Le Serpent à plumes de New Delhi

La récente désignation de Sergio Gor au poste d’ambassadeur des États-Unis en Inde par l’administration Trump a été accueillie dans certains cercles avec un cynisme prévisible, interprétée comme un exil doré, une récompense pour services rendus ou une mise à l’écart élégante d’un personnage devenu encombrant pour ne pas dire toxique. Cette lecture, si elle est compréhensible au prisme de la politique politicienne traditionnelle, est dangereusement superficielle car elle occulte une réalité stratégique d’une toute autre magnitude.

par Joël-François Dumont — Paris, le 2 septembre 2025 —

New Delhi : l’avant-poste indien du pacte Poutine-Trump

La nomination de Gor n’est pas l’exécution politique d’un homme ; elle est une manœuvre clé dans l’exécution planifiée de l’ordre de sécurité européen et de l’alliance transatlantique.

Sergio Gor walking with Donald Trump — White House Photo by Daniel Torok
Sergio Gor marchant avec Donald Trump — White House Photo by Daniel Torok

Loin d’être une simple anecdote diplomatique, cet événement doit être analysé comme un symptôme et un instrument de la « guerre grise »[01] — cette confrontation permanente qui se déroule sous le seuil du conflit armé, par des moyens financiers, informationnels, psychologiques et politiques. Les ambassadeurs des États-Unis sont désormais avant tout des ambassadeurs de Donald Trump, De Paris à New Dehli.

Introduction : Un exil doré aux allures d’exécution stratégique

Cet envoi à New Delhi est l’aboutissement d’une carrière et d’une méthode qui s’inscrivent dans une généalogie précise de la subversion. Pour en saisir la portée, il est impératif de déconstruire le concept même d’agent d’influence à l’ère contemporaine.

Les agents les plus efficaces ne sont plus les espions clandestins opérant dans l’ombre, mais des opérateurs politiques parfaitement intégrés, évoluant en pleine lumière au cœur des institutions qu’ils visent. Leur arme principale n’est pas le microfilm ou le poison, mais l’accès, le réseau, la capacité à manipuler les processus institutionnels de l’intérieur, à exploiter les failles de la démocratie et les ressorts du capitalisme pour les retourner contre eux-mêmes.

Le cas de Sergio Gor en est l’archétype. Sa trajectoire illustre une doctrine opérationnelle qui a mûri au fil des décennies, des fraudes financières de Robert Maxwell aux réseaux de chantage de Jeffrey Epstein, pour atteindre une forme de sophistication ultime dans l’arène politique de Washington.

« Le Serpent » à New Delhi : La nomination de Sergio Gor, avant-poste de la guerre hybride russo-américaine contre l’Europe

Nous allons tenter de disséquer cette nomination en la replaçant dans son contexte global. L’analyse procédera en trois temps. D’abord, en dressant une anatomie de l’opérateur, en examinant le parcours de Sergio Gor, de la construction de son identité à sa capture des plus hauts cercles du pouvoir. Ensuite, la généalogie de ses méthodes sera explorée, en démontrant comment son modus operandi est l’héritier direct du modèle Maxwell-Epstein, où le kompromat et la criminalité financière deviennent des armes de destruction démocratique.

Enfin, le cadre stratégique global dans lequel s’inscrit cette opération sera dévoilé : celui d’un pacte Poutine-Trump en gestation, visant à démanteler l’ordre libéral international et à neutraliser l’Europe. Ce n’est qu’à l’aune de cette analyse complète que la signification réelle de la présence d’un tel homme dans un théâtre géopolitique aussi crucial que l’Inde pourra être pleinement comprise.

1 : Anatomie d’un agent d’influence : Le cas Sergio Gor

1.1 Le masque maltais et la légende soviétique

L’un des piliers fondamentaux de toute opération de renseignement est la construction d’une couverture crédible, une « légende » dans le jargon des services. Dans le cas de Sergio Gor, cette construction est à la fois grossière et remarquablement efficace, témoignant moins de la perfection de la dissimulation que de la complaisance de l’environnement dans lequel il a évolué. Officiellement, Gor se présente comme un Américain d’origine maltaise, une identité insulaire et pittoresque, évoquant des détails anodins comme les « pâtisseries maltaises » pour ancrer cette narration.[01] Cependant, les faits révèlent une tout autre origine. Son véritable nom de famille est Gorokhovsky et son lieu de naissance n’est pas La Valette, mais Tachkent, en Ouzbékistan, alors une république de l’Union Soviétique.[01] Le parcours de ses parents, arrivant à Malte puis aux États-Unis avant de disparaître, suit un schéma classique utilisé par les services soviétiques pour implanter des agents à l’étranger.[01]

La création d’une fausse biographie n’est pas un simple embellissement de CV ; c’est une technique opérationnelle délibérée.

L’objectif est d’effacer des origines qui, si elles avaient été connues, auraient immédiatement déclenché les protocoles de sécurité et les alertes du contre-espionnage américain. Une naissance en URSS et un nom à consonance russe auraient rendu son ascension vers des postes de sécurité nationale hautement sensibles pratiquement impossible. La légende maltaise, en revanche, est exotique mais inoffensive, conçue spécifiquement pour détourner l’attention et endormir la méfiance.

Ce qui est le plus révélateur n’est pas tant la tentative de tromperie que sa réussite. La facilité avec laquelle une telle légende a pu être maintenue jusqu’aux plus hauts niveaux du pouvoir américain met en lumière une faille systémique profonde.

