Rencontre de Kiev avec Zelensky le 10 mai 2025
Amiral Christian Girard

Guerre d’Ukraine : Le temps de la diplomatie ?

Sur injonction du tsar américain nouvellement réélu, l’heure semble venue de la diplomatie pendant que la guerre se poursuit en Ukraine dans l’indifférence de la plupart des opinions européennes, tant sur le front qu’à l’intérieur du pays avec le bombardement des populations civiles et celui des infrastructures industrielles. Le temps des négociations est-il vraiment venu ? La situation stratégique a-t-elle suffisamment évolué pour qu’elles puissent déboucher sur un arrêt durable des combats, si tant est qu’elles se déroulent et produisent des effets concrets comme la rencontre du 15 mai à Istamboul le laisse envisager ? Entre une incertitude complète côté américain qui contraste avec, côté russe, un projet géopolitique clair, inscrit dans la géographie et la continuité de l’Histoire, très loin d’avoir atteint ses objectifs, et côté européen, toujours la même absence d’objectif et de stratégie positive, la même volonté faible d’empêcher la Russie de l’emporter sans affirmer clairement la nécessité de sa défaite, on se demande bien où on va ! Dans ce point de situation, mi-mai, l’amiral Girard considère que pour les Russes, ce double aveu de faiblesse occidental ne leur donne qu’une envie, poursuivre cette guerre, quoi qu’il leur en coûte !

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Dépôt de gerbe par François Delattre, ambassadeur de France en Allemagne — Photo © Joël-François Dumont
Hedy Belhassine

Un matin à Ravensbrück

La grandeur de l’Allemagne fédérale est d’honorer la mémoire de celles et ceux que le Ille Reich a jadis martyrisés, dans les 44.000 camps, « sous-camps » et autres prisons spécialisées dans des wagons à bestiaux, les uns pour finir dans des chambres à gaz, les autres pour servir d’esclaves. En leur honneur, en présence d’une dizaine de survivants, de grandes commémorations ont été organisées à Ravensbrück et à Sachsenhausen pour le 80ème anniversaire de leur délivrance. Une occasion pour certains orateurs d’évoquer la guerre d’agression que la Russie livre à Ukraine et d’évoquer la menace que font peser les extrêmes comme l’AfD qui soutiennent ouvertement le Kremlin, ou les anciens communistes de RDA. A Ravensbrück, camp de concentration pour les femmes, le témoignage d’Ingelore Prochnow, née dans le camp, la plupart du temps séparée de sa mère, déportée après avoir été dénoncée pour avoir eu des relations coupables avec un Polonais a été bouleversant. A sa naissance, elle a été nourrie et prise en main par des déportées, sa mère étant de corvée. En 1995, elle apprendra qui était son père après son enterrement en Pologne sans qu’il n’ait jamais pu la serrer dans ses bras. Un rendez-vous pour l’Histoire, sans doute le dernier pour les anciens déportés.

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Françoise Thom

Toward a Putin–Trump Pact?

The Kremlin’s “dogma” is flexible. Since the end of World War II, the USSR viewed the United States as its greatest ideological adversary. Under Putin’s leader-ship, it was believed that the war in Ukraine was in fact a war between the U.S. and Russia, with Euro-peans merely acting as American vassals. With Trump, the narrative shifted. Now, Europe is accused of being “fascist,” while Russia and the US are cast as allies for “peace.” Françoise Thom offers a meticulous analysis of this new Russian doctrine, based on a document recently published by Russia’s Foreign Intelligence Service (SVR). Desk Russia has decided to publish the full translation of this publication attributed by the SVR to Mr Tcheremnykh and V. Motchalov and asked Françoise Thom to analyse it. The new honeymoon with Washington is forcing the SVR of the Russian Federation to reorient the Russian national narrative. ‘European special services are ready to do anything to achieve their criminal goal, namely to perpetuate the conflict in Ukraine between NATO member states and Russia,’ the SVR warned on its website on 24 April. In the past, we read Krokodil; today, we look at the SVR website! Perhaps Putin’s entourage has decided that the Kremlin’s propa-gandists have become so inept that even Medvedev’s outbursts no longer have any impact.

