La « paix » russo-américaine : Grand marché et vassalisation de l’Europe

La « paix » russo-américaine n’est pas un traité de réconciliation, mais le cynique manifeste d’un grand marché scellé au détriment de l’Europe. Un diktat bilatéral, conçu pour imposer à l’OTAN et à l’UE une vassalisation stratégique. Concessions territoriales massives, amnistie totale pour les crimes de guerre, et neutralisation militaire de Kyïv : le document est une capitulation institu-tionnalisée. Et si ce séisme géopolitique n’était que l’écran de fumée d’une urgence bien plus personnelle à Washington ? Le Président Trump, pressenti pour être l’architecte de cet accord, est plus que jamais ciblé par des menaces judiciaires et politiques internes. L’ombre de l’affaire Jeffrey Epstein, avec ses ramifications abyssales, plane sur son avenir et exige une diversion médiatique sans précédent. Trump ne s’est jamais embarassé de principes. Entre l’intérêt national et sa survie politique, le choix a été vite fait. Fidèle à lui-même, Trump est capable de toutes les extrémités, y compris d’imposer un accord qui confine à la trahison stratégique des alliés européens. Le monde est-il devenu l’otage d’un « cirque calculé », où la grande puissance utilise t-elle la paix comme couverture pour une fuite en avant personnelle ?

« La Russie n’est forte que de nos faiblesses » (Françoise Thom)

L’Europe a la capacité de s’opposer à la Russie, mais en a t’elle la volonté ? That is the question.

par Eric H. Bias (Genève) et Joël-François Dumont (Paris) — Le 22 novembre 2025 —

Sommaire

I. Introduction : Le grand marché aux dépens de l’Europe

A. La portée de la crise :

L’émergence d’une proposition de paix présumée en 28 points pour l’Ukraine, rédigée conjointement par l’envoyé spécial américain Steve Witkoff et l’envoyé spécial russe Kirill Dmitriev en octobre 2025,[01][02] ne constitue pas le fondement d’un traité multilatéral négocié, mais bien l’imposition d’un diktat bilatéral. Ce document signale une réorientation fondamentale de la politique étrangère américaine, passant d’un soutien à la victoire ukrainienne à la gestion d’un règlement conçu pour réaligner les équilibres mondiaux de puissance.

Le plan menace de miner de manière irréversible le principe de la souveraineté des États et l’architecture de sécurité européenne établie après 1991. C’est la prémisse d’un mécanisme de « vassalisation » de l’Europe, où les intérêts américains sont réconciliés avec les objectifs stratégiques russes. Le fait que Kyiv et, de manière plus flagrante, les alliés européens aient été délibérément mis à l’écart du processus de rédaction [01][03] confirme l’intention des États-Unis d’imposer une solution de haut en bas, reléguant les préoccupations sécuritaires européennes au second plan par rapport à la gestion bilatérale de la grande puissance entre Washington et Moscou.

B. Cadre méthodologique : Compétition des grandes puissances et déclin géré

L’analyse de ce plan procède par la validation des hypothèses maximalistes avancées, en les confrontant aux clauses factuelles du document et au contexte géopolitique global. Une attention particulière est portée aux mécanismes par lesquels la proposition :

  • 1) Structure l’imposition des exigences territoriales et légales russes (l’impunité) ;
  • 2) Crée un condominium stratégique russo-américain sur l’Europe et les futures ressources mondiales (vassalisation et exploitation économique) ;
  • 3) Exploite les contraintes temporelles et les dynamiques politiques internes américaines (urgence et diversion).

Ce plan est structuralement conçu pour favoriser les objectifs stratégiques russes en contournant les mécanismes de consensus européens et de l’OTAN. La coopération à long terme proposée entre les États-Unis et la Russie dans des secteurs vitaux tels que l’énergie, l’exploitation minière et l’intelligence artificielle révèle que l’approche américaine n’est pas celle de la défense des alliés démocratiques,[04] mais celle d’une lentille bilatérale de grande puissance. Washington donne la priorité aux intérêts stratégiques partagés (notamment en IA et minéraux critiques) sur les préoccupations sécuritaires de ses partenaires européens. Ceci constitue la matérialisation d’un grand marché international réalisé au détriment des parties tierces, principalement l’Union Européenne.