Dans une culture politique de plus en plus polarisée, obsédée par la loyauté personnelle et l’efficacité transactionnelle, la rigueur des processus de vérification de sécurité a été supplantée par des considérations partisanes.

La légende de Gor n’avait pas besoin d’être infaillible ; elle devait simplement être suffisamment plausible pour un environnement qui ne souhaitait pas examiner les détails de trop près. Le processus par lequel cette normalisation de la tromperie s’est installée est instructif. Gor a réussi à dissimuler ses origines pendant des années, même en occupant des postes qui auraient dû exiger une vérification approfondie. Cela signifie que les contrôles de sécurité ont soit échoué, soit été activement contournés. L’article The Serpent [01] rapporte son refus de soumettre le formulaire de sécurité standard SF-86, un document exhaustif essentiel pour toute habilitation de sécurité. Sa justification était une manœuvre de retournement rhétorique : il prétendait que le « deep state » risquait de corrompre le processus.[01] En agissant ainsi, il a utilisé la rhétorique populiste anti-institutionnelle, chère à l’électorat de Trump, pour justifier la subversion des protocoles de sécurité conçus précisément pour contrer des menaces comme celle qu’il représente.

La polarisation politique et la méfiance généralisée envers les institutions créent ainsi un environnement permissif pour les agents d’influence, qui peuvent se draper dans l’idéologie du moment pour démanteler les garde-fous de l’État.

1.2 L’ascension d’un opérateur politique

L’ascension de Sergio Gor n’est pas le fruit du hasard ou d’un talent exceptionnel, mais le résultat d’une progression méthodique et calculée, ciblant avec précision les points d’entrée les plus perméables à l’influence pro-Kremlin au sein de l’establishment américain. Sa trajectoire commence à l’université George Washington, une institution réputée pour former l’élite politique de la capitale, où il se distingue par son activisme conservateur.[01] Après avoir travaillé pour des figures marginales du Parti Républicain (GOP), il se rapproche de l’aile libertaire du parti, connue pour ses positions isolationnistes et sa complaisance à l’égard de la Russie.

Son association avec le sénateur Rand Paul est un moment charnière de sa carrière.[01] Rand Paul est l’une des voix les plus importantes de ce courant, prônant un retrait américain des affaires du monde et s’opposant régulièrement aux sanctions contre la Russie. Gor devient un conseiller clé du sénateur, et son influence culmine avec l’organisation du voyage controversé de Paul à Moscou en août 2018. Au cours de ce voyage, le sénateur américain rencontre des responsables russes, promet de bloquer de nouvelles sanctions et, surtout, remet une lettre personnelle de Donald Trump à Vladimir Poutine.[01]

Gor est l’architecte de cette diplomatie parallèle, démontrant sa capacité à établir des contacts de haut niveau et à faciliter des actions directement alignées sur les objectifs de la politique étrangère russe. Sa flexibilité idéologique, passant d’un conservatisme classique à une posture libertaire pro-russe, n’est pas une contradiction mais une caractéristique essentielle d’un opérateur politique dont la loyauté première n’est pas envers une doctrine, mais envers une mission.[01]

1.3 La capture de la cible et la cimentation de la loyauté

Après l’élection de 2016, Gor entre dans l’orbite directe de Donald Trump, d’abord en tant que collecteur de fonds majeur pour la campagne de réélection de 2020.[01] Cependant, son coup de maître intervient après la défaite de Trump, durant la période d’isolement politique de ce dernier. En 2021, il co-fonde Winning Team Publishing avec Donald Trump Jr.[01] Cette initiative, en apparence purement commerciale, revêt une importance stratégique capitale. À l’époque, les grandes maisons d’édition américaines, sous la pression de l’opinion publique, refusaient de publier les mémoires de l’ancien président. En créant cette maison d’édition, Gor a résolu un problème à la fois financier et narcissique pour Trump, lui offrant une plateforme pour diffuser son message et monétiser sa marque à un moment où l’establishment culturel lui tournait le dos.

Cet acte a transformé Gor d’un simple assistant politique ou d’un collecteur de fonds en un partenaire commercial et un confident de la famille Trump. Il a cimenté une loyauté basée non seulement sur une convergence idéologique, mais aussi sur l’intérêt personnel et la gratitude.

Donald Trump & Sergio Gor
Donald Trump & Sergio Gor — Source : Page Facebook de Sergio Gor

Dans l’univers trumpiste, où la loyauté personnelle prime sur toute autre considération institutionnelle ou éthique, ce geste a été le test ultime. En se rendant indispensable pendant la période d’« exil » post-présidentielle, Gor a gagné une place de confiance que peu de gens pouvaient revendiquer, lui assurant un accès et une influence inégalés en vue d’un retour potentiel au pouvoir.

1.4 La subversion Institutionnelle : Le bureau du personnel de la Maison Blanche

La position la plus critique occupée par Sergio Gor fut sans doute celle de directeur du Bureau du personnel présidentiel de la Maison Blanche. Ce bureau, souvent perçu comme une simple fonction administrative, est en réalité l’un des centres névralgiques du pouvoir exécutif. Il est le gardien qui contrôle les nominations à des milliers de postes politiques à travers l’ensemble du gouvernement, y compris au sein des agences de sécurité nationale, de renseignement, de défense et du Trésor. En tant que directeur, Gor avait accès aux informations personnelles et de sécurité les plus sensibles de tous les candidats à ces postes critiques.[01]

Le fait qu’il ait supervisé le processus de vérification de milliers de personnes tout en refusant de se soumettre lui-même au même examen (en ne remplissant pas le formulaire SF-86) constitue une anomalie d’une gravité exceptionnelle.[01] Mais le véritable danger de sa position dépassait de loin le risque classique d’exfiltration de données.