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Dessin publié par le SVR à Moscou le 16 avril 2025
Françoise Thom

Vers un pacte Poutine-Trump ?

La doxa du Kremlin est « souple ». Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS considérait les États-Unis comme son plus grand adversaire idéolo-gique. La direction poutinienne considérait même que la guerre en Ukraine était en réalité celle entre les États-Unis et la Russie et que les Européens n’étaient que des vassaux des USA. Avec Trump, la donne a changé. C’est l’Europe qui est désormais accusée d’être « fasciste », face à l’alliance des forces de la « paix » : la Russie et les États-Unis. Françoise Thom livre une analyse scrupuleuse de cette nouvelle doctrine russe, à partir d’un document récemment publié par le Service du renseignement extérieur russe, le SVR, le 16 avril dernier. Desk Russie a décidé de publier intégralement la traduction de cette publication attribuée par le SVR à M. Tcheremnykh et à V. Motchalov et demandé à Françoise Thom de l’analyser. La nouvelle lune de miel avec Washington oblige le SVR de la Fédération de Russie réorienter le récit national russe. « Les services spéciaux européens sont prêts à tout pour atteindre leur objectif criminel, à savoir pérenniser le conflit qui a lieu en Ukraine entre les Etats européens membres de l’OTAN et la Russie », a prévenu le SVR sur son site le 24 avril. Dans le temps on lisait Krokodil, aujourd’hui on regarde le site du SVR !

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Amiral Christian Girard

L’amiral Alfred Thayer Mahan, le Clausewitz américain

A l’heure où l’hyperpuissance américaine vacille, et sème le chaos dans l’économie mondiale, il peut être utile de revenir à l’inspirateur de l’impérialisme américain et au conseiller du président McKinley. l’amiral Alfred Thayer Mahan. C’est ce que fait l’amiral Girard dans l’article qui suit dont la rédaction est antérieure à la réélection de Donald Trump. Il montre que l’actuelle politique américaine a des racines lointaines et une continuité qui sont souvent méconnues, notamment pour son tropisme asiatique.

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Poutine dans le bureau ovale — Photo IA © European-Security
Françoise Thom

Russia’s Plan for the United States

« The interests of Russian oligarchs converge with those of Big Tech magnates. Putin and the major oligarchs, both Russian and American, believe themselves to be above the law. Putin’s con-tempt for the law goes so far that he calls into question the very notion of the state, precisely because a state is based on a legal framework and has borders, which he dislikes. Trumpism aims to replace the state with a Putin-style ‘vertical power structure’, in which officials are chosen for their loyalty rather than their compe-tence. The dismantling of the state is accompanied by deregulation, which benefits the big oligarchs who aspire to become masters of financial flows. This is why Kremlin strategists understood very early on what services Western libertarians could provide them,‘ writes Françoise Thom in Le Monde, adding: ’Douguin’s ideas have permeated Putin’s regime and inspired the policy of destroying the United States that has been implemented for the past 20 years. The aim is to inflict on the US the same blows that it allegedly dealt to the USSR under Gorbachev, depriving it of its allies, unilaterally disarming it, ruining its economy

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Hedy Belhassine — Photo © Joël-François Dumont
Hedy Belhassine

« Qui perd gagne » Comprendre le sentiment de revanche de Trump

À l’exception du courageux Zelensky, le De Gaulle ukrainien, tous ceux qui défilent dans le bureau ovale évitent soigneusement de contredire l’écervelé. Pire, comme menacés par un canon invisible posé sur leur tempe, les chefs d’états étrangers accourus à sa convocation le flagornent outrageusement. César, Caligula, Bokassa…les exemples de troubles cognitifs sévères des puissants à travers les âges ne manquent pas. La nouveauté c’est que ce délirium est retransmis à des milliards d’apeurés qui s’attendent à voir le ciel leur tomber sur la tête.  On est en train de Gazaifier les consciences. La psychose collective se répand. Nulle manifestation ni protestation de foule. L’inertie et la paralysie gagnent. Les têtes s’enfoncent dans les épaules de crainte d’être tranchées. Chacun goûte son moment de sursis en s’auto-persuadant qu’il échappera à la foudre. Pour tenter de comprendre le moteur de ce suicide programmé de l’Amérique qui précède celui de l’Europe, il faut être sociologue, anthropologue, et surtout psychopatho-logue clinicienne.