II. Le plan de capitulation : Dissection de la proposition en 28 points

A. L’architecture de la concession : Quatre piliers d’instabilité

Les catégories du plan—paix en Ukraine, garanties de sécurité, sécurité en Europe et futures relations américaines avec la Russie et l’Ukraine [01] —servent de camouflage diplomatique à des concessions stratégiques irréversibles.

Sur le plan territorial, la Russie obtiendrait le contrôle total des zones de Louhansk et de Donetsk (Donbass).[01] Un point particulièrement critique est la reconnaissance par les États-Unis de la Crimée et du Donbass comme territoires légalement russes, même si l’Ukraine n’était pas obligée de le faire immédiatement.[01] Cette reconnaissance offre à la Russie une légitimité internationale essentielle pour ses annexions illégales. En outre, le gel proposé des lignes de défense actuelles dans les régions de Kherson et de Zaporijia [01] garantit à la Russie le maintien d’un pont terrestre substantiel et l’accès à des ressources stratégiques, institutionnalisant ainsi le maximum des gains militaires actuels du conflit.

B. Désarmement stratégique et effondrement de la dissuasion

Le plan exige l’éviction militaire de l’Ukraine. Kyiv devrait réduire drastiquement son armée, potentiellement à 400.000 personnes, et renoncer à tous ses systèmes d’armes à longue portée.1

L’Institute for the Study of War (ISW) a analysé que ce plan priverait l’Ukraine de « positions défensives et de capacités essentielles nécessaires pour se défendre contre une future agression ».[01] Cette exigence satisfait l’objectif maximaliste de la Russie : la neutralisation durable de l’Ukraine en tant que menace militaire viable, quelles que soient les garanties de sécurité formelles qui pourraient être accordées par ailleurs.

L’apparente offre de démilitarisation du Donbass,[01] où la Russie ne pourrait pas positionner de troupes, n’est qu’un gage diplomatique. Le contrôle réel sur ce territoire est assuré par l’amnistie garantie [05][06] pour les acteurs de l’intelligence russe et les collaborateurs locaux. En sécurisant le territoire tout en empêchant Kyiv d’y projeter sa force (absence d’armes à longue portée), la Russie établit une zone de contrôle indirect mais efficace, gérée par les réseaux du FSB et les oligarques affiliés, sans avoir besoin d’une présence militaire officielle visible.

La proposition confirme explicitement la thèse de l’impunité. La clause 26 stipule que « toutes les parties impliquées dans ce conflit recevront une amnistie complète pour leurs actions pendant la guerre et accepteront de ne faire aucune réclamation ou de ne considérer aucune plainte à l’avenir ».[04][05][06]

Cette clause constitue une subversion directe de la justice internationale. Elle accorde une immunité générale au leadership politique et militaire russe, neutralisant de fait toutes les enquêtes internationales pour crimes de guerre (CPI, CIJ). En faisant de cet accord une entente légalement contraignante, dont la mise en œuvre serait surveillée par un Conseil de la Paix dirigé par le Président Donald J. Trump,[05][06] les États-Unis utiliseraient activement leur levier diplomatique pour protéger des criminels de guerre présumés. Cette disposition confirme la nature du plan comme un « manifeste d’impunité totale ».

D. Mécanismes de contrôle politique et économique

L’exigence d’organiser des élections nationales ukrainiennes dans les 100 jours [01][05] est conçue pour garantir un chaos politique immédiat durant une période de faiblesse militaire maximale et de pertes territoriales considérables.

Le point mentionné concernant l’autorisation des médias russes, même s’il n’est pas détaillé dans les informations disponibles, s’aligne parfaitement sur les objectifs stratégiques du plan. Une telle clause est un instrument classique de la guerre cognitive [07] visant à institutionnaliser le contrôle politique à long terme. Elle assurerait la domination de l’information russe, ouvrant ainsi la voie aux figures politiques alignées sur la Russie (oligarchie et affiliés du FSB) pour prendre le pouvoir après les élections.

De plus, l’absence de responsabilité légale garantie par la clause d’amnistie [05][06] De plus, l’absence de responsabilité légale garantie par la clause d’amnistie [05][06] protège les réseaux de corruption et les oligarques en place. Ceci rend tout financement futur pour la reconstruction, qui serait principalement européen, extrêmement vulnérable à la capture systémique. Ce défaut structurel d’imputabilité garantit que les fonds européens ne pourront pas soutenir une véritable construction d’État démocratique, mais seront plutôt détournés, validant ainsi l’hypothèse d’une exploitation économique.