Espions dans la nuit — Illustration AI © E-aSa

La menace n’était pas seulement passive (voler des secrets), mais active et systémi-que : la capacité de mener une guerre administrative de l’intérieur. Le contrôle du Bureau du personnel est une arme bureau-cratique redoutable. Un acteur malveillant à ce poste peut activement saboter l’appareil de sécurité nationale en nommant des indi-vidus incompétents, non qualifiés ou, pire, compromis à des postes clés. Il peut systé-matiquement bloquer la nomination de candidats qualifiés mais jugés hostiles à ses objectifs ou à ceux de ses commanditaires. Il peut créer des vulnérabilités systémiques à grande échelle en peuplant l’administration de loyalistes dont la seule qualification est leur allégeance personnelle, au détriment de la compétence et de l’intégrité.

Illustration © European-Security

Cette stratégie transforme une fonction administrative en une arme stratégique offensive. Il ne s’agit plus d’espionnage, mais d’une subversion silencieuse, bien plus difficile à détecter et à contrer.

En plaçant les bonnes personnes aux bons postes, Gor pouvait préparer le terrain pour des politiques futures alignées sur les intérêts du Kremlin : affaiblir l’engagement américain au sein de l’OTAN, nommer des responsables complaisants au Trésor pour lever les sanctions contre la Russie, ou encore paralyser la communauté du renseignement en y installant des dirigeants hostiles à sa mission. C’est une forme d’« exécution » bureaucratique de l’État de droit et des garde-fous de la sécurité nationale.

2 : L’héritage Maxwell-Epstein : Le Kompromat comme arme de destruction démocratique

Pour comprendre la nature de la menace que représente un opérateur comme Sergio Gor, il est essentiel de le replacer dans une lignée historique. Son modus operandi n’est pas une création ex nihilo, mais l’aboutissement d’une doctrine de subversion qui a été affinée pendant des décennies par des figures comme Robert Maxwell et Jeffrey Epstein.

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D. Trump et J. Epstein : une relation au passé qui empoisonne le présent — Caricature © European-Security

Ces derniers ont été les pionniers d’un modèle où la criminalité financière, le chantage et les opérations d’influence fusionnent pour devenir une arme stratégique contre les démocraties occidentales.

2.1 La genèse d’un modèle : Robert Maxwell, pionnier de la guerre grise

L’analyse de l’historienne Françoise Thom présente Robert Maxwell, le père de Ghislaine Maxwell, comme le prototype de l’opérateur moderne de la guerre grise.[02] Bien avant que le concept ne soit popularisé, Maxwell naviguait avec une aisance déconcertante entre les mondes des affaires, des médias et des services de renseignement. Sa carrière est un cas d’école de la fusion entre pouvoir médiatique, fraude financière sophistiquée et exploitation des liens avec les agences d’espionnage. Dès la Seconde Guerre mondiale, il a opéré à l’intersection des services britanniques, soviétiques et sionistes.[02]

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Robert Maxwell, « prototype de l’opérateur moderne de la guerre grise » — Illustration © European-Security

Son acquisition de la maison d’édition scientifique Pergamon Press, financée en partie par le MI6, lui a servi de couverture idéale pour collecter des renseignements derrière le Rideau de Fer. Simultanément, il était un propagandiste zélé pour le Kremlin, invité personnellement par Léonid Brejnev et entretenant des relations avec tous les secrétaires généraux successifs du Parti Communiste Soviétique.[02] Selon les témoignages de transfuges du KGB, Maxwell aurait collaboré directement avec les services soviétiques pour lancer des publications à Londres et financer des productions cinématographiques basées sur des scénarios du KGB, tout en publiant les œuvres des dirigeants soviétiques avec des financements occultes de Moscou.[02]

Leonid Brejnev et Robert Maxwell
Robert Maxwell et Léonid Brejnev dans les années 1970 — Photo : Vladimir Moussaelian, TASS

À la fin de la Guerre Froide, son rôle est devenu encore plus crucial. Françoise Thom suggère qu’il a été une « cheville ouvrière » dans l’opération massive de transfert et de blanchiment des actifs du Parti Communiste Soviétique vers l’Occident, orchestrée par le KGB entre 1989 et 1991.[02] Il aurait également servi de porte d’entrée au monde financier occidental pour des figures majeures du crime organisé russe lié au KGB, comme Semion Moguilevitch.[02] Maxwell a ainsi été le pionnier d’un modèle qui est devenu la norme dans la Russie de Poutine : un mélange inextricable d’activités criminelles, d’opérations de renseignement et d’influence politique, où la richesse personnelle et les objectifs de l’État sont indissociables. Il a démontré que dans un monde ouvert, l’influence, achetée par l’argent et amplifiée par les médias, est une monnaie plus précieuse que les secrets militaires traditionnels.