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Peter Navarro — Photo Robert M Golightly Jr. © White House
Quentin Dickinson

Autopsie du chaos

Lors de la présidence Trump I, les esprits éclairés se partageaient en deux camps : ceux qui pensaient, non sans raison, que Donald était plus ou moins déficient dans de trop nombreux domaines et ceux qui penchaient pour un personnage avide, sans scrupules et foncièrement méchant dont la seule motivation était « le fric ». En fait les deux camps avaient raison. Trump II nous montre chaque jour qu’il est capable d’être grossier et malhonnête intellectuellement — il ment presque avec autant d’aplomb que Poutine — mais aussi persévérant pour détruire les structures sur lesquelles s’appuie un État de droit pour mieux faciliter les magouilles en tous genre de ses milliardaires affidés. Un des premiers objectifs de Musk a été de supprimer la commission d’enquête des marchés, l’ISC, une institution financière chargé de surveiller la régularité du marché boursier, pour ne prendre qu’un exemple. Et on a vu le résultat il y a quelques jours avec une opération de délits d’initiés comme on n’en avait jamais vu.

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Wiiliam McKinley
Quentin Dickinson

Du mauvais usage de l’Histoire

Des nombreux décrets pris par le Président Donald Trump dés son accession à la présidence, il y a un qui a surpris les historiens. Un décret visant à renommer une montagne d’Alaska qui, sous Obama avait retrouvé son nom autochtone de Denali, en mont McKinley du nom de William McKinley, le modèle pour ne pas dire l’inspirateur imaginaire de Donald Trump. Si certains savent que l’ancien représentant de l’Ohio s’est fait connaître au Congrès en faisant voter en 1890 le « McKinley Tariff », des droits de douane moyens de 38 % à près de 50 %. Élu 25e président des États-Unis, chantre déclaré du protec-tionnisme, McKinley fit voter une Loi en 1897 qui allait encore beaucoup plus loin. Le résultat se solda par un désastre économique qui devait entraîner une déroute historique des Républicains aux élections de 1890 ! McKinley avait également lorgné sur le Canada, pendant en faire le 51e État : résultat, le Canada s’est rapproché de la Grande-Bretagne ! Quentin Dickinson revient sur un personnage qui était sur le plan personnel tout le contraire de Donald Trump !

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Poutine dans le bureau ovale — Photo IA © European-Security
Françoise Thom

Le projet russe pour les États-Unis

« Les intérêts des oligarques russes convergent avec ceux des magnats de la Big Tech. Poutine et les grands oligarques, russes et américains, se croient au-dessus des lois. Le mépris du droit va si loin chez Poutine qu’il en vient à mettre en cause la notion d’État, justement parce qu’un État repose sur une charpente juridique et qu’il a des frontières, ce qui lui déplaît. Le trumpisme vise à remplacer l’État par une « verticale de pouvoir » à la Poutine, dans laquelle servent des fonctionnaires choisis pour leur loyauté et non pour leur compétence. Le démantèlement de l’État s’accompagne d’une dérégulation dont profitent les grands oligarques ambi-tionnant de se rendre maîtres des flux financiers. C’est pourquoi les stratèges du Kremlin ont très tôt compris quels services pouvaient leur rendre les libertariens occid-entaux … Les thèses douguiniennes ont percolé dans le régime poutinien, et ont inspiré la politique de destruction des États-Unis mise en œuvre depuis 20 ans… Tout ce qu’est en train de réaliser l’adminis-tration Trump.»

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