De plus, l’absence de responsabilité légale garantie par la clause d’amnistie [05][06] De plus, l’absence de responsabilité légale garantie par la clause d’amnistie [05][06] protège les réseaux de corruption et les oligarques en place. Ceci rend tout financement futur pour la reconstruction, qui serait principalement européen, extrêmement vulnérable à la capture systémique. Ce défaut structurel d’imputabilité garantit que les fonds européens ne pourront pas soutenir une véritable construction d’État démocratique, mais seront plutôt détournés, validant ainsi l’hypothèse d’une exploitation économique.

De plus, l’absence de responsabilité légale garantie par la clause d’amnistie [05][06] protège les réseaux de corruption et les oligarques en place. Ceci rend tout financement futur pour la reconstruction, qui serait principalement européen, extrêmement vulnérable à la capture systémique. Ce défaut structurel d’imputabilité garantit que les fonds européens ne pourront pas soutenir une véritable construction d’État démocratique, mais seront plutôt détournés, validant ainsi l’hypothèse d’une exploitation économique.

protège les réseaux de corruption et les oligarques en place. Ceci rend tout financement futur pour la reconstruction, qui serait principalement européen, extrêmement vulnérable à la capture systémique. Ce défaut structurel d’imputabilité garantit que les fonds européens ne pourront pas soutenir une véritable construction d’État démocratique, mais seront plutôt détournés, validant ainsi l’hypothèse d’une exploitation économique.

protège les réseaux de corruption et les oligarques en place. Ceci rend tout financement futur pour la reconstruction, qui serait principalement européen, extrêmement vulnérable à la capture systémique. Ce défaut structurel d’imputabilité garantit que les fonds européens ne pourront pas soutenir une véritable construction d’État démocratique, mais seront plutôt détournés, validant ainsi l’hypothèse d’une exploitation économique.

Tableau : Dispositions-clés du cadre de paix russo-américain proposé (Les 28 Points)

CatégorieDisposition Spécifique (Confirmée par les sources)Conséquence GéopolitiqueSource(s)
Cession territorialeLa Russie obtient le contrôle total de Louhansk/Donetsk ; les lignes sont gelées à Kherson/Zaporijia.Formalisation permanente de l’agression et de l’expansion territoriale russes.[01]
Responsabilité et justiceAmnistie complète pour toutes les parties impliquées dans le conflit.Impunité totale pour les crimes de guerre présumés ; annulation des futures poursuites légales.[05][06]
Souveraineté ukrainienneL’Ukraine réduit son armée à 400 000 personnes ; renonce à toutes les armes à longue portée.Faiblesse militaire institutionnalisée ; incapacité à dissuader une future agression.[01]
Alignement États-Unis-RussieCoopération à long terme dans l’énergie, l’exploitation minière et l’IA.Création d’un nouvel axe économique stratégique contournant les intérêts européens.[04]
SurveillanceL’accord est surveillé par un Conseil de la Paix dirigé par le Président Trump.Personnalisation de l’application géopolitique ; limite la responsabilité multilatérale.[05][06]

III. La thèse de la vassalisation européenne et de l’hégémonie russo-américaine

A. L’exclusion comme instrument politique : Résister au diktat

L’opposition européenne au plan a été immédiate et ferme, avec la France et des responsables de l’Union Européenne rejetant l’idée d’une « capitulation » [03] et soulignant l’absence de concessions parallèles de la part de Moscou. Cette réaction témoigne de la nature inacceptable des demandes.

La pression géopolitique exercée par Washington, qui a clairement insisté auprès de Kyiv pour qu’il « doive accepter le cadre » élaboré, 12 met en lumière la nature transactionnelle de la diplomatie américaine. Elle donne la priorité à un règlement rapide, même s’il est imposé, sur l’unité des alliés et les principes de sécurité. Cette démarche confirme le sentiment que les États-Unis traitent les questions de sécurité européenne comme des monnaies d’échange.

B. Le contournement géopolitique : Subordonner l’OTAN et l’Europe

Le plan exige la tenue d’un dialogue entre la Russie et l’OTAN, arbitré par les États-Unis, pour résoudre toutes les questions de sécurité.[05] Cette clause n’est pas un appel à la coopération, mais une tentative de formaliser un condominium stratégique russo-américain.

