La revue nationale stratégique 2025 :  mise à jour ou refondation ?

A l’occasion du 14 juillet est publiée l’actualisation de la Revue nationale stratégique (RNS 2025). Cette actualisation, commandée par le Président de la République, complète les travaux réalisés en 2022. Elle propose les actions nécessaires pour adapter notre défense à un nouvel environnement dégradé et définit les contours de la défense globale du pays et du réarmement, y compris moral, de la nation. (Source SGDSN).[*]

Plusieurs questions se posent : avons-nous les moyens de nos ambitions ? Aurons la volonté politique de les mettre en oeuvre pour redreser la barre après tant d’années de sous-investissement assumées pour que la France puisse, un jour prochain, espérer avoir les moyens adaptés pour faire face à une guerre d’intensité comme celle que les Russes préparent en Europe à l’horizon 2028-2030 ? Au moment où la revue nationale stratégique de 2022 est actualisée, le vice-amiral (2s) Christian Girard [**] s’interroge sur les fondements de la Défense française et sur la stratégie qui la soutient.

par le Vice-amiral 2s Christian Girard — Toulon, le 25 juillet 2025 —

« La Russie boira le communisme comme le buvard boit l’encre » disait le général de Gaulle à Alain Peyrefitte le 10 septembre 1962. L’effondrement de l’URSS en 1991 et la réapparition de la Russie comme acteur international authentiquement russe lui ont donné raison. Sans doute faut-il aller au-delà de ce constat pour comprendre la nature de la menace actuelle, alors qu’elle semble réincarner la menace soviétique d’antan. Ne serait-ce pas, tout simplement, que cette dernière n’était en réalité que l’habillage idéologique de l’éternel projet géopolitique russe. On a cru que la menace disparaitrait avec le communisme. C’était une erreur. Elle a conduit à la situation actuelle : les pays européens sont pris en défaut entre le projet impérial russe et le revirement stratégique américain, lui-même non moins impérial sur les plans économique et politique. La Russie avait déjà bu le communisme sous l’Union soviétique. La mort du communisme ne pouvait être celle d’un projet géopolitique qui devait réapparaître dès lors que l’économie russe reprendrait suffisamment de force.

C’est à l’éclairage de cette réflexion que doit être repensée la stratégie de défense de la France en 2025.

D’où venons-nous ?

Les « visionnaires » à courte vue des années 90, qui annonçaient les « dividendes de la paix », crurent de bonne foi que la menace avait disparu. De fait, l’effondrement économique des pays ayant constitué l’URSS en a considérablement réduit les capacités industrielles et militaires. Les forces qui subsistaient avait perdu leur crédibilité opérationnelle malgré le maintien d’un impressionnant potentiel nucléaire.

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Le Moskva, navire amiral de la flotte russe de la mer Noire — Photo Marine russe
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Construit en Ukraine, le Moskva (Ex « Slava ») sera coulé par les Ukrainiens en 2022 face à l’île aux serpents…

Il fallut dix années pour caréner le croiseur Moskva, dont les travaux de rénovation furent financés par la ville de Moscou. Démarrés en 1992, ils s’achevèrent en 2002. L’hostilité idéologique entre deux systèmes économiques et politiques antagoniques et incompatibles aurait dû, devait disparaître.[01] Ce ne fut pas le cas.

Le pouvoir politique français, toutes tendances politiques confondues, se rangea à cette vision politique opportuniste réduisant considérablement les budgets militaires, spécialement au tournant des années 2000. L’Europe, la France, apparaissaient stratégiquement « insularisées » par la disparition de la menace continentale. Elles n’avaient plus à envisager leur sécurité autrement que face à ce qu’on a désigné comme les « nouvelles menaces », de nature sécuritaire et non militaires.