2.2 Le supermarché du chaos : La « Russian Connexion » de Jeffrey Epstein

Jeffrey Epstein a hérité de ce modèle et l’a porté à une échelle industrielle. Son affaire, souvent réduite à un scandale de trafic sexuel, doit être analysée avant tout comme une entreprise de renseignement et de kompromat d’une envergure sans précédent, avec des liens profonds et documentés avec la Russie. Françoise Thom démontre qu’il existait un partenariat « fort profitable aux deux parties » entre Epstein et des hommes du Kremlin, bien avant 2014.[02]

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Un partenariat russo-amércicain « fort profitable aux deux parties » — Caricature © European-Security

L’interlocuteur principal d’Epstein à Moscou était Sergueï Beliakov, un haut fonctionnaire diplômé de l’Académie du FSB. Au printemps 2014, alors que l’Occident imposait des sanctions à la Russie suite à l’annexion de la Crimée, Beliakov a sollicité les conseils d’Epstein pour les contourner. Ce dernier a fourni des stratégies pour contrer la guerre économique menée par l’Occident, démontrant son rôle de conseiller financier pour le Kremlin.[02] En retour, Epstein a mis son carnet d’adresses au service de Moscou, agissant comme un rabatteur pour attirer des leaders de la technologie occidentale, comme les dirigeants de LinkedIn et Microsoft, au Forum économique de Saint-Pétersbourg, dans le but probable de les recruter ou d’obtenir des informations.[02] Les services étaient mutuels : lorsque Epstein a eu besoin d’aide concernant une tentative de chantage par une femme russe, Beliakov lui a fourni un dossier de renseignement complet sur elle.[02]

L’opération d’Epstein était également soutenue par une infrastructure financière et humaine russe. Des enquêtes du Département du Trésor ont révélé qu’il utilisait plusieurs banques russes, aujourd’hui sous sanctions, pour effectuer des paiements liés à son réseau de trafic sexuel.[02]

Svetlana Pozhidaeva avec Jeffrey Epstein 1 Woody Allen - Source Craig Unger
Svetlana Pozhidaeva avec Jeffrey Epstein et Woody Allen — « From Russia (to Jeffrey) with love » … « La saga Epstein est encore plus intéressante quand on s’intéresse aux femmes russes qui ont aidé à mener ses activités. Voici un aperçu de Svetlana Pozhidaeva. » — Source : Craig Unger, Substack.com

De plus, il avait une prédilection pour les collaboratrices russes, qui agissaient comme des agents infiltrés. Des femmes comme Svetlana Pojidaïeva, diplômée du prestigieux MGIMO (l’académie du ministère russe des Affaires étrangères), et Macha Drokova, une ancienne militante d’un mouvement de jeunesse pro-Poutine, ont utilisé leurs liens avec Epstein pour pénétrer les secteurs américains de la haute technologie, de l’intelligence artificielle et du capital-risque, au profit direct du Kremlin.[02]

L'ours russe et le piege a miel — Illustration © European,-Security
L’ours russe et le piege à miel — Illustration © European-Security
Beautés russes à Saint-Petersbourg — Illustration © European-Security
Les amies de nos amis sont nos amies : Beautés russes à Saint-Petersbourg — Illustration © European-Security

Le lien entre Epstein et Maxwell n’est pas une simple coïncidence. Des témoignages suggèrent qu’Epstein a été formé par des associés de Maxwell dans les années 1980 et qu’ils ont travaillé ensemble sur des opérations impliquant « du chantage, du trafic d’influence, du commerce d’informations ».[02] Epstein semble avoir repris et perfectionné les réseaux et les méthodes de Maxwell, transformant une opération d’influence artisanale en une plateforme multifonctionnelle de subversion, un véritable « supermarché du kompromat » au service, conscient ou non, des intérêts stratégiques russes.

2.3 La doctrine du nihilisme : Le Kompromat comme arme de démoralisation massive

L’idée centrale développée par Françoise Thom est que l’objectif stratégique du kompromat à l’échelle industrielle, tel que pratiqué par Epstein, dépasse de loin le simple chantage d’individus.

Le but ultime est de détruire la confiance des citoyens dans leurs propres institutions démocratiques. La stratégie du Kremlin n’est plus d’idéaliser la Russie, mais de persuader les populations occidentales que leurs élites sont universellement corrompues, « toutes capables du pire ».[02] Cette offensive vise à induire un cynisme et un nihilisme généralisés qui sapent les fondements du contrat social, rendent la gouvernance démocratique impossible et, in fine, présentent un régime autoritaire fort comme la seule alternative viable au chaos.

L’affaire Epstein représente la transformation du kompromat d’une tactique de renseignement ciblée en une arme de guerre psychologique de masse. Alors que le kompromat traditionnel visait à contrôler un individu spécifique pour l’obliger à accomplir une action précise, le modèle Epstein vise à contaminer l’ensemble du corps social. Le pouvoir de cette arme ne réside pas dans les dossiers secrets détenus par un service de renseignement, mais dans le scandale public, permanent et diffus.

Bill Clinton, jeffrey Epstein & Ghislaine Maxwell — White Houise Photo
Bill Clinton, Jeffrey Epstein & Ghislaine Maxwell — White House Photo

La publication de « listes » de noms, qu’elles soient authentiques ou non, et les innombrables théories du complot qui en découlent sont opérationnellement plus importantes que le chantage effectif d’une personnalité. L’objectif est de créer un « cloaque » informationnel, un marécage où la vérité devient indiscernable de la fiction, paralysant ainsi le débat public rationnel et la prise de décision politique.