En institutionnalisant ce mécanisme bilatéral, les États-Unis se positionnent comme le gestionnaire exclusif de la principale menace sécuritaire pour l’Europe, subordonnant l’architecture de sécurité indépendante de l’OTAN—et donc de l’Europe—à ce dialogue de grandes puissances. Il s’agit d’une institutionnalisation structurelle de la vassalisation, car la sécurité européenne n’est plus un projet collectif mais un produit de la gestion bilatérale entre Moscou et Washington.

En formalisant une coopération à long terme dans les secteurs de la future puissance mondiale (IA, minéraux critiques, énergie),[04][08][09] les États-Unis et la Russie établissent également un alignement économique stratégique. Cet alignement est en concurrence inhérente avec les propres ambitions technologiques et de transition verte de l’Union Européenne. Ce pivot transactionnel renforce la thèse de la vassalisation en démontrant que les États-Unis privilégient des objectifs économiques de haut niveau partagés avec la Russie, plutôt que le cadre institutionnel collectif de l’alliance transatlantique.

C. La dimension géo-économique : L’Ukraine comme « RDA 2.0 »

La comparaison de l’Ukraine à l’ancienne République Démocratique Allemande—une « pompe à technologies et financements européens » contrôlée par la Russie—est étayée par les mécanismes structurels du plan.

Les mécanismes de capture sont triples :

  1. Afflux de capitaux garanti : La reconstruction ukrainienne nécessitera un financement massif, principalement assuré par l’Europe.[10][11]
  2. Manque de responsabilité rtructurel : La disposition d’amnistie [05] garantit que les oligarques alignés sur la Russie et les réseaux du FSB incrustés sur le territoire restent légalement intouchables et en position de pouvoir.
  3. Accès technologique : La coopération américano-russe proposée dans l’IA, l’énergie et l’exploitation minière [04] crée un axe économique stratégique parallèle. Ce dernier pourrait faciliter le transfert de technologies à double usage (la « pompe à technologie ») vers la Russie, en contournant les régimes de sanctions européens.

En exploitant les tensions existantes entre une politique étrangère européenne unifiée et le désir national de stabilité, le plan s’immisce dans les fissures du continent, jouant sur l’idée que le retour de la guerre remet en question la « valeur du projet européen ».[10][11] En présentant une fin rapide, bien que cynique, au conflit, les États-Unis et la Russie encouragent l’érosion de la résolution et de l’autonomie stratégique européennes. Le plan structure donc l’Ukraine pour qu’elle reçoive des fonds européens, tandis que son architecture politique et sécuritaire garantit que la Russie conserve un contrôle économique indirect et effectif.

IV. La contrainte remporelle : Urgence russe et durabilité politique de Trump

A. Le calcul russe : Exploiter la fenêtre d’opportunité éphémère

La stratégie du Kremlin est fortement dictée par l’impératif stratégique de consolider des gains maximaux rapidement. L’objectif est d’agir avant que l’augmentation de la production de défense européenne et l’amélioration de la préparation au combat ne rendent une future agression russe trop coûteuse.[07]

La Russie cherche à maximiser son levier en imposant cet accord durant une période où l’Ukraine est confrontée à une vulnérabilité politique maximale (le scandale autour de Zelenskyy et des allégations de corruption) et à des revers militaires (la chute tactique imminente de Pokrovsk).[02][12]

La stratégie russe, renforcée par l’agressivité du calendrier du plan, repose sur la manipulation de la prise de décision occidentale.[07]En définissant le moment actuel comme un choix forcé entre une « paix » immédiate (la capitulation) et une « lente perte sur le champ de bataille »,[13] Moscou élimine efficacement l’option d’une défense réussie à long terme, rendant le diktat proposé inéluctable aux yeux des décideurs occidentaux.

B. La prime à l’instabilité : L’Incertitude politique américaine

Malgré la volatilité des relations américano-russes sous l’administration Trump (marquée par l’annulation de sommets et une diplomatie erratique),[14][15] le Président Poutine perçoit cette instabilité comme une opportunité unique. Moscou sait qu’une implication américaine est indispensable pour atteindre ses objectifs politiques primordiaux (la reconnaissance territoriale et l’amnistie légale).[12]

L’urgence d’un accord est amplifiée par le sentiment que la durabilité politique de Trump est incertaine, soulignée par des divisions internes (la fracture au sein du groupe MAGA).[16][17] La Russie doit donc s’assurer rapidement des concessions irréversibles et juridiquement contraignantes (territoire, amnistie, désarmement),[06] transformant une politique américaine transitoire en une réalité géopolitique permanente avant un éventuel revirement politique aux États-Unis.