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Ces dernières s’exerçaient contre l’ordre interne de la société au moyen d’actions provenant de l’extérieur du territoire natio-nal.[02] Les moyens militaires ne venaient qu’en appoint pour y faire face. Il fallait cependant, aussi, être en mesure de projeter de la puissance ou des forces dans les situations de crise internationale pour défendre nos intérêts ou faire valoir les valeurs universelles de la paix et des droits humains, non sans parfois beaucoup d’hypocrisie. La première guerre d’Irak en 1991, avait montré la nécessité de professionnaliser les forces pour être en mesure de les projeter dans les Opex.[03] Le service national fut suspendu, supprimé dans les faits en 1996.

Vice-amiral (2s) Christian Girard – Photo © DR

Parallèlement, le concept de Défense perdait de sa force. Il était englobé dans celui de sécurité, plus général, ce qui fut acté par la loi de programmation militaire de 2008. La Défense ne constituait plus l’enjeu prioritaire pour la vie de la nation que l’expérience des deux Guerres Mondiales avait dégagée. Elle était réduite à sa composante militaire négligeant toutes les autres qui y contribuent tout autant, notamment celles de la cohésion sociale, du lien armée-nation, de l’économie et de l’industrie.[04]

Sur le plan strictement militaire, la dissuasion nucléaire assurant l’ultime protection de nos intérêts vitaux, les forces conventionnelles, spécialement celles de l’armée de terre, perdaient leur vocation à s’engager dans un combat classique sur le continent européen. La manœuvre de l’ultime avertissement n’ayant plus de raison d’être, la composante terrestre de la dissuasion nucléaire fut supprimée. La capacité de combat de longue durée disparaissait en même temps qu’était hypocritement proclamé qu’il n’y avait plus d’argent pour la Défense, comme si cette réalité ne découlait pas d’un choix et d’une volonté politiques, condamnant ainsi, par exemple, la construction d’un deuxième porte-avions pour assurer la disponibilité permanente du groupe aéronaval.

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Projet de Porte-avions de nouvelle génération (PANG) — Illustration Rama

La guerre d’Ukraine a, généralement, fait prendre conscience aux dirigeants qu’un nouveau cycle stratégique s’était ouvert. Après la guerre froide et les dividendes de la paix, une réaction était nécessaire face à la nouvelle réalité stratégique. Le budget des armées a commencé à croître à partir de 2017 à l’initiative du nouveau président de la République, alors que depuis 2014 la Russie avait pris possession de la Crimée et des régions frontalières orientales de l’Ukraine. La menace russe est enfin reconnue aujourd’hui, plus de dix ans après les premières agressions contre l’Ukraine. Le pouvoir autocratique de Vladimir Poutine tente de reconstituer l’empire effondré, alors que la politique américaine devient aléatoire, parfois même hostile à ses anciens alliés.

Où en sommes-nous ? quelles doivent être la politique et la stratégie de Défense nationale ?

De nombreux signaux auraient dû permettre d’anticiper cette réalité dès 2008.[05] Il n’est malheureusement pas sûr que les opinions publiques européennes veuillent, même aujourd’hui, quitter le confort de la politique de l’autruche, certaines franges politiques trouvant toutes les raisons de justifier l’agression russe, prêtes à céder à ses revendications au nom d’une soi-disant agression occidentale dans une version actualisée du fameux mourir pour Dantzig.

Les principes posés par le général de Gaulle, incontestés depuis lors, doivent-ils être remis en cause ? Suffit-il d’adapter l’outil militaire au nouvel environnement stratégique comme cela fut fait entre le premier et le second cycle, ainsi que cela vient d’être décrit et de quelle façon ?

Il a été proposé au moment de l’élection présidentielle en 2017 une étude intitulée « Refonder la Défense ».[06] Cette analyse mentionnait déjà la montée des tensions internationales causées par « le développement de la menace djihadiste, les actions de la Russie en Ukraine et en Syrie, les revendications et les actions chinoises en mer de Chine, les crises au Moyen Orient et en Afrique ».  Elle exprimait la crainte que « ce ne soit les initiatives américaines-du nouveau président.[07] qui induisent soit la désagrégation complète, soit le ressaisissement » à propos du projet européen et de la possibilité de l’affranchir de la tutelle américaine dans le domaine de la Défense.

