soutient invariablement la Russie, comme la Biélorussie, la Syrie et la Corée du Nord. On ne peut guère parler de «majorité mondiale».
- La Russie voit en chacun un reflet d’elle-même. Il n’est donc pas surprenant que le Kremlin s’inspire de son propre impérialisme pour affirmer que la France colonise la Roumanie et la prépare à entrer en guerre contre la Russie. La Roumanie est un pays souverain et, en tant que membre de l’UE et de l’OTAN, elle participe à des processus décisionnels multilatéraux qui ne lui sont pas imposés de force. Qualifier un gouvernement démocratiquement élu de marionnette est aussi une méthode couramment utilisée par le Kremlin pour remettre en question la légitimité des institutions démocratiques et la volonté de ses électeurs lorsqu’elles ne correspondent pas aux ambitions géopolitiques de la Russie.
Voir également :
- « The Kremlin’s self-fulfilling curse » — (2025-0626)
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