La preuve la plus éclatante du succès de cette stratégie est la manière dont elle a été adoptée par des acteurs politiques nationaux. Comme le note Françoise Thom, la campagne MAGA de Donald Trump en 2024 a fait de la déclassification des dossiers Epstein l’un de ses chevaux de bataille, dans l’espoir de compromettre les élites du « Deep State » et d’utiliser le scandale pour « assécher le marécage » de Washington.[02] C’est une démonstration parfaite de la doctrine en action : un acteur politique domestique s’empare de l’arme (le chaos informationnel généré par le kompromat) pour attaquer ses propres institutions.

Le Kremlin n’a plus besoin d’agir directement ; il a créé une arme auto-entretenue de polarisation et de méfiance qui corrode la démocratie de l’intérieur. L’objectif final n’est donc pas le contrôle, mais le chaos. Car le chaos est l’état dans lequel les régimes autoritaires prospèrent et les démocraties se délitent.

Table 1: Cartographie des réseaux d’influence et des méthodes opérationnelles

Le tableau suivant systématise la comparaison entre ces trois opérateurs, mettant en évidence l’évolution d’une doctrine de subversion sur plusieurs décennies. Il démontre une continuité dans les objectifs stratégiques, mais une adaptation constante des méthodes aux contextes technologiques, financiers et politiques de chaque époque.

Vecteur d’AnalyseRobert Maxwell (Le Prototype)Jeffrey Epstein (L’Industrialisation)Sergio Gor (L’Opérateur Politique)
Identité / LégendeHéros de guerre, magnat de la presse.Génie de la finance, philanthrope.Activiste conservateur, loyaliste de Trump, Américain d’origine maltaise.
Méthodes OpérationnellesInfiltration médiatique, fraude financière, propagande.Chantage sexuel (kompromat), blanchiment d’argent, infiltration technologique.Infiltration politique, levée de fonds, subversion bureaucratique, guerre de l’information.
Connexions (Renseignement)KGB (documenté), MI6, Mossad.FSB (partenariat avec Beliakov), services de renseignement multiples (spéculé).Proximité avec l’aile pro-russe du GOP, actions alignées sur les intérêts du Kremlin.
Élites CibléesDirigeants politiques (Est/Ouest), scientifiques, médias.Élites financières (Wall Street), politiques (Démocrates/Républicains), scientifiques (MIT), royauté.Élite politique (Maison Blanche, Congrès), donateurs du parti, appareil de sécurité nationale.
Objectif StratégiquePropagande, collecte de renseignements, gains financiers, influence politique.Création d’un « supermarché du kompromat« , déstabilisation sociétale par le chaos, gains financiers, guerre économique.Capture institutionnelle, sabotage des processus de sécurité, préparation d’un réalignement géopolitique.

Ce tableau n’est pas une simple illustration. Il constitue un argument visuel qui prouve la thèse d’une continuité et d’une adaptation doctrinale. Maxwell utilisait les outils de la Guerre Froide : la presse écrite et l’édition. Epstein a adapté ces méthodes à l’ère de la finance mondialisée, de la dérégulation et de la transgression sexuelle. Gor représente la dernière évolution de cet opérateur, agissant dans l’arène purement politique et bureaucratique de l’ère populiste, où la loyauté personnelle et la polarisation idéologique sont les principales monnaies d’échange.

L’analyse de Gor non pas comme un cas isolé, mais comme l’aboutissement logique de cette stratégie de subversion de longue date, est donc essentielle pour en comprendre la véritable dangerosité.

3 : Le grand dessein : Vers un pacte Poutine-Trump contre l’Europe

La nomination d’un opérateur comme Sergio Gor à un poste diplomatique clé n’est pas un acte isolé, mais une pièce sur un échiquier beaucoup plus vaste. Elle s’inscrit dans un projet stratégique ambitieux du Kremlin : la formation d’une alliance de fait avec une certaine faction du pouvoir américain, un « pacte Poutine-Trump », dont l’objectif principal est le démantèlement de l’ordre de sécurité européen et la neutralisation de l’Europe en tant qu’acteur géopolitique.[03]

3.1 Le fondement Idéologique : La diabolisation de l’Europe

Toute grande manœuvre géopolitique nécessite un fondement idéologique. Pour justifier cette alliance contre-nature entre un autocrate russe et une administration américaine, le Kremlin a entrepris une réorientation radicale de sa propagande. L’analyse par Françoise Thom d’un document publié par le Service de Renseignement Extérieur (SVR) russe en avril 2025 est à cet égard éclairante.[03] Ce document marque un tournant. L’Europe n’est plus simplement dépeinte comme « décadente », « libérale » ou « woke » — des thèmes destinés à séduire la droite conservatrice occidentale. La rhétorique a été durcie de manière spectaculaire : l’Europe est désormais qualifiée de « génétiquement fasciste ».[03]

Dessin publié par le SVR à Moscou le 16 avril 2025
Dessin publié par le SVR à Moscou le 16 avril 2025

Ce changement sémantique, qui a commencé à l’automne 2024 avec les déclarations de l’idéologue Sergueï Karaganov qualifiant l’Europe de « source de tous les maux du monde », n’est pas anodin.[03] Il s’agit de la création d’un casus belli idéologique. De la même manière que la dénonciation incessante des « nazis de Kiev » a servi à préparer l’opinion publique russe à l’invasion de l’Ukraine, la qualification de l’ensemble du continent européen de « nazi » vise à le préparer idéologiquement à une confrontation plus large. Cette rhétorique a un double objectif. En interne, elle justifie les sacrifices d’une économie de guerre et mobilise la population autour d’un récit de lutte existentielle. En externe, elle est spécifiquement destinée à l’électorat de Trump, en présentant la confrontation non pas comme une agression impérialiste russe, mais comme une alliance des « forces de paix » (la Russie et les États-Unis) contre une Europe intrinsèquement agressive et fasciste. Moscou abandonne le thème de l’« Europe woke », qui pourrait trouver un écho chez les trumpistes, pour celui de l’« Europe fasciste », car l’Europe qui se réarme et soutient l’Ukraine est perçue comme un ennemi à écraser, et non plus comme un partenaire à séduire.[03]