Les principes posés dès les années 60, indépendance nationale, autonomie décisionnelle, fonctions stratégiques réparties entre dissuasion nucléaire et action des forces conventionnelles, participation à l’Alliance atlantique et à la construction d’une Union européenne, ne semblent pas aujourd’hui à remettre en cause, encore moins qu’au cours des années précédentes. L’évolution du paysage stratégique international, et particulièrement les errements récents de la politique américaine, ont montré leur pertinence au moment où le soutien des États-Unis à l’Alliance atlantique devient incertain.

Le cœur de la question est celui de la stratégie, que l’on appelait naguère des moyens, donc celui des choix à faire, et des voies à suivre, pour atteindre ces objectifs généraux dans le difficile contexte économique et budgétaire actuel. C’est la partie de la RNS 2025 qui semble la plus incertaine alors qu’elle multiplie fonctions et objectifs stratégiques, en ajoutant une dixième fonction stratégique, l’influence, à celle de 2022.

Que faire ?

Préalables

Il est une donnée fondamentale pour redresser la Défense dans l’environnement actuel, non mentionnée dans la RNS 2025 : son rétablissement à la place qu’elle n’aurait jamais dû céder,[08] la première parmi les fonctions régaliennes de l’État, en tant qu’elle est la garantie ultime de l’existence et de la survie de la nation.

Cette reconnaissance implique de nombreuses conséquences dont celle de recevoir les prio-rités budgétaires nécessaires à son finance-ment et celle de reconsidérer la place des militaires dans la société. Il est nécessaire qu’ils obtiennent la considération qu’ils méritent de la part de leurs concitoyens et que ceux-ci soient attirés par le service de la nation dans le statut qu’il implique ; la première problémati-que étant celle du recrutement des pro-fessionnels et de l’engagement dans la réserve opérationnelle. Ces deux paramètres manifes-tent l’adhésion des citoyens à l’effort de Défense, condition préalable sans laquelle rien n’est possible.

RNS 2025

RNS 2025

Cependant, même si la priorité des dépenses de Défense sur les dépenses sociales peut être obtenue.[09] il demeure que la force d’une nation et sa puissance militaire reposent d’abord sur sa prospérité économique et financière.[10] La désindustrialisation du pays, le mauvais état des finances publiques ne peuvent être qu’inquiétants, à de nombreux égards mais également à celui du relèvement de la Défense. Il ne saurait donc être question d’opposer les domaines des finances et du militaire comme cela était fait systématiquement jusqu’il n’y a peu, mais au contraire de renforcer l’un pour soutenir l’autre. Cela nécessitera des sacrifices dans le domaine social qui ne pourront être acceptés que si la condition première citée précédemment est satisfaite.

C’est bien une grande stratégie nationale aux multiples dimensions qui est nécessaire pour garantir la Défense de la nation. La sécurité intérieure en fait partie comme un élément de la cohésion et de la résilience nationales face à toutes les agressions dont l’origine peut être extérieure au pays mais dont les modes d’action peuvent venir des fractures et vulnérabilités internes à la nation.

La défense de l’Europe

Au-delà de la remise en ordre du pays, la défense européenne constitue une autre dimension de la Défense nationale, aujourd’hui directement associée à la menace russe qui s’exerce militairement sur les frontières orientales de l’Union, en mer et sous les mers, dans l’espace, mais aussi de multiples façons plus insidieuses à l’intérieur de nos sociétés jusqu’en France. Elles sont désignées commodément comme « hybrides ».

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Canon Caesar 8×8 Nexter — Archives © Eric H. Bias (2015)

La France possède une position particulière parmi les pays de l’Union par le fait qu’elle est la seule à posséder l’arme nucléaire ainsi que plusieurs domaines d’excellence dans les industries et techniques de défense : construction navale, armement et propulsion nucléaires, aéronautique, spatial, techniques sous-marines, missiles notamment balistiques.