L’instabilité du paysage politique américain, y compris la fracture rapportée au sein de la coalition MAGA [17] et la volatilité de l’environnement politique général,[16] est un facteur intégré au calcul du Kremlin. Cette instabilité suggère que même si Trump est capable d’imposer des accords rapides et de contourner la bureaucratie, sa politique peut manquer de profondeur institutionnelle. Moscou est ainsi contrainte d’exiger des garanties qui sont soit physiques (territoire) soit légales (amnistie), plutôt que de se fier à de futures promesses politiques.

Tableau : Facteurs moteur de l’urgence russe pour un règlement rapide en Ukraine

Facteur StratégiquePerception RussePreuve/Source
Préparation EuropéenneNécessité de verrouiller les gains avant que la production de défense de l’UE n’améliore la capacité de combat.Crainte de perdre l’initiative avant la réponse européenne.[07]
Volatilité Politique AméricaineUtiliser le moment transactionnel de fort levier avant que la politique américaine ne change.Forte volatilité des relations américano-russes ; [14][15] besoin de rapidité en raison des fractures MAGA.[17]
Contexte UkrainienExploiter les scandales politiques actuels et le désespoir sur le champ de bataille à Kyiv.Zelenskyy confronté à un scandale politique ;[02] effondrement de Pokrovsk comme gain tactique.[12]
Résultat SouhaitéAssurer l’engagement américain pour le retrait/l’amnistie (le « Graal » de l’impunité).Nécessité de l’implication américaine pour les objectifs politiques ;[12] clause d’amnistie complète.[05]

V. Géopolitique financière : L’Arabie Saoudite, les liquidités et le levier diplomatique

A. La réalité financière saoudienne et les points de pression

L’Arabie Saoudite est confrontée à son troisième déficit budgétaire consécutif en 2025 (27 milliards de dollars prévus), résultant de dépenses massives pour les projets de développement (Vision 2030) et de la coordination avec la Russie pour réduire la production pétrolière afin de soutenir les cours.[18][19] Bien que les réserves de la SAMA restent importantes (environ 104 milliards de dollars),[20][19] la succession des déficits augmente le besoin du Royaume pour un soutien américain stable et de haut niveau, ainsi que pour un financement par dette externe.[20]

Le fait que l’Arabie Saoudite et la Russie coordonnent leurs réductions de production pétrolière [18] n’est pas seulement une gestion du marché ; c’est une démonstration d’une capacité stratégique partagée à influencer les prix des matières premières mondiales. Cette coordination génère les recettes nécessaires aux deux nations pour soutenir leurs entreprises géopolitiques coûteuses (la guerre pour la Russie, Vision 2030 pour l’Arabie Saoudite). Cette symbiose financière anti-occidentale soutient indirectement le dialogue américano-russe actuel.

B. L’échange stratégique : Le nexus Trump-saoudien

La connexion entre l’administration Trump et le Royaume est cimentée par des liens personnels et financiers considérables, notamment l’investissement de 2 milliards de dollars du Fonds d’Investissement Public (PIF) dans l’entreprise de Jared Kushner et les accords commerciaux en cours.[13]

Sur le plan stratégique, la désignation formelle de Riyad comme « Allié Majeur Non-OTAN » [21] et la signature de cadres de coopération stratégique dans les marchés de capitaux, les minéraux critiques et l’IA [08][09] signalent un réalignement géopolitique profond. Ces accords répondent aux besoins saoudiens en matière de sécurité et de technologie tout en faisant progresser les « priorités de l’Amérique d’abord ».[08]

L’accord du Département du Trésor américain, visant explicitement à exploiter ce partenariat pour faire avancer les « priorités de l’Amérique d’abord » [08] et l’accent mis sur les chaînes d’approvisionnement critiques,[09] signifient un pivot américain délibéré, s’éloignant de la dépendance exclusive aux alliés européens établis. Cette démarche affaiblit structurellement la relation de sécurité transatlantique, rendant plus facile pour l’administration américaine de rejeter l’opposition européenne au plan ukrainien.