3.2 Les objectifs stratégiques de l’alliance russo-américaine

Sur la base de cette construction idéologique, le pacte Poutine-Trump poursuit des objectifs stratégiques clairs. Le but principal, tel que formulé par le document du SVR, est de « retirer temporairement l’Europe de la résolution des problèmes mondiaux ».[04] Il s’agit d’une proposition de Yalta 2.0, un partage du monde en sphères d’influence entre deux puissances qui, selon les termes de Françoise Thom, sont deux « prédateurs » partageant une haine commune de l’ordre libéral multilatéral incarné par l’Union Européenne.[03]

Pour le Kremlin, un simple retrait américain de l’OTAN n’est plus suffisant. La guerre en Ukraine a démontré que les nations européennes possèdent leur propre volonté de résister à l’impérialisme russe. L’objectif est donc plus radical : le démantèlement de l’Union Européenne elle-même. Pour ce faire, Moscou cherche à ancrer fermement Donald Trump à la cause russe.

J.D.Vance et Donald Trump font allégeance à Poutine — E-S/IA
J.D.Vance et Donald Trump font allégeance à Poutine sur l’autel de la flagornerie — Illustration E-S/IA

Conscient de son imprévisibilité, le Kremlin multiplie les gestes de flatterie (commande d’un portrait, projet de Trump Tower à Moscou) et lui offre une vision impériale partagée, où les États-Unis et la Russie se positionneraient en arbitres du destin du monde contre les « Européens enragés ».[03] Cette vision trouve un écho dans les théories de certains idéologues de Trump, comme Steve Bannon, qui envisagent un monde tripolaire (Amérique, Chine, et une Eurasie dominée par la Russie), un projet qui nécessite au préalable de « briser le globalisme européen ».[03]

3.3 La guerre grise en Action : Dollars, Data et Donations

Ce grand dessein stratégique est mis en œuvre au quotidien par la « guerre grise », une guerre non déclarée menée par des moyens économiques, informationnels et politiques.[05] Les cas de Gor et d’Epstein sont des exemples parfaits de la manière dont cette guerre est menée sur le terrain. Ils illustrent comment les flux financiers (donations de campagne, investissements en capital-risque, blanchiment d’argent) et les données (informations personnelles, secrets commerciaux, Kompromat) sont utilisés comme des armes pour acquérir une influence politique, corrompre les élites et affaiblir les institutions de l’intérieur.

« Edward Lozansky et Dimitri Simes apparaissent comme des figures historiques clés, des pionniers qui ont su, dès les années 1970 et 1980, s’infiltrer dans les cercles conservateurs américains et y jeter les bases du lobby actuel ».[01]

Cette approche révèle une compréhension profonde des vulnérabilités des sociétés ouvertes. La guerre grise n’est pas seulement une affaire d’espions et de propagande ; c’est un modèle économique qui exploite les principes fondamentaux du capitalisme occidental pour les retourner contre lui. Les systèmes démocratiques et capitalistes présentent des « surfaces d’attaque » inhérentes : le besoin constant de financement pour les campagnes électorales, la recherche effrénée d’investissements pour les entreprises technologiques, la nécessité pour les personnalités publiques de résoudre des problèmes commerciaux ou de réputation.

Des opérateurs comme Gor et Epstein fonctionnent comme des « entrepreneurs de la subversion ». Ils identifient ces besoins et y apportent des solutions, se rendant ainsi indispensables à leurs cibles. Gor résout le problème de publication de Trump ; Epstein offre des opportunités d’investissement et satisfait les vices de l’élite financière. En créant de la valeur (financière, politique, personnelle) pour leurs cibles, ils s’intègrent au cœur des réseaux de pouvoir.

Une fois intégrés, ces réseaux peuvent être activés pour servir des objectifs stratégiques extérieurs : promouvoir des politiques pro-russes, obtenir des informations sensibles, nommer des individus complaisants à des postes clés. La subversion n’est donc pas imposée de l’extérieur par la force, mais injectée de l’intérieur par une série de transactions qui apparaissent, à première vue, comme mutuellement bénéfiques. C’est l’équivalent d’une offre publique d’achat hostile sur le système politique, financée par les mécanismes mêmes de ce système.

Conclusion : New Delhi, un théâtre de la confrontation globale

La nomination de Sergio Gor au poste d’ambassadeur à New Delhi, éclairée par l’analyse de son profil, de la généalogie de ses méthodes et du grand dessein stratégique qu’il sert, apparaît désormais sous son vrai jour. Ce n’est ni un hasard, ni une sinécure. C’est un déploiement stratégique sur l’un des terrains les plus importants de la confrontation géopolitique du 21e siècle. L’Inde est un pivot. C’est la plus grande démo-cratie du monde, un acteur majeur des BRICS, une puissance nucléaire et un géant économique que l’Occident, la Russie et la Chine cherchent désespérément à courtiser. Elle est au cœur de ce qu’on appelle le « Sud Global », ce groupe de nations qui refuse de s’aligner dans la nouvelle confrontation entre les blocs.