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Guepard 160-M : Le programme HIL (Hélicoptère Interarmées Léger) vise à doter les trois armées d’une flotte unique d’hélicoptères en remplacement des 5 différentes plateformes en service depuis les années 70 pour les plus ancien-nes (Fennec, Gazelle, Panther, Alouette III et Dauphin) — Photo © Airbus

Elle ne couvre cependant pas tous les domaines des armements nécessaires aux forces conventionnelles. Ses capacités actuelles sont faibles en nombre et ne pourraient faire face à un engagement dans la durée. Elle ne se trouve pas non plus, géographiquement, en première ligne face à la menace militaire russe.

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Futur blindé d’aide à l’engagement, le Sacarabée équipé d’un tourelleau Hornet pour la lutte antidrone et d’un viseur d’étoile diurne pour les environnements sans GPS. Un véritable concentré de technologies furtives et robotiques — Photo Arquus

 Il faut prendre acte du fait que la majorité des partenaires européens sont équipés majoritairement, et continuent de le faire, avec de l’armement américain. Cela constitue un lien de dépendance redoutable dont l’affranchissement ne se décrètera pas aisément. C’est en même temps un enjeu considérable pour l’industrie américaine qu’elle ne pourrait et ne voudrait pas abandonner. C’est donc un élément central dans la stratégie transactionnelle qu’adopte la nouvelle administration américaine. Elle ne pourra pas le négliger. La France ne peut donc que continuer à plaider auprès de ses partenaires et de la commission européenne pour le développement et le soutien d’une base industrielle et une préférence européennes pour les achats de matériel militaire. Cette action ne pourra produire ses pleins effets qu’à moyen et long terme. A court terme, la domination américaine restera prépondérante. Elle constitue cependant une sorte de corde de rappel face aux velléités de retrait des États-Unis du théâtre européen.

Cela n’interdira cependant pas de tenter de rapprocher les besoins opérationnels des armées européennes pour en coordonner la planification, de développer des coopérations industrielles malgré les difficultés que l’on connaît.

Dans ces conditions, il ne peut être question pour la France que de soutenir les pays de l’est européen avec des forces conventionnelles renforcées et adaptées aux nouveaux défis de la guerre, tels que la guerre d’Ukraine nous les montre, drones, guerre électronique, rôle du numérique, de l’espace, du renseignement et de l’internet. L’objectif d’une division française projetable, avancé par le chef d’état-major de l’armée de terre paraît réaliste, mais faible en puissance, face à la réalité du défi.

L’Otan

Il demeure que la défense de l’Europe est assurée par l’Otan sous contrôle américain. C’est la position indiscutée de nos partenaires. Il paraît impossible pour la France de ne pas en tenir compte, surtout après le dernier sommet de La Haye fin juin qui n’a donné aucun signe d’une volonté d’affranchissement de la tutelle américaine.  Néanmoins, une concertation informelle des principaux pays européens, incluant le Royaume Uni, est absolument nécessaire pour tenter de faire émerger le fameux « caucus » européen à l’intérieur de l’Otan, éternellement rejeté par les Anglo-saxons. Il est sans doute aujourd’hui possible, si l’Angleterre accepte enfin d’assouplir son lien américain.

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Sommet de l’OTAN les 24 et 25 juin à La Haye (Pays-Bas) — Photo © Bundesregierung/Marvin Ibo Güngör

C’est à la planification de l’Otan de définir l’ensemble de la défense opérationnelle de l’Europe face à la Russie. Mais il paraît évident que les principaux pays européens doivent s’impliquer plus directement dans ce travail et qu’ils doivent revendiquer d’en prendre la direction. Le commandement des forces de l’Otan en Europe doit échoir à un officier général européen dès lors que les forces américaines seront suffisamment réduites.

La dissuasion nucléaire française

La question de la dissuasion nucléaire a été récemment mise en avant par le président de la République. Aucun élément réellement nouveau n’est apparu, au-delà des commentaires inappropriés et polémiques. L’Otan reconnait le rôle et la contribution des dissuasions française et britannique à la dissuasion globale de l’Alliance depuis le début des années 90 et les différents présidents de la République, depuis le président Pompidou, se sont exprimés dans le même sens en indiquant que la dissuasion française prenait en compte naturellement la situation stratégique des voisins européens.