C. Le rôle du capital saoudien dans le levier diplomatique

L’« union des forces » entre l’Arabie Saoudite et Trump peut être exploitée pour garantir des contributions saoudiennes substantielles aux fonds internationaux de stabilisation et de reconstruction (par exemple, pour Gaza et potentiellement l’Ukraine).[09]

Ceci fournit à l’administration Trump une source de financement essentielle, non européenne et non soumise à la validation du Congrès, pour finaliser des accords à enjeux élevés.

L’alignement financier et stratégique assure un échange de faveurs géopolitiques (pactes de sécurité américains pour l’Arabie Saoudite) contre un alignement politique et des ressources financières (soutien/capital saoudien pour les initiatives de politique étrangère menées par Trump). Cela fait des Saoudiens une force intégrale, bien que subtile, dans la finalisation potentielle du règlement ukrainien.

VI. L’hypothèse de la diversion : L’ombre d’Epstein sur la politique étrangère

A. La logique de la diversion stratégique

La recherche dans le domaine de la communication politique valide l’idée que la couverture médiatique dommageable (telle que les révélations de 2025 sur le dossier Epstein) est associée à des schémas de communication novateurs conçus pour détourner stratégiquement l’attention. Ce comportement est cohérent avec la création d’un « cirque » politique visant à saper la responsabilité démocratique.[22]

L’objectif de cette stratégie n’est pas nécessairement d’éteindre le scandale, mais de garantir que la couverture médiatique soit constamment redirigée vers des sujets frais et à enjeux élevés. Cela empêche l’examen approfondi d’enquêtes complexes, notamment celles qui touchent à la légalité ou aux finances.

B. Le cirque calculé et la définition de l’agenda

La proposition en 28 points pour l’Ukraine est un instrument parfait pour la domination de l’agenda médiatique. Elle garantit une controverse politique mondiale immédiate, un véritable « tremblement de terre politique » [10][11] et une tension diplomatique européenne maximale.[03]

Cette fusion de crise diplomatique de haut niveau et de scandales personnels de faible niveau mais de haute visibilité (comme la fracture MAGA rapportée et les commentaires désobligeants) [17] assure la saturation et la polarisation médiatique. Ce déploiement simultané étouffe efficacement les enquêtes dommageables à long terme (l’« arbre qui cherche à cacher une forêt nommée Epstein »).

La crise de politique étrangère, qui met en péril la sécurité mondiale (vassalisation), est exploitée principalement à des fins d’isolation politique interne. En présentant l’accord ukrainien comme un succès (mettre fin à la guerre) tout en garantissant un tollé mondial maximal (capitulation), l’administration s’assure que les cycles médiatiques sont dominés par le spectacle du conflit international, détournant l’attention des questions centrales de responsabilité légale et éthique.[22]

La nature intrinsèquement polarisante du plan de paix garantit que la couverture médiatique dégénère rapidement en conflit partisan (Trump contre l’Europe ou les Démocrates). Cette polarisation rend extrêmement difficile pour les médias de maintenir une surveillance investigationnelle ciblée et soutenue sur des questions de fond complexes, telles que les dossiers Epstein ou les conflits d’intérêts financiers du gouvernement.[13] Ceci confirme l’efficacité de la diversion stratégique dans une démocratie fracturée.[22]

VII. Conclusions et impératifs stratégiques pour la résilience européenne

A. Synthèse : L’institutionnalisation des sphères d’influence

La proposition de paix en 28 points n’est pas une initiative de maintien de la paix multilatérale ; c’est un instrument de déclin géopolitique géré. Il est conçu pour formaliser les gains territoriaux russes, garantir une impunité totale et établir structurellement un condominium américano-russe qui subordonne l’autonomie sécuritaire de l’Europe.

L’exécution du plan est motivée par une convergence unique entre l’urgence temporelle russe (exploitant l’instabilité transitoire de la présidence Trump) et la diplomatie transactionnelle américaine, laquelle s’appuie fortement sur des partenaires financiers non traditionnels comme l’Arabie Saoudite. Si cet accord était mis en œuvre, il marquerait la fin du cadre de sécurité transatlantique post-Guerre Froide, le remplaçant par un régime intrinsèquement instable et transactionnel défini par les sphères d’influence des grandes puissances

B. Impératifs stratégiques pour l’Europe : Contrer la vassalisation

Face à cette menace d’institutionnalisation d’un diktat externe, l’Europe doit adopter des impératifs stratégiques clairs :