Poutine trinquant avec son ami Poutine — Photo © IA/E-S
Poutine trinquant avec son ami Poutine — Illustration © IA/European-Security

Placer un opérateur de la trempe de Gor en Inde est un coup de maître tactique au service de la stratégie du pacte Poutine-Trump. Sa mission ne sera pas la diplomatie bilatérale traditionnelle, qui consiste à représenter les intérêts américains définis par le Département d’État. Sa mission sera de construire un réseau d’influence au profit de l’axe Poutine-Trump, en poursuivant plusieurs objectifs convergents. Premièrement, il s’agira de solidifier les liens au sein des BRICS pour accélérer la création d’alternatives aux institutions financières et politiques dominées par l’Occident. Deuxièmement, il utilisera l’Inde comme une plateforme pour des opérations d’influence dans tout l’Indo-Pacifique, visant à saper les alliances américaines dans la région. Troisièmement, et c’est peut-être le plus important, il œuvrera à détacher l’Inde de son partenariat stratégique naissant avec les États-Unis, le Japon et l’Australie (le Quad), pour la faire basculer plus fermement dans une nouvelle sphère d’influence « eurasienne » dominée par Moscou et Pékin.

La femme au serpent
Avec ou sans plumes « un serpent change de peau, mais pas de nature » (Proverbe russe) — Illustration Grok

L’envoi de Gor à New Delhi est donc bien une « exécution » : celle de la stratégie indo-pacifique occidentale, conçue pour contenir l’influence chinoise, et une étape cruciale dans la tentative de démantèlement de l’ordre mondial existant.

Face à cette menace hybride, coordonnée et existentielle, l’urgence pour les démocraties européennes est absolue.[06] Il est impératif de reconnaître la nature de cette attaque, qui ne vise pas seulement à gagner des avantages géopolitiques, mais à détruire le modèle démocratique libéral lui-même. La réponse doit être à la hauteur du défi. Elle exige un renforcement drastique des capacités de contre-espionnage, non seulement contre les menaces traditionnelles, mais aussi contre ces nouvelles formes de subversion politique et bureaucratique. Elle nécessite une régulation beaucoup plus stricte des financements politiques étrangers et une plus grande transparence des transactions financières impliquant des régimes autoritaires. Mais par-dessus tout, elle commande une unité politique et une résolution sans faille pour résister à cette offensive. Les Européens doivent comprendre que le champ de bataille n’est plus seulement à leurs frontières orientales, en Ukraine. Il se situe également au cœur de leurs propres institutions et, de manière critique, au sein de celles de leur principal allié historique.[07] La nomination de Gor est un avertissement : le serpent est entré dans la maison.

Joël-François Dumont

Sources

[01] Laurence Saint-Gilles :.« Le Serpent » — (2025-0728) — L’article de Laurence Saint-Gilles se penche sur « l’affaire Gor », une tempête politique déclenchée par une enquête du New York Post sur Sergio Gor, le puissant chef du personnel du président Trump. Chargé de contrôler des milliers de fonctionnaires, Gor a étrangement évité de remplir le formulaire SF-86 obligatoire pour obtenir son habilitation de sécurité. Ce refus, amplifié par les accusations de son rival Elon Musk, a alimenté les spéculations selon lesquelles Gor serait une taupe russe, un « fantôme dans la machine Trump ». Saint-Gilles dissèque les incohérences flagrantes dans la biographie de Gor, de son identité maltaise inventée de toutes pièces et de ses parents mystérieux à son nom de famille russe d’origine. L’analyse examine de près la « théorie de l’agent » et retrace l’ascension politique calculée de Gor au sein de l’aile ultraconservatrice du Parti républicain. En fin de compte, l’article met en évidence le risque profond pour la sécurité nationale que représente un individu potentiellement compromis ayant accès aux données sensibles des plus hauts responsables gouvernementaux américains.

Matriochkas Trump Poutine
Matriochkas Trump Poutine

Voir également : Dans « La guerre grise : Dollars, data et donations », Laurence Saint-Gilles, explique que le lobby russe n’a pas créé ces fissures dans les fondations de l’Amérique mais qu’il « a démontré une habileté exceptionnelle à les trouver, à les élargir et à y planter les graines du doute et de la discorde. Le défi durable pour les démocraties occidentales n’est pas seulement de contrer la Russie, mais de s’attaquer aux faiblesses internes qui rendent ses efforts si redoutablement efficaces.»

[02] Françoise Thom, « Le cloaque et le chaos : la Russian connexion de l’affaire Epstein » — (2025-0728) Dans ce papier au contenu explosif, Françoise Thom met en lumière les relations étroites qu’entretenaient le financier Jeffrey Epstein et le père de sa complice Ghislaine, Robert Maxwell, magnat de la presse écrite britannique, avec les hautes sphères du pouvoir soviétique, puis russe. Ce constat pose une question troublante : et si c’était le FSB qui détenait la fameuse « liste » des clients d’Epstein ? Quel meilleur moyen pour compromettre l’élite américaine que de posséder des preuves de participation à des orgies avec des mineures ?