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L’AA&E tient la posture de dissuasion sans interruption depuis le 8 octobre 1964 — Photo © French AA&E

Des commentateurs émettent l’idée qu’une manœuvre stratégique dissuasive pourrait être élaborée,[11] manifestant notre détermination face à l’agressivité russe. Il semble évident qu’une telle manœuvre poserait de nombreux problèmes dès lors qu’il s’agirait de déployer des moyens aériens français doté d’armes nucléaires au-delà du territoire national, le premier étant l’acceptation par le pays hôte.

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La France dispose de 3 sous-marins nucléaires d’attaque de type Rubis basés à Toulon — Photo © Marine Nationale

La possession de l’armement nucléaire permet à la France à la fois d’afficher son rôle dans la défense de l’Europe mais, en même temps, de se positionner et de justifier à l’égard de ses partenaires un certain recul par rapport aux enjeux directs liés aux forces conventionnelles et à leur engagement terrestre.

L’Ukraine

Face à l’enjeu immédiat, et très important pour l’Europe, du soutien à l’Ukraine, il paraît nécessaire de mobiliser comme cela a été indiqué précédemment tous les pays volontaires au-delà de la seule Europe.[12] Malheureusement, cette initiative qui avait commencé à trouver un début de réalisation semble avoir tourné court puisqu’elle se limitait à la perspective d’un soutien à l’Ukraine après un cessez-le -feu qui n’est pas intervenu. La clé du dénouement semble une nouvelle fois dans les mains de Donald Trump qui autorise la reprise des livraisons d’armes défensives à l’Ukraine tout en donnant un nouvel intervalle de temps au président russe pour poursuivre ses attaques.

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Permis de tuer pour 50 jours : Les USA privent l’Ukraine de défenses antiaériennes — Dessin © Patrick Chappatte

La France devrait relancer une nouvelle initiative diplomatique des pays volontaires pour soutenir l’Ukraine dans cette période de cinquante jours, mais il semble bien qu’il soit impossible de fournir de nouveaux moyens militaires, autres ceux qui pourraient venir d’Allemagne, si le chancelier allemand autorisait effectivement la mise en œuvre de missiles Taurus ainsi qu’il l’a déclaré.

Après un arrêt des combats, la question de la stabilisation de la situation et de la sécurisation de l’Ukraine reste pendante. La reprise des initiatives françaises s’impose dans la voie qui avait été ouverte précédemment. C’est une question qui est éminemment diplomatique avant d’être militaire.

Modèle d’armée

Il est tentant, certains commentateurs y cèdent rapidement, de décréter que la priorité pour les forces conventionnelles françaises est désormais le théâtre européen, le modèle de projection de forces étant dépassé. Notre retrait d’Afrique dans des conditions peu flatteuses, pour regrettable qu’il soit, ne doit pas laisser le champ totalement libre à la Russie, à la Turquie ou à la Chine. La situation internationale peut connaître des retournements. Nos intérêts économiques et stratégiques en Afrique n’ont pas disparu. Il est donc nécessaire de trouver les formes d’une stratégie d’« influence » à renouveler que l’existence de forces d’intervention projetables crédibilisera.

SNLE - Photo Marine Nationale
Les sous-marins nucléaires lanceur d’engin (SNLE) de type Le Triomphant, basés à l’Île Longue, constituent la compo-sante océanique de la dissuasion française . Ils sont au nombre de quatre : Le Triomphant, Le Téméraire, Le Vigilant et Le Terrible — Photo © Marine Nationale

Les missions de la Marine n’ont aucune raison d’être modifiées. Elle est garante de la dissuasion nucléaire assurée par les SNLE dont le programme de renouvellement est lancé. Elle est également garante de la capacité de projection de puissance contre la terre à partir de la mer aussi bien sur le théâtre européen que sur tout théâtre de crise mondial dans lequel les intérêts nationaux ou européens seraient en jeu, spécialement en Afrique ou dans l’océan Indien. La Marine nationale assure également les missions de souveraineté et de sauvegarde dans les approches du territoire et les zones économiques maritimes sous dépendances françaises, les fonds marins. Les moyens sont insuffisants. Ils commencent seulement à être modernisés mais doivent impérativement être renforcés.