  1. Accélération de l’autonomie stratégique : L’Europe doit accélérer de manière décisive sa base industrielle de défense et ses mécanismes d’acquisition communs. Cette action doit explicitement contrer l’échéance temporelle russe identifiée, qui cherche à exploiter la fenêtre d’opportunité avant que l’Europe ne soit en mesure de réagir militairement efficacement.[07]
  2. Découplage légal et rejet de l’impunité : Les États membres de l’UE doivent coordonner leurs efforts juridiques pour garantir le rejet explicite de la clause 26 (Amnistie complète) dans toutes les enceintes juridiques internationales (CPI, CIJ). Il est crucial de refuser toute légitimité à l’impunité mandatée par les États-Unis et la Russie, maintenant ainsi le principe fondamental de la responsabilité internationale.[05]
  3. Contrôle du financement de la reconstruction : Pour neutraliser le risque « RDA 2.0 », l’Europe doit établir un mécanisme financier et technologique pour la reconstruction ukrainienne qui soit indépendant, rigoureusement vérifié, et doté d’une surveillance anti-corruption robuste. Ce mécanisme doit être conçu pour être étanche à la capture par les oligarques locaux que l’amnistie viendrait protéger. L’objectif est d’assurer que les fonds européens soutiennent la souveraineté ukrainienne et la construction démocratique, plutôt que de servir le contrôle économique russe.

Le défi pour l’Europe est de résister à ce règlement imposé sans sacrifier les principes fondamentaux de souveraineté étatique et de justice internationale.

Eric H. Bias (Genève) et Joël-François Dumont (Paris)

Sources et légendes

[01] TV5 Monde. Guerre en Ukraine : que contient vraiment le plan de paix américain en 28 points soumis à Kiev? (20 nov. 2025).

[02] TV5 Monde. Guerre en Ukraine : que contient vraiment le plan de paix américain en 28 points soumis à Kiev? (20 nov. 2025).

[03] India Today. Ukraine receives sweeping US peace proposal as Zelenskyy faces mounting pressures. (21 nov. 2025). URL: (2025-11-21)

[04] Anadolu Ajansı. Trump-backed peace plan seeks territorial concessions in Ukraine: Report.

[05] Modern.az. What Does Trump Offer Putin and Zelenskyy? – of the 28-point plan FULL TEXT

[06] India Today. Read full text of Trump’s 28-point Ukraine-Russia peace plan. (2025-11-21)

[07] Institute for the Study of War. Seizing the Initiative Against Russia: Putting the United States in Control.

[08] U.S. Department of the Treasury. Treasury Signs New Frameworks for Enhanced Cooperation with Kingdom of Saudi Arabia. (2025-11-17).

[09] Atlantic Council. Digging into the details of the US-Saudi deals. (2025-11-18).

[10] Responsible Statecraft. Trump’s ’28-point plan’ for Ukraine War provokes political earthquake. (2025-11-20) nov. 2025).

[11] Responsible Statecraft. Trump’s ’28-point plan’ for Ukraine War provokes political earthquake. (2025-11-20).

[12] The Guardian. Ukraine: US-Russian peace proposal is absurd and unacceptable, says Kyiv. (2025-11-20).

[13] Responsible Statecraft. Today’s choice is not, therefore, between peace and more war, but between fighting Russia now and fighting Russia later.

[14] PIR Center. The Fallout from the Failed Russian Plan to Organize a Meeting between Russian President Vladimir Putin and U.S. President Donald Trump in Budapest.

[15] Global Affairs. What’s next for US-Russia relations and the war in Ukraine?

[16] Institute for Global Affairs. Reckless Peacemaker? American Views of Trump Foreign Policy.

[17] The Boston Review. The Conservatives Who Think Trump Isn’t Going Far Enough.

[18] La Tribune. Pétrole : l’Arabie saoudite et la Russie coupent fortement leur production pour soutenir les cours.

[19] Andersen. Analysis of 2025 Saudi Budget. (nd). URL: https://sa.andersen.com/myblog/analysis-of-2025-saudi-budget/

[20] CEIC Data. Saudi Arabia Foreign Exchange Reserves. (2024-12-01).

[21] The Times of India. Trump designates Riyadh as major non-NATO ally in renewed US-Saudi clinch.

[22] ArXiv. Political Circus: Strategic Diversion and Media Accountability in Polarized Democracies. (2025-11-20).

[23] S&P Global Ratings. Saudi Corporates Will Eye Cross-Border Issuance To Fund Investments As Banks Turn To External Debt.