[03] Françoise Thom : Vers un pacte Poutine-Trump ?Vers un pacte Poutine-Trump ? — (2025-0429) — La doxa du Kremlin est « souple ». Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS considérait les États-Unis comme son plus grand adversaire idéolo-gique. La direction poutinienne considérait même que la guerre en Ukraine était en réalité celle entre les États-Unis et la Russie et que les Européens n’étaient que des vassaux des USA. Avec Trump, la donne a changé. C’est l’Europe qui est désormais accusée d’être « fasciste », face à l’alliance des forces de la « paix » : la Russie et les États-Unis. Françoise Thom livre une analyse scrupuleuse de cette nouvelle doctrine russe, à partir d’un document récemment publié par le Service du renseignement extérieur russe, le SVR, le 16 avril dernier. Desk Russie a décidé de publier intégralement la traduction de cette publication attribuée par le SVR à M. Tcheremnykh et à V. Motchalov et demandé à Françoise Thom de l’analyser. La nouvelle lune de miel avec Washington oblige le SVR de la Fédération de Russie réorienter le récit national russe. « Les services spéciaux européens sont prêts à tout pour atteindre leur objectif criminel, à savoir pérenniser le conflit qui a lieu en Ukraine entre les Etats européens membres de l’OTAN et la Russie », a prévenu le SVR sur son site le 24 avril

[04] L’historienne Laurence Saint-Gilles, dans son article magistral pour Desk Russie, « Le lobby russe aux États-Unis », a accompli un travail de cartographie essentiel. Avec la précision d’un géographe politique, elle a tracé les contours visibles de l’influence russe, révélant la topographie d’une « Poutinosphère » américaine et son « long travail de sape ». Son analyse fournit le cadre indispensable pour quiconque cherche à comprendre comment une nébuleuse d’intérêts alignés sur Moscou a réussi à s’implanter au cœur même du pouvoir américain.

[05] « Le projet russe pour les États-Unis » — (2025-0329) — Pour Françoise Thom « les intérêts des oligarques russes convergent avec ceux des magnats de la Big Tech. Poutine et les grands oligarques, russes et américains, se croient au-dessus des lois. Le mépris du droit va si loin chez Poutine qu’il en vient à mettre en cause la notion d’État, justement parce qu’un État repose sur une charpente juridique et qu’il a des frontières, ce qui lui déplaît. Le trumpisme vise à remplacer l’État par une « verticale de pouvoir » à la Poutine, dans laquelle servent des fonctionnaires choisis pour leur loyauté et non pour leur compétence. Le démantèlement de l’État s’accompagne d’une dérégulation dont profitent les grands oligarques ambi-tionnant de se rendre maîtres des flux financiers. C’est pourquoi les stratèges du Kremlin ont très tôt compris quels services pouvaient leur rendre les libertariens occid-entaux … Les thèses douguiniennes ont percolé dans le régime poutinien, et ont inspiré la politique de destruction des États-Unis mise en œuvre depuis 20 ans… Tout ce qu’est en train de réaliser l’adminis-tration Trump ».

[06] « Les leçons du trumpisme pour les Européens : comment éviter une autopoutinisation de l’UE » — (2025-0223) — Françoise Thom rappelle ici les origines intellectuelles du trumpisme, énonce ses principes et explique comment la mythologie de l’État profond et la trahison des élites ont été exploitées par les propagandistes du Kremlin pour installer le chaos aux États-Unis. Les grands patrons du numérique ont également joué un rôle néfaste dans le démantèlement de l’État américain. Enfin, elle propose des mesures à prendre en urgence en Europe pour éviter de subir le même sort que les Américains. « Nous devons analyser et comprendre comment les États-Unis en sont arrivés là, car nous sommes travaillés par ces mêmes forces que nous voyons à l’œuvre outre-Atlantique. L’expérience américaine doit nous instruire

[07] « États-Unis : le clonage du poutinisme ? » — (2024-1222) — Selon Françoise Thom, « le régime que veut imposer Trump aux Américains a des ressemblances avec celui de Poutine et, dans les deux cas, la complaisance des oligarques y joue un rôle important. S’agit-il d’évolutions parallèles qui expliqueraient le rapprochement structurel entre les deux pays ? Dans quelle mesure le Kremlin a-t-il encouragé ces changements dans la société américaine et dans l’entourage de Trump à travers l’infiltration des élites conservatrices 

Voir également :

In-depth Analysis:

The recent appointment of Sergio Gor as the U.S. ambassador to India is not a simple diplomatic post, but a key strategic maneuver in a broader « gray war » against Europe. The article argues this move is part of a developing « Putin-Trump pact » designed to dismantle the transatlantic alliance and the European security order. Gor is portrayed as a sophisticated political operator and an agent of influence whose career has been a calculated infiltration of American political circles.

The text delves into Gor’s background, alleging his official Maltese-American identity is a cover for his Soviet origins, having been born in Tashkent. His rise involved aligning with pro-Kremlin, isolationist wings of the Republican party and cementing his loyalty to Donald Trump by solving a critical business and personal problem for him after his presidency. The article posits that his operational methods are inherited from the playbooks of Robert Maxwell and Jeffrey Epstein, using financial entanglement and kompromat as tools of subversion.

Placing Gor in New Delhi is presented as a masterstroke. India, a pivotal nation in the « Global South » and a member of the BRICS, becomes the new theater for this geopolitical confrontation. His mission is not traditional diplomacy but to undermine Western alliances in the Indo-Pacific, such as the Quad, and pull India further into a Eurasian sphere of influence, thereby advancing the strategic goals of the Moscow-Trump axis. The appointment serves as a stark warning of a coordinated, hybrid threat to democratic institutions.