Conclusion

Si la plupart des considérations précédentes peuvent être retrouvées dans le document RNS 2025, elles n’y apparaissent pas avec toute la clarté et avec le caractère concret qu’elles mériteraient, sans doute de crainte d’effaroucher le lecteur. Elles se retrouvent dans un style administratif faussement guerrier qui ne craint pas d’abuser de néologismes, comme celui d’hybridité sans que le concept n’ait été bien défini, ou d’adjectifs qualificatifs comme le mot « robuste » dont la traduction concrète serait bien difficile à propos de la capacité concernée. La multiplicité des objectifs contribue certainement à diluer le propos qui se veut pourtant mobilisateur face à une opinion circonspecte ou sceptique. Au-delà des objectifs définis, la réalité concrète de leur atteinte reste encore bien floue.

Une stratégie n’est pas seulement un catalogue de buts à atteindre mais tout autant le chemin proposé pour y parvenir. Tout reste à faire dans ce domaine.

C’était le cas en 2022. Il s’agissait bien en 2025 d’une mise à jour dans le but est de justifier l’augmentation du budget militaire./.

Christian Girard

[*] Organisés par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, (SGDSN), service du Premier ministre, les travaux ont largement associé l’ensemble des ministères, les associations d’élus et le monde de la recherche.

[01] L’auteur se souvient de l’arrogance et du mépris manifestés à l’égard de ses hôtes par l’amiral commandant l’institut Frounze, reçu à l’École supérieure de guerre navale, en 1993 lors de son séjour à Paris.

[02] Les différents trafics internationaux, notamment celui de la drogue, ou de la pêche illicite

[03] Opérations extérieures

[04] Cf « Défense et sécurité, du reversement de la hiérarchie des concepts à la stratégie de sécurité nationale » in « Cailloux stratégiques » Ed de la petite Syrte 2022

[05] Cf Sylvie Kauffmann « Les aveuglés » Ed Stock, Elsa Vidal « La fascination russe » Ed Arion

[06] In « Cailloux stratégiques » Ed de la petite Syrte 2022

[07] Trump, élu pour son premier mandat

[08] Cf note 4 supra

[09] Ces dernières représentent 39% du Pib, alors que la Défense ne consomme que 2% et tend vers 3%.

[10] « Naissance et déclin des grandes puissances » Paul Kennedy Ed Payot

[11] La Vigie-TXT 25-07 Une manœuvré stratégique française début avril 2025.

[12] https://european-security.com/guerre-dukraine-le-temps-de-la-diplomatie/

Voir également:

[**] Le vice-amiral (2s) Christian Girard : Breveté de l’École supérieure de guerre navale, dont il a été professeur, a également été conseiller militaire à la direction des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement du ministère des Affaires étrangères. Spécialiste des opérations maritimes, il a été responsable de l’entraînement des navires de surface auprès de l’amiral commandant la force d’action navale, dont il a été également ultérieurement l’adjoint pour la direction générale, fonction qu’il a créée. Ses dernières fonctions dans la Marine ont été celles de sous-chef d’état-major opérations et logistique de l’État-major de la Marine. A ce titre, il a été le premier ALOPS, amiral chargé des opérations de la Marine.

L’amiral Christian Girard est l’auteur de quatre livres : « L’île France – Guerre, marine et sécurité » publié en 2007 aux Éditions L’Esprit du livre dans la Collection Stratégie & Défense. En 2020, « Enfance et Tunisie » (non-commercialisé). En 2022, « Ailleurs, récits et anecdotes maritimes de la fin du XXe siècle », enfin, « Cailloux stratégiques ». Pour se procurer « Ailleurs, récits et anecdotes maritimes de la fin du XXe siècle » et « Cailloux stratégiques » commander sur Amazon.

Analyses du vice-amiral (2s) Christian Girard: